Alors que j'étais gamin, je me souviens de...
n choc dans la vie paisible de notre village |
C'est le départ des chefs de famille.
Chacun s'organise au mieux afin de suppléer aux hommes
absents. Vaille que vaille, le travail s'effectue et chacun attend
fébrilement des nouvelles du front. Après la
débâcle, certains réussissent à passer en
Angleterre, d'autres sont faits prisonniers ; parmi ceux-ci, un fils
du pays, F. Lefebvre, attendu comme beaucoup d'autres, n'eut pas la
chance de revenir. Ces années sont dures. Les femmes
deviennent des chefs d'exploitation. Commerçantes,
agricultrices, femmes au foyer, tout leur incombe. Il faut aussi
s'occuper des enfants et la vie n'est pas facile : restrictions sur
le pain, la viande, l'habillement. Les civils ne sont pas
tranquilles. Des bombardements visant le champ d'aviation de Poix et
les gares de Serqueux, Formerie donnent de grosses peurs à
tous. Chacun construit sa tranchée. On dort tout
habillé. Les occupants réquisitionnent personnes,
chevaux ou autres selon leurs besoins. De nombreux travaux
démarrent dans les forêts avoisinant Saint-Léger.
Des "requis" sont enrôlés et plusieurs d'entre eux
mourront dans les raids effectués par les alliés. On
sait que des rampes de V 1 se construisent un peu partout, ce qui
amène des avions à nous mitrailler souvent en
représailles. St Léger
aux Bois - le clocher en 1991 Le pays est durement touché. Le
bombardement du 5 janvier 1944 fait 14 victimes dont Mme Agenhen, sa
fille Simone, Mme Lavenant, Mme Marthe Médieu et son
frère Gustave Lefebvre, Madeleine Jacquet, Mme Morgan,
Léa Mercier, et en plus des requis. Le 9 juillet 1944, il y eut de nouvelles
victimes avec Mme Bruvris et sa fille, Mme Waquet et ses trois
enfants. Les maisons du centre du pays sont détruites,
l'église bâtie en 1503 résiste, seuls les vitraux
sont brisés. La guerre perdure, la résistance
s'organise ici ou là, les bois environnants sont propices.
Chacun attend le débarquement allié avec impatience et
dans la crainte aussi. Celui-ci a bien lieu le 6 juin et les premiers
mois de combat restent incertains. Enfin les alliés
progressent et notre village est libéré début
septembre 1944. Chacun panse ses blessures, physiques ou
morales, et petit à petit, la vie se réorganise. Il
faut reconstruire : maisons rasées, champs
dévastés par les bombes, et se tourner vers l'avenir,
bâtir la paix. Après ces années sombres, chacun
éprouve le besoin d'agir, de coopérer. Les bonnes
volontés s'unissent. Les habitants du village
s'épaulent et travaillent ensemble à améliorer
leur cadre de vie. On restaure, on construit des maisons neuves. Les
vitraux de l'église sont réparés grâce
à la générosité des habitants. Le conseil
municipal, les instituteurs, le prêtre marchent main dans la
main et, l'union faisant la force, le village de Saint-Léger
rayonne aux alentours. Marie-Thérèse
Desanglois la tour
de Mailly en 1991 A la mi-juin 1944, la rampe des
Câteliers devient opérationnelle, mais beaucoup de V 1
dérapent au départ : Quand le V 1 ne décolle pas de la rampe,
en quelques secondes, tout le personnel allemand file comme une bande
de lapins et se cache derrière la motte d'origine gauloise
toute proche des Câteliers. Albert Bruvris St Léger
aux Bois - vue aérienne en 2001