"Quand
je vous parle des souffrances que nous avons vécues à
Ravensbrück, je parle pour prêcher la vigilance
auprès des jeunes générations car si Auschwitz a
été possible, Auschwitz est possible tant que
règnent dans le monde le racisme et la haine."
vidéo
de juin 2018 ici
Jeanne
Héon-Canonne (née en 1906 et arrêtée en
1944 )
et Noëlla Rouget (née en 1919 et arrêtée en
1943) se sont-elles rencontrées dans la Résistance
à Angers ?
L'histoire ne le dit pas, mais il est possible que oui. Toutes deux
en tout cas ont connu les geôles du
Pré-Pigeon.
Témoignage
: "J'ai fait gracier mon bourreau" - Journal de France 2 du 15
septembre 2019 :
voir le
reportage ici
"Je
suis une des dernières survivantes de
l'enfer"
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Noella
Rouget, résistante, déportée et passeuse de
mémoire honorée par l'une des plus haute
récompense de la République française, l'insigne
de Grand Croix. Une distinction des mains du Grand Chancelier,
représentant le Président Emmanuel Macron.
En 1940,
Noëlla Rouget est institutrice. Au moment où la France
est envahie, elle décide d'entamer la Résistance, en
devenant agent de liaison. Mais en 1943, elle est
arrêtée avec son fiancé. Ce dernier est
fusillé. Elle est déportée au camp de
Ravensbrück. Elle échappe par deux fois aux chambres
à gaz. La Libération intervient en 1945.
Au sortir
de tout cela, elle raconte peu. Mais dans les années 1980,
avec les premiers propos négationnistes, elle commence
à témoigner. Depuis, elle ne s'est pas
arrêtée, passant dans les classes et assemblées.
C'est ce qui l'honore notamment avec cette distinction. De même
que cet acte, datant de 1966. Elle demande alors la grâce de
son bourreau au général De Gaulle, car le dignitaire
nazi était condamné à mort.
La
grâce fut accordée par le Général.
Celui-là même qui avait créé l'Ordre
national du mérite.
une
vidéo de Léman Bleu du 7 février 2020
ici
Décoration
prestigieuse pour une Genevoise
d'adoption
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Daté
du même jour, voici l'article de La Liberté
:
Genevoise
d'adoption, la Française Noëlla Rouget, résistante
et déportée, est distinguée par son pays. Elle a
reçu vendredi les insignes de Grand-Croix de l'Ordre national
du mérite, une des plus hautes distinctions de l'Etat
français.
"Noëlla
Rouget a eu un comportement héroïque et exemplaire tout
au long de sa vie", a déclaré le général
Benoît Puga. Grand Chancelier de la Légion d'honneur, il
est venu à Genève remettre cette décoration
à la centenaire afin de lui épargner un
déplacement à Paris. Compte tenu de son importance,
cette médaille est habituellement remise par le
président de la République
française.
"Vous avez
su, au moment de la victoire, ne pas succomber à la haine,
à la rancune, à l'esprit de vengeance", a-t-il
poursuivi en s'adressant à Mme Rouget. Et de lire la demande
de grâce qu'elle avait adressée au président, le
général de Gaulle, le 14 janvier 1966, permettant
à l'auxiliaire de la Gestapo qui l'avait arrêtée
et torturée d'échapper à la peine de
mort.
"Il me
semble devoir, si je veux être logique avec moi-même,
vous présenter cette requête", écrivait-elle,
avec pour seuls arguments sa croyance en Dieu, en son pays qui allait
abolir la peine de mort, en de Gaulle qu'elle avait suivi dans les
rangs de la résistance et son affection pour la nièce
du général, rencontrée à
Ravensbrück. "Ce pardon est magnifique", a souligné le
général Puga.
La
personne à gauche est Pascal Couchepin, ancien
président de la Confédération Helvétique.
Née
Peaudeau le 25 décembre 1919, Noëlla s'engage dès
1940 dans la résistance à Angers (France), où
elle enseigne le français. Arrêtée en juin 1943,
tout comme comme son fiancé, elle sera déportée
à Ravensbrück (Allemagne) le 31 janvier 1944, tandis que
son compagnon sera torturé puis exécuté en
France.
Elle sera
libérée en avril 1945. "Comment aurais-je pu imaginer,
alors que je pesais 32 kg et que je souffrais de tuberculose, que je
serait encore en vie 75 ans plus tard ?" a-t-elle
déclaré vendredi lors de la cérémonie
à la résidence du consul de France. Peu après,
en convalescence à Château-d'Oex (Canton de Vaud), elle
rencontrera son futur mari, le Genevois André Rouget, lors
d'un bal.
Noëlla
Rouget a dédié "cette noble distinction" à
toutes ses camarades de Ravensbrück: "Je suis une des
dernières survivantes de l'enfer, j'ai pu tenir cette promesse
faite à nos mortes de témoigner autant qu'il m'a
été possible de le faire." Durant de nombreuses
années, elle a parlé devant des classes et
accompagné des élèves visiter les camps de
concentration.
Noëlla
Rouget à Château-dOex, en Suisse, en novembre
1945
Elevée
à la dignité de Grand-Croix de l'Ordre national du
mérite, Mme Rouget rejoint les 142 récipiendaires de
cette décoration qui récompense les mérites
distingués, militaires ou civils, rendus à la France.
La cérémonie a eu lieu en présence de ses deux
fils, de proches et de personnalités, dont l'ex-conseiller
fédéral Pascal Couchepin, l'ambassadeur de France et le
consul honoraire d'Allemagne.
Seules deux
Grand-Croix de l'Ordre national du mérite sont remises chaque
année. Mme Rouget, qui est déjà Grand Officier,
a aussi reçu la Croix de Guerre et la Médaille du
combattant volontaire en 1945. En 1961, elle a été
nommée Chevalier de la Légion d'honneur et, en 1996,
promue Commandeur. Son amie Geneviève de Gaulle-Anthonioz lui
avait remis ces insignes à Genève.
La
déportée angevine qui demanda au
général De Gaulle de gracier son
bourreau
|
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Il s'agit
d'un article du Courrier de l'Ouest en date du 9 novembre 2020, et
signé Jean-Yves Lignel :
Nous sommes
le 18 octobre 1965, à Paris. Le collaborateur Jacques Vasseur
entre, avec son escorte, dans son box de la Cour de
sûreté de l'État. Un courant d'air glacé
pétrifie la salle.
Le
procès qui s'ouvre est exceptionnel : deux cents
témoins et quinze jours de débat sont annoncés.
Dans la foule qui se presse, personne ne doute : la peine de mort
guette l'ancien chef des agents auxiliaires de la Gestapo d'Angers,
tant les crimes de celui-ci sont immenses. Cet homme au physique
insignifiant, petit, maigre, au teint blafard, est responsable de 430
arrestations, de 310 déportations et de 230 morts, dont 52
abattus ou fusillés sur le territoire français. C'est
lui qui, pendant l'occupation allemande, a traqué les
résistants du grand Ouest de la France, a participé aux
tortures dans les sinistres caves de la rue de la Préfecture
à Angers et, probablement, à des exécutions
sommaires. C'est lui, le traître, né à
Valenciennes, fils d'un fonctionnaire de la Banque de France, bien
éduqué et instruit, parlant allemand couramment, que
les occupants sollicitèrent, d'abord comme interprète,
avant qu'il devienne le chef incontesté du service, dirigeant
lui-même les interrogatoires avec une cruauté qui
écurait jusqu'aux soldats allemands.
C'est lui,
enfin, qui disparut à la Libération et fut
condamné à mort par contumace, avant qu'on
s'aperçoive, en 1962, qu'il était tout simplement
caché dans l'appartement de sa mère à La
Madeleine, près de Lille. Pendant dix-sept ans, il
était resté terré dans un
grenier.
Parmi les
deux cents témoins qui fixent Vasseur sur son banc de justice
se trouve une femme, venue spécialement de Genève. Elle
s'appelle Noëlla Rouget. Elle est née Noëlla
Peaudeau (c'est son nom de jeune fille), le 25 décembre 1919
à Saumur, mais c'est à Angers que toute sa famille
s'est installée. C'est une famille ouvrière où
la religion a de l'importance. C'est pourquoi la jeune fille et son
frère aîné, Georges, reçoivent une bonne
éducation à l'institution Saint-Laud. Noëlla
Rouget a vingt ans quand arrivent la guerre et l'occupant. Et
très vite la jeune femme, qui est devenue institutrice, plonge
avec détermination dans la Résistance. Elle tape des
tracts clandestins à la machine, les distribue, transporte de
mystérieuses valises
C'est dans
ce réseau qu'elle a rencontré un jeune instituteur,
comme elle. Il s'appelle Adrien Tigeot : un grand jeune homme,
sérieux, réfléchi. Malgré la guerre,
malgré la mort qui rôde, tous les deux tombent amoureux.
Adrien a des projets d'avenir car il vient d'être nommé
instituteur à Corzé.
Noëlla
vers 1943
Hélas,
leur idylle est des plus brèves car leur réseau,
constitué par des étudiants de l'école normale
d'Angers, est surveillé par l'occupant. Le 7 juin 1943, Adrien
Tigeot est interpellé par des policiers d'Angers, devant ses
élèves à Corzé. Le 23 juin, c'est au tour
de Noëlla d'être arrêtée, chez elle, par
Vasseur. Les amoureux sont tous les deux incarcérés
à la prison de Pré-Pigeon, dans des ailes
différentes. Noëlla n'y sera pas torturée,
"seulement" giflée, par Vasseur. Mais pour Adrien Tigeot, ce
fut bien pire. Lorsque le couple est autorisé à
s'embrasser brièvement, lors d'une confrontation, Adrien
Tigeot est méconnaissable par l'effet des coups et des
tortures.
Puis ils ne
se virent plus jamais. Adrien Tigeot est condamné à
mort et fusillé à Belle-Beille, le 13 décembre
1943. Juste avant de mourir, il fut autorisé à
écrire une lettre à sa fiancée : Mon grand
amour, je te quitte pour toujours [
] Puisque je ne suis
plus, il faut que tu m'oublies, ma chérie, que tu vives. Notre
grand amour est fini. Il faut que tu guérisses ta plaie, que
tu aimes encore. Ne fais pas un mariage de raison, surtout, ma
Noëlla adorée ; aime ton mari, sois heureuse, très
heureuse, fais-le pour moi [
].
Noëlla
Peaudeau ne lira cette lettre que bien plus tard : à son
retour de Ravensbrück où elle fut déportée
en janvier 1944. Quand elle descendit du train du retour, à la
gare d'Angers, le 16 avril 1945, elle pesait 32 kg.
C'est cette
histoire que Noëlla raconta à la barre du procès
de Vasseur, parmi des centaines d'autres récits plus affreux
encore. À l'époque, les journaux avaient
dépêché leurs meilleurs chroniqueurs pour ce
procès historique. Pour Le Courrier de l'Ouest, c'est
Léon Lelong qui signe, pendant deux semaines, de très
longs comptes rendus hallucinés d'horreur et aussi
d'indignation envers les veules démentis de
Vasseur.
La jeune
femme dépose le vendredi 22 octobre, au milieu d'autres
rescapés des camps. Elle ne parle que quelques minutes. Il
faut aller vite. Il y en a tant qui doivent témoigner. On le
devine à travers les articles des journaux. Dans la salle,
l'assistance n'en peut plus de ce défilé sans
répit de persécutés, de sévices et de
souffrance. On voudrait pouvoir arrêter le martyrologe, supplie
Léon Lelong.
Jacques
Vasseur, au début des années
1960
Noëlla
Rouget n'est pas satisfaite en quittant le palais de justice. Depuis
la guerre, elle a étonnamment mûri. Elle a 46 ans. Les
camps, la famille qu'elle a fondée avec un jeune Suisse
croisé lors de sa convalescence en 1945, sa foi catholique et
sa grande amitié avec des personnalités exceptionnelles
comme Geneviève de Gaulle-Antonioz, qu'elle a connue à
Ravensbrück, l'ont profondément changée. Et sans
doute, loin, très loin, il y a la dernière lettre de
son fiancé, Adrien, qui sonne en elle comme un appel à
la paix, à la compassion, à la vie
Elle n'aime
pas ce procès. Elle n'aime pas cette curée, cette
course vers la mort annoncée d'un pauvre type cruel et
frustré, aussi odieux que minable. Alors, de retour du
procès, elle s'assied à sa table et, à son tour,
elle écrit une lettre :
Monsieur
le président du tribunal [
],
Les horreurs vécues sous le régime concentrationnaire
m'ont sensibilisée à jamais à tout ce qui peut
porter atteinte à l'intégrité tant physique que
morale de l'homme [
].
"Notre
cause n'en sortirait pas grandie"
|
|
Je sais
que certains camarades sont venus à la barre le cur
plein de ressentiment, de haine même. Je les comprends pour
avoir partagé leurs souffrances, leurs révoltes. Mais
les vingt années écoulées depuis ces temps
affreux devraient nous avoir apporté plus de lucidité
et de sérénité. Nous devrions avoir compris que
la violence ne paie pas et qu'il y a eu assez de sang versé
pendant cette guerre. Vasseur mort, nous serions vengés
certes, mais notre cause d'hier n'en sortirait pas grandie
[
].
Certes
Vasseur est coupable. Il faut le châtier (encore est-il que ses
17 années de réclusion volontaire pourraient lui
être comptées comme temps partiel d'expiation). Mais
surtout qu'on l'amène à une prise de conscience de ses
actes passés
au repentir (je dois avouer que son
impassibilité tant à l'instruction qu'au procès
m'ont mise très mal à l'aise). Qu'on le
rééduque, qu'on l'oblige à se mettre d'une
façon constructive au service de cette société
qu'il a trahie autrefois, qu'on essaie de ranimer la petite flamme
humaine qui doit tout de même bien subsister en lui
[
].
Cette
lettre, lue à l'audience avant les plaidoiries, eut un effet
considérable. Elle fut reprise par les journaux et, bien
sûr, par les avocats de la défense. Elle valut aussi
à Noëlla Rouget de solides incompréhensions de la
part de ses camarades déportés auxquelles elle dut
souvent répondre par la suite. Robert Badinter, qui plus tard
permit la fin de la peine de mort, a dit de cette lettre qu'elle est
un monument. Toutefois, l'abolition n'était pas encore dans
les têtes et les juges, le samedi 6 novembre 1965,
condamnèrent à mort Jacques Vasseur.
Alors,
Noëlla Rouget prit encore la plume, cette fois pour
écrire au Président de la République
française, Charles De Gaulle, l'oncle de son amie
Geneviève. Cette nouvelle lettre est plus brève, plus
intense aussi :
Monsieur
le Président,
Parce que je crois en Dieu [
],
Parce que je crois en mon pays, à son esprit humanitaire qui
l'amènera bientôt, j'espère, par une
réforme législative, à abolir la peine de
mort,
Parce que je crois en vous, Général, que j'ai suivi
avec élan, il y a vingt ans, dans les rangs de la
Résistance,
Et aussi, peut-être, au nom de la grande affection qui me lie
à votre nièce Geneviève,
Je vous supplie, Monsieur le Président de la
République, d'user de votre droit de grâce en faveur de
Jacques Vasseur.
Est-ce
cette lettre qui emporta la décision du Président de la
République ? Ou une autre, même s'ils furent peu
nombreux à se lever pour sauver un pauvre type comme
Vasseur
? De Gaulle ne s'est jamais expliqué. Le 13
février 1966, le Président de la République
gracia Jacques Vasseur, dont la peine fut commuée en
réclusion criminelle à perpétuité,
soulevant au passage des torrents d'indignations.
Noëlla
Rouget n'y prêta pas garde et ne s'arrêta pas là.
À peine Vasseur avait-il rejoint sa cellule qu'elle entreprit
de lui écrire, débutant une longue correspondance avec,
sans doute, l'espoir de ranimer chez son tortionnaire cette petite
flamme humaine.
Sur ce
point, elle fut déçue. Dans les lettres qu'il lui
envoie en retour, Vasseur, toujours aussi pitoyable, ne s'apitoie que
sur son sort et ne manifeste pas le moindre début de remise en
cause.
Jacques
Vasseur fut finalement libéré en 1983, pour bonne
conduite. Entre-temps, il s'était marié en prison avec
une bibliothécaire allemande avec laquelle il correspondait.
Une persistante légende affirme que son premier souci fut de
revenir sur les lieux de ses crimes, à Angers. À
l'époque, bien des résistants vivaient encore. La
rumeur de son passage avait de nouveau fait souffler le même
vent glacé.
Puis il
partit vivre chez sa femme, en Allemagne. Il est mort le 7
février 2009, à 88 ans.
Quant
à Noëlle Rouget, elle vit toujours. C'est une dame
très âgée qui aura 101 ans à Noël.
À ses amis qui viennent la voir, elle dit qu'elle a eu une
belle vie "parce que j'ai lutté pour des idées que
je savais justes."
Cet article
doit beaucoup aux archives du Courrier de l'Ouest et surtout à
un formidable livre, sorti en juin, sur Noëlla Rouget où
l'on trouve, dans leur intégralité, quelques-unes de
ses lettres très émouvantes.
Les auteurs, M. et Mme Exchaquet-Monnier, qui vivent en Suisse,
devaient venir en Anjou en cette mi-novembre pour plusieurs
conférences et signatures. La crise sanitaire en a
décidé autrement mais un autre voyage semble
programmé en avril 2021, si le virus s'éloigne
enfin.
Toutefois, nous leur donnerons longuement la parole dans une
interview que nous publierons demain.
"Noëlla Rouget, la déportée qui a fait gracier
son bourreau", par Brigitte Exchaquet-Monnier et Éric
Monnier, aux éditions Tallandier
L'Angevine
qui fit gracier son tortionnaire : la "belle vie"
de Noëlla Rouget
|
|
Voilà
l'article du Courrier de l'Ouest du lendemain 10 novembre 2020,
à nouveau signé Jean-Yves Lignel :
Eric
Monnier et Brigitte Exchaquet-Monnier, biographes de Noëlla
Rouget
Brigitte
Exchaquet-Monnier et Eric Monnier ont écrit un livre
très émouvant sur l'histoire de leur amie Noëlla
Rouget, la déportée et résistante angevine qui
demanda au Général De Gaulle de gracier son bourreau.
Les auteurs (qui sont Suisses) devaient venir en Anjou en cette
mi-novembre. Ce ne sera bien sûr pas le cas pour cause de
confinement. Toutefois un nouveau voyage semble programmé en
avril. En attendant, ils ont répondu à nos
questions.
Vous
vivez en Suisse Romande. Dans quelles circonstances avez-vous
croisé le destin extraordinaire de Noëlla Rouget,
née à Angers ?
Brigitte
Exchaquet-Monnier : "Cela rejoint nos histoires personnelles. Il se
trouve que j'ai été élevée par une nounou
que j'aimais beaucoup. Et un jour que nous allions la voir, pour
fêter ses 94 ans, elle nous raconte qu'elle avait tenu une
maison de convalescence pour des jeunes déportées ici,
en Suisse, à Château-d'Oex. La voilà qui nous
sort de son buffet un livre d'or, qu'elle ouvre. Et la
première signature qu'on voit est celle de Geneviève De
Gaulle, parmi des dizaines de signatures de jeunes femmes. On
était très stupéfaits de découvrir
ça."
Eric
Monnier : "Il se trouve, en plus, que le seul nom masculin de ce
livre d'or est celui d'André Rouget. Or je me souvenais de lui
: je l'avais connu dans une association au cours des années
1970. Nous avons découvert qu'il était
décédé depuis mais nous avons essayé de
prendre contact avec Noëlla, sa femme. Et c'est ainsi qu'est
née une amitié qui se poursuit encore
aujourd'hui."
C'est ce
que vous racontez dans vos premiers livres
"Oui. Nous
avons fait des recherches sur ce moment d'histoire qui est mal connu,
à savoir l'accueil, en Suisse, de femmes qui revenaient de
déportation, sitôt la fin de la guerre. Des
comités suisses se sont organisés pour ouvrir des
sortes de maisons d'hôtes où des centaines de femmes
furent soignées et ont tenté de se reconstruire. C'est
ce que nous avons écrit dans un premier livre, sorti en 2013,
qui traitait de l'accueil en Suisse romande d'anciennes
déportées françaises de la Résistance de
1945 à 1947."
Noëlla
Parmi
toutes ces femmes, comment découvrez-vous l'histoire de
Noëlla Rouget dont elle-même parlait peu
?
"Il y a
deux ans, les deux fils de Noëlla Rouget nous ont
contactés pour nous dire que leur mère ne pouvait plus
vivre seule et devait rejoindre un établissement
médico-social, ce que vous appelez un Ehpad en France. Il
fallait vider l'appartement et ils nous confiaient les archives de
leur mère, avec la mission de les explorer. C'est là
que nous avons découvert des documents extraordinaires : le
journal intime de Noëlla Rouget lorsqu'elle était
à Château-d'Oex, de très nombreux courriers avec
ses camarades anciennes déportées, mais aussi les
lettres clandestines qu'elle envoie de la prison d'Angers à
son frère ou à ses parents, le plan qu'elle a fait de
la prison, des photos de son fiancé Adrien Tigeot, qui a
été fusillé à Belle-Beille en 1943, et
une copie partielle de la correspondance qu'elle entretient, à
partir du milieu des années 1960, avec son bourreau, Jacques
Vasseur."
Votre
livre évoque avec beaucoup de pudeur les quatorze mois qu'elle
passe au camp de concentration de
Ravensbrück
"Nous
n'avons pas voulu écrire un énième livre de
témoignages sur Ravensbrück. D'ailleurs, les documents
qu'elle gardait de cette période sont bien sûr peu
nombreux, mis à part quelques lettres qu'il lui fut permis
d'envoyer à ses parents."
Vous
racontez que Noëlla rencontre André Rouget pendant sa
convalescence et qu'ils fondent une famille. Ils auront deux fils.
Elle semble retrouver une vie normale, mais ce n'est
qu'apparent
"Les
témoignages que nous avons de son enfance angevine montrent
que c'était une enfant très drôle et très
espiègle. C'est ce que disait son frère Georges qui fut
longtemps prêtre aux Ponts-de-Cé. Elle fut une jeune
femme gaie et pleine d'humour. Mais bien sûr, plus rien n'est
pareil à son retour de concentration. Il y a une rencontre qui
la choque beaucoup : celle d'une femme, à la gare d'Angers,
qui lui demande si elle a eu faim dans les camps. La question est
odieuse car elle pesait 32 kg ! Et la femme ajoute : Nous aussi,
nous avons eu faim. Je crois que Noëlla a mesuré
là, et de manière très violente, le fossé
qui la sépare des gens qui l'accueillent et
l'impossibilité de parler de l'horreur des camps. Ce silence a
subsisté pendant des années. Il est imposé en
famille : très vite, son mari ne supporta plus qu'elle
évoque ce passé. Ses enfants mêmes l'ignoraient
en grande partie. Des années plus tard, elle s'est
aperçue que les élèves dans les écoles,
où elle va témoigner parfois, en savent plus que ses
deux fils sur ce qu'elle a vécu. Nous savons qu'il y a eu une
discussion mais qui n'a pas rompu ce silence
familial."
carte de
rapatriée de Noëlla - avril
1945
Vous
dites aussi qu'elle est une tout autre femme lorsqu'elle retrouve
d'autres anciennes déportées
"Elle est
toute différente lorsqu'elle retrouve ses camarades de l'ADIR,
l'Association d'anciennes déportées que
Geneviève de Gaulle a fondée après la guerre.
Elle retrouve alors des gens qui ont vécu la même chose
qu'elle et avec lesquelles elle peut parler. Ses enfants
découvrent alors que leur mère peut être une
femme très gaie, très différente de la maman
triste et dépressive qu'ils connaissent. Au point que l'un
d'eux nous a dit qu'ils étaient jaloux de l'ADIR ! Mais nous
pensons que c'est une réaction que beaucoup d'anciens
déportés ont connue. Chacun régissait et se
protégeait comme il pouvait."
On est
surpris par la beauté des lettres très
émouvantes et impressionnantes qu'elle envoie, en 1965, aux
juges du procès Vasseur, puis au Président de la
République, puis à ses camarades de l'ADIR. Où
a-t-elle appris à écrire comme ça
?
"Robert
Badinter dit de ces lettres qu'elles sont un monument. Noëlla a,
c'est indéniable, un vrai talent d'écriture. Elle n'a
jamais voulu écrire son autobiographie, mais elle aurait pu le
faire. Elle dit aussi qu'elle a reçu une très bonne
formation à l'école Saint-Laud d'Angers. Sa foi
catholique et son milieu familial l'ont beaucoup enrichie. Mais il
n'y a pas que ça. Il y a aussi un profond humanisme en elle,
qui s'est éveillé lorsqu'elle a fréquenté
son fiancé Adrien Tigeot qui était instituteur, comme
elle. Il y a aussi une évolution de sa pensée. Lorsque
la terrible Dorothea Binz, une des responsables du camp de
Ravensbrück, est pendue en 1947, Noëlla ne réagit
pas. En revanche, elle se manifeste en 1965 et 1966 au moment de la
condamnation à mort de Jacques Vasseur. Avec le temps, elle
affirme de plus en plus ses positions humanistes."
le
chemin du retour de Ravensbrück
Elle va
jusqu'à entretenir une correspondance suivie avec son
bourreau, Jacques Vasseur. Mais qu'en attend-elle
?
"Ces
lettres sont des initiatives très personnelles, comme la
lettre au Président de la République pour demander la
grâce de Vasseur. Elles ont suscité beaucoup
d'incompréhension, jusque dans les rangs de ses camarades de
l'ADIR.
Les lettres
à Jacques Vasseur sont très étonnantes, tout
comme les échanges qu'elle a avec la mère de Vasseur,
qui est une femme mauvaise et manipulatrice. Lui ne se repend jamais
de ce qu'il a été. Il considère qu'il
n'était qu'un petit rouage. Il ne se reconnaît aucune
responsabilité dans les centaines d'arrestations et de
déportations qui lui sont attribuées. Elle a eu
l'espoir qu'il pouvait changer, devenir plus humain. Elle est
portée par cette foi. Mais c'est un espoir déçu.
Du reste, il ne lui écrit même plus à partir du
moment où il sort de prison en 1983."
Comme
va-t-elle aujourd'hui ?
" Comme une
femme très âgée qui a maintenant plus de cent
ans
Elle avait déjà des troubles de la
mémoire lorsqu'on a commencé le livre. On l'a fait
parler sur les photos de ses albums en y revenant, souvent, et en
recoupant. Elle baisse beaucoup depuis quelque temps. Nous allons la
voir au moins une fois par semaine au centre sociomédical. Le
Covid n'arrange rien. Elle ne nous reconnaît pas lorsque nous
arrivons mais, dès que nous baissons un peu le masque, son
visage s'éclaire. Mais elle reste une femme radieuse. Elle
nous a dit qu'elle estimait avoir eu une belle vie car elle a
lutté pour des idées qu'elle croyait
justes."
- 25
décembre 1919 : Naissance de Noëlla Peaudeau à
Saumur
- octobre
1927 : Installation de la famille Peaudeau à
Angers
- 1927
à 1939 : Scolarité de Noëlla Peaudeau à
l'institution Saint-Laud à Angers
- 1940 :
Noëlla Peaudeau devient institutrice à l'institution
Saint-Laud
- 19 juin
1940 : Début de l'occupation d'Angers
- septembre
1941 : Entrée en Résistance de Noëlla
Peaudeau
- 7 juin
1943 : Arrestation d'Adrien Tigeot, fiancé de
Noëlla
- 23 juin
1943 : Noëlla Peaudeau est arrêtée à son
tour et incarcérée à la prison du
Pré-Pigeon
- 9
novembre 1943 : Noëlla Peaudeau est transférée
au Frontstalag 122 à Compiègne
- 13
décembre 1943 : Adrien Tigeot est fusillé à
Belle-Beille à Angers
- 31
janvier 1944 : Déportation de Noëlla à
Ravensbrück
- 3 avril
1945 : Noëlla Peaudeau est libérée de
Ravensbrück
- 16
avril 1945 : Retour à Angers
- de
septembre à novembre 1945 : Convalescence en Suisse,
où Noëlla Peaudeau rencontre son futur mari,
André Rouget
- 9
août 1947 : Mariage à Saint-Sigismond, près de
Segré
- 10
novembre 1962 : Découverte de Jacques Vasseur, caché
près de Lille
- 18
octobre 1965 : Début du second procès de Jacques
Vasseur, à Paris
- 2
novembre 1965 : Lettre de Noëlla au président de la
Cour de sûreté
- 6
novembre 1965 : Condamnation à mort de Jacques
Vasseur
- 14
janvier 1966 : Lettre de Noëlla au Général De
Gaulle, demandant la grâce de Vasseur
- 13
février 1966 : Jacques Vasseur est gracié. Sa peine
est commuée en réclusion à
perpétuité. Début de la correspondance entre
Noëlla et Vasseur.
- juin
1984 : Libération de Jacques Vasseur, pour bonne conduite.
Il met un terme à sa correspondance avec Noëlla et
s'installe en Allemagne.
- 14
février 2002 : Noëlla Rouget dit l'éloge
funèbre de son amie Geneviève De Gaulle-Anthonioz
à Notre-Dame-de-Paris.
- 7
février 2009 : Décès de Jacques Vasseur
à Heidelberg (Allemagne)
- 25
décembre 2019 : Centenaire de Noëlla
Rouget
"Nous
avons l'immense tristesse de vous annoncer que Noëlla
s'en est allée, ce dimanche 22 novembre 2020.
Nous pleurons Noëlla, mais sommes si reconnaissants
d'avoir pu l'accompagner pendant les 11 dernières
années de sa vie, d'avoir partagé avec elle
des lectures, des repas fort gais, des aventures, des
voyages, notamment à Ravensbrück, mais aussi
d'avoir été plusieurs fois à ses
côtés lors de ses témoignages en France
ou en Suisse.
Et puis, elle nous a accordé, avec ses fils, une
immense confiance pour écrire sa biographie.
Nous avons eu le grand privilège de lui remettre en
juin dernier son exemplaire de Noëlla Rouget la
déportée qui a fait gracier son bourreau
et cela a été un moment de grande joie.
Que Noëlla repose en paix ! Nous perdons une grande
amie, une très belle personne qui continuera de nous
inspirer."
Brigitte Exchaquet-Monnier & Éric
Monnier
|
d'autres
"Grandes Dames" de la
Résistance
-
Irena Sendler (1910-2008)
A
sauvé plus de 2500 enfants en les faisant
sortir du ghetto de Varsovie. Arrêtée
et torturée par les nazis, elle a
survécu. Meurt sans avoir reçu le
Prix Nobel de la Paix, pour lequel elle avait
été nominée en 2007,
année où il fut attribué
à Al Gore.
pour en savoir plus : https://fr.wikipedia.org/wiki/Irena_Sendler
-
Jacqueline Armand, ou Christine Granville, en
réalité la comtesse polonaise
Krystyna Skarbek (1908-1952)
Elle
faisait partie du réseau Buckmaster,
entrainée en Angleterre et parachutée
dans la région de Digne. Faisant preuve
d'une incroyable audace, elle est parvenue à
obtenir la reddition d'un fort sur la
frontière italienne, faisant passer les
soldats polonais qui l'occupaient dans la
Résistance avec armes et bagages. Autre
exploit : par un coup de bluff elle est parvenue
à faire évader son chef de
réseau, détenu par la gestapo.
pour en savoir plus : https://fr.wikipedia.org/wiki/Krystyna_Skarbek
-
Madeleine Richou-Bihet (1901-1987) nom de code
Mad
Amie d'un
officier allemand anti-nazi, elle renseigna le SR
français sur les plans de guerre des nazis.
Ces renseignements étaient tellement
précis qu'ils ne furent pas toujours pris au
sérieux par les services français
tant ils paraissaient incroyables. A
survécu. Elle repose dans le
cimetière de Pressigny (Deux Sèvres)
où elle est honorée par les
autorités à chaque
commémoration.
pour en savoir plus : https://fr.wikipedia.org/wiki/Madeleine_Richou
- Nancy
Wake (1912 -2011) surnommée « la Souris
Blanche »
Figure
australienne de la Résistance en France,
femme la plus décorée de la Seconde
Guerre mondiale, c'était une « dure
» et une aventurière.
Passionnée, vraie francophile,
extrêmement courageuse, elle fut une femme
engagée, prête à risquer et
même à perdre sa vie pour la
liberté. Un téléfilm anglais
de 1988 porte son nom et raconte son histoire.
pour en savoir plus : https://blog.francetvinfo.fr/deja-vu/2017/07/26/femmes-combattantes-1-nancy-wake-la-souris-blanche-et-la-gestapo.html
- Marthe
Cohn (1920- )
Jeune femme engagée dans l'armée
française combattant en Alsace en 1945. Son
fiancé avait été
fusillé par les nazis. Parlant parfaitement
l'allemand, elle est volontaire pour entrer en
Allemagne par la Suisse afin d'espionner l'ennemi
et transmettre ses renseignements à
l'état-major de son
régiment.
Exemple
de sang-froid, de courage et de volonté.
Auteur de mémoires "Derrière les
lignes ennemies". Elle habite aux Etats-Unis et est
venue à Angers il y a quelque temps pour des
conférences.
pour en savoir plus : https://fr.wikipedia.org/wiki/Marthe_Cohn
Yves
Meignan - novembre 2020
|
|
ici, une page sur
Charles Godier, de Saint Léger sous Cholet
ici, une page sur Joseph
Cussonneau, de Mazières en Mauges, héros de 2 guerres
là, une page sur
Jeanne Héon-Canonne, Résistante saint-légeoise
là, une page sur les
Saint-Légeois prisonniers de guerre 1940
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