A
l'entrée de la forêt juste au sud de Saint Léger
aux Bois, les Allemands, pendant la guerre 1939-1945, organisent un
camp de munitions. Des kilomètres de clôtures et de
barbelés sont posés à la lisière de la
forêt entre Saint Léger aux Bois et Montmacq, et
jusqu'au carrefour du Puits d'Orléans dans la forêt. Les
abords sont minés avec des mines en verre munies de
détonateurs très sensibles, et des miradors assurent la
surveillance de l'ensemble.
Il s'agit d'un immense
dépôt créé par les Allemands à
partir de 1942, dans un quadrilatère établi sur
plusieurs communes (Montmacq et Saint Léger),
protégé à la fois par le feuillage des grands
arbres, la conception même des talus épais
séparés les uns des autres, et d'une double
rangée de barbelés entre lesquelles des mines
antipersonnel indécelables en verre épais (on dirait du
verre d'isolateur des lignes EDF, la mine ressemblant à un pot
de fleurs d'une vingtaine de centimètres de hauteur et de
diamètre) interdisaient toute pénétration. Ce
périmètre allait de Saint Léger aux Bois,
accès principal, au Carrefour des Plainards route
d'Ollencourt, au Puits d'Orléans et au Carrefour de
Montmacq.
en rouge les routes interdites
de 1942 à la fin 1945
Les points rouges sont une partie des enclos encore souvent visibles
aujourd'hui
comme le long de la route de Saint Léger aux Bois à
Montmacq.
Au centre du village, l'emplacement du camp de prisonniers qui
travaillaient au dépôt de munitions.
Par conséquent, la route de
Montmacq à Saint Léger aux Bois (chemin vicinal
n°4) était exclusivement réservée aux
troupes allemandes et interdite à toute autre circulation. Les
déplacements à pied ou en vélo entre les deux
villages, en particulier pour les ouvriers de Saint Léger qui
travaillaient à la glacerie Saint-Gobain, s'effectuaient par
un petit sentier tracé par la force de l'habitude, qui
contournait la clôture. Pour se rendre à
Compiègne, les habitants de Saint Léger devaient faire
un détour de plusieurs kilomètres par le sud et
passé par Saint Crépin aux Bois, ce qui n'a pas
manqué d'isoler un peu plus le village durant cette
période.
Les munitions sont entreposées
de chaque côté de la route qui mène de Saint
Léger aux Bois à Montmacq ainsi que sur les routes et
chemins qui en facilitaient l'accès, et sur 2 rangs, on peut
apercevoir au travers des frondaisons les très nombreuses
levées de terre formant enclos séparés les uns
des autres par quelques dizaines de mètres, encore bien
conservées malgré leur disparition progressive par
arasement au fur et à mesure de l'exploitation et de la
replantation des parcelles.
Les talus, quasi tous identiques, ont
actuellement une hauteur extérieure de 2 à 3 m pour une
épaisseur de 2 m à la base et de 60 à 80 cm au
sommet.
Le
fossé extérieur formé par la terre
prélevée pour monter le talus fait environ
2,50 m de largeur et 50 cm de profondeur.
Une ouverture
latérale d'un mètre cinquante dans chaque
talus permet l'entrée dans l'enclos rectangulaire
d'environ 9 m sur 7 à 8 m.
De l'intérieur le
talus n'a plus que 1,50 m de hauteur.
Son volume moyen devait
être de 100 m3, de quoi contenir un bon stock de
munitions de toutes espèces.
|
|
En septembre 1945, l'interdiction de
circuler sur les routes traversant le dépôt des
munitions perdure et fait l'objet d'observations des conseils
municipaux des environs qui déplorent "la gêne pour
les habitants des villages... qui se trouvent dans l'obligation de
faire de longs détours pour se rendre les uns à
Compiègne, centre de ravitaillement et de communication, les
autres à leur travail ou affaire personnelle" et demandent
"que la traversée de Montmacq à Saint Léger
aux Bois soit rendue libre ou du moins que l'autorisation puisse
être accordée sans d'interminables
formalités".
Un camp de prisonniers marocains sera
installé au cur du village non loin de la mairie, sur
l'emplacement de l'actuelle salle des sports, auxquels viendront
s'ajouter plus tard des travailleurs recrutés pour le STO
(service du travail obligatoire). Ces derniers seront logés
chez les habitants de la commune. Cette main d'uvre qui
travaillait à la construction et au transport du camp de
munitions paiera un lourd tribut à l'occasion de plusieurs
accidents et bombardements alliés.
pour en savoir plus
sur le camp de prisonniers marocains
|
Dans ces enclos,
édifiés tant par une main-d'uvre locale que par
certains prisonniers de guerre, des dizaines, des centaines de tonnes
d'obus, de mines, de cartouches, de grenades, de bombes et de
détonateurs furent stockées pendant toute la
durée de l'occupation et gardées en grande partie...
par des Russes.
Le 7 mars 1944, une escadrille
alliée, sans doute avertie par la Résistance
(réseau Hunter Nord), vint jeter quelques bombes et plaquettes
incendiaires sur la forêt, comptant sur la chance pour faire
exploser de proche en proche les dépôts, mais les
levées de terre bien espacées jouèrent leur
rôle et il n'y eut finalement que peu de résultats. Par
contre, de nombreux prisonniers soviétiques et
indigènes coloniaux qui y travaillaient sous la contrainte,
ainsi que des civils français, en furent victimes.
Après le débarquement,
au moment du reflux des armées allemandes, la rumeur courut
que le dépôt était miné et que l'occupant
allait le faire sauter en partant. Aussi certains habitants
avaient-ils creusé des tranchées à
l'arrière de leur maison pour se protéger, tant la
menace et surtout la peur étaient grandes, pendant que
d'autres se vantaient d'avoir coupé les fils
électriques qui reliaient les explosifs entre eux. Toujours
est-il que rien ne se passa heureusement et, à la
Libération, ce dépôt tomba intact dans les mains
des militaires américains qui, par la suite, en
confièrent la garde aux engagés français.
Ce ne fut pas une mince affaire que
d'évacuer ce stock par le génie militaire, soit en
récupérant ce qui pouvant l'être, soit en le
détruisant par explosion. Durant plusieurs semaines, les
habitants furent invités, chaque soir à 18 heures,
à laisser portes et fenêtres ouvertes pour éviter
les bris de vitres lors de l'explosion, en forêt, du tas
constitué dans la journée. Pendant ce temps, des
prisonniers de guerre allemands étaient chargés,
à leur tour, mètre par mètre, de retirer les
milliers de mines en structures de verre qui interdisaient l'approche
du dépôt.
Mais les animaux de la forêt,
principalement les sangliers qui ne savent pas lire les mises en
garde, se faufilaient parfois entre les rangées de
barbelés et sautaient sur les mines. Il était alors
tentant, dans ces temps de grandes pénuries alimentaires,
d'aller récupérer les animaux tués ou
blessés au risque de sauter soi-même sur une mine. Ce
qui arriva à certains : parmi ceux-là, Kléber
DEGARDIN, cabaretier de Saint Léger aux Bois, est
grièvement brûlé par l'explosion d'une munition
dans la forêt sur le site du dépôt de munitions
laissé par les Allemands. Deux Montmacquois se firent
sectionner un pied ou une jambe en allant aux champignons.
Ce dépôt posa bien des
problèmes aux villages sur lequel il était
implanté, tant pour sa sécurité que pour la
commodité de la circulation et des travaux forestiers. Le 19
novembre 1944, M. Masson, conseiller municipal à Montmacq,
présente le vu suivant en séance du Conseil :
"Considérant que plusieurs accidents très graves ont
eu lieu sur le territoire de la commune de Montmacq depuis la
Libération -en particulier deux habitants de Montmacq ont
dû être amputés ; l'une des victimes était
FFI de garde au dépôt de munitions- ces accidents ont
été causés par l'éclatement de mines
posées dans la forêt de Laigue pour empêcher
l'accès du dépôt,
Considérant d'autre part que les réseaux de fils de fer
limitant ce camp sont à divers endroits enlevés ou
détruits ou bien cachés par des arbres tombés ou
par la végétation qui a repoussé depuis leur
mise en place et que, de plus, des mines ont été
même posées hors du camp comme pièges à
feu pour prendre le gros gibier,
Considérant enfin que les FFI de garde sont exposés
chaque jour à être les victimes de ces mines, et que
tous les habitants des villages entourant le camp peuvent se trouver
fortuitement dans une zone dangereuse, soit en se rendant à
leur travail, soit en allant cueillir des champignons ou ramasser le
bois mort si précieux cet hiver où le combustible sera
rare, et qu'aussi des bûcherons devront comme chaque
année aller faire en forêt de Laigue leur travail
habituel,
Le Conseil Municipal de la commune de Montmacq émet le
vu que, pour éviter des accidents susceptibles de se
produire encore pendant des années, un travail très
sérieux de recherche de l'enlèvement
systématique de toutes les mines existant dans la forêt
de Laigue soit entrepris au plus tôt et que, pour ce faire,
soit employée la main d'uvre fournie par les prisonniers
de guerre allemands du camp de Royallieu, ce travail
particulièrement dangereux paraissant à juste titre
devoir leur être de préférence
réservé."
Le déblaiement, une fois
encore, tarde considérablement. Le 19 septembre 1945, le
Conseil Municipal revient sur le sujet et "demande la suppression
du dépôt...dont l'existence constitue non seulement une
gêne à la circulation mais encore un danger très
grand".
Pour parvenir à Montmacq, de
l'autre côté, c'est seulement le 25 décembre 1945
que l'interdiction de traverser le dépôt de munitions
est levée avec les réserves ci-après
placardées sur des panneaux situés à
l'entrée des chemins concernés :
1. Interdiction aux véhicules et aux isolés de
stationner sur les chemins à l'intérieur du
dépôt de munitions
2. Interdiction de s'écarter des chemins pour
pénétrer dans les bois à l'intérieur du
dépôt de munitions
3. La circulation pourra être momentanément suspendue
pendant la durée des explosions sur le champ de destruction
des munitions.
Et le danger est réellement
présent :
29 décembre 1945, journal "Le Progrès de l'Oise" :
"Tout dernièrement, plusieurs enfants se rendaient dans les
bois en passant près du dépôt de munitions
où ils prirent quelques pétards. Les jeunes Jean et
André, âgés de 12 ans, demeurant chez leur
mère à Montmacq, dissimulèrent quelques-uns de
ces pétards dans une remise de la maison d'habitation.
Le lendemain, les enfants retournèrent dans la remise
où André, après avoir vidé le contenu
d'un pétard, mit le feu à la poudre. Une explosion se
produisit et les deux enfants furent grièvement blessés
à la face. Après un séjour de quelques jours
à l'hôpital, les enfants ont pu regagner le domicile
maternel."
Ceux qui étaient adolescents
à l'époque racontent volontiers leurs
expéditions de chapardages de petites munitions,
détonateurs et autres fusées dans le dépôt
qui permettaient quelques exploits pyrotechniques pas toujours
avouables. "Nous en avions plein les poches, même à
l'école". Ce qui n'allait pas sans danger, bien sûr.
La proximité et la profusion
du "matériel" particulier entreposé dans la forêt
rendent attrayants quelques petits trafics locaux sans grande
importance mais sans doute risqués : "Léon B.
s'était rendu en forêt...où il s'amuse à
prendre des bagues de cuivre ceinturant les obus. Le vol par
lui-même n'est pas très important mais ce qui est grave,
ce sont les causes qui peuvent en découler. Les obus dessertis
s'amorçant facilement provoquent de graves accidents dont sont
victimes les artificiers. Poursuivi devant le Tribunal Correctionnel,
B. est condamné à 15 jours de prison sans
sursis."
Passons sur une vente un peu
douteuse, à Plessis-Brion, d'une bonne quantité de
douilles d'obus en cuivre, mentionnons au passage qu'un Parisien
voulant faire sauter des souches d'arbres dans la
propriété qu'il possède à Saint
Léger aux Bois s'approvisionne "d'une quantité assez
importante de détonateurs, cartouches, pétards
d'artillerie", et qu'enfin, trois jeunes gens se procurent trois
de ces pétards dont ils se servent pour pêcher dans
l'Oise !
Conclusion : les gendarmes verbalisèrent tout le monde.
Les choses ne se passent pas toujours
aussi bien. Le 20 décembre 1946, l'agglomération
compiègnoise et sa banlieue sont secouées à 7h30
par une très forte détonation. Elle provient de Saint
Léger aux Bois où le dépôt de munitions
est en cours de liquidation. Ce serait un tas d'obus en cours de
dévissage, situé à un kilomètre environ
des premières habitations de la commune, qui a sauté.
Et si l'on ignore la cause exacte de l'explosion, si aucun accident
de personne n'est à déplorer, elle a en tout cas pour
conséquence la volatilisation de nombreux carreaux chez les
habitants (d'après la Semaine de l'Oise - décembre
1946).
Le danger persiste encore longtemps
après la fin de la guerre. Il peut même être
spectaculaire.
Preuve en est dans cet article en date du 27 août 1947 :
"Un dépôt de munitions saute en forêt de Laigue
: La sentinelle est tuée.
Samedi (23 août 1947) à 13h13, une violente explosion
mettait en émoi la ville de Compiègne. Un
dépôt de munitions venait de faire explosion à 8
km de là, près de Saint Léger aux Bois, à
300 m du carrefour du Puits d'Orléans, sur la route de Tracy
(Ollencourt).
88 caisses de 500 détonateurs ont sauté et
détruit un coin de la forêt de Laigue qui abrite encore
de nombreux et dangereux dépôts.
Sur le lieu de l'explosion qui a fait un cratère de 7 m de
profondeur sur 60 m de diamètre, d'énormes chênes
ont été pulvérisés, coupant les lignes
téléphoniques. La route est obstruée sur
près de 200 mètres. On déplore la mort de la
sentinelle qui gardait ce dépôt appartenant au groupe
autonome de spahis de Senlis. La victime, M. Marcel Dubois, 21 ans,
marié, père d'un enfant, était domicilié
à Creil.
Les causes de cette explosion sont demeurées inconnues. C'est
par miracle, sur cette route empruntée par une ligne
d'autocars, qu'on n'ait pas à déplorer d'autres
victimes. De nombreuses réclamations avaient été
faites par la gendarmerie au sujet de la présence de ces
dangereux dépôts."
En juillet 1949, c'est-à-dire
5 années après la Libération, la route n'est
toujours pas remise en état (ce sera budgété en
1953 et réalisé en 1954), le dépôt n'est
pas encore totalement nettoyé et sert toujours de base
d'approvisionnement... clandestin :
"Un ferrailleur de Mouy s'était rendu au dépôt
de munitions de Saint Léger aux Bois, concédé
par l'Etat à la Société Métalfer. Il
avait amené un camion pour enlever les douilles
dérobées au dépôt. Déjà il
avait commencé à remplir des sacs lorsque survinrent
des gardes qui mirent fin à cette opération
délictueuse."
Il arrive rarement de trouver de
petits obus dans ces coins-là, bien que Jean-Paul LAMY
lui-même en ait signalé deux il y a quelques
années (il n'est pas le seul !). Il n'y a pas eu,
heureusement, d'accidents sérieux depuis fort longtemps mais
on peut craindre, malgré les décennies, que la
forêt ne recèle encore, ici ou là, quelques
"souvenirs" dangereux...
Guy Friadt,
février 2003
article de Oise Hebdo - mars
2007
St
Léger en 1839 - l'église du
village
|
|
|
1883
- notice historique et statistique sur St
Léger
|
|
|
anecdotes
sur le village
|
|
|
la
fête au village et une partie de choule ...en
picard !
|
|
|
St
Léger aux Bois et son chemin de
Compostelle
|
|
|
erci
de fermer l'agrandissement sinon.
https://www.stleger.info