aint
éger
et le euvray
en 1725
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Au
début du XVIIIe, un certain Moreau de
Mautour, natif de Beaune, auditeur ordinaire de la
chambre des comptes de Paris, se passionne pour la
localisation de Bibracte.
Ne pouvant se rendre au Beuvray (qu'on écrit
Beuvrect ou Bevrect), il demande au chanoine de la
cathédrale d'Autun de lui adresser une
description des lieux.
Le chanoine, en bon ecclésiastique, fait
jouer la hiérarchie et interroge le
curé de Saint Léger, M. Gaultier,
lequel lui envoie une longue lettre en date du 17
novembre 1725.
La voici :
"Je
vous envoye, Monsieur, la description de la
montagne de Beuvrect, comme vous l'avez
souhaité. Je l'ay faite le plus exactement
qu'il m'a été possible dans sa
situation, sa forme, sa figure, suyvant la
connaissance que j'en ay pour avoir souvent
parcouru cette montagne, et l'avoir examinée
depuis quarante-deux ans que je suis curé de
la paroisse de Saint Léger, dont la montagne
fait partie.
Le clocher en est
éloigné d'une lieue, d'où il y
a toujours à monter jusqu'au sommet de la
montagne, quoiqu'insensiblement. La plus grande
partie de ma paroisse est située dans la
province de Bourgogne, et la plus petite partie
dans celle du Nivernais, sur la frontière de
laquelle la montagne se trouve située, et
séparée de la Bourgogne par un
chemin.
Cette montagne est une des plus hautes de ces
quartiers, détachée de toutes les
autres voisines par des vallons étroits.
Elle est plus longue que ronde, presque
également élevée partout;
c'est pourquoi il faut monter beaucoup de tous
côtés pour parvenir à son
sommet.
Il y a deux grands chemins
qui y conduisent, l'un vient d'Autun du
côté du levant, l'autre du couchant,
qui vient de Luzy. Ces deux chemins se voyent
encore par une levée et un ancien
pavé qui subsistent en plusieurs endroits.
II y en a un troisième qui est plus
fréquenté et assez large, quoique non
pavé, c'est par celuy-cy que les villageois,
qui sont au pied du Bevrect, conduisent leurs
troupeaux sur le haut de la montagne pour y
pâturer, et que les paroisses du voisinage
vont à une foire considérable qui s'y
tient tous les ans le premier mercredy du mois de
may.
Il y a dans la partie qui est
du côté de Saint Léger une
esplanade assez spacieuse, enceinte d'anciens
fossés et d'une partie de murailles, dont
les vestiges se voyent en plusieurs endroits.
L'enceinte de ces murailles s'étend encore
sur le déclin de la montagne, de
manière qu'elles paraissent avoir
renfermé l'espace d'une grande ville. Les
murailles qui sont tombées en partie ont
comblé les fossés, et forment une
espèce de glacis par la terre qui y est
crûe par dessus ; il y a des endroits
où les pierres de ces murailles se trouvent
répandues, parce qu'elles ont
été remuées par le labourage
qu'on y a fait à la pioche pour y semer du
grain.
Il y a plusieurs fontaines
sur cette montagne dont l'eau est très vive
: des anciens du pays m'ont assuré y avoir
vu des puits, mais qui ont été
comblés à cause des bestiaux qui y
pâturent. Ils m'ont ajouté y avoir
trouvé plusieurs médailles, comme
aussi des anneaux d'or et d'argent. II y a environ
trente ans qu'il tomba un vieux hêtre d'une
grosseur prodigieuse, qui était
au-delà du fossé du côté
de Saint Léger, et sous les ruines duquel il
se trouva beaucoup de pierres : cela donna occasion
à un paysan du voisinage de creuser en cet
endroit pour les ramasser : il y découvrit
une urne de terre rouge, de la hauteur de deux
pieds et demy, toute entière avec un
couvercle de la même terre. L'ayant ouverte,
il la trouva remplie de cendres, avec une
tête humaine, qui tomba en poussière
dès qu'il l'eut touchée : il trouva
encore dans ces cendres deux grandes
médailles d'or, dont l'une était
comme celle d'un écu de six livres. Il fut
longtemps sans vouloir avouer cette
découverte, de crainte d'être
recherché par le seigneur du lieu ; enfin il
me l'avoua à l'article de la mort : il
ajouta qu'un orfèvre de la ville d'Autun luy
en avait donné quatorze pistoles (140 fr).
Jajouteray à légard de la
montagne de Bevrect, quelle est très
vaste et quelle a au moins dans son circuit
deux lieues et demy de tour."
Nous sommes en
présence d'une incinération dans un
vase de grande taille, 81 cm, fermé par un
vase-couvercle. Une offrande l'accompagne : deux
monnaies d'or. Le tas de pierres que le paysan a
démonté est vraisemblablement la
structure de la sépulture.
L'incinération en urne est courante à
partir de La Tène II. Lors de la
conquête romaine, le monnayage éduen
est d'argent et il est aligné sur le denier
romain. Aussi les deux monnaies d'or, si elles sont
gauloises, font dater cette incinération de
plusieurs années avant la conquête.
Elles seraient alors l'un des témoins de
l'ancienneté de l'occupation de
Bibracte.
Une seconde
découverte, en 1850, dans les mêmes
lieux, accrédite l'idée d'un vaste
cimetière au pied du Beuvray et sur les
pentes. M. de Rivière trouve, au croisement
du chemin du Poirier-au-Chien et de celui de
l'Écluse, une "oreille" d'amphore et
plusieurs vases remplis de cendres et d'os. L'un de
ces vases, donné au musée de Nevers,
a depuis disparu.
La lettre du curé
de St-Léger laisse aussi comprendre combien
le site que nous voyons aujourd'hui diffère
de son état ancien - en fait, pas si ancien
: deux siècles et demi. "Les villageois,
qui sont au pied du Beuvrect, conduisent leurs
troupeaux sur le haut de la montagne pour y
pâturer (...). Les pierres de ces murailles
se trouvent répandues parce qu'elles ont
été remuées par le labourage
qu'on y a fait à la pioche pour y semer du
grain (...)"
D'après
"Bibracte, ville gauloise sur le mont
Beuvray" par Danièle Bertin et Jean-Paul
Guillaumet, Paris, Imprimerie nationale, 1987
et "Bibracte et les Eduens" par
Christian Goudineau, Paris, Editions Errance,
1993
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