A St Léger des ois, il y a 200 ans ahier de doléances des habitants
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"A faut espérer qu' c' jeu-là finira ben tôt"
Le paysan, appuyé sur sa houe,
doit porter sur son dos le prélat et le seigneur
(il peine et paye les impôts pour nourrir le clergé et
les nobles)
cependant que les oiseaux et les rongeurs dévorent sa
récolte.
(le paysan n'a pas le droit de chasse)
D'après une caricature du temps
(in L'Histoire Vivante, de M. et S. Chaulanges, aux éditions
Delagrave - 1954)
Saint Léger
est une paroisse pauvre. La "carte générale de
l'Election d'Angers", tableau de la valeur économique des
paroisses du point de vue agricole, indique qu'elle est "de
mauvais fonds, entre les bois, la moitié à seigle, peu
de froment et d'avoine, ni orge, ni lin, ni chanvre, ni blé
noir, ni pommiers, ni châtaigniers, la moitié en bois
taillis". Pauvres aussi sont les habitants. Ils "ne font pas
de commerce que de fagots". L'enquête de la Commission
intermédiaire d'Anjou, en 1788, recense 17 pauvres. Les plus
riches fermiers ne sont guère riches : 6 d'entre eux paient
entre 40 et 25 livres d'impôts, 5 paient entre 25 et 15 livres
; chiffres d'impôts, donc de revenus, bien modestes par
comparaison avec ceux des autres paroisses. A partir de 1787
furent installées dans tout le pays des municipalités
élues. Mais, pour être électeur, il faut payer au
moins 10 livres d'impôts ; pour être éligible, il
faut être "taillable" de 30 livres au moins. La
municipalité de Saint Léger est constituée de 5
membres seulement : LouIs Vaillant, syndic (maire), Joseph Boumier
père, greffier, Jean Tinot, Thomas Vételé,
Etienne Pelletier. Pour préparer
la réunion des Etats Généraux, le roi demande au
peuple, début 1789, de se réunir par paroisse et de
mettre par écrit ses doléances. Voici le
procès-verbal de cette assemblée et le cahier de
doléances de la paroisse. Assemblée
électorale : le 6 mars (aucune indication du nom du
président), nous manants et habitants de la paroisse de
Saint-Léger-des-Bois, nous sommes assemblés devant la
principale porte de notre église, en présence de tous
les habitants ci-après : Joseph Boumier, Joseph Boumier
père, Jacques Boumier, Pierre Biche, Pierre Boumier, Jacques
Boumier le jeune, Charles Loin, Pierre Vaillant, Jean Faréis,
Thomas Hamon, Etienne Crouvaisier, Michel Dadis, Etienne Pelletier,
Jean Bin, Jacques Moron, Louis Vave, Jacques Barbarin, Pierre
Chambille, Mathurin Bouller, Mlchel Hervé, Charles Martin,
Louis Vaillant, Jacques Fenard, Michel Fenard, André Chalopin,
Chapillon, Hervé Durand, Thomas Vetillé, Pol Fenard,
Alexis Dadis-Papios, Mathurin Barangé, Bourdeille, Thirote
Faller, Mireleau Erlégé, Jean Pinaus, Avrillon, Durand,
Guérin, Mailler, Jean Boulle. Tous souhaiteraient
bien que la gabelle soit ôtée, soit employés,
soit saulniers, à toujours. Nous sommes plus morts que
vivants. Ces sortes de gens sont une épouvante dans nos
maisons. Quand ils sont ivres,
ils frappent dans nos portes, ils cassent presque toutes les ardoises
qui servent à couvrir nos maisons, ils entrent dans nos cours
où sont tous nos petits ustensiles, soit berroit (sic)
(1), soit barriques, les cassent toutes à coups de
bâtons. Quand tous nos
domestiques ont quelque mauvaise humeur, ils demandent bien vite leur
compte à leur maître. Tout de suite ils prennent une
poche (2), ils vont en Bretagne et souvent ils perdent leur
marchandise, et puis ils se mettent à voler. Je demande aussi que
tous les ecclésiastiques paient les tributs comme nous les
payons, et qu'il serait tiré une somme de tous les
bénéfices pour les pauvres de chaque paroisse,
reçue par des pères qui en feraient la distribution aux
plus nécessiteux, pareillement que tous les gentilshommes
paient aussi les tributs comme nous les payons. Ce qui nous fait un
tort considérable, c'est que nous sommes situés dans
les forêts qui sont remplies de toutes bêtes fauves, soit
biches, sangliers, surtout les lapins. Je souhaiterions avoir la
permission de porter seulement le fusil depuis sa maison
jusqu'à son ensemencé et le rapporter ledit fusil en sa
maison. J'aurions aussi un
grand besoin de faire pacager nos bestiaux dans les forêts
à l'âge de trois ans et un mois, écerner l'arbre
dans les sions d'un an et de deux ans. Nous souhaiterions
avec un grand désir une chose qui nous fait une grande perte,
que quand nos bestiaux échappent dans les forêts, les
gardes nous font des procès qui coûtent plus cher que
les animaux ne valent d'argent. Nous aurions un grand
besoin que les entrées des villes seraient à moindre
prix pour toutes les denrées qui entrent en ville. Encore une chose qui
nous fart un grand tort, j'aurions un grand besoin de faire du feu
dans les coupes des bois que l'on coupe, au moins dans un vase propre
à faire du feu afin de faire dégeler nos hoche (sic)
(3), ne pouvant pas travailler, faute de cela fait que nous
perdons nos journées. Cela nous fait un grand chagrin surtout
les pauvres qui ne sont point habillés qu'en haillons. Suivent 7 signatures
dont celle de l'auteur du cahier, Louis Vaillant, saindic mucipal
(sic). Les doléances
exprimées reflètent bien les difficultés des
paysans de l'époque : La misère
était bien grande, à Saint Léger, par ce rude
hiver 1788-1789.
Un grand merci
à Nicole Tirehote-Clémenceau pour sa contribution.
(1) berrouettes = brouettes
(2) un sac
(3) nos os
Ce cahier, dans sa simplicité et ses maladresses de
rédaction, est émouvant par sa
spontanéité. C'est une qualité rare, beaucoup de
cahiers de doléances sont réalisés selon des
modèles rédigés à l'avance.
Sept personnes ont signé, sur les 40 comparants. C'est
peut-être là une indication sur le faible niveau
d'instruction de la population.
En revanche, la proportion de 40 participants sur 60 feux donne une
idée de l'intérêt manifesté par la
population de Saint Léger pour l'expression de ses
revendications.
Le procès-verbal n'indique pas, malheureusement, la condition
sociale des 40 participants. On sait seulement que les 2 "
députés " élus pour représenter la
paroisse à l'assemblée de la
Sénéchaussée d'Angers sont Louis Vaillant, le
syndic, qui est " métayer ", et Joseph Boulier, qui est "
journalier ".
le blog de la famille Tirehote (histoire d'une famille angevine, sa
généalogie depuis 1630, son patronyme et ses photos)
ici : http://tirehote.centerblog.net/