On
a longtemps cru posséder deux vies de Saint Léger,
contemporaines du saint.
La première contenant la vie et le
martyre a pour auteur un anonyme, moine de Saint Symphorien d'Autun,
écrivant par ordre de l'évêque Hermenaire,
premier successeur de Léger sur le siège d'Autun,
d'abord pendant l'exil du saint et ensuite de façon plus
régulière, après le martyre de Léger. La
deuxième vie a pour auteur un nomme URSIN qui écrivit
pour déférer à la demande d'ANSOALD,
évêque de Poitiers et d'AUDULFE, abbé de Saint
Maixent.
Les deux écrits rapportent les faits
dans le même ordre, ils offrent certaines parties communes et,
sur différents points, des discordances notables. Reste
à savoir lequel des deux biographes a le plus droit à
la confiance.
Chose surprenante, les historiens et les
critiques tombent d'accord pour sacrifier Ursin. Cette
mésaventure est du nombre de celles qu'un auteur du
passé ne doit pas prendre au tragique. Chassé et
vilipendé par les uns, il est rappelé et
vilipendé par les autres, ce fut le cas d'Ursin. Il
était visible que les parties communes aux deux compositions
s'encadraient à merveille dans celle d'Ursin, tandis que, tout
au moins dans le style, elles se présentaient dans celle de
l'anonyme comme des pièces de rapport et, même, assez
maladroitement rajustées. A ce coup, Ursin rentrait en
grâce, retrouvait la faveur, redevenait la source et le
véritable biographe de Saint Léger. Dès lors,
l'anonyme tombait au rang de simple commentateur et Ursin devenait la
source principale pour toutes les parties communes aux deux vies.
Pour trancher la difficulté, à défaut d'un
texte, il fallait recourir à l'hypothèse d'une source
commune à laquelle Ursin et l'anonyme eussent puisé
chacun de son côté.
Le jésuite de Bye, bollandiste, dans
la seconde moitié du XVIIIe siècle, émit une
hypothèse et l'appuya de cette considération que
l'anonyme dit s'être servi, pour la translation du corps de
saint Léger d'Arras à Poitiers, du récit
d'Audulfe, abbé de Saint-Maixent, qui présida à
cette translation. L'explication ne satisfait pas, et on continua
à admettre la parenté des deux sources. On ne
s'expliquait pas comment les auteurs contemporains de
l'événement s'étaient trouvés dans le cas
de recourir à un secours de ce genre, on s'étonnait
qu'ils n'en eussent rien dit dans leurs prologues où ils se
réclamaient uniquement de témoignages oraux dignes de
foi.
Mabillon avait eu sous les yeux et
feuilleté le manuscrit qui contenait la solution de ce petit
problème critique ; c'était un manuscrit de l'abbaye de
Moissac, du Xe siècle, entré depuis à la
Bibliothèque nationale, M. Br. Krusch y a trouvé un
texte qui résout la question des sources de l'histoire de
saint Léger, texte peu différent de celui de la Vie
anonyme, mais contenant, pour les passages communs à cette Vie
et à celle d'Ursin, des récits plus concis et qui se
trouvent en parfaite harmonie de ton et de style avec le reste de la
Vie anonyme. L'étude de ce récit a conduit aux
conclusions suivantes :
A la demande de l'évêque
Hermenaire, un moine de l'abbaye de Saint-Symphorien d'Autun
entreprit d'écrire la Vie de saint Léger, quelques
années seulement après la mort du saint. L'occasion
était toute trouvée d'y introduire une apologie du
successeur de Léger, laquelle pouvait n'être pas
superflue. Tous les détails de cette Vie, et le style
même, manifestent un auteur contemporain, véridique
suffisamment - sauf en ce qui regarde Hermenaire - et bornant son
information aux amis de son héros. Cette Vie anonyme est
aujourd'hui désignée comme document A.
Dans une période variant entre un
demi-siècle et un siècle après, la Vie anonyme
tomba aux mains d'un écrivain qui dit s'appeler Ursin, moine
de l'abbaye de Saint-Maixent au diocèse de Poitiers.
Celui-ci retoucha le récit, lui donna
un tour littéraire dont l'idée seule et
l'exécution moins encore ne pouvaient venir à
l'époque mérovingienne. Ces améliorations sont
obtenues aux dépens de l'exactitude, et c'est la
vérité qui fit les frais du beau langage. Ursin a plus
fait qu'embellir : il a ajouté, par exemple, quand il fait de
Saint Léger un maire du palais de Neustrie sous
Childéric III, de 673 à 675, ou bien encore quand il
lui confia le titre d'abbé de Saint-Maixent avant
l'épiscopat d'Autun. C'est ici le document B.
Un troisième biographe ne visa
à rien de plus que de réunir dans un récit
unique les faits particuliers survenus dans la Vie anonyme et dans
l'uvre d'Ursin ; il y réussit sans trop de peine,
probablement, car il se contenta de transcrire à peu
près littéralement les extraits de ses deux
modèles, sans rien ajouter du tout. C'est le document
C.
Ces trois pièces ont
été rédigées : A, dix ans à peine
après la mort de Léger ; B, dans la seconde
moitié du VIIe siècle ; C, à la fin du VIIIe
siècle ou au commencement du IXe. En outre, A est la source
principale de B et ces deux textes ont permis la composition de C, il
ne s'ensuit pas que B et C aient perdu toute valeur.
D'abord, le document A est malheureusement
incomplet dans le seul exemplaire manuscrit que nous en ayons
jusqu'ici. Il commence au récit du siège d'Autun en
674, et s'arrête dans celui du meurtre d'Ebroïn, qui
paraît avoir suivi de trois ans la mort de Saint Léger,
c'est à dire qu'il ne comprend guère que l'histoire du
martyre du saint.
Parmi les divergences relevées entre
A et B, quelques-unes ne consistent qu'en des traits ajoutés
dans B et se rapportant particulièrement aux premières
années du saint et aux incidents de son séjour à
Poitiers ; l'écrivain poitevin se trouvant mieux en mesure
d'être renseigné à cet égard, sa
véracité ne peut, évidemment, être
révoquée en doute, ici à cause du silence de A.
D'autres divergences vont jusqu'à la contradiction entre les
deux récits, et en pareil cas on constate une
altération manifeste de A par B, soit d'une manière
inconsciente, parce qu'il a mal compris le texte qui lui servait de
guide, soit avec intention, afin de présenter les faits sous
des couleurs plus favorables à son
héros.
Les deux auteurs ne s'entendent pas sur
l'origine de la première disgrâce de Saint Léger.
D'après A, le roi Childéric étant venu à
Autun pour la fête de Pâques, un sycophante le persuada
que l'évêque conspirait avec le patrice Hector de
Marseille pour se défaire de lui. Suivant B, c'est au
contraire Léger qui est secrètement prévenu que
le roi en veut à sa vie. Il semble bien qu'en cela Ursin a
voulu écarter du saint jusqu'à l'ombre d'un
soupçon défavorable, mais est-il bien sûr qu'il
ne l'ait pas fait de bonne foi, en se rapportant à la version
des partisans et admirateurs de l'évêque d'Autun
?
Une divergence plus remarquable se trouve
dans les récits de ce qui se passa au concile convoqué
par Thierry III dans une des ses résidences royales pour juger
Saint Léger, deux ans après la seconde
déposition de celui-ci. Au témoignage de A,
l'évêque y fut accusé du meurtre de
Childéric II et dégradé publiquement avec les
cérémonies humiliantes usitées en pareil cas.
Ursin raconte les choses tout autrement. A l'en croire, ce sont les
adversaires de Léger qui furent l'objet des
sévérités du concile. Léger y fut
amené sans doute ; mais il ne comparait pas même devant
les évêques réunis : tout se borne pour lui
à un entretien particulier avec le roi et avec Ebroïn.
Assurément, le récit de B fourmille d'invraisemblances,
d'incohérences et d'incertitudes ; mais, encore une fois, tout
cela ne s'explique pas facilement chez un écrivain qui n'a pas
été mêlé aux évènements et
qui rédige sa narration loin du théâtre où
ils se sont passés, d'après des témoignages
intéressés à lui cacher la vérité
et pour des lecteurs prévenus dans le même
sens.
Enfin, nous voyons B rapporter gravement que
lorsque Childéric II, déjà roi d'Austrasie, fut
proclamé roi de Neustrie, Saint Léger, en grande faveur
auprès de lui, fut élevé à la
dignité de maire du palais et qu'il garda cette dignité
pendant près de trois ans. Or ni le texte A ni aucun autre
document contemporain ne dit mot d'un fait si considérable ;
de plus, l'auteur de B aurait dû savoir que les fonctions de
maire du palais étaient incompatibles avec celles de
l'épiscopat, que Childéric II amena avec lui en
Neustrie le maire du palais d'Austrasie Vulfoald, et que celui-ci ne
retourna en Austrasie qu'après la mort violente de son
maître. Ursin aurait dû savoir tout cela ; tout Franc
à l'époque mérovingienne le savait.
Peut-être ? Un Franc mêlé aux affaires, c'est
probable ; mais un moine claquemuré dans un monastère
où il passait son temps à écrire des livres,
est-ce une chose aussi sûre ?
Ce moine ne s'employait pas seulement
à écrire des livres. Il s'appliquait à les
écrire en un style élégant, à construire
des phrases qui pussent être comprises sans cesser d'être
correctes ; il préférait des termes classiques ou
réputés tels au pur jargon mérovingien dont
faisait usage le moine de Saint Symphorien. Tout en se servant de ce
dernier, il risquait d'améliorer certaines expressions et de
remplacer certains mots. Mais est-ce vraiment chose impossible qu'au
milieu de la corruption de langage régnant au VIIe
siècle et pendant la première moitié du suivant,
il se soit trouvé par-ci, par-là, dans certaines
écoles épiscopales ou monastiques, quelques restes de
traditions littéraires plus pures, et des écrivains
encore capables de manier la langue latine avec assez d'aisance pour
tenir à l'écart les termes barbares qui avaient envahi
le langage courant ? Ursin n'est peut-être pas l'imposteur
qu'on a imaginé. Qu'on se défie de la valeur de son
témoignage lorsqu'il n'est pas d'accord avec celui d'autres
documents respectables, à la bonne heure ; mais il ne faut
pourtant pas rejeter absolument son autorité, là
surtout où il s'agit de choses qu'il était en situation
de bien savoir.
Lui seul nous dit que saint Léger fut
avant son épiscopat, pendant six ans ou plus, abbé de
Saint-Maixent et qu'il fut appelé de là à la
cour par la reine régente Berthilde. Ces détails ne se
lisent pas dans C, et ne doivent donc pas se trouver dans A ; mais un
moine de Saint-Maixent était particulièrement bien
placé pour les connaître et surtout s'il était
contemporain, il n'y a pas lieu de récuser son
témoignage.
Le manuscrit 189 de la bibliothèque
de la ville de Clermont-Ferrand est, paraît-il, un objet de
pèlerinage (ou d'excursion) pour les "romanistes". Il
contient, entre autres pièces, un poème en langue
romane qui n'est qu'une interprétation d'après Ursin de
la vie de Saint Léger. Cette partie du manuscrit appartient au
commencement du XIe siècle.
Le manuscrit a fait l'objet d'une minutieuse
description de Aimé Champollion-Figeac, dans le tome IV des
Mélanges de la collection des Documents Historiques, en 1848 ;
l'édition a paru, comme tirage à part avec la date de
1849. D'après l'édition de Champollion, le Saint
Léger fut réédité par Diez en 1852
à Bonn. La même année, Edélestan du
Méril, dans l'appendice de son Essai philosophique sur la
formation de la langue française, réimprimait les
dix-huit premières strophes du poème ; grâce
à la complaisance du bibliothécaire de Clermont,
Desbouis, il avait pu donner un texte très différent de
celui de Champollion-Figeac et très amélioré. En
1855, Conrad donna dans les Sitzungsberichte de l'Académie de
Munich des corrections en général très bonnes et
confirmées en plus d'un cas par le manuscrit.
En 1866, Bartsch donna dans sa Chrestomathie
les vingt-cinq premières strophes du poème. En 1872, G.
Paris publia dans Romania, t.1, p. 273-317, l'édition du
poème entier précédé d'une introduction
philologique. Le poème a été publié
encore par P. Meyer.
Champollion-Figeac regardait le manuscrit
comme ayant été écrit et l'un des poèmes
au moins qui s'y trouvent comme ayant été
sûrement composé en Auvergne ; selon lui la Vie de Saint
Léger "ne
conserve point de trait caractéristique du dialecte
arvernien" ; cette légende en
vers peut donc avoir été composée dans le
Limousin, le Poitou ; le culte de saint Léger y fut
très répandu. Diez juge que "le
dialecte incline évidemment vers la forme
française
Champollion, dit-il, suppose que cette
légende a été composée en Limousin ou en
Poitou, mais il ne tire pour appuyer cette conjecture aucun argument
de la langue". Du Méril dit
que le Saint Léger a été imprimé
"comme un texte
roman-provençal, par suite, sans doute, de ces
préoccupations patriotiques qui ont joué un si grand
rôle dans les travaux sur les origines de la
langue." Car la forme
générale de la pièce est évidemment
normande, et elle est datée dans les termes les plus positifs
de l'abbaye de Fécamp.
Que la forme de la pièce soit
"évidemment" normande, c'est ce que du Méril a
été seul au monde à apercevoir ; quant à
la date positive, elle n'y est pas ; ciel est un simple
démonstratif employé au sens de l'article, comme il
arrive si souvent dans l'ancienne poésie française. On
aurait aussi bien le droit de dire que le poème est
daté d'Autun.
Pour Paul Meyer, tout ce qui dans la Vie de
Saint Léger "a
l'apparence provençale est bien certainement le fait du
copiste" ; c'est également la
pensée de Gaston Paris, tandis que A. Boucherie tient
fidèlement au dialecte poitevin.
La Vie de Saint Léger est
écrite en assonances, à la fois très libres
(quant aux consonnes qui suivent la voyelle accentuée) et
très rigoureuse (quant à cette voyelle
elle-même), comme toutes celles de notre poésie la plus
ancienne. Elle nous offre le plus ancien exemple du vers
octosyllabique français.
[ la Vie de Saint
Léger, par un auteur anonyme - 2e moitié du 10e s.
]
La pièce est écrite en
strophes de six vers rimant deux par deux ; les strophes,
malgré la simplicité de leur structure, ont une
véritable unité de forme et de sens, qui les
détachent naturellement l'une de l'autre. La strophe de trois
paires de vers plats se trouve, quoique rarement, dans la
poésie antérieure à notre poème ou
contemporaine. En se développant en français, ce vers
s'est modifié conformément aux lois et aux harmonies de
la langue elle-même. Au XIIe siècle, dans Wace et ses
successeurs, il a déjà la forme qu'il a toujours
gardée depuis, c'est à dire qu'il est à
volonté masculin ou féminin, qu'il n'a pas
d'hémistiche, et qu'il n'a de constamment accentuée que
la huitième syllabe. Mais divers monuments, dont la Vie de
saint Léger est le plus ancien, nous le montrent en pleine
transition entre la rigoureuse construction latine et la libre forme
moderne.
L'assonance, qui dans notre poème
remplace la rime, est une première déviation du latin :
elle s'est produite de fort bonne heure, car nous la voyons
déjà employée dans la correspondance aigre-douce
échangée par deux évêques : Frodebert et
Importunus, laquelle, sous une forme bien altérée, nous
offre à coup sûr la plus ancienne poésie vulgaire
qui soit arrivée jusqu'à nous. Cette assonance est,
plus tard, revenue à la rime pure. Dans
la Vie de Saint Léger, les assonances sont toutes masculines.
Champollion-Figeac raconte que l'auteur de
la Vie de Saint Léger a suivi presque pas à pas un
poème latin contenant la vie et les miracles du saint,
remontant au IXe siècle, conservé dans un manuscrit de
Saint-Gall. Champollion n'a tiré aucun secours de ce texte,
qui ne pouvait lui en fournir. Dans ce même poème latin,
du Méril a découvert de son côté la
confirmation d'une trouvaille faite dans Saint Léger. Il y
lisait que le poème avait été composé
à l'abbaye de Fécamp.
Diez avance que l'auteur roman a
sûrement connu la Vie du moine de Saint Symphorien, celle
d'Ursin de Ligugé et le poème publié en 1846 par
dom Pitra. En outre, l'auteur a eu recours à la tradition. Ce
jugement est peu vraisemblable, voici pourquoi : en 681, on
transporta à Saint Maixent le corps de St Léger, qui en
avait été abbé ; à cette date,
Ebroïn venait de mourir et les honneurs rendus à sa
victime pouvaient satisfaire la piété sans compromettre
la sécurité de ceux qui se livraient à cette
manifestation. Audulf, abbé de Saint Maixent, écrivit
le récit de cette translation, et en même temps celui de
la passion du saint. Nous n'avons plus le récit
lui-même, mais il nous est conservé avec d'assez
légères modifications dans les deux Vies de Saint
Léger, cette du moine de Saint Symphorien et celle du prieur
de Ligugé. Arrivés au récit du long martyre de
l'évêque d'Autun, les deux écrivains sont
tributaires de la narration d'Audulf.
L'ouvrage du moine de Saint Symphorien n'a
pas eu le succès de celui d'Ursin, qui a servi de base aux
deux biographies qui restent à mentionner. L'une est celle que
Fruland, moine de Murbach en Alsace, écrivit au XIe
siècle. Elle n'a aucune espèce de valeur,
n'étant qu'une amplification, souvent infidèle, du
texte d'Ursin.
Si maintenant nous comparons notre
poème français à ces divers textes latins, nous
arrivons à conclure que l'auteur a eu aussi sous les yeux la
biographie d'Ursin, et qu'il n'a connu ni celle du moine de Saint
Symphorien, ni la vie en vers. Il a suivi sa source avec
fidélité, si ce n'est qu'il l'a très fortement
abrégée, qu'il y a fait quelques additions, et qu'en
deux ou trois passages il ne l'a pas comprise.
La strophe 3, où commence la
coïncidence du poème avec Ursin, est de nature à
montrer le rapport des deux textes. Champollion a déjà
relevé l'erreur contenue dans le dernier vers cité : le
roi auquel Léger fut présenté enfant est
Clotaire II, et non Clotaire III, fils de Baldechild.
(
)
(
) Les souvenirs laissés par
Saint Léger furent surtout vivaces en Poitou et en Bourgogne ;
la translation à Saint Maixent en 681 et l'épiscopat
d'Autun furent les deux points autour desquels se développa le
culte du saint. Le poème roman a certainement
été composé vers le milieu du Xe siècle,
dans une ville où on célébrait la fête de
Saint Léger, et probablement à Autun plutôt
qu'à Poitiers. D'une part, il n'y a pas trace de dialecte
poitevin dans le poème, il y a même des formes qui
paraissent toutes bourguignonnes et en tout cas
étrangères à tous les dialectes occidentaux du
français ; d'autre part, il n'est pas dit un mot des reliques
du saint, et cette omission serait peu naturelle en Poitou, où
on possédait son corps. Au contraire, à Autun on
n'avait pas de reliques : celles que l'on montrait au XVIIe
siècle étaient évidemment sans aucune
authenticité.
Les Bollandistes pensent que c'est à
Autun qu'on a le plus anciennement célébré la
fête de Saint Léger, et c'est là aussi, suivant
les plus grandes probabilités, qu'un clerc a dû
composer, sous les derniers Carolingiens, son récit strophique
en roman, destiné à être chanté au peuple.
Cette destination est évidente par les notes de musique qui
accompagnent les premiers vers du manuscrit : toutes les strophes se
chantaient sur le même air, ce qui n'est sans doute pas
étranger au soin qu'a pris le poète de n'employer que
des assonances masculines : les vers féminins qui se trouvent
irrégulièrement mêlés aux masculins dans
la passion du christ, par exemple, devaient embarrasser les
chanteurs.
La plus ancienne orthographe et celle
même qu'adoptait celui qui portait ce nom, celle aussi du
manuscrit contenant le récit contemporain des dernières
épreuves du saint, est LEUDEGARIUS dont on fit par la suite
LEODEGARIUS. Celui qui illustra ce nom est communément
désigné aujourd'hui sous celui de Saint Léger.
Le P. Cahier le donne pour patron aux boulangers et aux meuniers de
la Brie ; il semble cependant que ce soit une clientèle
très différente qui doive invoquer le
célèbre évêque d'Autun, que sa
carrière et ses épreuves désignent pour
être le recours et l'exemple de la pétulante
confrérie des ecclésiastiques qui versent dans le
politique. Il en fut une intrépide et touchante victime. On a
pu discuter le rôle qu'il y a joué et dire de lui qu'il
eût connu une vie plus heureuse s'il l'avait consacrée
exclusivement aux soins de son église ; nous n'avons pas
à le critiquer mais seulement à résumer sa
vie.
Saint Léger était né
vers l'année 616 de race noble. On ne sait rien touchant son
père. Sa mère avait nom Sigrade, bien apparentée
puisqu'elle eut pour sur Béreswinde, mariée
à Athabric, duc d'Alsace, et pour frère Didon,
évêque de Poitiers. Ce fut Didon qui veilla sur la
formation intellectuelle de son neveu en le confiant à un
prêtre chargé de son éducation. On croit
volontiers que la jeunesse et l'adolescence d'un caractère
trempé comme l'était celui de Saint Léger n'ont
rien eu de la mollesse et de la dissipation qui sont l'écueil
d'un grand nombre. Didon ordonna son neveu et lui confia la charge
d'archidiacre, ce qui lui conférait une part dans
l'administration du diocèse, à laquelle il se trouvait
préparé par l'étude du droit
civil.
La chronologie de cette période peut
s'établir ainsi. L'évêque Didon de Poitiers
succédait à Jean qui avait siégé au
concile de Reims en 625. Or le roi Clotaire II, qui mourut en 629,
confia Léger, que ses parents faisaient élever au
Palais, à l'évêque Didon. C'est donc probablement
en 627 ou 628 que l'enfant, âgé d'une dizaine
d'années, vint à Poitiers. Il y reçut le
diaconat à l'âge de 20 ans, peu de temps après le
titre et la charge d'archidiacre.
Le biographe Ursin prodigue les descriptions
et les particularités. Nous avons dit que cet auteur est loin
de mériter une complète créance ; toutefois il
est possible qu'il soit véridique quand il assure que
l'archidiacre de Poitiers devint abbé au monastère de
Saint Maixent vers 653. L'abbatiat de Saint Léger aurait eu
une durée de six années environ, ce qui nous achemine
vers l'année 659 ou 660.
Le reine Bathilde, régente du royaume
d'Austrasie pendant la minorité de son fils Clotaire III,
entendit faire l'éloge des qualités de l'archidiacre de
Poitiers ou de l'abbé de Saint Maixent, et l'appela à
faire partie du conseil de régence, où il se rencontra
avec Ouen évêque de Rouen et Chrodobert,
évêque de Paris. On ne peut faire la part personnelle de
Saint Léger dans les mesures de gouvernement auxquelles il
prit part pendant plusieurs années, jusqu'en 663, date
à laquelle il fut élevé sur le siège
épiscopal d'Autun. Il succédait à Ragnobert,
dont le nom se lit encore en 660 sur deux privilèges
concédés à Sainte Colombe et à Saint
Pierre de Sens.
Mais depuis lors et pendant deux
années environ, l'église d'Autun voyait deux
compétiteurs aux prises et ne reculant pas devant les pires
violences, à ce point qu'un des deux fut tué et l'autre
pris la fuite ou fut exilé. C'était à cette
succession difficile que la reine Bathilde appelait Saint
Léger.
L'évêque s'affirma dès
son arrivée comme un chef énergique et volontaire. Les
fauteurs de troubles, ceux qui à la faveur d'une situation
violente espéraient continuer à s'enrichir furent
terrifiés. Tous comprirent qu'ils avaient un maître, et
ceux que la prédication n'aurait pu persuader se rendirent
à la peur et à la force. Le droit mettait aux mains de
l'évêque des armes dont Léger était
disposé à se servir : le silence et la soumission ou
bien l'exil. En même temps, les pauvres étaient l'objet
de tous ses soins et leur reconnaissance affermissait son
autorité.
Dans sa cité épiscopale, jadis
éclatante comme Trèves et comme Arles, Léger ne
voyait guère que des ruines à relever, des
réparations urgentes à entreprendre. Le moine de Saint
Symphorien était du nombre de ceux qui avaient vu et
loué les travaux entrepris par l'évêque : la
basilique Saint Nazaire avait reçu un nouvel atrium, son
pavement avait été refait, son mobilier liturgique
complété, vases sacrés, tentures tissées
d'or, son baptistère remis en état et
décoré. Le corps de Saint Symphorien avait
été transporté dans une tombe nouvelle ; enfin
les murailles de la ville avaient été
réparées, les maisons relevées, les
édifices restaurés.
Ces murailles de la ville n'étaient
pas l'enceinte romaine, car une pareille entreprise eût
englouti à peu près sans résultat les
chétives ressources d'un évêque franc du VIIe
siècle. L'enceinte d'Autun, au temps de l'empire dans sa
prospérité, avait été une épaisse
muraille de 2 m 50 environ, haute de 13 mètres,
flanquée de 62 tours, percée de 4 portiques monumentaux
et s'étendant sur une longueur de 6 kilomètres. Ce
magnifique ouvrage avait été assailli par les Bagaudes
en 270 et depuis lors n'avait pas été
réparé, de sorte qu'il eût été
impuissant à soutenir le choc des barbares. C'était
désormais à Autun, comme dans des centaines d'autres
villes, une carrière de matériaux taillés
ouverte à tous ceux qui avaient le désir d'y
puiser.
Les villes se rétrécirent, se
ramassèrent dans une enceinte plus étroite et, à
Autun comme presque partout ailleurs, l'instinct de la conservation
conseilla le choix du point désigné par la science
militaire des ingénieurs romains d'autrefois, comme le plus
avantageux à une défense assez prolongée pour
espérer d'être victorieuse. Ce réduit, cette
citadelle, donna naissance à ce qu'on appela le castrum, le
"château". Le castrum d'Autun, situé au point culminant
de la ville romaine, occupait à l'angle méridional de
l'ancienne enceinte un espace de plus de 10 hectares de superficie.
Protégé de deux
côtés par les anciens murs flanqués de tours plus
rapprochées entre elles que sur aucun autre point de
l'enceinte, il ne restait ouvert que d'un côté, celui de
la ville. On le ferma d'une muraille dont il a été
possible de nos jours de retracer le parcours. Partant de la tour
enclavée dans la maison dite des missionnaires, cette muraille
suivait les bâtiments du palais épiscopal, passait sous
le palais de justice, la prison, l'hôtel Rolin, l'ancienne
porte des Blancs, puis remontant brusquement vers le sud longeait
l'arrière des bâtiments et se raccordait avec la
muraille romaine au-dessus de la tour de Bretagne.
C'est dans l'enceinte du castrum que tenait
désormais Autun, avec sa cathédrale
dédiée à Saint Nazaire et la maison de
l'évêque, joignant d'un côté le rempart du
Ve siècle et de l'autre la cathédrale. Il s'en faut de
peu que ce soit encore l'emplacement de l'évêché.
A l'est du palais épiscopal, il existe une tour carrée
appelée indûment Tour de Saint
Léger.
L'évêque d'Autun réunit
un concile destiné dans sa pensée à aider au
rétablissement de la discipline et de la foi. Malheureusement
aucun manuscrit ne nous en a conservé le texte
intégral. Les quelques canons que nous connaissons ont
été transmis par la collection du manuscrit d'Angers.
Il semble qu'on ait procédé à une date inconnue
à un classement de ces canons en deux séries distinctes
suivant leur destination ; les uns concernaient les séculiers
ou les clercs, les autres visaient les moines. Les série de
canons relatifs aux moines condamne la pratique du pécule, les
empêchant de s'affilier à des confréries,
académies, sociétés, etc.
Déjà au VIIe siècle, on
connaissait la plaie des moines itinérants qui, sous un
prétexte quelconque, étude, prédication,
visitaient les villes et s'y attardaient. Saint Léger, qui
s'était fait la main à Poitiers avec de semblables
traînards, recommandait qu'on les adressât à
l'archidiacre. Il se chargeait d'apprendre à l'archidiacre
d'Autun comment les recevoir.
Vers la fin du VIIIe siècle, en
Bourgogne surtout, la règle de Saint Benoît était
encore loin d'avoir prévalu sur la règle de saint
Colomban implantée à Luxueil.
On peut situer la date de ce concile vers
670, on peut se contenter de le situer dans la première
moitié de l'épiscopat de Saint
Léger.
Le conseil de régence qui entourait
la reine Bathilde fut mal inspiré et fit un choix malheureux.
Le maire du palais Erkinoald étant mort en 660, peu de temps
après Clotaire II, il fallu lui donner un successeur. Le choix
du candidat à cette charge qui conférait à son
titulaire un pouvoir désordonné souleva de longues
hésitations ; il s'agissait de se donner un maître qui
pouvait devenir un tyran, on hésiterait à moins. Il
semble que l'influence de Saint Ouen, de Rouen, fut
prépondérante et décisive. L'évêque
connaissait et avait confiance dans le savoir-faire d'un certain
Ebroïn, originaire du Soissonais. Il fut choisi. Ce
n'était encore qu'un habile ambitieux qui réussit,
à peine arrivé au pouvoir, à s'y créer un
puissant parti. Il envoya partout ses créatures qui, aussi
avides qu'impatientes de s'enrichir, soulevèrent le
mécontentement général. Des évêques
pensèrent devoir se faire les interprètes du peuple.
Celui de Lyon, Annémond, fut assassiné aux environs de
Chalons sur Saône ; Sogobrand, évêque de Paris,
périt de la même manière. La reine Bathilde
reçut un ordre d'exil déguisé sous la forme de
permission de se retirer au monastère de Chelles. Quant au
jeune roi Clotaire III, âgé de 15 ans et perverti, il
n'était qu'un instrument entre les mains
d'Ebroïn.
Celui-ci pouvait être un monstre de
férocité, il n'était pas un incapable ni un
imbécile. C'était un chef énergique à qui
les écrivains ecclésiastiques ne se sont pas
préoccupés de reconnaître des qualités
véritables ; ils avaient eu si fort à se plaindre du
tyran que ce serait leur demander une grande impartialité. Ce
n'était pas un impie et il avait montré de la
bienveillance pour la religion. Il construisit à Soissons un
monastère de femmes, d'accord avec sa femme Leutrude et son
fils Bovon ; mais était-ce bien un acte de religieux ? On en
douterait parfois quand on se rappelle tous les avantages qu'un
monastère pouvait valoir à son fondateur. Quoiqu'il en
soit, cette maison fut confiée au gouvernement de l'abbesse
Aethéria et obtint un privilège de
l'évêque Drauscius en 667 pour qu'on y menât la
vie régulière sous la règle de Saint Colomban
avec l'office bénédictin.
A cette date, Ebroïn et Léger
d'Autun vivaient encore en bons termes. Il habitait la villa
Latiniacum (aujourd'hui Lagny-le-Sec, Oise), qui semble avoir
été le domaine attribué aux maires du Palais de
Neustrie. Les Bourguignons qu'il haïssait y eussent
été mal accueillis ; il leur interdit même
l'accès du palais royal, sauf le cas où ils y seraient
mandés.
L'évêque d'Autun partageait
cette répulsion du tout puissant fonctionnaire avec ses
compatriotes. Cette animosité tenait à l'attitude des
Austrasiens beaucoup moins souples que les Neustriens et toujours
frémissants devant les abus et excès de pouvoir
d'Ebroïn.
Moins peut-être par esprit de
solidarité que par sentiment d'une âme fière,
éprise de la justice et du droit, l'évêque
d'Autun partageait la manière de voir de ses compatriotes,
s'associait à leur opposition. Sa naissance, ses biens, son
épiscopat lui imposaient des devoirs auxquels il
n'était pas homme à se soustraire ; sa situation
pouvait d'ailleurs sembler le soustraire à certains
périls d'une opposition déclarée. Il ne manquait
pas de gens qui, moins résolus, moins indépendants,
moins déterminés que Léger, jalousaient sa
personne et sa conduite, bien qu'ils ne trouvassent rien à lui
reprocher autre chose, nous dit le moine de Saint Symphorien, que de
se tenir inébranlable sur les sommets de la justice. Ces
envieux, ne pouvant ou n'osant l'attaquer de face, le
dénoncèrent à Ebroïn comme un
perpétuel mécontent, un rival toujours prêt
à se déclarer. Rien n'était plus facile à
soutenir, car l'évêque qui éclipsait le ministre
par son talent se refusait à le flatter comme faisaient
beaucoup d'autres et bravait ses menaces avec une tranquille
confiance.
La mort du jeune Clotaire III,
épuisé par les excès et vieillard avant d'avoir
atteint l'âge de 20 ans, fut le signal d'une grave
révolution (673). A la nouvelle de cette mort, les grands de
Neustrie et de Bourgogne prirent le chemin de la résidence
royale pour y procéder à la désignation du
nouveau roi et lui prêter hommage. Ebroïn craignit
l'effervescence toujours possible d'une assemblée,
prévint cette réunion en la rendant sans
objet.
De sa propre autorité, il proclama
roi le jeune Thierry III, troisième fils de Clovis II, et
envoya des courriers sur toutes les routes pour signifier sa
volonté aux leudes et l'ordre de rentrer chez eux. Mais
l'affront était trop cuisant, les leudes passèrent
outre aux injonctions et aux défenses d'Ebroïn, se
réunirent, détrônèrent Thierry qu'ils
jugeaient par trop médiocre et offrirent la couronne à
son jeune frère Childéric, roi d'Austrasie, qui
paraissait mieux doué. Childéric accepta, accourut avec
son maire du palais Vulfoald et fut investi du pouvoir royal en
Neustrie et en Bourgogne. Le roi détrôné Thierry
III fut envoyé au monastère de Saint Denis ; son maire
du palais terrifié invoqua le droit d'asile d'une
église pendant qu'on pillait ses maisons et ses coffres. Il ne
demandait que la vie, sachant bien qu'elle lui apporterait la
revanche ; on l'épargna donc par une pitié
imprévoyante et à laquelle les évêques et
Léger d'Autun se crurent peut-être obligés.
Ebroïn fut tondu et envoyé à
Luxueil.
S'il n'avait pas conduit toute l'affaire,
l'évêque d'Autun l'avait certainement approuvée.
La rapidité à laquelle la situation s'était
dénouée, la déposition du roi et de son maire du
palais sans coup férir, avaient réduit une
révolution aux proportions d'un coup d'état. Toutefois,
les leudes, dans la satisfaction de la victoire, n'oubliaient pas
leurs griefs anciens et récents ; ils se souvenaient
qu'Ebroïn avait aboli le décret de l'assemblée de
Paris de 614, ils le rétablirent. Le rôle
prépondérant qu'avait rempli Léger pendant ces
trois journées décisives lui attira pour un temps,
jusqu'à ce qu'ils n'eussent plus besoin de lui, la confiance
des leudes et la reconnaissance du roi. L'évêque en
était peut-être surpris autant qu'embarrassé, car
sa conduite ne devait pas lui paraître à lui-même
différente de la règle du devoir. Il avait
protesté contre une mesure arbitraire qui livrait le
trône au mépris du droit de libre désignation par
les seigneurs du royaume. Le coup d'état était une
illégalité, mais qui faisait rentrer dans le
droit.
Devenu le conseiller le plus
écouté du jeune Childéric, l'évêque
d'Autun devait lui inculquer, très inutilement, l'horreur de
l'arbitraire et s'attirer l'animosité de ce maître qu'il
eût voulu guider vers la justice, en même temps que
l'aversion des grands et du peuple qui imputaient à tort et
à travers à l'évêque les décisions
du roi.
Léger revint à la politique
prudente et décentralisatrice de la charte de 614. Il fit
rendre à Childéric II une série de trois
décrets aux termes desquels le droit et l'administration de la
justice seraient maintenus dans chaque province, conformément
aux anciennes coutumes, et les juges choisis dans la province
d'où ils étaient issus. Chaque province devait avoir
son administration particulière et les gouverneurs ne seraient
pas transférés d'une province dans une autre.
Après ce qu'on avait vu et souffert récemment, il ne
fallait pas être surpris de voir la charge de maire du palais
réduite à des conditions presque humiliantes en
comparaison de l'absolutisme dont elle avait joui. Désormais
le maire du palais était responsable devant les leudes qui
jugeraient son administration et condamneraient, au besoin, son
gouvernement et sa personne. On n'accusera jamais Saint Léger
d'avoir été un rêveur politique, mais
peut-être n'apportait-il pas dans cette rude carrière
l'inexorable froideur d'un Richelieu pour qui la tête d'un
adversaire était une cible à atteindre et un obstacle
à renverser. Quand on prend la succession d'un rival tel
qu'Ebroïn et qu'on se flatte de faire mieux que lui en faisant
autrement, il y a telle précaution élémentaire
à prendre que la raison d'état commande et à
laquelle un véritable homme d'état se soumet.
Ebroïn, vaincu, cloîtré, demeurait le centre et
l'espoir d'un parti qui escomptait les fautes de Léger et les
passions de Childéric pour remonter au pouvoir.
La situation de conseiller d'un roi qui
possède un maire du palais insignifiant comme l'était
Vulfoad était si instable qu'elle ne pouvait se prolonger
longtemps. Vulfoad jalousait l'évêque, entravait dans la
mesure du possible l'application d'une politique sur laquelle on ne
le consultait pas : les leudes devaient assez de reconnaissance pour
ne mettre désormais aucune limite à leurs
revendications que Léger ne pouvait satisfaire :
Childéric lui-même se lassait d'un mentor toujours
grondeur, et qui blâmait son maître d'avoir
transgressé le statut personnel qu'il avait rétabli
dans ses royaumes de Neustrie, de Bourgogne et d'Austrasie. Il est
probable que les reproches adressés à l'occasion du
mariage de Childéric avec Belichilde, fille du roi Sigebert et
sa parente, furent plus sensibles à un jeune homme doué
de ce caractère fougueux et brutal qui était la tare
dynastique des mérovingiens. Des reproches discrets n'ayant
pas été écoutés, l'évêque
adressa des remontrances publiques, dit très haut que
"l'Eglise ne peut
prier pour un prince qui viole ses lois".
La reine Bélichilde était dès lors acquise au
parti hostile à Léger qui, ne se sentant plus
nécessaire, plus consulté, à peine
toléré, voyant qu'il ne pouvait plus se taire ni
écouter ni obéir, crut sage et peut-être habile
de s'éloigner. Il regagna son évêché
d'Autun vers l'époque du carême.
Peut-être pour dissimuler sa
disgrâce ou pour ressaisir son influence sur Childéric,
Léger l'invita à venir célébrer la
fête de Pâques à Autun. Le jeune roi y trouva un
certain Hector, patrice de Marseille, venu solliciter de la justice
royale la solution d'un litige. Sa belle-mère Claudia avait
légué toute sa fortune à l'église de
Clermont dont l'évêque, invoquant les canons, soutenait
les droits au détriment de la fille
déshéritée de Claudia. L'évêque
d'Autun ne partageait pas le point de vue de son collègue de
Clermont, et soutenait le bon droit d'Hector, agissant au nom de sa
femme ; ce fut assez pour greffer une intrigue politique sur cette
affaire, et on fit courir le bruit qu'il y avait partie liée
entre Léger et Hector pour ce que nous nommons aujourd'hui un
"coup d'état" afin de se saisir du pouvoir. Même
à St Symphorien, l'évêque ne comptait pas que des
amis ; il se trouvait là un reclus nommé Marcolin qui
réussit à inspirer à Childéric la
curiosité de l'entendre. Marcolin l'entretint d'un complot et
laissa entendre que l'évêque espérait en
recueillir le fruit. Celui-ci, averti du péril qu'il courait,
célébra la vigile et la messe du jeudi saint. Le
lendemain, il ne craignit pas d'aborder Childéric et de
s'offrir à la mort, s'il devait unir sa passion à la
passion du christ. Des personnages s'entreprirent et
évitèrent un crime sacrilège.
La vigile pascale avec ses solennités
touchantes et prolongées parut propice à l'assassinat
projeté. Childéric passa une partie de la nuit au
monastère de St Symphorien et s'y enivra, pendant que dans la
cathédrale St Nazaire l'évêque
célébrait les chants liturgiques et se rendait au
baptistère où l'attendaient les
catéchumènes. A ce moment, Childéric, ivre,
l'épée nue, pénètre dans l'atrium, se
présente à la porte du baptistère, titubant et
hoquetant : "Leu-di-ga-rius". Et soudain dégrisé,
terrifié, s'arrête, regarde sans voir, de ce regard des
ivrognes pour qui tout se confond.
Il s'éloigne et va se jeter dans la
chambre qui lui était réservée. Quelques temps
après, l'évêque y entre à son tour et vint
trouver le roi, lui demandant pourquoi il n'avait pas assisté
à la vigile. Childéric, ne se souvenait de rien,
bafouilla quelques mots et dit à Léger qu'il se
défiait de lui.
Les fêtes étaient
achevées, rien ne retenait plus l'évêque que la
perspective de répandre son sang : l'attentat attirerait sur
Autun d'effroyables vengeances. Léger fit avertir Hector et
ils prirent la fuite par des chemins différents.
Une poursuite s'organisa aussitôt.
Hector fut rejoint et fut massacré après s'être
vaillamment défendu. Léger fut ramené à
Autun et exilé au monastère de Luxueil en attendant
qu'une assemblée statuât sur son sort.
Childéric, après une
consultation pour la forme, prononça l'exil perpétuel
à Luxueil. L'abbé de Saint Symphorien, Ermenaire,
semble avoir plaidé en faveur de l'exil et fait écarter
une sentence de mort ; il n'avait aucun ressentiment personnel contre
l'évêque et ne lui enviait que son siège
épiscopal qu'il occupa. Pendant ce temps à Luxueil,
Ebroïn et Léger philosophèrent quelque temps sur
les jeux de la politique. Ebroïn interrompit le dialogue le jour
où la porte du monastère s'ouvrit devant lui. Quant
à Léger, il continua à édifier la gent
monastique. Assurément, c'eût été le sort
le plus doux que de demeurer et de vieillir parmi ses bons moines, un
peu frustes sans doute mais moins redoutables que les bêtes
féroces qui couraient le monde. Le sort de Léger
n'était pas de finir ses jours dans la paix de Luxueil ; on
peut même dire qu'il ne fit que traverser cette
maison.
Au cours de cette même année
675 qui l'y avait amené, il en sortit dans les circonstances
suivantes. Childéric II continuait sa vie d'excès
brutaux et de violences ; il s'avisa un jour de faire battre de
verges un leude nommé Bodillon. Ceci sembla inquiétant
aux autres leudes qui, profitant d'une chasse royale dans la
forêt de Livry, trouvèrent l'occasion de cerner le roi,
le reine et leur enfant Dagobert. On les assomma comme des chiens
(septembre 675).
"A
la nouvelle de l'assassinat du roi,
nous dit le moine de Saint Symphorien, les
exilés accoururent de toutes parts. Ils ressemblaient aux
serpents qui, après l'hiver, sortent de leurs repaires tout
gonflés de venin. Ils étaient pleins de haine et de
ressentiment, prêts à se venger pour leur ambition
déçue ou leurs biens confisqués. Chacun ne
connaissait ou ne voulait connaître d'autre règle que sa
volonté. On ne craignait plus le châtiment. Les troubles
furent si profonds qu'on en vint à croire à
l'avènement de l'antéchrist. Une comète apparut
annonçant la famine, la chute des rois, les révolutions
et l'extermination des peuples. Mais il est écrit que les
insensés ne se corrigent ni par les paroles ni par les
signes."
Leur ressentiment ne pouvant s'exercer sur
le roi défunt se tournait sur l'évêque d'Autun
dont la disgrâce avait peu duré et qui avait
été autorisé par Childéric,
peut-être avec le dessein de lui nuire plus impunément
et plus facilement que dans un monastère, à sortir de
Luxueil. L'évêque ne s'y était pas
attardé, mais n'avait pas reparu encore dans son
diocèse quand la fin tragique du roi rendit Ebroïn
à ses intrigues. A l'instant même, il ne songea
qu'à ses vengeances, et Léger en eût
été la première victime avant même d'avoir
regagné Autun si la prudence ne lui avait conseillé la
temporisation.
L'évêque d'Autun, voyageant
à petites journées, avait été rejoint en
route par son collègue Genès, évêque de
Lyon, se rendant à la cour avec une escorte nombreuse et bien
armée dont la vue suffit à déconseiller pour le
moment à Ebroïn toute violence. Leur
réconciliation, ébauchée à Luxueil,
devint publique à Autun où Léger reçut un
accueil triomphal, pendant qu'Ermenaire disparaissait sans
bruit.
Le lendemain, les évêques de
Lyon et d'Autun partirent dès le matin pour Paris. Ebroïn
les accompagnait, écoutant leur conversation afin de
régler sa conduite d'après leurs projets. Le soir
même, il en était instruit, son parti était pris
; il les entendait discuter les conditions du retour du roi Thierry
qu'ils tireraient de Saint Denis et replaceraient sur le trône.
Ebroïn n'avait personnellement rien à attendre de ce
prince sur qui il avait attiré par sa politique les pires
infortunes : la déposition et l'exil. D'autre part, les leudes
ne se montraient pas disposés à restaurer le pouvoir du
maire du palais qui les avait tellement maltraités. En
poursuivant sa route avec Genès et Léger, Ebroïn
courait le risque des plus graves mésaventures et
peut-être pis encore ; à la couchée, il se
sépara des deux évêques et, accompagné de
ceux qui demeuraient fidèles à sa fortune, prit la
route du Soissonais, retira sa femme Leutrude du monastère
où on lui avait imposé le voile et s'apprêta
à tenter de nouveau sa chance.
Léger, qui savait à quel homme
il avait affaire et que cette disparition inquiétait,
força la vitesse et arriva à Paris au moment où
les leudes de Neustrie venaient de rendre la couronne à
Thierry avec Leudière, fils d'Erkinvald, comme maire du
palais. Cette décision rapide déconcerta un instant
Ebroïn qui consulta son ami l'archevêque de Rouen. Saint
Ouen commençait peut-être à trouver son
protégé d'autrefois fort émancipé et
très compromettant ; il le redoutait probablement un peu et
lui fit une réponse à toutes fins :
"Souviens-toi de
Frédégonde."
Ebroïn comprit ou devina que cela voulait dire que
Frédégonde se trouvant elle aussi assez mal en point
avait surpris et battu tous ses ennemis à force de
rapidité et de vigueur. Une partie des leudes d'Austrasie
avaient proclamé roi et ramené d'Irlande Dagobert, fils
de Sigebert ; les partisans d'Ebroïn inventèrent un
prétendant, fils prétendu du roi Clotaire, un enfant
à qui on donna le nom de Clovis.
Dès le début de l'année
676, Ebroïn envahit la Neustrie, força les passages de
l'Oise à Pont-Sainte-Maxence, surprit le roi Thierry III
à Nogent-sous-Coucy, s'empara du trésor royal à
Baisieux-en-Artois, se saisit du prince à
Crécy-en-Pontieux , l'enferma et fit courir le bruit de sa
mort. La Neustrie soumise, restait la Bourgogne. Ebroïn
rencontra deux hommes tels qu'il les comprenait et les recherchait,
Didier dit Dido, évêque déposé de Chalons
et Bovo, autre évêque déposé de Valence.
D'accord avec Walmer ou Ugimer, duc de Champagne, ils
proposèrent le siège d'Autun pour le compte et avec
l'armée du roi Clovis.
Léger avait regagné Autun et
entendait bien conserver la ville au roi Thierry III, seul
légitime à ses yeux. La perspective d'un siège
ne l'effrayait peut-être que pour les souffrances qu'il
attirerait sur les habitants, il en prendrait bravement sa part.
"Tout ce que j'ai
eu, mes frères, dit-il
à ceux qui lui conseillaient la fuite, tant
il plut à Dieu de me conserver la faveur des hommes, je l'ai
employé fidèlement, autant que possible au bien
général et à l'honneur de tous. Aujourd'hui
cependant, si les hommes de la terre l'emportent contre moi, c'est
que le seigneur nous convie à la grâce. Ces biens ne
peuvent me suivre au ciel. Voici mon dessein. Je donnerai ces biens
aux pauvres plutôt que de m'en faire un vil fardeau. Imitons le
bienheureux Laurent qui a répandu ses trésors dans le
sein des pauvres ; c'est pourquoi sa justice demeure dans les
siècles des siècles. Dieu l'a exalté dans sa
gloire." On brisa la vaisselle plate
dont on distribua les morceaux aux pauvres. Les monastères et
la diaconie de Saint Nazaire reçurent leur part de
bienfaits.
L'évêque ordonna trois jours de
jeûne et des processions autour du castrum avec la croix et les
reliques au chant des litanies. Devant chaque porte de l'enceinte,
l'évêque se prosternait et priait. De retour dans sa
cathédrale, il demanda pardon aux fidèles de la peine
qu'il avait pu leur causer dans les réprimandes :
"S'il en est parmi
vous que j'ai offensés, disait-il,
par trop de
zèle dans mes réprimandes, si j'en ai blessés
par mes paroles, que ceux-là me le pardonnent. Je ne puis
ignorer, au moment de marcher à la passion du christ, qu'en
vain souffrirait-on le martyre si le cur n'est pas
purifié et illuminé du flambeau de la
charité."
Le castrum avait été investi,
le siège commença, l'assaut était imminent.
L'évêque monta sur les remparts et comprit que le sort
de la ville ne pouvait plus être évité ni
retardé. Il dit à ceux qui l'entouraient :
"Cessez de combattre
contre ceux-là. S'ils sont venus à cause de moi, je
suis prêt à les satisfaire, à apaiser leur fureur
quoi qu'il pût m'arriver. Mais ne sortons pas d'ici avant
d'avoir été entendus. Que l'un d'entre nous aille leur
demander le motif du siège."
L'abbé Méroald sortit du castrum par la poterne du
Breuil et vint trouver l'ancien évêque Didier, proposant
une rançon. On exigea que Léger fût livré
à discrétion et promît fidélité au
roi Clovis. Ces conditions ne laissaient aucun doute sur la
machination d'Ebroïn. Léger répondit :
"Que tout le monde
sache, amis et frères, comme ennemis et persécuteurs,
que je garderai, aussi longtemps que dieu me laissera la vie, la foi
que j'ai promise à Thierry devant dieu. Que mon corps soit
livré à la mort plutôt que de souiller mon
âme par un parjure." Ce
message provoqua un redoublement de fureur dans l'attaque, les
projectiles, les flèches en flammes, menaçaient de
détruire la ville ; alors l'évêque se rendit
à la cathédrale, communia au corps et au sang du
sauveur, se rendit à la poterne du Breuil, la franchit et se
livra. On se saisit de lui avec la fureur brutale des loups emportant
une proie et on lui arracha les yeux. Des témoins de cette
scène hideuse assurèrent qu'on n'avait pas eu besoin de
lier les mains de la victime qui ne poussa pas un cri, et
récita sans cesse les versets d'un psaume.
Autun fut prise, et en plus de ce qu'on
enleva aux habitants, la ville dut payer cinq mille sous d'or qui
furent fournis par le trésor de
l'église.
Waimer, duc de Champagne, accepta le
rôle de geôlier et de bourreau. L'ordre d'Ebroïn
portait de le conduire dans une épaisse forêt et de l'y
laisser mourir de faim ; on répandrait alors le bruit qu'il
s'était noyé. Waimer s'y conforma et, quand il revint
s'assurer de la mort de Léger, il trouva sa victime priant
pour ses ennemis. Ce spectacle le toucha au point qu'il
méprisa les ordres, emmena le martyre dans sa propre maison
où lui et sa femme le traitèrent avec les égards
dus à son infortune. Waimer fit plus : il restitua à
l'évêque la part du butin qu'il avait eue dans le
pillage de l'église d'Autun. Léger chargea le moine
Berton qui avait réussi à le rejoindre de porter cet
argent à Autun et de le distribuer aux victimes du
siège.
Pendant ce temps, Ebroïn se
débarrassait du jeune Clovis qui ne lui était plus
nécessaire, faisait périr Leudèse et redevenait
maire du palais de Thierry III, hors d'état de refuser rien
à son terrible protecteur. Ce fut alors l'heure de la violence
sans frein. Un diplôme royal interdit toute réclamation
contre les crimes et rapines accomplis pendant les troubles
récents. Les nobles furent exilés, les
monastères saccagés, les églises
détruites et leurs trésors saisis. Quant à
Ermenaire, il reparut sur le siège d'Autun.
La pitié du duc Waimer avait rendu
à Léger une existence honorée, et la
pensée du supplice infligé à
l'évêque scandalisait l'opinion qui accusait
Ebroïn. Celui-ci imagina de s'établir le vengeur de
Childéric III et d'imputer une part de responsabilité
dans son assassinat à l'évêque d'Autun
disgracié et de connivence avec les régicides.
Léger et son frère, le comte Guérin, furent
appelés à comparaître devant le roi Thierry en
présence des leudes, d'évêques et d'abbés.
Ebroïn se fit accusateur et Léger lui répondit
avec vigueur, lui reprochant ses crimes et lui promettant l'enfer. On
emmena les deux frères et Guérin fut lapidé (25
août 676).
L'épreuve de Léger devait
être plus longue et plus atroce. Ebroïn ordonna de le
faire marcher dans une piscine dont le fond était semé
de pierres tranchantes. Lorsque ce supplice eut laissé le
malheureux aveugle incapable de se soutenir, on lui coupa les
lèvres, on lui taillada les joues, enfin on lui coupa la
langue. Quand cette ruine humaine hors d'état de voir, de
marcher, de parler, sembla assez avilie, on lui enleva tous ses
vêtements, et en ce pitoyable état on le promena en
public. Ensuite on le donna à garder à Waninge.
Celui-ci avait paru à la cour de Clotaire et compté
parmi les amis de saint Ouen et de saint Wandrille ; il n'en
acceptait pas moins le rôle que le duc Waimer n'avait pas eu le
courage de remplir. Waninge fit charger le martyr sur un cheval et
l'emmena chez lui. Il fallut s'arrêter bientôt,
l'état d'épuisement du Saint était tel qu'on le
crut prêt à rendre l'âme. Waninge le fit
transporter dans une hôtellerie. L'abbé Winobert,
l'évêque Ermenaire, demandèrent la permission de
l'assister et ils trouvèrent Léger gisant sur la
paille, couvert d'un débris de toile, vomissant le sang,
réussissant néanmoins à émettre des sons
distincts de sa gorge vide. Ermenaire pensa les blessures, quitta ses
propres vêtements pour en vêtir
Léger.
[ Ici manque la fin du
paragraphe "Passion et supplice" et le début du paragraphe "Le
testament et l'aumône de Saint Léger".
]
L'authenticité du testament de Saint
Léger a été discutée. Il n'existe que
dans la copie du cartulaire d'Autun où le copiste a pris sur
lui de lui donner une rubrique
Cette rubrique est l'ouvrage
d'un homme qui brouillait bien des choses, peut-être sans y
mettre malice. Malgré cela, le testament subsiste intact,
complet et daté. La date est la troisième année
du règne de Thierry III (675-676). Ce qui paraît
probable, c'est que le texte fut rédigé et soumis au
concile d'Autun, puis il fut écrit et signé
définitivement ; enfin il fut copié au cartulaire de
l'église d'Autun. Après cette lecture et approbation
donnée vers 670, l'acte avait encore besoin d'être
libellé et daté, ce qui fut fait conformément
aux prescriptions du droit.
L'évêque inscrivait les pauvres
au nombre de ses héritiers, en assurant à son
église cathédrale Saint Nazaire la possession de la
villa de Marigny-sur-Yonne, présent de la reine Bathilde, de
la terre de Tillenay-sur-Saône, qui lui venait de ses
aïeux maternels, et des domaines d'Ouges et du Chenoves
près de Dijon, qu'ils avait recueillis dans la succession de
ses père et mère Bodilon et Sigrade. En léguant
ses propriétés héréditaires à la
basilique d'Autun et en commettant le soin de les administrer
à la matricule établie dans les dépendances de
cette édifice, l'évêque stipulait que quarante
pauvres, qu'il nomme "ses frères", recevraient chaque jour la
nourriture nécessaire à leur existence.
Le
testament de Saint Léger
"L'an de
l'incarnation de notre Sauveur Jésus 653,
Théodoric, fils du roi Clotaire régnant,
Léodégise, fils d'Erchinoald maire du palais,
moi, Léger, quoique indigne évêque
d'Autun, en la septième année de mon
épiscopat,
"considérant les changements variables des choses et
l'inévitable terme de la mort, l'épouvantable
heure du jugement de dieu, sachant qu'il est écrit :
"Donnez et il vous sera donné, faites-vous de vos
richesses des amis qui vous reçoivent aux cieux",
nous souvenant de ce qui est écrit : le rachat de
l'âme de l'homme est l'une de ces richesses et comme
l'eau éteint le feu ainsi fait l'aumône qui
éteint le péché, pour l'amour de la
divine bonté, pour la rémission des
péchés du seigneur Clotaire, de la reine
Bathilde, pour la situation du roi Thierry et du royaume et
de tous les princes et seigneurs, principalement ceux de sa
race qui nous ont été donateurs de ces biens
et collaborateurs, je donne et fais héritière
l'église Saint Nazaire, titre de mon
évêché. De tous mes biens à
savoir : de Marigny, sur la rivière Yonne, que je
tiens de la munificence de la reine Bathilde par une charte
scellée de son sceau, du domaine de Tillenais, sur la
rivière Saône, qui m'appartient du
côté de ma mère et de mes grands
parents, des domaines d'Ouges et de Chenôve, que j'ai
achetés de Bodillon et de Sigrade, voués
à dieu, et dont la terre est située
près de Dijon.
"Nous léguons et transférons ces biens,
villages et chapelles avec leurs hommes de quelque sexe
qu'ils soient, terres, vignes, eaux stagnantes et dormantes,
revenus, forêt, fourrages avec granges et petit
bétail, nous les léguons à notre propre
matricule que nous avons établie à la porte de
Saint Nazaire, afin que le prévôt de la
matricule et ses successeurs que lui donneront les
évêques d'Autun reçoivent et nourrissent
chaque jour quarante frères qui prieront dieu pour le
salut du royaume, des princes et de tout le monde. Si
quelqu'un de mes plus proches héritiers ou
descendants de ceux-ci, qui que ce soit, veuille rompre ou
violer cette donation et ce testament, qu'il sache qu'il
sera puni et devra payer cent livres d'or au maire du
palais.
"Nous voulons aussi que nos successeurs évêques
soient assujettis à tout ceci car nous avons fait
plusieurs donations en faveur d'eux sans considérer
s'ils étaient dignes devant dieu. Et si quelqu'un se
dresse et s'élève contre ma volonté,
qu'il sache qu'il est excommunié sous
l'autorité de cinquante-quatre évêques
réunis par nos princes à Christiac, par le
conseil desquels nous avons fait cette donation à
notre dite église et matricule, mais aussi par notre
autorité et encore le pouvoir de Saint Pierre, prince
des Apôtres. Nous les condamnons à être
perpétuellement damnés avec le traître
Judas qui portait la bourse et les biens de notre-seigneur
et dérobait les biens des pauvres et avec Dathan et
Abiron que la terre engloutit tout vifs par une mort
inhabituelle et affreuse, la terreur de tout le monde. Nous
les condamnerons s'ils ne reviennent à
résipiscence et à entière satisfaction.
Amen.
" Fait à Christiac, publiquement, la troisième
année du roi Thierry.
"Moi Léger, évêque, j'ai souscrit cette
donation faite de ma propre main."
Traduction
: Camerlynck
|
Quelques doutes ont été
émis contre le sens charitable de cette fondation. Le nom de
"frères" donné aux destinataires et l'obligation qui
leur est imposée de prier pour la salut du prince et la paix
du royaume ont fait croire qu'il s'agissait moins ici de
l'établissement d'une aumône publique que de la
fondation d'un collège canonial. Mais ce nom de
"frères" a toujours reçu dans l'église le sens
le plus large et ne saurait soulever l'ombre d'une objection quand un
évêque l'applique à ses indigents. D'ailleurs les
témoignages postérieurs ne laissent subsister aucun
doute sur le sens charitable de cette fondation. Le premier, qui est
décisif, se lit dans la Vie du Saint écrite une dizaine
d'années après sa mort par le moine de Saint Symphorien
; la matricule était établie à la porte de
l'église pour la distribution des aumônes
destinées aux pauvres.
Au IXe siècle, cette dotation fut
détournée de son but, et la villa de
Tillenay-sur-Saône soustraite à sa destination.
L'évêque d'Autun, Adalgaire (875-893) sollicita
l'intervention du pape Jean VIII qui confirma les dispositions
testamentaires de Saint Léger (879) : "Il
est certain, disait-il,
que la villa de
Tillenay-sur-Saône, propriété de Saint
Léger, autrefois évêque d'Autun, a
été léguée à Saint Nazaire, qui
fut le titre de son épiscopat. Mais cette villa ayant
été prise et longtemps retenue contre toute justice par
des hommes pervers qui voulaient en faire leur
propriété, notre cher fils, le roi Charles,
après une minutieuse enquête qui aboutit à la
reconnaissance des droits de l'église d'Autun sur cette villa,
la rendit de sa propre autorité à l'évêque
de cette ville et replaça dans ses droits l'église de
Saint Nazaire."
A ce témoignage vient s'ajouter un
acte de 1277 par lequel Gérard de Beauvoir,
évêque d'Autun, lègue à son église
1000 livres pour l'acquisition d'une rente destinée à
subvenir à une distribution de pain qui devait être
faite pendant trois jours de l'octave de Pâques à tous
les pauvres de la ville.
Au XIIIe siècle, l'aumône
publique instituée par Saint Léger avait subi une
altération profonde. Au lieu d'une distribution faite à
quarante pauvres, le chapitre avait substitué une
aumône, faite trois fois par semaine, à tous les pauvres
pendant quarante jours du carême seulement. En limitant ainsi
l'aumône, il avait rendu illimité le nombre de ceux qui
pouvaient y prétendre. Cela entraîna un grave
désordre en ouvrant les portes de la ville à des
multitudes de mendiants accourus de toute la province et au
delà, installés dans Autun avec l'assurance d'y
recevoir du pain trois fois par semaine. Le premier résultat
fut de mettre le chapitre hors d'état de tenir ses
engagements. Cette aumône attira un tel concours pendant les
années de disette qui se succédèrent que le
chapitre se vit contraint de diminuer le nombre de ses
prébendes ou de renoncer à la distribution de
l'aumône. Pour porter remède à cette situation,
Barthélémy, évêque d'Autun, consentit
à céder au chapitre le revenu des églises de
Sanvignes, de la Tagnière, d'Etang et de Laizy, le 25 juin
1306. Cette donation ne suffit pas à mettre le chapitre en
mesure de faire face à ses charges. Un acte du 26
décembre 1311 nous apprend que, par suite de la cherté
du blé et de l'accroissement du nombre des pauvres, les
revenus affectés à la distribution de l'aumône
étaient devenus insuffisants. Par cet acte, qui reproduit les
termes mêmes du testament de Saint Léger, Hélie,
évêque d'Autun, consentit à céder au
chapitre les revenus des églises de Monthelie et de Saint
Gervais sur Conches, pour accroître le fond destiné
à l'aumône du carême et assurer la continuation du
ministère de charité que Saint Léger avait
institué.
Les martyrologes d'Adon et de Notker
admettent le fait de la sépulture de Saint Léger
à Sarcing. Nous avons dit plus haut que c'est sur le
territoire de la villa de Sarcing qu'il faut vraisemblablement situer
le meurtre. Pour la sépulture, il faut observer que
Baldéric, chantre de Térouanne au XIe siècle,
écrivait à une époque où les
diocèses d'Arras et de Cambrai étaient réunis
sous un même évêque, en sorte que l'auteur a pu
désigner comme faisant partie de la circonscription de Cambrai
les paroisses de l'ancien diocèse d'Arras qui se trouvait
alors, par le fait de cette union, sous la juridiction de
l'évêque de Cambrai. Les recherches, pour être
couronnées de succès, doivent se porter de
préférence vers les paroisses de l'ancien
diocèse d'Arras, voisines de celui de Boulogne, diocèse
qui a succédé, avec Ypres et Saint Omer, à
l'ancien évêché des Morins.
Il ne paraît pas qu'il y ait lieu de
retenir le nom de Saint-Léger-les-Authie, que Mabillon
désigne sans se rendre bien compte de l'éloignement de
cette localité par rapport à la Morinie.
Pour la même raison, nous
écartons Saint Léger, canton de Croisilles qu'adoptait
le président Hénault. Il reste à choisir entre
Sus-Saint-Léger et Lucheux (canton de Doullens, dans le
Somme).
A l'époque où vivait
Baldéric, Lucheux faisait partie du diocèse d'Arras uni
à celui de Cambrai. Or la partie du territoire de Lucheux
située au delà du beffroi, en venant de Doullens, est
désignée encore aujourd'hui, sur la matrice cadastrale
par les noms de Serchin ou Charchin. Les comptes de
l'hôtel-dieu de Lucheux font aussi mention de Sarcin à
propos des redevances qu'y percevait cet établissement
hospitalier. La carte de l'Artois, publiée en 1704 par
Guillaume de l'Isle, place Sercin à côté de
Lucheux.
Des documents plus anciens ne font pas
défaut. Au XIe siècle (1095), Hugues de
Campdavène donne à l'abbaye de Molesme les dîmes
de Lucheux et de Sarcing et fait de cette libéralité
importante comme la dotation primitive du prieuré de Lucheux.
Au XIIe siècle, Alvisius, évêque d'Arras (1142),
confirme à Molesme la possession de l'autel de Lucheux et de
ses appendices Sarcing et Humbercourt. Ces faits semblent suffire
à établir l'identité du Sarcing des temps
anciens avec le Serchin ou Cherchin des temps
modernes.
Où faut-il donc chercher sur le
territoire de Lucheux le sanctuaire du VIIe siècle qui porta
le nom de Sarcing, peut-être par suite de la présence du
corps du saint apporté là de la villa de Sarcing et qui
y séjourna deux ans et demi ? On serait assez tenté de
le découvrir dans la chapelle de Saint Léger,
placée sur le versant d'une colline, à proximité
de la route d'Avesnes-le-Comte et à quelques centaines de
mètres des dernières maisons de Lucheux. Ce sanctuaire,
desservi au XVIIe siècle par les Carmes, passait pour avoir
possédé les reliques de Saint Léger. On y venait
de toutes parts en pèlerinage au sanctuaire qui était
en grande réputation de miracles. Ce culte immémorial
favorise l'hypothèse présentée.
Un dimanche matin, comme il se rendait
à l'église, Ebroïn fut assassiné par
Ermanfred. Le roi Thierry III apprit alors que l'évêque
Léger, qu'il avait chargé du meurtre de son
frère Childéric, faisait des miracles. En pareille
circonstance, un mérovingien, fut-il ahuri par la
débauche et perverti par l'impiété, n'entrait
pas en discussion et rendait honneur au thaumaturge. Le corps de
Saint Léger fut levé de l'oratoire qui le conservait et
transporté dans sa patrie d'origine en Poitou. Audulf,
abbé de Saint Maixent, fit la translation. Ansoald,
évêque de Poitiers, chargea Audulf d'ériger une
belle basilique pour abriter le tombeau. La dédicace de cette
basilique se fit le 3 octobre 684, un dimanche. Quant à la
translation, elle avait eu lieu au mois de mars.
Saint Léger ne reposa qu'un temps
auprès des restes de Saint Maixent ; lorsque les Normands
envahirent cette partie de la France, les moines emportèrent
le corps au monastère du Breuil entre l'Auvergne et le
Bourbonnais. Ces translations lointaines et précipitées
auront pu être l'occasion de la perte ou de la distribution de
quelques ossements, et donner ainsi naissance à une
regrettable multiplication des reliques insignes. Dom Pitra, qui ne
badinait pas sur ce sujet, avoue que six monastères
bénédictins se partageaient l'honneur de
posséder le crâne mutilé du pontife martyr, comme
autrefois six villes disputaient à Smyrne le berceau
d'Homère.
A peine Saint Léger était-il
mort qu'on lui dédia un oratoire près de l'emplacement
où il subit le supplice. Dès le XIe siècle, il
était le patron du monastère d'Ebreuil en Auvergne et
l'abbé Duchêne, curé de
l'Hôpital-le-Mercier, écrivait en 1771
"qu'on ne peut
dénombrer la multitude des églises qui furent
érigées en son honneur en France et dans les
Pays-Bas." Dans le diocèse de
Nevers, l'une des principales et l'ancienne collégiale de
Tannay, possédait, au XIVe siècle, un des chefs du
martyr. En France, on trouve 55 communes qui portent le vocable de
Saint Léger, suivies dans la plupart d'un déterminatif,
et dans ce nombre nous ne comptons pas certains noms où le
vocable du saint entre en composition, comme
Boissy-Saint-Léger, etc.
A la cathédrale d'Autun se trouvait
une chapelle de Saint Léger dont le cardinal Rolin fit
réparer la toiture et les verrières. Elle fut
démolie en 1784. Il y en avait d'autres à Saint Nazaire
et à Saint Symphorien d'Autun.
A Notre Dame de Beaune, une chapelle sous le
vocable de Saint Léger existait encore en 1774, ainsi
qu'à Saint Pierre de Beaune. Dans la cathédrale de
Nevers, la chapelle Saint Léger, fondée par Jean de
Bourbon, chanoine de Nevers, était située près
de l'ancienne entrée de la cathédrale ; elle fut
supprimée en 1790. Il y avait un prieuré à
Saint-Léger-les-Pontaillers, dont l'inventaire de 1718 se
trouve aux archives de Dijon.
Le culte de Saint Léger
s'étendit en Alsace grâce à Saint Odile sa
parente ; il est le patron des monastères de Massevaux et de
Murbach. Dès le VIIIe siècle, l'abbé de Murbach
est le protecteur du monastère bénédictin de
Saint Léger, l'une des premières fondations
chrétiennes de la Suisse centrale, dans un lieu appelé
Luciaria, aujourd'hui Lucerne.
La fête de Saint Léger est
mentionnée et fêtée à différentes
dates. Le 2 octobre devint obligatoire à Autun en 1458 sous le
cardinal Rolin et le demeura jusqu'au XVIIIe siècle. On cite
également le 25 août en Alsace, le 21 juin à
Autun pour célébrer la délivrance de la ville
assiégée par les calvinistes (1591) et le 8 octobre
à Tannay (Nièvre). Mais, au XVIIIe siècle, les
prévôts, les chanoines et le curé de Tannay
demandèrent à l'évêque de Nevers Charles
Fontaines du Moncas de fixer la fête au 10 novembre
"parce que les
vendanges empêchaient de la solenniser
convenablement." Une ordonnance
favorable fut rendue le 23 novembre 1728.
Plusieurs monastères ont
prétendu posséder tout ou partie du chef de Saint
Léger, évêque d'Autun. Pour ne parler que de ceux
dont les prétentions ont été le moins
discutées, il faut citer Saint-Vaast d'Arras, Murbach,
Jumièges, Maymac et Saint Pierre de Préaux près
de Lisieux. L'église Saint-Léodégar à
Lucerne aurait, elle aussi, depuis le commencement du XIXe
siècle, le crâne et deux dents du saint, qui
étaient autrefois conservés à Massmunster, en
Alsace. Enfin l'abbaye de Beaume-les-Dames, où était
honorée Sainte Odile, cousine de Saint Léger, aurait
possédé le chef de celui-ci dans un reliquaire en
argent, en forme de buste. Si l'on veut vraisemblablement admettre
l'existence simultanée dans plusieurs églises de divers
fragments du chef de l'évêque d'Autun, il est difficile
de concilier les prétentions de celles de ces églises
qui pensaient avoir le chef tout entier. Il n'est pas jusqu'à
la nature de ces reliques qui donne lieu à de
singulières contradictions. Une lettre, non datée, de
Dom Antoine Pavy à Dom Mabillon lui apprend
"pour réponse
à celle que votre révérence a eu la bonté
de m'escrire
qu'une partie des reliques de Saint Léger
repose en l'abbaye de Maymac en Limousin."
Dom Pavy appartenait à l'abbaye de Saint Maixent où,
disait-il "depuis
quelques années nous avons reçu des reliques notables
de ces lieux, Brueilles en Auvergne et Meymac en Limousin ; tout
l'occiput de Saint Léger dont on nous fit présent en
1660, par M. Hilerais, religieux ancien de Malzays (Maillezais en
Vendée), qui les prit au prieuré de Mortagne
dépendant dudit Malzays avec les formalités requises,
le 5 octobre 1660 : une partie d'une vertèbre de Saint
Léger que M. Belin, religieux ancien de Maymat, donna ; il
n'est pas à propos de faire mention de celle-ci, parce que, si
les habitants dudit Maymat savaient cela, ils lapideraient le susdit
sieur Belin. Il l'a pourtant tirée de la châsse de Saint
Léger avec les formes requises."
Un autre document venu de
Saint-Germain-des-Prés nous apprend que Saint Léger est
très particulièrement honoré dans l'abbaye de
Meymac ; ses précieuses reliques y sont religieusement
conservées dans une belle châsse d'argent doré
où l'on peut voir à découvert son visage et ses
mains étendues en croix sur la poitrine. Ce qui paraît
au dehors est encore couvert de la peau qui est fort blanche,
quelques poils de barbe assez épais paraissent au menton et
des cheveux sur le haut de la tête.
De ces prétentions, quelles sont les
plus fondées ? Il serait superflu de le rechercher ; mais il
est certain qu'à Maymac on possédait la face
entière, puisque le document cité dit que
"son visage est si
doux et si vénérable qu'on ne le peut regarder sans une
dévotion et un respect tout
extraordinaire", ce qui ne serait
sans doute pas le cas si on avait exposé une partie seulement
du visage.
Or voici un autre chef de Saint
Léger. Il est conservé dans l'église de
Chaux-les-Châtillons, canton de Hippolyte-sur-le-Doubs. Il se
compose de la calotte supérieure de la tête avec os
frontal et pariétaux, sans occipital. Il est très noir
et d'une section extrêmement nette. Selon une ancienne
tradition locale, qui ne repose d'ailleurs sur aucun fondement
puisque la forêt de Sarcing a été le
théâtre de la mort de Saint Léger, il aurait
été décapité non loin de Chaux. Son culte
est assez répandu dans la région : l'église de
ce village est placée sous son patronage et, dès 1632,
on y établissait en son honneur une confrérie dont le
registre existe encore, et aux membres de laquelle le pape Urbain
VIII accordait des indulgences le 26 novembre suivant.
Quand et comment cette relique, sur
l'authenticité de laquelle il est permis d'entretenir des
doutes, est-elle arrivée à Chaux ? Elle y aurait
été apportée par les religieux de l'abbaye de
Murbach, qui auraient ainsi voulu la soustraire aux ravages de la
guerre.
Comme celui de Beaume-les-Dames, le
reliquaire de Chaux est en forme de buste en argent. Il est d'une
extrême simplicité ; il ne présente aucun
ornement, si ce n'est les motifs qui ornent la partie
inférieure. Il pourrait être de style allemand mais
l'orfèvre de l'a pas signé.
H. Leclercq
"Vie de Saint Léger,
Evêque d'Autin"
par un moine de St Symphorien d'Autun qui vécut
auprès du saint
|
|
La Vie de Saint Léger,
évêque d'Autun
vers 980 - manuscrit de la bibliothèque de
Clermont-Ferrand
|
|
"Saint Léger - La
Légende Dorée"
de Jacques de
Voragine, nouvellement traduite en français -
1261-1266
|
|
"De
St Léger, évêque et
martyr", par le R.P. Simon
Martin
Les Nouvelles Fleurs des Vies des Saints - 1654
|
|
"Saint Léger - 2
octobre"
Les Vies des Saints - 1724
|
|
"Histoire de saint
Léger, évêque d'Autun et martyr"
par le R.P. Dom Pitra - 1846
|
|
"Saint Léger - son
martyre - sa première sépulture à
Lucheux"
par l'abbé Théodose Lefèvre -
1884
|
|
"saint Léger,
évêque d'Autun, martyr"
Imprimeur E. Petithenry, Paris - vers
1900
|
|
"Vie de Saint
Léger"
par le R.P. Camerlinck, de l'Ordre des Frères
Prêcheurs - 1906
|
|
"Léger, d'Autun"
par Dom H.
Leclercq - 1929
|
|
"Eléments pour une
étude sur la diffusion du culte de Saint
Léger"
parue dans "la revue du Bas Poitou" tome IV -
1971
|
|
"Saint Léger -
fête le 2 octobre - 3 octobre"
La Légende Dorée d'Autun, par Denis Grivot -
1974
|
|
"Saint Léger", par Denis
Grivot,
Maître de Chapelle Honoraire de la Cathédrale
d'Autun
|
|
La prédication sur
Saint Léger faite à l'église
protestante
de St Légier la Chiésaz (Suisse) -
1997
|
|
"Saint Léger,
évêque d'Autun et martyr"
2 homélies du Père Alexandre, St Léger
sous Beuvray - 1998 et 2003
|
|
"Saint Léger,
porte-parole des élites bourguignonnes"
tiré du
Journal de la Bourgogne - 2002
|
|
"le bon et la brute" ou
"Léger contre Ebroïn"
sur le très joli site "Auxonne, capitale du Val de
Saône" - 2009
|
|
https://www.stleger.info