Les
restes de Saint Léger furent apportés dans la demeure
de Thierry III après la mort d'Ebroïn ; une contestation
s'éleva rapidement pour la possession de ce trésor
précieux.
- L'évêque de Poitiers,
Ansoald, successeur de Didon et aussi membre de la famille de
Léger, réclama pour son diocèse l'honneur
d'accueillir la dépouille mortelle du saint,
prétextant qu'il avait sur son territoire exercé les
hautes fonctions d'archidiacre, puis
d'abbé.
- L'évêque d'Autun,
Hermenaire, fit valoir pour sa part qu'étant le successeur
de Léger, il lui revenait de droit la garde du corps de
celui qui, pendant ses quinze années d'épiscopat,
avait preuve sur place des plus grandes vertus.
- L'évêque d'Arras,
Vindicien, soutint la thèse que les reliques de saint
Léger ne pouvaient pas quitter le lieu où celui-ci
avait subi le martyre pour la foi.
Il fallut pour trancher le différend
l'arbitrage du roi Thierry III qui décida de s'en remettre au
jugement de Dieu. Après trois jours de prières et de
jeûne, le tirage au sort désigna l'église de
Poitiers pour recevoir le précieux dépôt. Ansoald
donna donc mission à l'abbé du monastère de
Saint-Maixent, Andulphe, de se rendre à Sarcing pour y lever
solennellement le corps de saint Léger et le ramener en Poitou
afin qu'il repose auprès de ceux d'Agapit et de
Maixent.
Ces trois diocèses constitueront
autant de pôles autour desquels s'établiront les
communes et les paroisses ayant Léger comme saint patron.
L'exposé ci-après les suivra, en retraçant les
périodes de cette vie si largement rayonnante. Deux autres
centres viendront s'y ajouter : Murbach (Haut Rhin) et Ébreuil
(Allier).
premier
pôle : Poitiers et
Saint-Maixent
|
Léger (Leodegarius) appartenait
à cette aristocratie gallo-romaine qui constitua la trame de
ces trois siècles de l'histoire mérovingienne
appelée "la première race".
Né en 616 au sein d'une noble famille (d'Aquitaine ou d'Alsace
?), orphelin de père dès l'âge de 10 ans, il fut
tout d'abord élevé à la cour du Roi de Neustrie
Clotaire II. Puis l'évêque de Poitiers, Didon, qui
était le propre frère de sa mère Sigrade,
l'accueillit et lui fit donner la meilleure et la plus brillante
éducation tant en ce qui concerne la connaissance des sciences
profondes que celle des textes sacrés.
A l'âge de 20 ans, il reçut le
diaconat (1)
avant d'être peu après nommé archidiacre du
diocèse. C'est vers l'an 653 que Didon lui confia la direction
de l'abbaye qui avait pris le vocable de Saint-Maixent (il semble que
trois abbés se soient succédés entre l'an 515,
date de la mort de saint Maixent et la date de l'élection de
Léger comme sixième abbé de ces lieux).
Succédant à Agapit et à Maixent, Léger
est venu compléter un magistral triptyque, celui des saints
défricheurs et novateurs, dont l'influence fut décisive
pour la réussite, la solidité et le rayonnement de
l'uvre spirituelle entreprise en forêt de
Sèvre.
(1)
Aux temps
de la primitive église, il est plusieurs fois fait allusion
aux diacres. La tradition situe l'origine du diaconat dans le
récit de saint Luc, intitulé l'institution des Sept. Il
est indéniable que les apôtres ont confié une
charge à ces hommes. Au fil des ans, le rôle des diacres
s'affirme et se précise. Collaborateurs directs de
l'évêque, étant en quelque sorte "son oreille, sa
bouche et son cur", ils ont pour tâche principale
d'organiser la solidarité de l'Église avec les pauvres,
en somme de diriger les uvres sociales.
Aux III° et IV° siècles, ils devinrent des ministres
de plus en plus importants, aux tâches variées. Ils
s'occupent des malades et des mourants, participent à la
catéchèse, prêchent et baptisent. Gérant
souvent l'administration du diocèse, ils représentent
parfois leur évêque, le conseillent, veillent au bon
ordre des assemblées liturgiques.
Sa personnalité et son destin ont
été résumés par Adolphe Caillé
(1812-1887) journaliste et auteur d'études historiques :
"Leodegaire fut à la fois un grand cur et un grand
esprit ; il avait reçu en venant au monde un nom qui voulait
dire "champion de la guerre" ; il le fut constamment,
imperturbablement jusqu'à la mort." Pendant les six
années qu'il consacra à la direction de l'abbaye de
Saint-Maixent, il fournit certes aux religieux l'exemple
éclatant des plus grandes vertus intellectuelles et morales,
mais il s'attacha surtout à réaliser plusieurs
tâches importantes pour l'expansion et le renom de son
monastère.
Léger décida d'établir dans son abbaye la
règle de saint Benoît dont la pratique d'observance se
généralisait alors dans tout l'Occident. Soucieux de
respecter cette règle dans toutes ses exigences, il fonda des
écoles claustrales pour les clercs et des écoles
externes pour les laïcs.
Au plan matériel, il agrandit les bâtiments, notamment
ceux destinés au logement des pèlerins qui, de plus en
plus nombreux, venaient visiter le tombeau de saint Maixent.
Enfin, il défendit son domaine pied à pied contre la
cupidité de certains seigneurs du voisinage dont le patronage
avait parfois tendance à se transformer en spoliation
territoriale.
Sa mission monastique s'acheva en 662,
lorsque la reine Bathilde, veuve de Clovis II, roi de Neustrie,
l'appela à sa cour afin de participer au conseil de
régence qu'elle assurait au nom de son fils mineur Clovis
III.
Poitiers ayant été élu
comme lieu de sa sépulture, c'est à Saint-Maixent que
revint son corps en 684. On lui construisit une belle basilique avec
son tombeau dans une crypte, à côté de saint
Maixent.
Andulphe, qui avait succédé à Léger
à la tête du monastère, fut donc chargé
par Ansoald (successeur de Didon et aussi membre de la famille de
Léger) de rapatrier le corps de saint Léger dont le
"jugement de Dieu" lui avait confié la garde.
C'est en l'an 683 que s'opéra le
retour du corps du saint à l'abbaye de Saint-Maixent. Sur les
routes qui conduisent de l'Artois jusqu'en Poitou, ce fut l'occasion
d'une marche absolument triomphale ponctuée par plusieurs
haltes hautement évocatrices et illustrées, dit la
chronique, par de nombreux faits miraculeux.
Après avoir passé la Loire, le cortège fit une
première station dans la basilique de Tours où reposait
le corps de saint Martin. L'évêque du lieu, Robert, tint
à l'honneur d'accompagner la procession jusqu'aux confins de
son diocèse à Ingrandes.
A proximité de Poitiers, l'évêque Ansoald
attendait, entouré d'une foule nombreuse, dans cette terre
poitevine où Léger avait si longtemps vécu. Pour
la dernière étape, les moines prirent possession de la
châsse. Andulphe, successeur de Léger, le reçut
en grande pompe et plaça ce précieux dépôt
dans le sanctuaire abbatial, en attendant que fut achevé
l'édifice consacré à la mémoire du saint
évêque d'Autun.
Peu de renseignements sur cette église qui devait avoir de
vastes proportions et une architecture différente de toutes
les autres
Une galerie l'unissait à l'église
voisine où reposait saint Maixent. La crypte à laquelle
conduisaient deux escaliers, peut-être réservés
l'un à la descente, l'autre à la remontée,
contenait le tombeau en forme d'autel enrichi de métal
doré où reposait le saint. Redécouverte en 1876,
par Alfred Richard, sauvegardée et mise en valeur, la crypte,
classée monument historique, reste l'un des plus anciens
monuments chrétiens.
Bourgogne et Burgondie : cette région
située sur la Saône et le Jura avait eu une extension
à la fois importante et fluctuante, descendant le Rhône,
s'étendant vers le Massif Central et la Champagne actuelle. Il
y avait là une aristocratie jalouse de ses droits, et c'est
dans ces complications politiques que Léger allait être
mêlé jusqu'à y laisser sa vie.
Léger quitta Saint-Maixent à l'âge de 45 ans,
appelé par la Reine Bathilde, veuve en 659, après la
mort du roi Clovis II.
Pour conserver le trône à ses enfants, dont
l'aîné Clotaire II n'avait que 10 ans, elle s'entoura
d'un conseil de régence. Léger eut la charge
d'éduquer les trois fils de la Reine, qui devinrent plus tard
Clotaire III, Childéric II et Thierry III.
Ayant le souci de moraliser la vie politique, la reine donna de
l'importance aux évêques, en exigeant d'eux une conduite
absolument chrétienne. Après avoir
apprécié Léger pendant trois ans au conseil de
régence, elle le fit nommer évêque d'Autun. Il se
trouvait que le diocèse était un poste difficile,
livré depuis deux ans à des rivalités
scandaleuses pour la possession du siège.
Arrivé en 663, Léger se mit rapidement au travail,
s'attachant à pacifier avec tact et fermeté. Il joua le
rôle de défenseur de la cité dans sa
signification chrétienne et montra ses qualités
d'organisateur en faisant reconstruire les remparts de la ville. La
tour Saint Léger en garde le souvenir.
Sa nomination à Autun sera le point
de départ du conflit qui l'opposera à
Ébroïn, maire du Palais pour la Neustrie et la Bourgogne,
habile et ambitieux, se conduisant en potentat. Il poursuivra
Léger de sa haine qui s'opposait à ses exactions. En
effet, pleinement conscient de sa nouvelle responsabilité
d'évêque, il se trouvera vite en butte à
l'attitude arbitraire d'Ébroïn dont l'autoritarisme ne
supportait aucune contestation.
Léger s'affirma comme un véritable chef de
l'Église en Gaule, avec le concile de 670. Il exerça
une certaine tutelle sur Childéric II, fils de la Reine
Bathilde. Il s'en fit un ennemi en lui reprochant ses murs
dissolues et son inconduite ; il le fit reculer au cours d'une
cérémonie pascale qu'il venait troubler. C'est pourquoi
Léger est souvent représenté en grande
majesté d'évêque officiant, barbu, l'air
terrible. Il était de grande taille et imposant.
Une lutte implacable va donc opposer pendant 15 ans Léger
à Ébroïn, dans un combat inégal que la
succession au trône des fils de la reine Bathilde devait porter
à son paroxysme. Ne parvenant pas à vaincre la
résistance de Léger qui était devenu le
porte-parole de l'opposition à sa politique,
Ébroïn fit attaquer Autun par les armes. Voulant
éviter à la population le risque d'un massacre,
Léger se sacrifia en se livrant à son adversaire. Sur
l'ordre de ce dernier, Léger eut les yeux crevés et fut
interné dans un couvent de Fécamp (676) où il
demeura 2 ans.
troisième
pôle : Arras - Fécamp - Soissons
|
Après la prise d'Autun, Léger
fut interné pendant deux années au monastère de
Fécamp.
Mais son tortionnaire n'avait nullement désarmé et non
content de l'avoir écrasé physiquement, il voulut le
discréditer moralement en demandant à un concile de le
dégrader canoniquement. N'ayant pu obtenir satisfaction, il
organisa dans sa propre ville de Sarcing, près d'Arras, un
procès qui condamna Léger à être
décapité le 2 octobre 678, dans la forêt de
Sarcing. Un seul des quatre soldats désignés osa
l'exécuter ; Léger avait prié pour le pardon de
ses bourreaux, en disant : "Dieu garde de toute haine le cur
des chrétiens fidèles."
|
le martyre de saint
Léger,
évêque d'Autun
|
L'émotion fut grande dans tout
l'Occident : toutes les Gaules en eurent connaissance, ainsi que la
Germanie des bords du Rhin, les pays des Alpes comme ceux des
Pyrénées. Trois ans après, lorsque
Ébroïn eut à son tour été
assassiné, l'opinion réclama la réhabilitation
et la sanctification de Léger.
Aussi, dès 681, le roi Clovis III convoqua les
évêques en synode afin d'examiner les miracles
attribués à Léger, son culte se répandant
très rapidement dans les provinces. Sa canonisation fut alors
prononcée.
Après la prise d'Autun et le premier
martyre de son fils, sa mère Sigrade se retira à
l'abbaye féminine de Notre Dame de Soissons, c'est là
qu'elle reçut la lettre que lui écrivit Léger
lors de sa relégation à l'abbaye de Fécamp ; la
femme d'Ebroïn, Leutrude, se retira également à
Soissons après l'assassinat de son mari.
Une église dédiée
à saint Léger fut élevée près du
château des Ducs de Soissons et devint le centre d'une
paroisse. Devenue abbaye en 1139, elle reste à ce jour un des
ensembles les plus importants de l'architecture
médiévale.
l'église Saint
Léger de Soissons (02)
quatrième
pôle : l'Alsace - Murbach et Guebwiller
|
Au X° siècle, la
rédaction de la vie de sainte Odile fut importante pour la
propagation du culte de saint Léger dans l'Est de la France.
D'après son auteur, Odile était la fille d'Athalric,
duc d'Alsace, et de Bereswinthe son épouse et sur de
Sigrade, mère de saint Léger.
Toutefois, les historiens restent
partagés et très prudents sur ce sujet, tout en
admettant des liens de parenté entre Léger et
Bereswinthe, mère de sainte Odile. En comparant les dates des
deux saints, on pense plutôt que Bereswinthe était une
nièce de Léger et que ce dernier était le grand
oncle d'Odile
Ainsi, si l'origine du culte de saint
Léger en Alsace n'est que de loin lié à celui de
sainte Odile, ce qui est sûr, c'est que ce sont les descendants
d'Athalric qui introduisirent le culte de saint Léger, cher
à leurs ancêtres, et tout particulièrement
à Murbach et dans ses possessions (24 églises ont saint
Léger comme patron dans le diocèse de Strasbourg). Mais
il semble que ce n'est pas uniquement pour des raisons religieuses
que le comte Ebherard, neveu d'Odile, imposa le patronage de saint
Léger à Murbach. Ébroïn, maire du Palais de
Neustrie, hostile à l'Austrasie (Alsace), ayant fait
exécuter Léger, le choix d'Ebherard apparaît plus
comme une sorte de revanche posthume de la part d'un fidèle de
l'Austrasie.
En 760, l'abbaye de Murbach reçut de
Saint-Maixent une relique du saint, qui devint ainsi le saint patron
de l'église.
Murbach fut le centre du rayonnement du culte de saint Léger
en Alsace où de nombreuses églises furent
placées sous son patronage. Puis le culte s'étendit
à toutes les possessions de l'abbaye, qui étaient
immenses. Ainsi Murbach possédait des biens financiers dans
plus de 350 localités dans les diocèses de Bâle
et Strasbourg. Puis l'abbaye acquit le domaine de Lucerne en Suisse,
sur la route de l'Italie. A cela s'ajoutaient des biens sur la rive
droite du Rhin dans l'actuel pays de Bade, d'autres domaines à
l'Est de la forêt noire, ainsi qu'un ensemble de domaines dans
le Palatinat, dans les régions de Worms et de
Mayence.
L'importance de l'abbaye valut à ses
abbés, personnages importants de l'Empire, le titre de Princes
du Saint Empire Germanique.
Au cours des siècles, l'abbaye fut
obligée de vendre une grande partie de ses biens. De nombreux
pillages, destructions et reconstructions ont marqué son
histoire. En 1738, sous prétexte de manque d'argent, les
religieux, dont l'idéal monastique s'était bien
affaibli, décidèrent de venir s'installer à
Guebwiller. Entre 1762 et 1785, ils y firent édifier dans la
basse ville un imposant ensemble formé de l'église
Notre Dame et des maisons canoniales. Pendant ce temps, l'abbaye de
Murbach devint un vaste chantier de démolition, les
matériaux des bâtiments abbatiaux servirent à
édifier les nouvelles constructions. L'abbatiale,
amputée de sa nef, fut heureusement sauvée. Ainsi
disparut sans gloire une abbaye millénaire.
l'abbatiale
Saint-Léger de Murbach (68)
De nos jours, cachés dans la
forêt au pied du Grand Ballon, les vestiges de l'abbaye se
dresse au fond d'un vallon solitaire. Les religieux sont partis
depuis plus de deux siècles mais le site a conservé son
caractère fait de quiétude et de recueillement. Joyau
de l'art roman alsacien, l'église Saint-Léger reste le
dernier reflet visible d'une puissance spirituelle et
matérielle souvent grandiose. En effet vécut ici durant
un millénaire l'une des plus puissantes abbayes de la
vallée du Rhin.
L'histoire de Guebwiller est
inséparable de celle de l'abbaye de Murbach. Pendant 10
siècles, les habitants furent les sujets tantôt soumis,
tantôt révoltés de cette abbaye
bénédictine au renom considérable. En 1182, les
abbés de Murbach firent construire l'église
Saint-Léger de Guebwiller. Transformée et
remaniée de nombreuses fois au cours des siècles, elle
fut délaissée au profit de l'église Notre Dame,
devenue église paroissiale en 1794. Saint-Léger perdit
son mobilier, ses cloches, ses vitraux et faillit disparaître
complètement en 1820.
l'église Saint
Léger de Guebwiller (68)
Rendue au culte après de nombreuses
démarches, classée monument historique en 1842, elle
fut l'objet de plusieurs campagnes de travaux qui lui redirent ses
vitraux et son mobilier.
On a affirmé que l'église Saint-Léger de
Guebwiller est la plus magnifique des églises romanes tardives
en Alsace. Mais la proximité de l'altière abbatiale de
Murbach la relègue souvent au second rang.
Les épisodes de la vie de saint Léger y sont
représentés par huit tableaux exécutés en
1872 par le peintre J. Zenker, artiste de Munich (l'Alsace
était allemande à cette époque).
cinquième
pôle : Ébreuil (Allier)
|
Il est étonnant de trouver des traces
de saint Léger dans le Massif Central.
Au IX° siècle, l'insécurité régnait
sur l'ensemble du royaume. Les invasions normandes mirent
Saint-Maixent en péril. C'est du Nord qu'arrivent par la mer
les envahisseurs vikings originaires des pays scandinaves. Ce sont de
hardis navigateurs. A bord de leurs longues barques non
pontées, les drakkars, ils ravagent les côtes de la
Gaule à partir de 820. Grâce au faible tirant d'eau de
leurs embarcations, ils pénètrent très loin
à l'intérieur des terres. En 843, ils passèrent
leur premier hiver sur le sol français et s'emparèrent
de Nantes.
En 848, ils déferlent sur la région de Melle qu'ils
ravagent et pillent, détruisant sur leur passage
églises et communautés pour s'emparer de leurs
richesses. De nouvelles attaques s'étant par la suite
produites dans la région de Poitiers, les moines, redoutant
une incursion par la vallée de la Sèvre, prirent la
décision de quitter leur monastère en emportant leurs
plus précieuses richesses constituées par les corps de
leurs saints.
Après avoir demandé asile
à leurs frères à Saint-Savin-sur-Gartempe, ils
durent rapidement les quitter au moment du pillage de Poitiers par
les Normands. Poursuivant leur route vers le Nord, ils
décident de se partager en deux groupes afin d'atteindre plus
rapidement le refuge le plus sûr. Un groupe chargé du
corps de saint Maixent prit la direction de la Bretagne, tandis que
l'autre, responsable des reliques de saint Léger, se dirigea
vers l'Auvergne et se fixa, après diverses
pérégrinations, à Ébreuil où
devait être élevée une magnifique abbaye à
l'honneur du saint évêque d'Autun. Cette abbaye devint
un lieu de pèlerinage si important que l'on en a gardé
un cantique populaire de ce temps dont le manuscrit se trouve
à la bibliothèque de Clermont Ferrand. Il constitue
l'un des témoignages les plus anciens de notre langue. Ce
cantique nommé "Vita Romane", qui date de l'an mil, est le
témoin éminent de la formation de notre langue et de
notre versification.
|
l'église
Saint Léger d'Ebreuil (03)
|
Les religieux restés sur place
à Saint-Maixent durent se cacher. En 863, les hordes normandes
apparurent pour piller et détruire tout ce que les moines et
les populations avaient édifié le long de la
vallée de la Sèvre. Les exodes monastiques et les
transferts de reliques témoignent de la terreur
inspirée par les Normands. Les populations, privées du
recours aux saints familiers, n'en sont que plus alarmées. Le
vide spirituel causé par ces exodes et transferts, parfois
définitifs, n'a été qu'en partie comblé
par l'arrivée d'autres corps saints, bretons et mêmes
normands.
Après la tourmente, ils se remirent courageusement au travail
pour relever les ruines, dans l'attente du retour des saintes
reliques dont l'absence pénalisait assurément la
notoriété de leur maison. Le projet de rapatriement
connut des difficultés incroyables, les terres d'accueil ne
tenant guère à se séparer de ce qui leur avait
apporté une réputation exceptionnelle. Les
négociations menées par les vicomtes de Thouars,
Adémar, abbé de Saint-Maixent et son frère
Aimeri, avoué de l'abbaye, furent longues. Les moines de Redon
acceptèrent en 919 de rendre le corps de saint Maixent.
Malheureusement, il n'en fut pas de même pour les reliques de
saint Léger. Malgré de longues et nombreuses
négociations, son corps resta à Ébreuil et les
moines de Saint-Maixent ne reçurent que d'infimes parcelles.
(1)
En songeant à
l'allégresse qui avait accompagné le retour du saint en
683, on peut s'imaginer ce que dut être, deux siècles
plus tard, la déception des religieux chargés
d'accueillir ces modestes reliques.
(1)
Les textes
varient et citent parfois le chiffre de 3 livres et 8 onces. Il
paraît difficile d'évaluer le poids de ces reliques,
sachant que le poids de la livre variait de 380 g à 552 g
selon les provinces et que l'once était le 12e de la livre
à Lyon et le 16e à Paris. Ce qui est certain, c'est que
les reliques revenant à Saint-Maixent furent infimes.
Mais après ces rudes périodes
de pérégrinations, d'incertitudes et de perturbations,
allait s'ouvrir une nouvelle ère plus calme. Le retour des
reliques redonnait à l'abbaye un regain de
notoriété et, au cours des X° et XI°
siècles, les donations furent nombreuses, ce qui ne manqua pas
d'ailleurs d'attirer la cupidité et des jalousies.
En 993, l'évêque de Limoges, Ebles, fut élu
abbé de Saint-Maixent à l'unanimité des
religieux. Sa première tâche fut de reconstruire
l'abbaye et de bâtir une nouvelle église. Il ne se
contenta pas de relever les ruines, car voulant mettre son abbaye
à l'abri, il s'employa à édifier des
fortifications tout autour de son domaine. Il voulait ainsi faire
obstacle à toute nouvelle incursion normande mais aussi
préserver les lieux sacrés de toutes tentatives de
pillage que même des voisins peu scrupuleux pourraient
entreprendre.
Aujourd'hui, la paroisse de Saint-Liguaire
(de Leodegaire) détient les reliques de saint Léger que
le curé de Saint-Léger-des-Bois fit remettre au
curé de Saint-Liguaire à l'occasion de la
célébration du millénaire de l'abbaye. Il s'agit
de trois fragments (de vertèbre, de clavicule et d'os
temporal).
Pour sa part, la paroisse de Saint-Maixent détient encore deux
reliquaires, l'un contenant un petit morceau de vertèbre de
saint Maixent, l'autre un fragment aussi réduit du squelette
de saint Léger.
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buste de saint
Léger
à Chaux les Châtillon
(25)
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LA VIE DE SAINT LEGER -
CHRONOLOGIE
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SAINT LEGER, HOMME DE
SON SIECLE
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|
LES MEROVINGIENS - LES
MAIRES DU PALAIS
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PAROISSES ET LIEUX DE
CULTE
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ANNEXES - DICTIONNAIRE
DES NOMS DE LIEUX
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https://www.stleger.info