La famille VALENTIN au Hameau de La Garde et aux Lévriers
à St Léger sous la Bussière, entre 1804 et 1830
  
 

 

"nventaire des meubles, effets et denrées..."
au domicile de Jean-Benoît Valentin
(septembre 1830)

 

 

Le 23 septembre 1830 (1), "sur les neuf heures du matin, à la réquisition de Jean REVILLET tuteur", Nicolas CORSIN, "notaire à la résidence de Tramayes", se transporte au domicile des VALENTIN à La Garde "à l'effet de procéder à l'inventaire des meubles, effets et denrées délaissés par les dits défunts mariés VALLENTIN et THOMAS".
Jean THOMAS de Dompierre les Ormes, subrogé tuteur, est présent.

"Sieurs Léger BERTOUD et Claude BONNETAIN", tous deux propriétaires cultivateurs de Saint Léger, sont choisis comme "experts appréciateurs".
Ils sont "plus que majeurs" condition requise "et acceptent la commission de vaquer à l'estimation des meubles, effets et denrées qui leur seront représentés…par serment prêté entre nos mains d'estimer les dits objets en leur honneur et conscience…"

Léger BERTOUD est le beau frère de Jean-Benoît, veuf de sa sœur Claudine décédée en 1811. Il a soixante ans. Claude BONNETAIN est le voisin des VALENTIN à La Garde.

"Avant de procéder à l'inventaire, (le notaire) requiert les tuteur et subrogé tuteur de déclarer si il leur était dû quelque chose par la succession des défunts…(Ils) ont déclaré qu'il ne leur était rien dû."

Ustensiles de cuisine : pain, soupe… et gaufres au miel ! Outils de travail : de quoi en faire un fromage ! Mobilier, bétail… une vache vaut deux armoires !

Alors commence l'inventaire. Défile devant nous la liste des "objets usuels" d'un cultivateur en Mâconnais à l'époque de la Restauration : ustensiles de cuisine, outils de travail, mobilier, bétail.
Les termes utilisés pour leur description sont souvent locaux.
Le "Dictionnaire du monde rural" de Marcel LACHIVER nous fournit bien des explications. Afin de ne pas alourdir le récit, elles sont indiquées en notes de bas de page.

Beaucoup des articles décrits sont "mauvais" : mauvais draps, mauvais lit, mauvais rideaux. C'est-à-dire vieux, usés, défectueux, de peu de valeur. Ce sont surtout les couchages qui sont usagés et le mobilier d'usage quotidien.

Quelques-uns de ces "objets délaissés" sont estimés haut, c'est le cas notamment des deux "beaux meubles" de la maison :

  • "un cabinet (2) ferré et fermant à clef à deux tiroirs" vaut 30 francs.
  • "un cabinet à deux portes et deux tiroirs" n'est estimé que 24 francs.
    Peut être car il est "sans serrure" !

Ce meuble est très vraisemblablement celui apporté en dot par Benoîte THOMAS pour son mariage avec Jean Benoît VALENTIN.
Dans leur contrat de mariage en 1811, cette précision importante : "et spécialement la future épouse…un meuble à deux portes fermé et fermant à clef en menuiserie en bois midi ?, un lit garni d'une coétre (couette) et traversin de plumes." On retrouve également ce lit dans l'inventaire.

(1) Le copiste a écrit "ce jourd'hui trois septembre" mais c'est une erreur car à cette date Jean-Benoît est encore vivant ! La date du 23 est confirmée au dos de l'acte.
(2) Le cabinet est une armoire ou petite armoire. Le cabinet est, un peu partout, l'armoire à linge ou à vêtements.

 

"Dans un des tiroirs sont des papiers dont la description est renvoyée à la fin de l'inventaire" note le notaire. Ces papiers sont, depuis, conservés dans notre famille. Ils ont fait l'objet de développements importants dans les chapitres précédents.

Mais ce qui vaut surtout "cher" dans les estimations, c'est le bétail : une vache est estimée à 72 francs… "une autre vache" 30 francs… une génisse 54 francs… un cochon 22 francs.

Les premiers articles de l'inventaire nous prouvent que les VALENTIN fabriquent leurs fromages avec le lait des vaches : il y a, à La Garde, tout le matériel nécessaire ! Ils préparent aussi, comme beaucoup alors, leur pain et leurs salaisons de viande de porc. La famille se retrouve probablement autour d'une grande marmite de soupe. Elle déguste même parfois des gaufres faites maison, peut-être avec du miel.

Ceux qui seraient curieux "des choses telles qu'elles étaient" avant la modernisation de la France rurale peuvent lire (entre autres) les deux chapitres : "Le pain quotidien" et "De la subsistance à l'habitat" qu'Eugen WEBER consacre aux paysans dans "La fin des terroirs."

 

ARTICLES DE L' INVENTAIRE
ESTIMATION

1

"deux chauches (3), un grand porte-écuelle (4) et l'autre petit, le tout en fer"

1 franc 50

2

"une fourchette en fer pour le feu, une servante ou douzelle (5) aussi (en) fer, une mauvaise salière en bois"

1 franc

3

"un seau ferré avec sa poche (6), en bois, deux petites sellières en sapin (7) et un couloir fer blanc (8)"

2 F

4

"huit pots en terre, cinq écuelles aussi (en) terre, une en fayence, cinq assiettes fayence, quatre cuillières et trois fourchettes en fer"

1 F 80

5

"cinq bouteilles et une chopine (en) verre noir, deux pots en terre, une autre chopine (en) verre noir (9)"

60 centimes

6

"un panier (en) ozier et deux corbissous (10) aussi (en) ozier, un petit salloir avec son couvercle (11)"

1 F 50

7

"une marmite numéro trente cinq et une autre numéro dix avec leurs couvercles"

8 F

8

"un fer à gauffre"

5 F

9

"une petite table quarrée avec son tiroir"

2 F

10

"un marteau, des tenailles, une petite faussille (12) et environ deux kilos de ferraille"

2 F

(3) Pilon en bois pour tasser la vendange dans les bennes
(4) Porte écuelle ou porte assiette : cercle de métal, de bois ou d'osier tressé qu'on met sous les plats. En Mâconnais, l'écuelle est un moule à fromage en terre ou en fer blanc, synonyme de faisselle.
(5) Espèce de grille semi-circulaire qu'on peut suspendre à la crémaillère par une anse et qui sert à poser les récipients à manche, comme poêle à frire, casserole
(6) "La poche", c'est peut-être ici le sac simple en toile mais cela peut être aussi "une louche percée pour écrémer le lait…pour égoutter le fromage."
(7) Sellière = salière : petit vaisseau de bois où l'on met du sel et que l'on pend au jambage de la cheminée de la cuisine pour tenir le sel sec
(8) Le couloire est une sorte de passoire, en forme d'écuelle à fond de toile ou de crin, qu'on utilise pour faire couler le lait qu'on vient de traire et le filtrer. C'est aussi un récipient à fond percé de trous pour égoutter les fromages frais.
(9) Chopine : ancienne mesure de capacité pour les liquides. A Mâcon, il existait une chopine de 0,757 litre pour les liquides.
(10) Corbissou : autrement dit un corbillon, une petite corbeille
(11) Le saloir est un "vaisseau de bois ou grand pot de grès destiné à recevoir les viandes qu'on veut saler", pour les conserver.
(12) Il faut évidemment lire "faucille."

 

ARTICLES DE L' INVENTAIRE
ESTIMATION

11

"une patière avec son couvercle en chêne (13)"

5 F

12

"un petit banc avec quatre chaises empaillées"

1 F

13

"un vessellier (14) à deux portes et trois tiroirs… y compris le rayon sur le dit vessellier"

5 F

14

"un cabinet à deux portes et deux tiroirs sans serrure"

24 F

15

"un autre cabinet ferré et fermant à clef à deux tiroirs"

30 F

16

"une veste et un pantalon en printannière ?, quatre napes, sept chemises"

5 F

17

"deux draps de lit"

1 F

18

"une petite couchette d'enfant en bois (de) peuplier garnie de deux mauvais draps et une couverture (en) étoupe (15)"

4 F

19

"un mauvais lit à quatre colonnes, sans ciel, garnie d'une coétre (en) balavoine (16), deux draps, traversins balavoine, mauvais rideaux devant et derrière, tier laine"

12 F

20

"dans la cour, un mauvais char avec ses quatres roues ferrées et d'araizes ? (17)"

22 F

21

"deux mauvaises poêles en fer, deux mauvaises fourches, deux besselons (18) et un pic ?"

1 F 60

22

"deux roues de chariot ferrées, une commassure (19) avec son mauvais tombereau sans roue (20)"

2 F

23

"dans une chambre sous la cuisine, un mauvais lit, deux mauvaises feuillettes défoncées (21), six mauvais benons (22) pour le pain"

3 F

24

"deux perçoires, une serpe, un dard ou faux"

3 F

25

"dans l'écurie, une vache (au) poil blanc et jaune"

72 F

26

"une autre vache blanche"

30 F

27

"et une génisse (au) poil jaune (23)"

54 F

28

"un cochon"

22 F

29

"un mauvais joug"

50 centimes

30

"quatre faucilles et un char de charue (24), un prouet (25) en fer, une fochée (26)"

3 F

31

"dans le grenier, trois ruchers en paille pour abeilles (27)"

1 F

32

"trois sacs"

1 F 50

33

"environ vingt deux boisseaux de grain (28), non estimé attendu que le tuteur a été autorisé à en faire l'usage prescrit par la délibération des parents précitée (29)"

(13) La patière est en Mâconnais la maie, le pétrin servant aussi de table à manger.
(14) Il s'agit, bien sûr, d'un vaisselier, meuble pour ranger la vaisselle.
(15) L'étoupe est la partie la plus grossière de la filasse obtenue après avoir été débarrassée de tous les débris de chènevotte. Elle sert alors à rembourrer les matelas et confectionner des couvertures.
(16) La coétre balavoine est une couette garnie de balle d'avoine, c'est-à-dire remplie de l'enveloppe des épis d'avoine récupérés après le battage des grains.
(17) Probablement une forme régionale de "areau" : araire, charrue sans avant-train pour le labourage des terres légères.
(18) Besselon : en Mâconnais, bêchelon, piochon, petite binette
(19) Peut-être une "commissure" : avant-train du char utilisé pour le charroi des bois
(20) Charrette entourée de planches servant à transporter du sable, des pierres
(21) Mesure de capacité pour le vin, 105 litres environ à Mâcon
(22) Benon ou bennon : corbeille à pain
(23) Jeune vache qui n'a pas encore porté
(24) Probablement un instrument pour labourer avec un avant-train articulé
(25) Prouet en fer (on dit aussi proulière : chaîne ou petit timon de 2,50 à 3 m de longueur qu'on accroche au timon pour l'allonger quand on veut atteler plus d'une paire de bœufs)
(26) Fossoir : sorte de houe à lame plate et pleine, pour sarcler les pommes de terre
(27) Autrement dit, des ruches !
(28) Mesure de capacité pour les grains, un boisseau égale environ 20 livres de blé soit presque 10 kg.
(29) Délibération du Conseil de famille devant la Justice de Paix de Tramayes du 16 septembre 1830

 

"Aux présentes est intervenu Jean-Marie VALLENTIN, frère du défunt… cultivateur demeurant au dit Saint Léger, lequel déclare qu'il doit à la succession de ce dernier une somme de cent francs, pour prêt que lui a fait il y a quelques temps le dit défunt Jean Benoît VALLENTIN, exigible depuis le mois de juin dernier."
"Pour sûreté de paiement, Jean-Marie VALLENTIN déclare qu'il affecte et hypothèque ses biens situés tant au dit Saint Léger qu'à Trambly, consistant en bâtiment, pré et terres."
"Suit la description des titres et papiers…" : 14 documents sont répertoriés.
Entre autres :
"numéro 1 : expédition du mariage de Jean-Benoît VALLENTIN et Benoîte THOMAS, reçu Me ROYER, notaire, le vingt sept mai dix huit cent onze"
"numéro 2 ; expédition d'une vente de deux mille francs pour Claude et Benoît VALLENTIN, père et fils, de Me Antoine DELACHARME, reçu Me CHAIX, le vingt trois avril dix huit cent huit"

Ces deux documents, absents des archives familiales, furent, nous l'avons vu, heureusement retrouvés au cours de nos recherches !

"Tous les meubles, effets, denrées, bestiaux, titres et papiers qui se sont trouvés dans le susdit domicile où sont décédés les dits Jean-Benoît VALLENTIN et Benoîte THOMAS, au dit lieu de La Garde…De tout quoi le dit Jean REVILLET tuteur consent de demeurer chargé pour en rendre compte quand il en sera requis."
"Le montant du présent inventaire s'élève, sauf erreur de calcul, à la somme de trois cent vingt sept francs." (327 francs)

L'inventaire est "clos…sur les deux heures du soir" (cinq heures de travail !)
Les témoins sont Pierre PHILIBERT, Benoît THEVENET, tous deux propriétaires cultivateurs à St Léger. Tous signent le procès verbal rédigé sur place "non le dit Jean-Marie VALLENTIN ni le dit THOMAS subrogé tuteur pour ne le savoir."
L'acte est enregistré à Tramayes le 1er octobre 1830. 

 Michel Guironnet
février 2004

 

 

01

Petite histoire de St Léger sous la Bussière

02

Les Valentin s'installent à St Léger

03

Marraine et conscrit Valentin

04

Mariages des enfants Valentin à St Léger

05

"L'Ogre et les conscrits" (1807) 

06

Achat du domaine de La Garde à St Léger (1808)

07

Revenus des paysans et valeur de l'argent

08

Les "dernières volontés" des époux Valentin

09

Partage de propriété à La Garde (juin 1809)

10

Claude Valentin, "illétéré, de ce enquis"

11

Le mariage de Jean-Benoît (1811)

12

Histoire d'un contrat de mariage "double" (1812)

13

Le prix de la terre (1817)

14

La mort du père Claude Valentin (1821)

15

La descendance est assurée (1821/1826)

16

Les malheurs de Jean-Benoît Valentin

17

La mort de Claudine, la grand-mère (1828)

18

La mort de Jean-Benoît Valentin (1830)

19

Inventaire au domicile de Jean-Benoît Valentin

20

Vente des biens délaissés par Jean-Benoît Valentin

 

vers St Léger sous la Bussière

 

 

 

 

 

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