la bûche de oël

 

 

"La veille de Noël, on mettait sur le foyer la plus grosse bûche que l’on pouvait trouver dans le bûcher. S’il n’y en avait pas d’assez grosse, les hommes allaient en couper une sur le domaine. La coutume voulait qu’elle soit d’arbre fruitier : pommier, prunier, cerisier ou même noisetier. Au fond des jardins des métairies, il y avait d’énormes "noisetières" qui produisaient des noisettes comme on n’en voit plus.

Notre ferme isolée se trouvait loin du bourg, sans routes pour y conduire. Certaines années, le temps était si mauvais, à cause de la pluie ou de la neige, que les chemins devenaient impraticables, même à pied, avec des sabots. Nous ne pouvions nous rendre à la messe de minuit.

Alors, lorsque la bûche était bien enflammée, à l’heure où la messe sonnait au bourg, toute la famille, vieux et jeunes, s’agenouillait autour du foyer. La grand-mère aspergeait la bûche de quelques gouttes d’eau bénite et nous récitions nos prières, à haute voix, tous ensemble, les yeux fixés sur le feu.

Ce n’est qu’ensuite que nous faisions sauter les crêpes ou griller les châtaignes pour notre réveillon ; car il n’était pas, comme aujourd’hui, question de dinde.

On s’amusait bien tout de même. Après le réveillon, on dansait "au tralala", parce que, bien sûr, nous n’avions pas de musique.

 

C’était la bourrée :

Chas nous n’avian no poulo, qu’avio no grando couo.
Lou renard ô la vouillo, per élongeâ la chuo.
O la vouille ô l’auro, la couo de notre poulo.
O la vouille ô l’auro, per élongeâ la chuo.

Chez nous, nous avions une poule, qui avait une grande queue.
Le renard la voulait pour allonger la sienne.
Il la veut, il l’aura, la queue de notre poule.
Il la veut, il l’aura, pour allonger la sienne.

C’était la polka piquée :

Dous sôs per la chambarière,
Trei sôs per le valétou...
Qu’ei point trop per la chambarière,
Mâs qu’ei trop per le valétou...

Deux sous pour la chambrière,
Trois sous pour le petit valet...
C’est point trop pour la chambrière,
Mais c’est trop pour le petit valet...

 

Ni l’air ni les paroles n’étaient compliqués, c’était bien entraînant quand même.
Et pas besoin de parquet ciré, la terre battue de la salle nous suffisait.
Les gens n’en cherchaient pas si long, ils étaient plus heureux qu’aujourd’hui."

 

 


 

 

 

les aboureurs

 

 

Au printemps et à l’automne, à l’époque des semailles, on entendait jadis les laboureurs chanter pour encourager leurs bœufs. On appelait cela "bauler" (chanter).

L’homme composait sa "baulée" (sa chanson) à mesure qu’il avançait, avec le nom des boeufs, la longueur du sillon, la façon de la terre, de l’air ou du soleil. Son improvisation jaillissait de ce labeur accompli pas à pas avec son attelage. C’était un lent et long poème, jamais le même, avec des modulations, des reprises, des redites, une inspiration scandée par le travail.

Les bœufs, liés au joug, tiraient, échine tendue, cornes baissées, museau fumant. Sensibles à la parole et à la mélopée, outil vivant, sillon après sillon, ils façonnaient le champ.

Les bons bauleurs ne manquaient pas. D’une terre à l’autre, de métairie en métairie, ils se répondaient. Les bergeronnettes accouraient et, presque sur les talons de l’homme, picoraient vers et insectes déterrés par le soc.

De nos jours, le bruit des tracteurs a remplacé la baulée du paysan ; les bergeronnettes l’ont adopté et, comme autrefois, elles accourent pour picorer les vers.

Le labour est sans doute plus profond et, à coup sûr, plus rapide. La peine de l’homme et des animaux est épargnée. Mais ce travail mécanique n’est plus enveloppé de la poésie des semailles millénaires qui durant tant de siècles ont contribué à façonner l'humanité.

C’était gai dans mon jeune temps, dit Rose, quand Alexandre, des Bergeries, baulait en labourant. Il était le meilleur bauleur du pays, les autres ne lui montaient pas à la cheville. Il avait une façon à lui de terminer sa baulée, en faisant un petit bruit de gorge, comme s’il "cloquait" un oeuf en se gargarisant. Les gens du bourg allaient se promener sur la route exprès pour l’entendre.

Ses bœufs s’appelaient Rouget et Friza. A mesure qu’ils avançaient, ils tournaient leurs oreilles en arrière pour ne pas en perdre une miette ; et ils marchaient droit, vous pouvez me croire, inutile de les guider, la musique et la douceur les avaient dressés mieux que les coups d'aiguillon que certaines brutes leur donnaient.

Voici à peu près les paroles d’une baulée d’Alexandre. C’est difficile à dire parce que ce n’était jamais les mêmes, les airs non plus, ça dépendait du temps et du moment ; enfin, voici un exemple, à peu près :

"Allons, mon Rouget, mon Frisé, mes mignons, mes gentils, qui marchent droit, qui tracent bien le sillon.
Allons, mon Frisé, mon Rouget, encore un petit tour bien droit, mon Frisé, mon Rouget, en suivant le sillon.
Il faut marcher droit, mes gentils, mes mignons, nous finirons à midi si vous marchez bien droit.
Allons, allons, mon Frisé, mon Rouget, profitons du beau temps.
Demain, s’il ne pleut pas, nous sèmerons le blé, mon Rouget, mon Frisé.
"

Et alors, il faisait claquer sa langue et on aurait dit qu’il y avait du blanc d’oeuf et du blé et toutes sortes de bonnes choses dans son cou.

Alors, moi aussi, je faisais comme les gens du bourg qui se rapprochaient pour mieux entendre. Je conduisais mes brebis dans quelque lande ou quelque vieux chemin auprès du champ qu’il labourait. Et, pour me faire remarquer, je me dépêchais, tout en tricotant, de commander ma chienne et de "menacer", même si les brebis ne bougeaient pas.

 

 

"Té té té... Parisienne, va les chercher, va les chercher là-bas... Saute vite les chercher là-bas dedans... Saute les chercher, ma chienne, tu auras du pain. Amène, amène donc !"

La chienne filait en aboyant. Les brebis innocentes, ne comprenant pas ce qu’on leur voulait, se mettaient à courir. Alors, je m’empressais de rappeler la chienne, en lui promettant "la payade", un morceau de pain en récompense.
"Té té té... Parisienne, à la paye... Viens chercher du pain. Té té té, cours-y vite !"

Alexandre s’arrêtait de bauler pour m’écouter. Je comprenais qu’il s’intéressait un peu à moi, j’en éprouvais du contentement.

Et, "à la fine force", lui, de "bauler" et moi de "menacer", nous avons fini par nous marier.

 

 


 

 

 

les vieux étiers

 

 

Maçons  

 

Paveurs

 

Autres métiers existant à l'époque dans notre région

 

 


 

 

 

le patoi

  par M. Gérard Filet

 

Le patois varie d'une commune à une autre. Il y a des expressions que je suis incapable de traduire en français sans entrer dans de longues phrases.
Il est difficile d'écrire le patois en raison de l'accent et de la prononciation.
Mon plus grand plaisir est de faire dire le mot "chatécourawe" (un écureuil).

 

La mère : A partir d'aneu to mos enfants parleront l'français, coumme min. Por commença, tain, l'plus p'tchiot, vain y qui, qui môche ton nâ. Maint'nant que ton nâ, ousé mouché, va me d'cha d'l'aigue au pou et da trêffes dans la gringe, por qui vous fassions da trêffes à la fargana.

Le gamin : Y vos pas y ana, yais pô da barbottes qui s'métiant dans la trêffes et puis l'aigue, ma por jambes poviant pas traina l'sceau, à z'étiant trop ptiotes.

La mère : Ouzé-ti natre que gamin, ouzé-ti natre ! On a ti du malheur, il nigerieut dans l'étang d'Gencais... ou vos pas y ana... il quiafreu. D'talour, tu vas vêre ton Pâ, quand ou va r'vengir, y you dirais qu't'as pas vôgut ana d'cha da trêffes et d'l'aigue, y you dirais... Va au laye, sans soupa ! Laisse-me los cacos y qui, y te dis d'allas au laye sans soupa...

 

 

 

 

 

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