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histoire, vieille d'un siècle et demi, fit couler beaucoup
d'encre et souleva bien des passions. Mais qu'était-ce, ces
bruyères ? Des terrains communaux communs
à St Léger du Boscdel, Camfleur, Courcelles
(réunis maintenant à Fontaine l'Abbé) et les
Mollands, hameau dépendant de Rostes. Les bruyères furent
partagées sur ordonnance du roi Louis XVIII et par transaction
selon le nombre de feux concernés dans chaque commune. L'acte
notarié le 3 juillet 1824 fut signé par Charles Brunel
maire de Courcelles-Camfleur, Pierre-Louis Ecalard maire de Rostes,
et Louis Massiel maire de St Léger du Boscdel. Cet acte mit
fin à des litiges datant de 1541 et relativement
réglés par des sentences rendues au bailliage d'Orbec
et en 1602 devant les tabellions de Serquigny. De temps immémorial, les
habitants desdits lieux avaient droit de pâture sur ces
bruyères. Ils y récoltaient les bruyères,
fougères et joncs marins, faisaient le bois de chauffage et
tiraient sable, argile et cailloux pour construire leurs habitats.
Sans doute ils y chassaient et braconnaient à
l'occasion. C'étaient pour la
plupart des terrains pauvres situés à l'est et en
lisière de la forêt. Certains des hameaux existant
à l'heure actuelle ont gardé ce nom. A cette époque, St
Léger était bien différent de ce qu'il est
aujourd'hui. Quelques petites fermes de quelques hectares, 2 ou 3
chevaux, suffisaient au travail des champs. Par contre, la grosse
masse de la population était constituée de journaliers
vivant sur quelques ares de terre avec une ou deux vaches, moutons,
chèvres... Pendant les gros travaux saisonniers, fenaison,
moisson, ils se louaient à la journée, d'où le
nom de journaliers. D'autres, tailleurs, tisserands, forgerons,
menuisiers, sabotiers... travaillaient à domicile de
façon artisanale. En ce début du 19e
siècle, les choses avaient changé. La Révolution
et l'Empire avaient amené des idées nouvelles. Il y
avait pour certains le désenchantement de se retrouver sous la
restauration de la monarchie. Le 16 septembre 1833, Louis Massiel,
maire de St Léger du Boscdel, domicilié à la
Trassinière, avec l'approbation du conseil municipal
composé de MM. Oursel, Carpentier, Fleurent, Chéron,
Rousselin, Mercier et Toufflet, publie un arrêté
concernant le partage et la vente par lots des bruyères dans
le but de financer une maison d'école et le traitement d'un
instituteur. Bien que tout le monde soit
d'accord sur le principe de l'instruction des enfants de la commune,
la colère gronde dans les chaumières. Pour les plus
démunis, la misère va augmenter, c'est plus de 25
hectares de terrain qui leur sont retirés pour être
vendus. Beaucoup de pauvres gens n'ont pas les moyens d'acheter et de
mettre en valeur les parcelles de terrain. Le commissaire enquêteur,
Vivant Cardin, maire de Valailles, nommé par le
sous-préfet, se heurte à la grogne
générale. Les pauvres ont le soutien du châtelain
local, Louis Chrestien, Chevalier de Fumechon, le plus riche
propriétaire de la commune et le plus imposé. Il est
contre le projet et déclare : "Il est plus avantageux pour
les habitants pauvres ayant feu et lieu de conserver le parcours de
la dite commune, que d'en avoir une part dont ils ne pourront tirer
aucun avantage que de payer plus que la part ne vaudrait." Des
conseillers municipaux rejoignent cet avis, MM. Carpentier et
Fleurent. D'innombrables pétitions circulent alors dans la
commune et sont adressées au sous-préfet, chacun voyant
ses intérêts personnels ou ceux de la communauté.
Des propositions sont faites, ainsi par exemple "imposer les
habitants selon leur richesse pour subvenir aux besoins de
l'école" (proposition de M. de Fumechon). Toutes ces
démêlées devaient se prolonger jusqu'en 1846
où les fameuses bruyères, contenant 25 ha 63 a et 67
ca, furent vendues par lots (en moyenne 20 a par lot) par ordonnance
du roi Louis Philippe, le 9 mars 1846, sur requête de Juste
Oursel, maire de St Léger du Boscdel, en date des 6 janvier et
23 février 1845. bulletin des lois
- juillet 1846 La recette
dégagée par cette vente devait servir à
différents travaux : Ainsi se termina cette vieille
histoire des bruyères. Quelques habitants de la commune ont
des ancêtres qui en furent les acteurs. Citons Etienne et
Martin Picquenot, Masselin, Charles Ecalard, Louis Fleurant, Louvet,
Georges Amiot, Pierre-Louis Paisant, François Véron,
Jacques Beaumesnil, Motte, Duval, Lemagnant, Albert Duname, A.
Guillolot, Pierre Houard, C. Meton, Vve Quigis. Ces quelques noms pris au
hasard rappelleront peut-être des souvenirs aux anciens de la
commune, des noms qui restent gravés sur quelques vieilles
pierres de notre cimetière.