La chute
de l'
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Emile MAGNIEN
écrit : "Comment s'étonner d'un manque total
d'exaltation patriotique en 1814 : les Mâconnais, à
force de se taire, de se détourner des problèmes
politiques, d'être des sortes d' "athées politiques",
ont perdu le ressort que fortifient les crises et les dangers quand
un idéal est en jeu. Ronald ZINS nous
explique que fin 1813 "l'armée de Bohème, violant la
neutralité suisse, traverse le Rhin à Bâle,
Laufenburg et Schaffhouse... en quelques jours, près de 130
000 hommes entrent sur le territoire suisse et commencent à
déferler sur l'Alsace et la Franche Comté
." Alix des Roys,
mère de Lamartine, écrit dans son journal, à la
date du 31 décembre 1813 : "Nous voici réfugiés
à Mâcon ; tous les jours on nous annonce les ennemis ;
ils ont, dit -on, passé déjà
Genève
Qu'allons-nous devenir ? Quelle année que
celle-ci qui finit ainsi ce rêve sanglant de Bonaparte ! Et
quelle année que celle qui commence demain, si ce
n'était l'espérance de
" Déjà,
le 24 décembre, Lyon apprenait que les alliés venaient
de franchir le Rhin. Des affiches sont placardées pour avertir
"de l'invasion des coalisés". Les autorités tentent de
rassurer la population, on forme la Garde nationale. Le 4 janvier 1814,
l'avant-garde de Bubna entre à Lons le Saunier, venant de
Genève qui a capitulé le 29 décembre. Le 5, il
est à Poligny, dans le Jura. Schwarzenberg, commandant en chef
des armées de la coalition, lui donne l'ordre de marcher sur
Lyon. "Quand en 1814, les
armées alliées se présentèrent dans le
val de Saône, Mâcon ne fit rien pour retarder leur
avance, à la grande indignation des gens de Chalon et de
Tournus. Ce furent ces derniers qui, le 23 janvier 1814, se
portèrent vers le chef-lieu départemental pour en
déloger la petite unité autrichienne qui, venant de
Bourg, avait pris possession de la ville sans coup férir le 12
janvier. Avec environ 500 hommes sous la conduite du
général Legrand de Mercey, l'entreprise fut
couronnée de succès. Le 19 février,
un détachement de l'armée d'Augereau, venu de Lyon,
oblige le petit contingent autrichien qui tient Mâcon à
l'évacuer de nouveau, mais laisse ensuite la ville sans
défense. près de
Troyes, le 3 mars 1814 A Cluny, le Baron
Gustave de Damas, le fils du Comte de Damas d'Audour, à la
tête de 600 francs-tireurs, veut donner une leçon de
patriotisme aux Mâconnais. Il poste ses hommes derrière
les remparts encore debout à cette époque. Un
détachement autrichien de 6 000 hommes, commandé par le
Général autrichien Baron de Menningen,
débouchant par la vallée de la Grosne, se
présente le 7 mars 1814, venant du château de Cormatin
où avait été établi son PC. Une tentative de
retour des Français, venus de Lyon pour "tâter de
l'ennemi", le 10 mars, se solde par un échec qui ouvre la
route de Lyon aux Alliés. aux armées, en
1815 La Restauration
suivit l'abdication de Napoléon. Elle fut saluée avec
enthousiasme par la bourgeoisie mâconnaise, malgré
l'occupation ennemie dont elle s'accompagnait et qui dura jusqu'en
juin. Le passage de la duchesse d'Angoulême, le 9 août
1814, puis du comte d'Artois, le 6 septembre, furent l'occasion de
fêtes et d'acclamations enthousiastes. Mais en mars 1815,
tout changea brusquement à la nouvelle du retour de
Napoléon et ce fut au tour de la foule populaire de pavoiser.
Remontant sur Paris, Napoléon coucha à Mâcon la
nuit du 13 au 14 mars. Maire et préfet mis en place par Louis
XVIII avaient disparu. Napoléon reçut froidement les
délégations venues lui présenter des adresses
à l'hôtel du Sauvage." la bataille de Ligny,
au nord-est de Charleroi (Belgique) Cet article est
principalement rédigé à partir de "l'Histoire de
Mâcon et du Mâconnais" d'Emile MAGNIEN,
étoffé de l'article d'Adrien ARCELIN sur "les
Autrichiens à Cluny" (Annales de l'Académie de
Mâcon 1900), ainsi que par des extraits du "Manuscrit de ma
mère" de LAMARTINE (Hachette 1911).
Ils hésitent néanmoins avant d'entrer sur le territoire
français, craignant un sursaut national qui permettrait
à Napoléon de renverser la situation
Pour
l'empêcher, ils se servent admirablement de la propagande afin
de détacher l'opinion de l'Empereur, bien conseillés
par les royalistes
Cette entreprise n'eût pas
réussi sans une réelle lassitude de l'opinion
française
On était, dira-t-on, "dégoûté de la
gloire"
A présent chacun veut la paix,
et les
Alliés le savent."
("La France napoléonienne, aspects extérieurs" R.
DUFRAISSE et M. KERAUTET)
Pour la masse, il lui est indifférent que les Autrichiens
arrivent et que Louis XVIII remplace Napoléon. Peut-être
cela amènera-t-il enfin la paix, et on est si las de la guerre
et de ses conséquences économiques et humaines qu'on se
résigne à accepter cette paix de l'occupation
étrangère.
Pour la partie de la population la plus passionnée et la plus
constamment demeurée en alerte, les royalistes, les
nostalgiques de l'ancien régime, ceux qui attendent une
revanche, l'heure est venue.
L'hallali de l'Empire et de "l'usurpateur" est salué comme la
sentence inéluctable prononcée par la justice
immanente. Les instruments de cette justice, les troupes
autrichiennes ne sauraient être reçues à coup de
fusil !
Les parents de Lamartine sont de ceux qui, bien que n'ayant pas
milité dans l'anti-bonapartisme actif, détestent le
régime et conservent intactes leurs convictions
royalistes
"
La colonne du comte Bubna doit occuper Genève puis faire sa
jonction avec les troupes de Franche Comté, soit en tout 9 500
hommes.
Lamartine note qu'au travers de cette réticence, on voit
l'espoir de la chute de Bonaparte et du retour des
Bourbons.
"9 janvier 1814 : les ennemis sont à Besançon et
près de Lyon, on s'attend à devenir ici un champ de
bataille
Tout le monde est d'une agitation extrême, l'on
se prend même à partie les uns les autres suivant les
opinions présumées
" ("Manuscrit de ma
mère" LAMARTINE )
Lamartine écrit : "Tout le journal jusqu'au 10 mars 1814 n'est
qu'un récit troublé des manuvres des
armées autrichienne et française, qui prennent et
reprennent tour à tour la ville de Mâcon et les villages
voisins
"
Le 11 janvier, Bubna s'empare de Bourg en Bresse, les Français
faisant retraite jusqu'à Méximieux. Bubna est alors
maître de la vallée de la Saône. Trois jours plus
tard, des éclaireurs occupent le château de La Pape sur
les hauteurs de Lyon.
Les Autrichiens repassèrent le pont et se replièrent
sur la route de Bourg par laquelle ils étaient arrivés.
Mais le 23, devant l'hostilité des Mâconnais qui
craignaient des représailles, Legrand abandonnait la ville
pour se replier lui-même sur Chalon, et le 26 janvier, les
Autrichiens reprenaient possession de la place où ils
imposaient immédiatement de sévères
réquisitions.
Cette attitude défaitiste de Mâcon, connue à
Paris où l'administration impériale suivait avec
anxiété la marche des événements, fut
sévèrement jugée
." (Emile MAGNIEN
op.cit)
"Au soir du 4 mars, une avant-garde ennemie, forte de 15 000 à
20 000 hommes et 80 canons, se dirige sur Mâcon sous les ordres
du Général Bianchi
Le 7 mars au soir, le
Général autrichien Scheiter s'empare de
Mâcon
"
peinture de Ch Langlois, musée de l'Armée,
Paris
Reçu par une fusillade nourrie, deux parlementaires ennemis
envoyés par le Général sont abattus.
Les Autrichiens se replient sur Cormatin, bivouaquant dans les cours
et le parc du château. Ignorant l'état de la "garnison"
de Cluny et sans artillerie, Menningen est bien décidé
à revenir le lendemain avec des forces accrues et à
châtier exemplairement la ville.
Damas, jugeant qu'il avait fait un coup de folie, évacue Cluny
dans la soirée, laissant ses paisibles habitants dans une
tragique inquiétude quant aux représailles qui allaient
s'abattre sur eux.
Ils envoient une délégation à Cormatin pour
essayer de plaider leur cause. Menningen ne veut pas les recevoir,
les faisant aviser de son inflexible intention de punir la vieille
cité.
Heureusement, la châtelaine de Cormatin, la belle Nina Dezoteux
(la fille du fameux chef des chouans de Bretagne), comtesse de
Pierreclau, est plus persuasive et, après plusieurs
tentatives, elle obtient le pardon de Cluny.
La ville n'eut à subir que les rigueurs d'une très
forte réquisition de denrées de toute
espèce.
Alix des Roys raconte :
"Le jeudi 10 mars 1814, grand nouveau combat, les Français
sont au nombre de douze mille pour repousser les Autrichiens. La
bataille a duré depuis 7 heures du matin jusqu'à 4
heures du soir, avec une égale ardeur des deux
côtés. Il y a eu une perte à peu près
égale des deux parts, on faisait monter à quatre mille
hommes les tués et les blessés. Nous n'avons
cessé d'entendre le canon et de voir passer des
blessés. Cette journée a été affreuse
!"
"Au retour de la bataille, la nuit qui l'a suivie et le lendemain,
toutes les maisons ont été pillées dans presque
tous les villages environnant Mâcon, et plusieurs même
dans la ville, presque toutes dans les faubourgs Saint Antoine et La
Barre."
"Beaucoup d'excès de tout genre ont été commis :
malheureux fruits de la guerre !"
victoire de Napoléon sur les Prussiens, le 16 juin
1815
Pour les questions militaires, le livre de référence
est celui de Ronald ZINS "1814, l'armée de Lyon, ultime espoir
de Napoléon" (Horace Cardon, éditeur 1998)