Clovis
BERNARD, né le 3 février 1838 à
Saint-Léger-aux-Bois, est manouvrier et bûcheron. Il
épouse le 11 juin 1859 en l'église de
Saint-Léger Elisabeth RONDEL, elle aussi fille du village,
née le 20 avril 1837. Ils sont tous les deux issus de
très anciennes familles de la commune.
Elisabeth RONDEL
et Clovis BERNARD
La famille DELAISSEMENT, de son
côté, fonde en 1839 une fabrique de balles à
jouer à Saint-Léger-aux-Bois. Vers 1872, Clovis
BERNARD et son épouse reprennent l'affaire. Sans doute
dans un premier temps travaillent-ils dans leur maison, à
l'angle de la Grande Rue et de la Rue d'Enfer, qui sera par la suite
appelée "Rue de la Fabrique", comme en témoigne le
panneau à l'angle de la maison, à droite sur cette
carte postale :
Cette maison, dans l'alignement de la
Grande Rue, sera détruite pendant la première guerre
mondiale, comme près de 80% des maisons de
Saint-Léger-aux-Bois occupée par l'armée
française. Elle sera reconstruite, en retrait de la rue,
en 1922, grâce aux dommages de guerre.
L'entreprise familiale se
développe et Clovis BERNARD fait bâtir en 1906, Rue
d'Enfer, alors rebaptisée Rue de la Fabrique, aujourd'hui Rue
des Etangs, des immeubles pour abriter leur atelier et leur
entrepôt. Ces bâtiments de pierres et de briques
sont assez novateurs dans le village.
Ils sont toujours visibles aujourd'hui avec au-dessus de
l'entrée principale la date de construction "1906". Ils
ont été transformés en logements.
aujourd'hui la Rue des Etangs -
les 2 bâtiments se font face
La fabrique occupait les deux
bâtiments en brique, en vis-à-vis sur la Rue de la
Fabrique, avec parement en pierre de taille.
La Rue des Etangs en
2011
Les
BERNARD travaillent en famille, le père Clovis et ses deux
fils : Georges, né en 1860, et Restide, dit Aristide,
né en 1867.
Georges a eu deux filles : Georgina (c'est le 3e prénom de
Pascaline, c'est ainsi qu'on l'appelait toujours) et Georgette.
Aristide a eu 2 fils : Roger né en 1892 et Raymond né
en 1894, tous à Saint-Léger-aux-Bois.
Ils donnent du travail à
façon à de nombreuses familles du village, en
particulier les femmes, les "faiseuses de balles" comme on le trouve
écrit dans des actes d'état civil, et les jeunes qui
à la maison cousent les peaux de cuir et garnissent les
petites balles ainsi obtenues de fougères
séchées, de mousse végétale ou de
sciure.
de gauche à droite :
Aristide, Roger, Georges et Raymond BERNARD, avec les sacs remplis de
balles à jouer
Aristide BERNARD, dit Restide,
avec ses 2 fils Roger et Raymond et son frère Georges, posent
devant la fabrique
La photographie est prise devant l'entrée de la fabrique, Rue
d'Enfer, vers 1908.
A l'image du développement
artisanal de la brosserie de Tracy-le-Mont, l'artisanat des balles
à jouer a offert aux villageois principalement tournés
vers la culture, avec sur Saint-Léger une prédominance
de celle du chanvre, une source de revenus complémentaires
plus sûre, non soumise aux aléas climatiques
hélas fréquents sur notre village coincé entre
la forêt de Laigue et la rivière Oise.
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Georges
BERNARD, né le 16 décembre 1860, est
désigné comme employé de commerce puis
comptable. Il épouse le 30 mai 1883 à
Saint-Léger Ezilda POIRET, née dans le village
le 13 mai 1864. Ils auront deux filles : Georgina
(Pascaline) et Georgette.
Georges et
Ezilda
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Aristide et
Eugénie
Aristide BERNARD naît le 24
mars 1867. Il est le directeur de la fabrique de balles à
jouer. Il épouse le 8 décembre 1891 à
Saint-Léger Eugénie COLLAS, née à
Compiègne le 16 décembre 1869. Ils vont avoir deux
fils : Roger et Raymond. Tous deux fréquentent l'école
de Saint-Léger-aux-Bois, dirigée par madame Marthe
BONNART, et poursuivent des études au lycée à
Compiègne. Ils font partie de "l'élite" du village
et s'emploient à la fabrique en soutien de leur
famille.
Mme Bonnard fut institutrice
laîque à Saint-Léger pendant 25
ans
Attiré par l'industrie en
pleine essor, Georges BERNARD, à partir de 1892 partira
exercer son métier de comptable à la sucrerie de Voves,
en Eure et Loir, puis il reviendra épauler son frère
Aristide à Saint-Léger en 1898.
Les familles des deux frères
BERNARD habitent au n° 3 et 4 de la Rue d'Enfer.
Aristide BERNARD décède
en 1909 à St-Léger. Ses deux fils, Roger et
Raymond, sont alors employés à la fabrique. Mais
la première guerre mondiale se déclare en août
1914, et les deux jeunes gens répondent à la
mobilisation générale et rejoignent leurs
régiments. Tous deux disparaissent en mars 1915 dans les
combats de l'Argonne. Leurs corps n'ont jamais été
retrouvés. Leurs noms figurent sur le monument aux morts de St
Léger.
Eugénie COLLAS, veuve
d'Aristide BERNARD, aura longtemps espéré le retour de
ses fils, officiellement portés disparus en 1922. Après
avoir évacué pendant le conflit à
Lacroix-Saint-Ouen, de retour à Saint-Léger-aux-Bois
bouleversé par la guerre, elle cesse l'activité de la
fabrique qui ne redémarrera pas après le conflit. Elle
meurt à Saint-Léger en août 1929.
Aristide
BERNARD
(1867-1909)
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Georges
BERNARD
(1860-1924)
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Roger
BERNARD
(1892-1915)
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Raymond
BERNARD
(1894-1915)
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pour lire deux lettres de
la maman de Roger et Raymond, datées de 1916, alors
que ses deux fils était portés disparus depuis
mars 1915 en Argone
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pour voir la page sur les
Poilus de Saint-Léger-aux-Bois, dont Roger et
Raymond
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Les balles à jouer
étaient vendues localement mais aussi distribuées plus
largement jusque dans le nord de la France comme en attestent des
courriers à destination de Lille :
oblitération de
1900
La fabrique dispose d'un des trois
numéros de téléphone de Saint-Léger et
répond au n°3 à Saint-Léger-aux-Bois :
médaille
de bronze à l'Exposition
régionale de Compiègne en
1877
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L'Exposition
régionale de Compiègne, regroupant 18
départements du nord de la France, s'ouvrit le dimanche 20 mai
1877. Elle dura plus de 3 mois, se clôturant le dimanche 2
septembre. La ville resta pavoisée mais de nombreuses
averses gênèrent les festivités en plein air,
ainsi que les exposants. Des trains spéciaux partaient de
Paris, mais aussi de diverses villes du Nord.
"L'Écho de l'Oise",
journal royaliste, s'enflammait pour le
maréchal-président et allait publier un
supplément quotidien relatant par le menu les
festivités de cette exposition. L'inauguration le samedi 26
mai fut faite par le maréchal de Mac-Mahon (il avait la veille
inspecté le chantier de l'Exposition universelle de Paris qui
devait s'ouvrir l'année suivante).
Pour l'occasion, un bâtiment
principal, dit Palais de l'Exposition, avait été
construit. Le toit était en carton-cuir mais la façade
servant d'entrée au grand pavillon avait belle
allure.
1877 - Exposition de
Compiègne - le Palais
l'entrée du
Palais
L'exposition forestière
occupait le grand Parc, à l'abri d'un chalet avec
entrée sur le Rond-Royal. On y présentait toute la
boissellerie, depuis le bois en grumes jusqu'aux ateliers des
villages voisins : bois et brosses, jouets d'enfants, ainsi que
toutes les productions issues de la forêt.
De nombreux concours se
déroulèrent pendant ces trois mois : agricole,
horticole, de pompes d'incendie
Le dimanche 20 mai, c'est au
Rond-Royal que l'on remit les récompenses aux lauréats
agricoles, tandis que, dans la soirée, un feu d'artifice
illuminait les rives de l'Oise.
Le dimanche 3 septembre 1877 le
préfet TRIPIER présida la distribution des
récompenses de l'Exposition régionale de
Compiègne qui voulait prouver la vitalité de
Compiègne et de toute la France du nord, et leur
volonté de redressement, au lendemain de la défaite de
"l'Année terrible", en 1870-1871.
La
fabrique de balles à jouer BERNARD RONDEL de
Saint-Léger-aux-Bois est distinguée
d'une médaille de bronze dans la
catégorie "Brosserie, éventails,
objets de voyage, bimbeloterie et
articles".
L'Écho
de l'Oise du 14 mai 1877
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Sources :
Le 7 juillet 1919, le préfet
de l'Oise estime à 80% en moyenne le taux de destruction des
maisons d'habitation à Saint-Léger. Les maisons
détruites ne pouvaient être relevées par des
familles touchées par le deuil, d'autres familles devront
patienter plusieurs années pendant de longues démarches
administratives réalisées au sein de la
Coopérative de reconstruction avant de toucher un
pécule comme "dommages de guerre" et pouvoir
reconstruire ; d'autres encore quittent le village ayant perdu leur
outil de travail, leurs chevaux, et s'installent en ville. La
société coopérative de reconstruction de
Saint-Léger fut l'une des premières mises en place.
Les fermes sont exsangues : troupeaux disparus, chevaux
réquisitionnés par l'armée, champs non
cultivables pendant plusieurs années avec interdiction de
cultiver, ont entraîné la disparition de plusieurs
exploitations dont les cultivateurs, soit trop âgés,
soit embauchés par ailleurs, ont quitté la terre et
parfois le village.
Certaines maisons n'ont pas été reconstruites à
l'identique. C'est le cas de la maison BERNARD-BONNART, à
l'angle de la Grande rue et de la rue d'Enfer, au centre du
village. Un obus ayant détruit la maison initialement
placée dans l'alignement de celles qui ont subsisté,
elle fut reconstruite, avec l'aide partielle des dommages de guerre
perçus, sur un plan plus moderne, laissant paraître un
jardin sur le devant qui la mettait en valeur et, comble du
modernisme, elle fut équipée d'un réseau
électrique alors que l'électricité
n'était pas encore arrivée jusqu'à
Saint-Léger.
les balles à jouer de
Ham-sur-Heure (Belgique)
"Si le village était une vraie
ruche bourdonnante, c'était notamment grâce à
l'activité développée autour de la fabrication
des balles à jouer et à toute l'atmosphère qui
s'en dégageait. Depuis quand jouait-on à la balle ?
Petites balles dures pour le jeu de balle au tamis, diverses balles
moins compactes pour la balle au long. Ces balles étaient
achetées à l'extérieur du village, jusqu'au jour
où, en 1850, un certain Alexis Lefèvre, originaire de
notre localité, se rendit à Givet, dans les Ardennes
françaises, pour y acquérir la technique de fabrication
de ces balles. Cette fabrication devint bientôt importante et
prospère. Les balles étaient vendues partout en
Belgique, aussi bien en Wallonie qu'en Flandres et à
Bruxelles. Les jeux de balles étaient très
développés et faisaient l'objet de
fédérations avec tournois et classements. Il
n'était pas rare de posséder plusieurs équipes
dans le village. Ainsi Jamioulx, avec moins de 800 habitants,
comptait à une certaine époque deux équipes :
"Jamioulx église" (la plus forte) et "Jamioulx place". Au
Bourg, les joueurs ont collectionné les prix et distinctions
dévolus à cette petite reine blanche."
les petites reines
blanches
la
guerre 14/18
à St Léger
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la
forêt et
la chasse à courre
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la
mairie, l'église,
les écoles
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les
rues
et les lieux
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