A St Léger des ois, il y a 200 ans

ahier de doléances des habitants

 

 

"A faut espérer qu' c' jeu-là finira ben tôt"

Le paysan, appuyé sur sa houe, doit porter sur son dos le prélat et le seigneur
(il peine et paye les impôts pour nourrir le clergé et les nobles)
cependant que les oiseaux et les rongeurs dévorent sa récolte.
(le paysan n'a pas le droit de chasse)
D'après une caricature du temps
(in L'Histoire Vivante, de M. et S. Chaulanges, aux éditions Delagrave - 1954)


La population de Saint Léger des Bois était de "60 feux" en 1789 et le recensement de 1790 dénombre 334 habitants. Il faut préciser toutefois que la paroisse du hameau des Essards (52 feux en 1789) était indépendante.

Saint Léger est une paroisse pauvre. La "carte générale de l'Election d'Angers", tableau de la valeur économique des paroisses du point de vue agricole, indique qu'elle est "de mauvais fonds, entre les bois, la moitié à seigle, peu de froment et d'avoine, ni orge, ni lin, ni chanvre, ni blé noir, ni pommiers, ni châtaigniers, la moitié en bois taillis". Pauvres aussi sont les habitants. Ils "ne font pas de commerce que de fagots". L'enquête de la Commission intermédiaire d'Anjou, en 1788, recense 17 pauvres. Les plus riches fermiers ne sont guère riches : 6 d'entre eux paient entre 40 et 25 livres d'impôts, 5 paient entre 25 et 15 livres ; chiffres d'impôts, donc de revenus, bien modestes par comparaison avec ceux des autres paroisses.

A partir de 1787 furent installées dans tout le pays des municipalités élues. Mais, pour être électeur, il faut payer au moins 10 livres d'impôts ; pour être éligible, il faut être "taillable" de 30 livres au moins. La municipalité de Saint Léger est constituée de 5 membres seulement : LouIs Vaillant, syndic (maire), Joseph Boumier père, greffier, Jean Tinot, Thomas Vételé, Etienne Pelletier.

Pour préparer la réunion des Etats Généraux, le roi demande au peuple, début 1789, de se réunir par paroisse et de mettre par écrit ses doléances. Voici le procès-verbal de cette assemblée et le cahier de doléances de la paroisse.

 

rocès erbal 

 

 

Assemblée électorale : le 6 mars (aucune indication du nom du président), nous manants et habitants de la paroisse de Saint-Léger-des-Bois, nous sommes assemblés devant la principale porte de notre église, en présence de tous les habitants ci-après : Joseph Boumier, Joseph Boumier père, Jacques Boumier, Pierre Biche, Pierre Boumier, Jacques Boumier le jeune, Charles Loin, Pierre Vaillant, Jean Faréis, Thomas Hamon, Etienne Crouvaisier, Michel Dadis, Etienne Pelletier, Jean Bin, Jacques Moron, Louis Vave, Jacques Barbarin, Pierre Chambille, Mathurin Bouller, Mlchel Hervé, Charles Martin, Louis Vaillant, Jacques Fenard, Michel Fenard, André Chalopin, Chapillon, Hervé Durand, Thomas Vetillé, Pol Fenard, Alexis Dadis-Papios, Mathurin Barangé, Bourdeille, Thirote Faller, Mireleau Erlégé, Jean Pinaus, Avrillon, Durand, Guérin, Mailler, Jean Boulle.

 

 

Tous souhaiteraient bien que la gabelle soit ôtée, soit employés, soit saulniers, à toujours. Nous sommes plus morts que vivants. Ces sortes de gens sont une épouvante dans nos maisons.

Quand ils sont ivres, ils frappent dans nos portes, ils cassent presque toutes les ardoises qui servent à couvrir nos maisons, ils entrent dans nos cours où sont tous nos petits ustensiles, soit berroit (sic) (1), soit barriques, les cassent toutes à coups de bâtons.
(1) berrouettes = brouettes

Quand tous nos domestiques ont quelque mauvaise humeur, ils demandent bien vite leur compte à leur maître. Tout de suite ils prennent une poche (2), ils vont en Bretagne et souvent ils perdent leur marchandise, et puis ils se mettent à voler.
(2) un sac

Je demande aussi que tous les ecclésiastiques paient les tributs comme nous les payons, et qu'il serait tiré une somme de tous les bénéfices pour les pauvres de chaque paroisse, reçue par des pères qui en feraient la distribution aux plus nécessiteux, pareillement que tous les gentilshommes paient aussi les tributs comme nous les payons.

Ce qui nous fait un tort considérable, c'est que nous sommes situés dans les forêts qui sont remplies de toutes bêtes fauves, soit biches, sangliers, surtout les lapins. Je souhaiterions avoir la permission de porter seulement le fusil depuis sa maison jusqu'à son ensemencé et le rapporter ledit fusil en sa maison.

J'aurions aussi un grand besoin de faire pacager nos bestiaux dans les forêts à l'âge de trois ans et un mois, écerner l'arbre dans les sions d'un an et de deux ans.

Nous souhaiterions avec un grand désir une chose qui nous fait une grande perte, que quand nos bestiaux échappent dans les forêts, les gardes nous font des procès qui coûtent plus cher que les animaux ne valent d'argent.

Nous aurions un grand besoin que les entrées des villes seraient à moindre prix pour toutes les denrées qui entrent en ville.

Encore une chose qui nous fart un grand tort, j'aurions un grand besoin de faire du feu dans les coupes des bois que l'on coupe, au moins dans un vase propre à faire du feu afin de faire dégeler nos hoche (sic) (3), ne pouvant pas travailler, faute de cela fait que nous perdons nos journées. Cela nous fait un grand chagrin surtout les pauvres qui ne sont point habillés qu'en haillons.
(3) nos os

 

 

Suivent 7 signatures dont celle de l'auteur du cahier, Louis Vaillant, saindic mucipal (sic).
Ce cahier, dans sa simplicité et ses maladresses de rédaction, est émouvant par sa spontanéité. C'est une qualité rare, beaucoup de cahiers de doléances sont réalisés selon des modèles rédigés à l'avance.
Sept personnes ont signé, sur les 40 comparants. C'est peut-être là une indication sur le faible niveau d'instruction de la population.
En revanche, la proportion de 40 participants sur 60 feux donne une idée de l'intérêt manifesté par la population de Saint Léger pour l'expression de ses revendications.
Le procès-verbal n'indique pas, malheureusement, la condition sociale des 40 participants. On sait seulement que les 2 " députés " élus pour représenter la paroisse à l'assemblée de la Sénéchaussée d'Angers sont Louis Vaillant, le syndic, qui est " métayer ", et Joseph Boulier, qui est " journalier ".

Les doléances exprimées reflètent bien les difficultés des paysans de l'époque :

La misère était bien grande, à Saint Léger, par ce rude hiver 1788-1789.


Un grand merci à Nicole Tirehote-Clémenceau pour sa contribution.
le blog de la famille Tirehote (histoire d'une famille angevine, sa généalogie depuis 1630, son patronyme et ses photos) ici :
http://tirehote.centerblog.net/


Pour lire les doléances des habitants de St Léger sous Beuvray (71)

celles des habitants de St Léger du Bois (71)

celles des habitants de St Léger les Vignes (44)

celles des habitants de St Léger de Blanzac (16)

 

 

 

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