(...)
Saint Julien n'était pas un étranger dans les
légendes du pays. Voyageant un jour dans nos mqntagnes, il
aurait rencontré (en dépit de l'anachronisme), sur les
confins de St-Léger-sous-Beuvray et de Laizy, saint
Léger ; après avoir désigné l'emplacement
de l'église de St-Léger-sous-Beuvray, saint
Julien et saint Léger se donnent rendez-vous pour le lendemain
; le lieu où ils se rencontreraient serait choisi pour
bâtir l'église de Laizy. La rencontre eut lieu à
la Planchotte, à 500 pas du bourg de St-Léger.
S'appuyant sur la convention de la veille, Julien voulait bâtir
en ce lieu, mais saint Léger s'y opposa en disant que les deux
églises seraient trop rapprochées. Ils se
dirigèrent au levant et s'arrêtèrent sur la
Buchena (terme local désignant un sommet couvert de
buissons), montagne qui sépare
St-Léger-sous-Beuvray et Laizy, et de laquelle on
domine la vallée de l'Arroux. On montre encore deux rochers
taillés en forme de sièges, sur lesquels les deux
voyageurs se reposèrent et qui portent les noms de selles
de St-Léger et St-Julien. Après cette seconde
station, ils descendent la Buchena, et s'arrêtent
à la brille de Pierre Pourtue (bruyère de Pierre
Percée). Saint Léger dit à saint Julien : «
Jette ton marteau. Là où il tombera, ton
église bâtiras. » La tradition rapporte que le
marteau, lancé du haut de la montagne de Meslé, tomba
au lieu où a été bâtie depuis
l'église de Laizy. Elle ajoute que le cheval de saint Julien
laissa sur le rocher l'empreinte de son pied et que franchissant la
vallée de l'Arroux, il alla s'abattre sur la montagne de
Gueunand. Le nom de Pierre Pourtue ou Percée a
été donné à la roche qui porte une
ouverture ovale où l'eau se conserve toute l'année
(...)
Source : Revue
des traditions populaires - septembre-octobre 1902
Bulletin des lois
de la République française - 1819
Le Petit Journal -
24 août 1875
(...) Guillaume
Charvot succède à Pierre Balard en 1469 comme receveur
de la châtellenie de Glenne. Son premier compte signale une
singulière expédition, à l'occasion d'une
exécution capitale. Il s'agissait de deux criminels
enfermés au château de Riveau, et qu'un arrêt de
justice avait condamnés, nous ne savons pour quel motif,
à mourir au lieu de Montandé, près de
Saint-Léger-sous-Beuvray. L'exécution
paraît avoir été l'occasion d'une
véritable partie de plaisir car, outre les procureurs,
sergents et autres officiers de justice qui firent ripaille à
l'auberge de Saint-Léger-sous-Beuvray, le compte
mentionne que " tous les habitans d'icelle chastellenie
accompagnèrent la justice de mondit seigneur et les deux
coupables jusqu'au lieu de Montandey où ils furent mis au
dernier supplice. " Autres temps, autres murs, et pourtant,
sommes-nous bien sûrs que si pareille occasion se retrouvait de
nos jours les suppliciés n'auraient pas une escorte aussi
nombreuse et aussi avide d'émotions ? (...)
Source : La
châtellenie de Glenne, par Eugène Fyot
in "Mémoires de la Société éduenne des
lettres, sciences et arts", p.131 - 1904
(...) Comme tout
château qui se respecte, celui de Vautheau a sa
légende : sa wivre, serpent mystérieux qui garde
des trésors non moins mystérieux. Chaque nuit, la
wivre sort de son souterrain pour venir boire à la
fontaine. Elle dépose alors le diamant qu'elle porte sur le
front : talisman précieux qui rendra son ravisseur
maître du trésor ou victime du monstre, selon qu'il sera
plus ou moins leste dans son opération. Ce jour-là il
faisait très chaud. Le voyageur but à la fontaine, mais
la wivre ne se montra pas. Il perdit ainsi l'occasion de
s'enrichir ou d'être dévoré. Bien des personnes,
dit-on, ont vu la wivre, mais aucune n'a eu la
témérité de tenter l'aventure.
Le
château de Vautheau est situé à La
Grande-Verrière en Saône-et-Loire. Il occupe
une sorte de motte sur l'un des premiers contreforts du
Morvan, où la silhouette d'une tour et sa tourelle se
dessine sous un épais manteau de lierre.
le
village de la Grande Verrière, non loin des ruines du
château
Le
château fort est en ruine, et son accès est
périlleux. Au milieu des arbres et du taillis qui
l'ont envahi, on distingue les fossés ainsi que des
pans de murs de l'enceinte et d'une tour carrée.
Seule reste debout la haute tourelle d'escalier qui
flanquait cette tour : sa porte est surmontée d'une
accolade qui renferme un écusson.
huile
sur bois du château de Vautheau
Un peu
à l'écart se trouvait un pigeonnier
Renaissance qui s'est effondré voici quelques
années. Le château, propriété
privée, ne se visite pas.
Source et
lien : http://www.vauteau.com
vidéo
ici - belle rando entre St Léger et la
Grande-Verrière
|
La Lanterne - 30
juillet 1901
La Lanterne - 23
avril 1904
Sans autres haltes,
on arrive "enfin à Saint-Léger-sous-Beuvray,
vieux village au milieu d'un très beau paysage". Ici, tout est
disposé pour la séduction d'un peintre, tel que
l'auteur, qui ne peut détacher son regard du tableau qu'il a
sous les yeux : maisons groupées sans ordre dans un cadre de
châtaigniers aux troncs puissants ; au bas, l'étang de
Poisson, semblable à un petit lac ; au dessus, le Beuvray
étageant ses croupes forestières ; tout lui rappelle
quelque coin de l'Ecosse ou du pays de Galles. Le châtaignier
surtout, "de tous les arbres le plus grandiose et le plus pictural",
obtient ses préférences. Mais l'Antiquaire, qui ne perd
aucune occasion de déplorer "la dégoûtante
destructivité de ses contemporains", lui raconte que, depuis
un certain nombre d'années, les plus beaux de ces vieux arbres
ont disparu sous la hache meurtrière et il montre tristement
du doigt les coteaux, aujourd'hui dénudés, que jadis
des familles de frères géants couvraient de larges
ombres. Mais, pour lui, qui n'a pas vu ce verdoyant passé, il
subsiste encore, autour du Beuvray, bien des coins
privilégiés qui n'ont pas encore été
dégradés par la hache du bûcheron et la hideuse
truelle du maçon moderne. Que nos pèlerins de l'art,
cependant, ne se découragent pas. Dans quelques centaines
d'années, quand le temps qui, lui aussi, est peintre, aura
passé, ces bâtisses seront devenues chenues à
leur tour ; elles auront perdu leur crudité vulgaire et, sous
une couleur plus douce, le paysage retrouvera sa noblesse
passée. Mais qui lui rendra l'arbre ? Quelle main restituera
au sol frissonnant sa fourrure forestière ? Après une
demi-heure de contemplation, on se remet en route en devisant sur les
loups qui ont autrefois ravagé la contrée et qui, eux
aussi, ont disparu, comme tant d'autres choses, mais l'extase ne
faiblit pas. A chaque tour de roue, la vue change, sans rien perdre
de son attrait. Durant l'ascension, l'il n'est offensé
par aucun contresens; rien n'a gâté l'uvre de la
nature : croupes boisées, prairies qui forment autant de
clairières, ruisseaux dans le fond, avec un soleil de juin,
qui donnait à tout cela l'aspect "d'une Arcadie
disposée pour le rêve d'un poète"
(...)
Source :
Jacques-Gabriel Bulliot, président de la
Société Êduenne
in "Mémoires de la Société éduenne des
lettres, sciences et arts", p.307 - 1904
Bulletin de la
Société nivernaise des lettres, sciences et arts -
1905
Revue du monde
catholique - 1er octobre 1906
La Croix - 13 mars
1907
Annuaire du
commerce et de l'industrie cinématographiques - 1911
Le Gaulois - 25
novembre 1912
École et
famille : bulletin mensuel de l'Union des associations
catholiques des chefs de famille - novembre 1912
Le Temps - 1er
décembre 1912
La Croix - 1er
janvier 1913
Le Cultivateur
aveyronnais - 1er juillet 1923
Le Gaulois - 8
février 1927
Le Petit Parisien
- 10 mai 1927
Revue de folklore
français et de folklore colonial - janvier 1932
L'Ouest-Eclair -
1er février 1934
t
la ivre,
dans tout ça ?
(...)
Je poursuis ma route vers louest en direction du Mont
Beuvray. Un article du Guide Noir de la Bourgogne
Mystérieuse, publié en 1976 par les Editions
Princesse, ma donné envie den savoir plus
sur la Pierre de la Wivre, perdue dans les
forêts de Saint-Léger-sous-Beuvray. Elle
aurait la réputation de protéger un
trésor. Je me mets donc en chasse, sans prendre garde
aux rumeurs selon lesquelles le butin serait gardé
par un serpent volant du nom de Wivre (ou «
vouâvre » daprès les Morvandiaux) et
que seule la ruse permet de détourner de sa mission.
Mes indices sont maigres et approximatifs (
) Mes yeux
louchent alors sur une carte routière pour tenter de
situer le rocher aux abords du lieu-dit lEchenault,
sur la D18 entre Glux-en-Glenne et
Saint-Léger-sous-Beuvray, en espérant
que loffice du tourisme local aura songé
à planter un petit panneau depuis la route. Peine
perdue ! Point de pierre ni de panneau ! Tel Harry Potter
à la recherche du Basilic, je ferais mieux de guetter
le vol de la Wivre
Cest
au moment où vous êtes sur le point de
capituler que la chance vous sourit. De passage à
Saint-Léger, je marrête à
la mairie et me renseigne sur la Wivre. On
mindique alors Bibracte ! Comment ny avais-je
pas songé plus tôt : la pierre doit se trouver
sur le site archéologique de cette ancienne capitale
gauloise ! Je me rends donc au musée
dédié à la civilisation celtique et aux
découvertes de Bibracte. Cest effectivement la
base la plus sûre pour sillonner, à pied ou en
navette gratuite, les chemins de randonnée du Mont
Beuvray. Depuis la Porte du Rebout, jaccède au
"Teureau de la Wivre" à travers une
forêt mystérieuse, hantée par le
souvenir des Eduens, de Vercingétorix et
même
de Jules César !
le
Teureau de la Wivre
http://www.maison-hantee.com/files/morvan/morvan_legendes.htm
Face au
rocher, le spectacle est magique : "Sur sa face nord, une
sorte de rampe qui conduit au sommet paraît avoir
été aménagée pour en faciliter
laccès. Une cuvette creusée à la
partie supérieure, souvent à demi remplie par
les eaux de pluie, porte le nom de Fontaine des Larmes ". Je
peux constater en effet la présence de cette cuvette,
daprès les exclamations dune jeune
fillette escaladant le rocher : "Ya dleau
!". De leau, mais pas de trésor ! Plusieurs
explications sont attribuées à ce rocher :
Sagit-il dun autel sacrificiel ? Dune
tribune où officiait Vercingétorix devant ses
chefs gaulois ? Des restes de la carrière
utilisée pour la construction des remparts
?
Quoi
quil en soit, lhypothèse qui ma
mené ici est, encore une fois,
ésotérique. Il y a moins dun
siècle, une fois lan, lors de la procession des
Pâques Fleuries, un serpent volant
déplaçait la pierre et révélait
un trésor. Dautres traditions racontent
quil suffit de jeter de la mie de pain sur
largent exposé au soleil. Tout ce qui est
touché est à vous ! Ultime technique :
semparer des richesses et traverser le plus vite
possible un filet deau courante, aussi mince soit-il.
La Wivre serait alors incapable de reprendre son
bien. Mais quarrive-t-il aux audacieux qui manquent
leur coup ?
Je me laisse
alors rêver à lhistoire de cette femme
qui, au lieu daller à la messe, se rendit
à la Pierre, avec son enfant. Alors que la roche
était déplacée et le trésor
exposé, elle sempara des richesses et
échappa de justesse aux assauts de la Wivre.
Mais elle ne retrouva pas son enfant ! Le curé lui
conseilla de retourner à la Pierre chaque jour pour y
verser du lait et du miel dans la "Fontaine des Larmes"
pendant une année entière. Et, quand
reviendrait le jour douverture de la Pierre, elle
devait rapporter le trésor et ne rien conserver. La
malheureuse sexécuta scrupuleusement, bravant
tous les temps, jusquau jour où elle retrouva
son enfant, en parfaite santé. Plusieurs variantes de
cette légende existent dans les communes alentour
avec des issues bien moins heureuses (...)
Pour
poursuivre la visite, ce que nous vous conseillons :
Le Morvan et ses pierres de
légende
http://www.maison-hantee.com/files/morvan/morvan_legendes.htm
|
Bien
des variantes existent, en effet. En voici une fort
jolie, signée Sandra Amanie et extraite de
Légendes du Morvan (coordonnées
ci-dessous) :
la ouivre
du euvray
En
parcourant les sentiers ombragés du Morvan, vous
entendrez sans doute parler des vouivres, ces
créatures redoutables, mi-femmes, mi-serpents, qui se
plaisent à hanter les bois. Sans aucun scrupule,
elles répandent leur venin sur le voyageur imprudent
qui tenterait de s'emparer des diamants qu'elles gardent
jalousement au creux d'une roche. La plus
célèbre de ces vouivres se trouvait au Mont
Beuvray, en Saône-et-Loire, non loin de Bibracte, une
ancienne capitale gauloise dont on peut aujourd'hui visiter
les fouilles et le musée.
Si, en chemin, vous vous arrêtez près de la
rivière qui passe non loin de là, ne faites
plus aucun bruit, fermez les yeux et souvenez-vous de
l'histoire de cet homme qui, au péril de son
âme, a osé défier le monstrueux serpent
!
Ce
matin-là, lorsque Martin s'éveilla, un beau
soleil éclairait les murs de la modeste
chaumière où il demeurait en compagnie de sa
femme et de ses deux enfants. C'était le jour de
Pâques. Un peu plus tard, après la messe, une
procession partirait de l'église de Glux-en-Glenne,
un village situé au pied du Mont Beuvray. Pour
l'occasion, Jeanne, son épouse, avait revêtu sa
belle robe noire. Elle l'avait portée la
première fois le jour de son mariage et elle en
prenait grand soin car, ses parents étant
âgés et de faible santé, elle se disait
que, sans doute, elle aurait, hélas, bientôt
l'occasion de la porter de nouveau. En effet, dans les
familles pauvres du Morvan, on se mariait en noir car la
tenue que l'on revêtait ce jour-là devrait
être ensuite portée lors de toutes les grandes
occasions, dont les enterrements.
Les deux enfants se lavaient dans un baquet posé dans
la cour où ils s'éclaboussaient en poussant de
grands éclats de rire.
- Allez, les garçons, leur cria Jeanne, il est temps
de s'habiller et de partir à la messe.
Ils obéirent et abrégèrent leurs
ablutions à contrecur.
Il ne faisait pas encore très chaud mais les petits
n'étaient pas frileux et adoraient se laver le
dimanche au soleil. Jeanne les essuya rapidement, leur mit
des habits propres puis se prépara à
partir.
- Tu ne viens pas avec nous ? demanda-t-elle à
Martin.
- Non, c'est impossible, je dois aller couper du bois
pendant qu'il fait beau. Il y aura encore des jours
très froids dans la saison et, s'il pleuvait demain,
je ne pourrais plus le faire. Le bon Dieu me comprendra
puisque je fais cela pour notre bien à tous les
quatre.
Jeanne soupira :
- Encore une bonne excuse pour ne pas aller prier ! Dimanche
dernier, aux Rameaux, c'était la vache qui
était malade, et le dimanche d'avant, tu m'as encore
sorti un de tes plus beaux mensonges ! Tu es incorrigible,
Martin. Je ne voudrais pas être ton âme !
- Ne t'inquiète pas pour moi, ma femme,
répondit-il en riant. Mon âme se porte bien.
Dis au curé que je viendrai me confesser demain vers
onze heures chez Germaine. J'espère qu'il y sera !
À mon avis, oui, car il manque très rarement
ce rendez-vous quotidien, même quand il doit aller
administrer une extrême-onction !
Jeanne, outrée, se contenta de hausser les
épaules en signe d'impuissance. Son Martin ne
changerait jamais et préférerait toujours le
bistrot de Glux-en-Glenne ainsi que Germaine, sa vieille
patronne, à son église. Qu'y pouvait-elle ?
Elle n'avait pas grand-chose d'autre à lui reprocher.
Il était gentil, pas fainéant, bon
père
Et puis, après tout, le curé
n'avait qu'à montrer l'exemple ! Pour prêcher
la bonne parole, il n'était pas obligé de se
rendre tous les jours à l'auberge pour trinquer avec
ses ouailles !
- Enfin, c'est bête à dire, mais les hommes
sont ainsi faits, soupira-t-telle.
Lasse de se battre pour sauver l'âme de son homme,
elle coiffa son chapeau, prit ses deux garçons par la
main et se dirigea à pied vers l'église du
village.
Lorsqu'il
fut certain d'être seul, Martin décrocha sa
cognée, fourra un morceau de pain et une bouteille de
vin dans un grand sac, puis se dirigea vers la forêt
du Mont Beuvray. Il chemina une bonne heure avant d'arriver
près du rocher que l'on nommait " Roche de la Vouivre
" car il était soi-disant gardé par un
mystérieux serpent qui se transformait en superbe
femme quand il se trouvait à l'abri des regards.
Cependant, Martin se fichait bien de la beauté qui se
cachait derrière le serpent. Lui, ce qui
l'intéressait, c'était les diamants que
renfermait la roche. Il se cacha donc derrière un
gros chêne, posa la cognée qui ne lui servirait
à rien aujourd'hui, et attendit. Un peu plus loin
coulait une petite rivière : c'était là
qu'au dire des commères du village, la vouivre allait
boire quand elle quittait sa tanière, tandis qu'au
village se déroulait la procession de Pâques
Fleurie. À ce moment-là, la légende
prétendait que si l'on se montrait vigilant, on
pouvait s'emparer du trésor enfermé dans le
rocher.
Martin
entendit au loin sonner les cloches de l'église,
signe que la messe s'achevait et que la procession allait
commencer. Soudain, il surprit un léger bruit. Son
sang se glaça et une sourde terreur s'empara de lui.
La roche bougea. Quand elle fut totalement ouverte, il vit
surgir de la grotte un immense serpent. Celui-ci mesurait au
moins cinq mètres. Son corps était
surmonté d'une tête énorme et sur son
front brillait un gros diamant vert !
- La vouivre ! songea Martin, terrorisé par le
spectacle qui se déroulait sous ses yeux.
Mais le bûcheron n'était pas encore au bout de
ses surprises ! La vouivre s'approcha de la rivière
et, lorsque sa queue effleura l'eau, le serpent se
transforma en une magnifique jeune femme aux longs cheveux
noirs. Elle se retourna en direction de l'homme, toujours
caché derrière l'arbre. Celui-ci,
émerveillé par la splendeur de son corps
entièrement nu, fut pétrifié par
l'éclat diabolique de ses yeux verts. Sans l'avoir
remarqué, elle déposa son diamant sur le sol,
puis elle entra dans la rivière pour se
baigner.
Martin
sortit alors de derrière son arbre et, après
avoir constaté que la vouivre ne prêtait pas
attention à lui, il s'approcha de la roche, dont
l'ouverture était restée béante. Un
monceau d'or et de pierreries s'étalait sous son
regard ébahi. Le soleil qui resplendissait au-dessus
du trésor rendait son éclat encore plus
chatoyant. Comme il l'avait maintes et maintes fois entendu
raconter par sa grand-mère, Martin prit le pain qu'il
avait apporté, enleva la mie, puis l'émietta
sur le trésor. Comme le stipulait la légende,
tout ce qui se trouvait sous la mie devrait lui
appartenir.
Il s'empressa donc de ramasser tout le bien qui lui revenait
et le jeta dans le sac.
C'est à ce moment que la vouivre le
repéra.
Furieuse, elle comprit qu'elle avait été fort
imprudente de laisser quelqu'un voler son trésor.
Elle songea à la colère de Satan, dont elle
était la créature, et se demanda ce qu'il
dirait lorsqu'il l'apprendrait. Elle décida donc de
tout mettre en uvre pour venir à bout du
voleur. Elle s'approcha de lui, lui fit son plus joli
sourire et tenta de le rassurer :
- N'aie pas peur, jeune homme, tu as respecté le
pacte en répandant de la mie de pain sur mon
trésor, et je ne peux rien faire pour
t'empêcher de l'emporter. Je suis loyale et ne te
ferai donc aucun mal. Mais la légende dit aussi que
je dois embrasser mon vainqueur, une fois ma défaite
consommée. Accepteras-tu d'accomplir cet acte ultime
qui scellera ta victoire ?
- Moi ? répondit Martin, outré. Embrasser un
serpent ? Il faudrait que je sois devenu bien sot !
Malheureusement, un sentiment sournois avait germé
dans le cur de Martin au moment où la vouivre
avait planté ses yeux magnifiques dans les siens. Il
tenta pourtant d'y résister :
- Aussi belle sois-tu, s'écria-t-il, tu n'es qu'une
invention du Malin ! Hors de ma vue, maudite ! Je dois
rentrer chez moi et retrouver ma famille.
Mais la vouivre, nullement impressionnée, s'approcha
encore plus près de Martin et l'enlaça. Le
bûcheron sentit sa résistance faiblir. Ce
n'était pas tous les jours qu'une femme superbe lui
faisait de telles avances. Éperdu de désir, il
reposa à terre le sac qui contenait le trésor,
puis laissa glisser ses mains sur les hanches de la
créature diabolique.
Comme elle
approchait ses lèvres des siennes, un petit cri
retentit au loin :
- Papa ! Papa ! Où tu es ?
À ce moment, l'enchantement cessa. Martin repoussa la
vouivre, qui, surprise, hurla de dépit.
Il vit les traits de sa bouche se tordre et un vilain rictus
s'emparer de ses lèvres tandis que, peu à peu,
son corps reprenait l'apparence d'un serpent.
Sans
demander son reste, Martin ramassa le sac, fit demi-tour et
se précipita dans le sentier, en direction de sa
chaumière. Quelques centaines de mètres plus
loin, il rencontra son fils aîné. Le
garçon remarqua son visage pâle et ses traits
tirés :
- Qu'est-ce qui t'arrive papa ? Aurais-tu vu le diable ?
plaisanta-t-il.
- Peut-être, mon gars, peut-être...
Peu de temps
après, Jeanne arriva, tenant son cadet par la main.
Elle semblait très en colère :
- Ah ! Te voilà enfin ! grogna-t-elle. Midi est
passé depuis longtemps déjà et on
s'inquiétait tous ! Alors, ce bois ? Tu as
terminé de le couper ?
- J'ai bien mieux que du bois, lui répondit Martin en
souriant. Ouvre donc le sac, ma chérie.
Jeanne
obéit. Elle éclata de rire quand elle
découvrit le contenu du sac.
- Ah ! Bien vrai ! ricana-t-elle. C'est sûr qu'avec
toutes ces caillasses, je vais pouvoir me chauffer tout
l'hiver ! Pauvre Martin ! Tu dérailles
complètement. Ne cherche pas plus loin. C'est Dieu
qui punit ton impiété !
Martin,
intrigué, regarda à son tour. Hélas, il
constata lui aussi qu'au fond du sac ne se trouvaient que
des cailloux à la place des pierreries
ramassées dans la roche de la vouivre. Alors, le
pauvre homme se souvint d'un point crucial de la
légende qui lui avait, hélas,
échappé, tant son impatience de rapporter les
richesses à sa famille était grande.
Après avoir échappé au serpent, il
aurait dû traverser la rivière en prenant les
diamants avec lui. Ainsi, il aurait pu conserver ce
trésor qui lui revenait de fait. À
présent, désespéré, il comprit
qu'il venait de tout perdre !
Confus, il retourna près de la roche,
récupéra sa cognée et regarda autour de
lui. Il n'y avait nulle trace de la vouivre. Le rocher
s'était refermé et aucun serpent ne
rôdait près de la rivière.
Cependant, une douleur atroce rongeait à
présent le cur de Martin, une douleur que seul
pourrait apaiser l'éclat de deux yeux verts et celui
de deux lèvres rouges sur les siennes. Le diable, en
lui laissant la vie sauve, avait infligé à son
âme le plus épouvantable des supplices qui
durerait, hélas, jusqu'à ce que les feux de
l'enfer l'apaisent enfin. Martin était tombé
amoureux du Mal et Jeanne, l'épouse si pieuse, ne
devinerait jamais qu'un beau matin de Pâques, un
diamant vert posé sur un front diabolique avait ravi
la pureté de son gentil mari.
pour
découvrir le livre de Sandra Amanie
Lire
aussi "La
légende de la Vouivre" à
Saint-Léger-Vauban (Yonne)
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