bas du Tronchat
TRONCHAT : souche d'un arbre abattu
ou lieu boisé, forêt mal entretenue, où les souches restent en terre

 

 

le Tronchat - la place

 

 

 

 

 

 

 

"tre ou ne pas être de Saint Léger"

 

 

 

par Jacques Réda

 

Jacques, un bon copain de quelques septuagénaires léodégariens, raconte les bons moments qu'il a passés à Saint Léger : 

n m’a demandé assez souvent d’ j’étais. Non pas qui j’étais (car la question amène en général une réponse facile : on dit son nom si le curieux ne le connaît pas déjà - on ne sait pas à quoi ça l’avance), mais bien d’ j’étais, comme si le renseignement avait une importance plus particulière que le nom même - et ce n’est pas entièrement faux. Dupont ou Martin ne renseigne vraiment personne. A Mohamed, d’ailleurs, on ne demande pas d’ il est. D’emblée on le suppose, quitte à se tromper. Mohamed peut être de Tarascon ou d’Asnières plutôt que de Mostaganem ou de Marrakech. Néanmoins, à cause de son nom, on le localise, c’est-à-dire qu’on le délocalise sans hésiter.

Je prends cet exemple parce qu'on me croit d’origine algérienne. Or Réda est un mot italien que j'ai rencontré chez Dante où il signifie héritier. Héritier de quoi puisque je n'ai pas de patrie ? Je n’ai plus que de vagues cousins éloignés au Piémont, on me prend pour un Arabe ou un Kabyle. Je suis né en Lorraine d’une mère bourguignonne et d’un père pour ainsi dire italien. Ensuite, d’assez bonne heure, je me suis retrouvé de la région parisienne. Tout s’est mélangé. C’est pourquoi la question m’embarrasse. Je ne sais sincèrement pas d’ je suis. Je me suis attaché simultanément à ma ville natale et au terroir maternel, du fait que j'y ai passé la plupart des vacances de ma période scolaire jusqu’en 1943. J'y possède encore une maison d’une pièce sur une cave, où un de mes arrière-grands-pères (Antoine Demonfaucon) a vécu, mais je ne peux pas y entrer, faute de clé (ma mère l’a perdue) et de serrurier plus proche que ceux de Chagny. De plus je n’ai pas de voiture et je ne sais même pas conduire. J’ai toujours remis à plus tard, il est à présent trop tard.

Or, il est certain que de nos jours sans voiture on s’enferme, et il m’est plus agréable de m’enfermer à Paris qu’à Lunéville ou à Saint Léger où il y a en somme même plus de gare. C’est peut-être pour n’avoir pas su choisir que je suis resté beuzenot devant un volant. On voit pourtant que je connais des expressions locales. Mais j'en emploierais une autre avec un Lorrain. Bref, je suis par fatalité une espèce d’apatride ou de traître. Et c’est pourquoi j’ai quand même beaucoup circulé, mais d’une façon devenue de plus en plus difficile avec l’âge. Parfois je me décide mentalement : je me retire une fois pour toutes à Lunéville et le lendemain je reprends définitivement mes quartiers à Saint Léger. En réalité, je reste je suis : à Paris, d’ je ne suis pas.

ais quand je choisis Saint Léger, qu’est-ce qui se passe ? Eh bien je me rends compte très vite que je ne me considère pas comme quelqu'un de Saint Léger. Je me sens d'une contrée différente qui s’appelle le Tronchat. En ajoutant les mois aux mois, j’ai bien dû vivre en tout quelques années, y compris le trimestre que j’ai passé en 1939 dans la classe de l’illustre père Boisson qui grinçait bizarrement "Caïman, mon ami !" en vous tordant l’oreille. L’école, c’était Saint Léger. Mais on s'y rendait du Tronchat par la "Mauillie (1)", et c’était chaque jour aller-retour toute une expédition. Saint Léger, c'était le bourg, presque la ville, le train, la messe et le catéchisme, le bureau de tabac, l’usine, les péniches, la modernité.

 

l'école des garçons en 1940 avec l'instituteur, M. Boisson
(M. Narcisse Boisson, dont le prénom faisait l'objet des sarcasmes d'enfants)

 

Le Tronchat n’avait pas tout à fait quitté le Moyen-Âge ou tout au moins l’Ancien Régime, peut-être même une très lointaine période païenne avec laquelle les enfants sont de plain-pied. Tous les soirs d’été, sur le plot situé face au pâquet sous le marronnier de la Marie-Louise Debiesse, des grands ancêtres moins vieux que moi aujourd'hui se réunissaient.

e conserve du Tronchat des souvenirs qui rejoignent les archéotypes et les mythes : le Louis revenant bien éméché mais droit comme un roi de l’Iliade sur son tombereau tiré par le Bijou ; l’Albert Perricaudet, méditatif et taciturne ; le vieux père Tortiller, qui m’a appris à atteler et même à pousser la charrue (j’ai tout oublié). Ce que j’aimais aussi au Tronchat, c’était un fort sentiment d’autonomie, l’impression qu’on se suffisait : un bistrot, une petite épicerie d’ailleurs tenue longtemps par ma grand-mère. En 1942, elle pouvait encore servir une convenable mesure de bonbons pour un sou. L'autonomie avec la liberté, l'espace, la teuppe, les bois, les prés, les bouchures, les foineaux où l’on se réfugiait les jours de pluie, à proximité des chevaux, des vaches, des cochons, des moutons, des poules, des lapins et le retour cyclique des grands labeurs transformés en fêtes : les foins, la moisson, les vendanges (la cuve dont on sortait violet jusqu’au-dessus de la ceinture après avoir foulé le raisin et avant que les adultes à leur tour n’y descendent, aussi nus que nous, gamins, comme pour rentrer dans le ventre sanglant de la terre), l'atmosphère d'alchimie et de secte ésotérique entourant la flamme sombre de l'alambic dans les soirs de novembre, la petite flûte des crapauds de muraille dans les nuits d’été, la trompe de la micheline par les après-midi de canicule... Dans la vieille maison Grappetin, j’ai été un seigneur féodal du XIe siècle, et en bas, dans le canal, un Indien de l’Amazonie.

Tout cela, je pourrais l’évoquer de vive voix avec le plein accent du cru qui ne subsiste plus qu'à l'état de nuances, et qui me semblait faire partie du site comme les gens qui l’habitaient, comme leurs maisons, les arbres, les routes blanches, les vignes, les collines. On ne l’y entend plus et le paysage lui-même y a perdu quelque chose. Cet accent, je l'attrapais dès le lendemain de mon arrivée, et je le rapportais chez moi en octobre pour en reprendre aussi vite un autre tout aussi caractérisé. Alors, ici ou là, on pouvait se demander : "D’ est-il, ce gosse ?" Mais avais-je un véritable "chez-moi" ?

Ce qui complique encore l’affaire, maintenant, c’est le choix d’une résidence finale. Il faudra bien qu’on m'enterre quelque part. Si j'avais la manie de rédiger des testaments, je serais obligé d’en modifier cet article plusieurs fois par semaine : tantôt le cimetière de Saint Léger (banal comme un parking de supermarché depuis qu’on a coupé les arbres) où se trouvent mes aïeux du côté maternel et mes parents, tantôt celui de Lunéville où l’on a remisé mes autres grands-parents, une autre partie de ma famille, d’autres copains. Si bien que je finirai probablement dans un des grands ensembles funéraires de la région parisienne, où il n’y aura sans doute personne pour se demander d’ j'étais...

'est sans grande importance. Surtout s’il est vrai que les fantômes errent plus ou moins à leur gré. Alors je reviendrai souvent me planter au-dessus du Tronchat, aux Crêts, sur la route de Chamilly d’où l’on voit l’un des plus beaux paysages du monde. Et là, je retrouverai tôt ou tard un vieil ami qui est la mémoire, la voix, la sagesse et la vitalité du Tronchat fait homme. Je sais ce qu‘il me dira, et qu‘il m’a déjà répété comme une simple hypothèse : "Tu le vois bien, qu‘on est immortel !" 

(1) Je sais bien qu'on en a changé l'orthographe, mais c'est bien ainsi qu'autrefois on prononçait.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

n 1792, le garde-Champêtre a vu des vaches pâturant dans le sainfoin de François Pelletier, marchand au Tronchat.

 

 

"e 17 octobre 1794 est décédé au Tronchat, hameau de St Léger sur Dheune, en la métairie de sieur Joseph André, notaire royal audit St Léger, un mendiant vagabond, lequel a déclaré être garçon, être âgé d'environ 88 ans, être natif de Tours en Touraine, s'appeler Etienne Delanoüé ; être fils d'un Etienne Delanoüé et d'une Elizabeth Dunan son épouse, domiciliés en ladite ville de Tours, tous deux de la Religion prétendue réformée, réfugiés et morts en Prusse après la révocation de l'Edit de Nantes.

Ledit mendiant ayant déclaré en sus avoir professé toute sa vie la religion de ses parents, avoir passé la plus grande partie de ses jours tant en Angleterre qu'au pays genevois, vouloir mourir dans ladite religion protestante de la secte calviniste et y étant mort effectivement ; en conséquence du procès-verbal dressé du tout par les officiers de justice du marquisat dudit St Léger et de l'ordonnance de M. le Bailly de la justice, ledit défunt a été privé de la sépulture catholique et a été inhumé le lendemain de son décès à l'angle d'une pièce de terre labourable, dite "la Corvée du Château", appartenant à la seigneurie dudit St léger, joignant le chemin commun de St Léger au village de Chamilly."

 

 

 

 

 

 

 

 

7 février 1790 - cte de naissance administratif de la commune de Saint Léger

La 1re délibération inscrite au "registre des délibérations faites par le Conseil Municipal de St Léger, pendant la Révolution" peut être considérée comme l'acte de naissance de l'actuelle commune :

"L'an 1790, le dimanche 7 février, à Saint Léger sur Dheune, à l'issue des vêpres paroissiales, l'assemblée de la commune dudit Saint Léger, du Tronchat, du Reulet et autres hameaux et écarts de la paroisse, ayant été convoquée au son de la cloche, sur réquisition de Louis Pelletier, échevin actuellement en exercice, sont comparus : Jean Clerc, Lazare Bony, Etienne Nectoux… (suivent 81 noms), tous citoyens actifs de la communauté, lesquels étant entrés dans la nef de l'église, ont ouï la lecture des principaux articles du décret de l'Assemblée Nationale concernant les minicipalités et des lettres patentes du roi qui ordonnent la convocation des assemblées de chaque communauté pour la composition de la municipalité.

La lecture leur a été faite par le sieur Louis Pelletier, lequel a dit qu'il en avait fait faire l'affichage et la publication depuis 8 jours, et les a invités d'avoir à s'y conformer en procédant sur le champ à l'élection d'un président, d'un secrétaire, ainsi et de la manière qu'il est ordonné dans les décrets de l'Assemblée Nationale, à quoi les habitants susnommés ayant adhéré, ils ont sur le champ nommé pour scrutateurs Henri Jardet, Louis Dumont et Claude Clerc.

Sur la déclaration faite par les plus anciens qu'ils ne savaient et ne pouvaient lire et écrire, les sieurs Jardet, Dumont et Clerc se sont rangés autour d'une table pour écrire les billets de ceux qui déclaraient ne le savoir et recevoir lesdits billets dans une boîte à ce destinée, les compter et en faire le dépouillement.

Cette opération ayant été faite, ils ont déclaré que le sieur Louis André avait réuni la pluralité des suffrages pour président et le sieur Chauvet pour secrétaire.

En conséquence, le sieur Louis Pelletier les a proclamés président et secrétaire de l'assemblée et, attendu l'heure tardive du soir, le sieur André, président, a renvoyé, sur la demande des habitants, la séance prochaine au jeudi 11 du présent mois, à 9 heures du matin et a soussigné avec le secrétaire, le sieur Pelletier et les habitants le sachant." (suivent 15 signatures)

 

 

 

 

 

 

 

 

Les armes de la commune de Saint-Léger-sur-Dheune se blasonnent ainsi : "D'argent à la fasce de gueules frettée d'or, accompagnée de trois molettes d'éperon de cinq rais de sable".

 

 

quelques vues générales de St Léger sur Dheune

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

vue générale de St Léger et de la gare des marchandises - oblitération de 1905

 

 

vue prise du Reulet - 1907

 

 

oblitération de 1925

 

 

carte postale ayant voyagé en 1936

 

 

 

 

la même, colorisée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

l'avenue de la Gare

 

 

l'avenue de la Gare - au fond, la colline Bel-Air

 

 

l'avenue de la Gare - au 1er plan, la place du Capitaine Giraud

 

 

le quartier de la gare - la tuilerie

 

 

vue aérienne sur le faubourg

 

 

 

 

vue aérienne sur le canal

 

 

 

 

la vieille route de Chalon

 

 

la place du Capitaine Henri Giraud et la route de Chagny

 

 

la place du Capitaine Henri Giraud et la route de Chagny

 

 

 

 

 

 

le quartier du centre

 

 

 

 

centre de la ville et vue sur le Reulet - carte postale ayant voyagé en 1959

 

 

le Reulet

 

 

 

 

 

 

carte postale ayant voyagé en 1986

 

 

carte postale ayant aussi voyagé en 1986

 

 

 

 

1986

 

 

Le hâteau de Saint Léger

On trouve des écrits concernant le château de St Léger dès avril 1268 : "Messires Hugues, sires de Saint-Ligier, chevalier, requonnoit que il prant on fie Iige de noble baron Hugon, dux de Bourgoigne, an accroissement dou fie, c'est assavoir la maison de Saint-Ligier que il tenoit avant doudit duc..."

 

le canal du Centre - le château, avec son donjon

 

Lors des travaux concernant la façade d'une partie du bâtiment, M. Mouillebouche, professeur d'histoire à l'université de Dijon, nous a fait part de ses réflexions :
"Sur la tour, on voit nettement les rainures des flèches du pont-levis, à la hauteur du premier étage, de part et d'autre de la fenêtre - percée tardivement - et à l'aplomb des jambages de la porte charretière, percée dans la base talutée, donc après 1350. Au 3e étage, les rangs de briques semblent correspondre à une reprise : le plancher du dernier étage me fait penser qu'on s'est servi de la charpente du toit primitif comme plancher, avant de remonter la tour d'un étage.
Sur le logis, on distingue nettement l'orifice de tir carré de l'archère canonnière, sous le fent de tir. A 2 ou 3 m à droite de cette archère canonnière, on voit un gros bouchon de briques à gauche de la fenêtre : il est à la même hauteur que la canonnière et doit correspondre à l'arrachement des pierres de parement d'une seconde archère canonnière. Il y en avait sans doute une troisième.
Je ne vois pas d'éléments correspondant à la maison forte primitive attestée au XIIle siècle. L'ensemble date d'une reconstruction de la fin du XlVe, d'après la cheminée."

 

 

1986

 

 

  

"Je me souviens..."
les moulins, les plâtrières, la mine, les tuileries
le canal, la Dheune, la gare, la viticulture
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