Alors que j'étais gamin, je me souviens de...
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Il fallait voir avec quelle foi, quel
zèle, la fête était préparée !
C'était d'abord le nettoyage de l'église : pavés
frottés, boiseries cirées, cuivres astiqués,
autels garnis de fleurs. Nous étions une bonne douzaine pour
ce gros travail. Mais une procession extérieure demande du
beau temps. Beaucoup d'entre nous s'unissaient pour implorer
l'intercession de la sainte Vierge, par une neuvaine de
"Magnificat". Pour que personne ne soit oublié, chaque
quartier avait son reposoir : un au presbytère, un à la
chapelle Sainte-Apolline, un à la ferme Perrier, le dernier
à la maison du Maire, aux Câteliers. saint
Léger et saint Léonard La procession avait lieu l'après-midi.
On chantait vêpres et complies, puis le prêtre
déposait l'hostie dans l'ostensoir. Au chant du "Laudate omnes
gentes" la procession s'organisait. Sur le passage de la procession, les hommes se
découvraient ; quelques personnes âgées, assises
devant leur porte se signaient dévotement. Au reposoir
dédié à la Vierge, on chantait avec foi le
"Magnificat". Au reposoir des Câteliers, on reprenait les
litanies d'offertoire de la messe des paysans de l'abbé
Bouvier. Combien elles sonnaient justes dans l'ambiance de cette
journée d'été ces phrases poétiques
: " L'herbe fleurie de nos talus, saint
Léger (détail) La procession retournait ensuite vers
l'église au chant du "Pange lingua". Les chantres, soutenus
par l'harmonium, entonnaient un "Tantum ergo", puis en action de
grâces, le chant du "Te Deum". Le prêtre faisait un
dernier signe de croix avec l'ostensoir sur les fidèles
prosternés. Puis, pendant le dernier "Laudate omnes gentes",
il replaçait les saintes espèces dans le
tabernacle. La cérémonie étant
terminée, chacun rentrait chez lui avec un petit bouquet
bénit qu'il plaçait pieusement dans l'armoire pour
embaumer celle-ci et pour rappeler que la bénédiction
de Dieu était sur cette maison.
Quelle coopération, quelle ingéniosité pour
l'édification de ces reposoirs ! C'était à qui
ferait mieux que l'autre : l'un prêtant un prie-Dieu, l'autre
une table, un autre des candélabres, un autre des vases ou des
tapis ou des nappes ou des bougies ou des fleurs... Chacun voulait
participer et donner à son reposoir son caractère
propre.
Celui du centre était dédié au
Sacré-Cur, donc tout drapé de rouge, garni de
fleurs rouges, avec une banderole : " Je bénirai les maisons
où l'image de mon Sacré-Cur sera exposée
et honorée ". Le reposoir du Mesnil-Allard était en
l'honneur du Saint Sacrement, avec au fond, une disposition de fleurs
simulant un ostensoir. La table était recouverte d'une nappe
brodée et, en haut, une inscription : " Je suis le pain de Vie
". Celui du Rouage était entièrement blanc, nappe de
dentelle blanche, garni de fleurs blanches, lys, roses, et pivoines.
Il était dédié à la Sainte Vierge avec au
centre, sur un piédestal, une jolie statuette de Notre-Dame de
Lourdes. Quant au dernier, celui des Câteliers, il était
orné de fleurs des champs : bleuets, marguerites et
coquelicots, auxquels se mêlaient des épis d'avoine et
de blé mûrissants. Là, on demandait la
bénédiction du ciel pour la moisson toute
proche.
En premier, la croix, portée par un jeune homme en aube
blanche, puis une vingtaine d'enfants de chur, en aubes rouges
et surplis blancs. Venait ensuite une douzaine de jeunes chantres
vêtus de la chape.
Enfin arrivait le dais, porté par deux membres du conseil
paroissial qui se relayaient à chaque reposoir. Sous le dais,
le prêtre portait religieusement l'ostensoir. De chaque
côté, une douzaine de fillettes (3 à 10 ans)
portaient des petites corbeilles garnies de dentelles et remplies de
pétales de fleurs, qu'elles lanceront, plus tard, au Saint
Sacrement. Puis venaient les jeunes filles voilées de blanc et
portant la bannière de la Sainte Vierge, et enfin l'assistance
qui priait et chantait. A chaque reposoir, c'était le
même cérémonial : le prêtre déposait
l'ostensoir sur la table, il encensait l'autel et l'ostensoir,
s'agenouillait sur le prie-Dieu et récitait une oraison en
latin ; il prenait ensuite l'ostensoir avec lequel il
bénissait les fidèles, les maisons et les champs. A ce
moment, les enfants jetaient leurs pétales de fleurs vers
l'ostensoir, en chantant de leurs voix suaves : " Amour, Amour, Amour
à Jésus " sur l'air de l'Ave Maria de
Lourdes.
la chanson de nos Angélus
le souffle odorant de nos prés
le frisson chantant de nos blés
le frais cantique des oiseaux
le miroir tranquille des eaux
la saveur de nos terroirs
la paix sereine des beaux soirs
les fatigues de notre corps
nos souffrances, nos efforts
les amours des foyers nouveaux
les sourires des jeunes berceaux
Nous vous les offrons, Seigneur."