contes et légendes
du pays de arche

 

 

 

a nuit où les bêtes parlaient

 

Oui, mon p’tit, le jour de Noël, a miéneu, lã bêtes alle causant ; lou beus, lã vaches, mé qué surtout lou pu vieux que causant. Alors falève surtout pas rentra din l’tail parce que que portève malheur.

Un jour, le père Jean ou vaugué savère si quère vré, alors ou rentré tout doucement din sa grange sans fère de bru et pi v’ouatendé.  

Quand lau douze co de miéneu auguéran souna, son beu le Rouget ou dissé au Blondet : "Sã-tu qui que ne van fère demo ?" et le Blondet ou répondé : "Oui ne méneran note mètre en terre."

Et le lendmo, i trouvéran le père Jean mort din sa grange…

Oui, mon petit, le jour de Noël, à minuit, les bêtes causaient ; les boeufs, les vaches, mais c’est surtout les plus vieux qui causaient. Alors il ne fallait surtout pas rentrer dans l’étable parce que ça portait malheur.

Un jour, le père Jean a voulu savoir si c’était vrai, alors il rentra tout doucement dans sa grange, sans faire de bruit et puis il attendit.  

Quand les douze coups de minuit eurent sonné, son bœuf le Rouget dit au Blondet : "Sais-tu ce que nous allons faire demain ?" et le Blondet répondit : "Oui, nous mènerons notre maître en terre." 

Et le lendemain, on trouva le père Jean mort dans sa grange…

 


 

 

le hasseur de loups

 

Sur une tombe du cimetière de SAINT HILAIRE LA TREILLE figure l’inscription suivante : "Terrain à perpétuité de Jacques BERTRAND, de son vivant propriétaire à la ROUSSELLERIE, commune de SAINT LEGER MAGNAZEIX. Il fut le plus grand destructeur de loups : en 5 années, il en a pris 27, tous présentés à la mairie de sa commune."

 

 

 

La notoriété de J. BERTRAND était telle qu’il en était resté une anecdote que l’on m’a souvent racontée dans mon enfance.
La voici phonétiquement en patois marchois :

Jacques BERTRAND ! Oh la la… Quère un grand tchoueur de loups… Sã-tu coument qu’au fasève ?
Eh ben, quante le loup v’oirivève la goule grande ouverte, ou se metève bien en face et ou yu fourève son bras din la goule, si creux qu’ou yi attrappève la quoue et ou le dévirève coumme une chausse !

Jacques BERTRAND ! Oh la la.. C’était un grand tueur de loups… Sais-tu comment il faisait ?
Eh bien, quand le loup arrivait la gueule grande ouverte, il se mettait bien en face et il lui enfonçait son bras dans la gueule si profond, si profond qu’il lui attrapait la queue et il le retournait comme un bas !

M. Poussif, de St Hilaire la Treille

 


 

 

Le eigneur de Grassevaud

 

- Mon petit, sais-tu pourquoi Pierre Bléraud, propriétaire du château de Grassevaud signait "Les hirondelles portent malheur" ?

- Non, grand-père. Raconte !

- C’est une bien triste histoire. En ce temps-là, les seigneurs étaient les maîtres. Pierre Bléraud, Seigneur de Grassevaud, tuait les hirondelles.
Un jour, en tirant, il a tué son fils.
Fou de douleur, il prit l’habitude de signer "Les hirondelles portent malheur"...

 

 

Cette photo représente l'unique vestige du château de Grassevaud, à St Hilaire la Treille.
C'est la "Maison des Manants".

 


 

 

Le ahus

 

Le Dahus, c’est une bête fantastique que personne n’a jamais vue, dont on parlait beaucoup autrefois, dans le pays. Depuis, plus personne, dans nos contrées, n’en parle. Son nom serait oublié, sans un bon tour arrivé, il y a de cela, peut-être cent ans, à un brave garçon qui aimait la plaisanterie :

Ce soir-là, il se trouve sur la chaussée de l’étang des Grenouilles, et je ne sais trop ce qu’il fait là, mais il est probable qu’il attend une jeune fille, laquelle tarde à venir.
Les filles, on le sait, ne sont guère pressées d’arriver...
Il faut dire que cet étang était en vidange depuis longtemps déjà. L’eau coule, en un petit ruisseau, elle sort sous la chaussée. Tout en prenant patience, le jeune homme regarde l’eau passer par cette bonde, sans penser à rien.
Il est là depuis un bon moment. Tout à coup, par le chemin, survient un autre garçon, qui n'est pas, certes, des plus intelligents, et qui l’interpelle :
- "Hé ! Pierre ! Que fais-tu ?"

Notre homme se retourne, le voit, cela lui donne une idée. Sans bouger, il fait signe de ne pas faire de bruit. Le benêt s’approche :
- "Que fais-tu là ?"

Pierre met un doigt sur ses lèvres :
- J'attends le Dahus. (On dit aussi : j’attends le Dahus, lorsque l’on attend quelque chose qui n’a guère de chance d’arriver.)

Le stupide garçon n’avait jamais entendu cette expression, c’est pourquoi il demande encore :
- "Qu'est-ce que c’est, le Dahus ?"

Pierre lui fait toujours signe de ne pas faire de bruit.
-"Mais enfin, qu’est-ce que c’est, le Dahus ?"

Pierre lève les bras en l’air :
- "Le Dahus, c’est le Dahus, dit-il à haute voix. C’est une bête. Celui qui l’attrape en retire beaucoup d’argent et peut-être même qu’il n'a plus jamais le besoin de travailler.
- Oh ! fait le garçon.
- Eh oui ! Certainement… Maintenant que tu es venu ici pour faire l’âne et crier comme une oie aveugle, ce n’est plus la peine d’attendre. Il ne viendra pas ce soir, et il se peut qu’il ne revienne pas de si tôt..."

Pierre s’en va, en prenant un air fâché, alors que, dans son for intérieur, il rit franchement.
Dans la tête de l’innocent, une idée faisait son chemin :
- "Si moi, le Dahus, je l'attrapais..."

Il va chercher un beau sac de toile, bien solide, il le dispose à la sortie de la bonde, qui est grande ouverte, il l’attache solidement. Ensuite, il attend :
- "Qu'il soit ce qu’il voudra, si le Dahus est là et s’il veut sortir, je le tiens !"

La nuit était à peu près achevée, il n'avait rien vu. Le jour se lève, un bruissement, dans l'eau, se fait entendre, le sac se met à bouger :
- "Le Dahus !" se dit le garçon.

Il attrape brusquement le sac par la gueule. Ah, mes amis, cela ne va pas tout seul, dans le sac ! Ça fait des sauts comme le diable sous l’eau bénite. Pour un peu, cela rentrait dans le ruisseau, tout emmailloté dans ses chiffons. A force de taper dessus, de le heurter contre le sol, de tous les côtés, le garçon en est maître ; il n’a plus qu’à jeter le sac sur son épaule. Il s’en va, immensément content. Il rencontre Pierre qui vient de se lever :
- "Où vas-tu ce matin, d’aussi bonne heure ? Que portes-tu dans ce sac ?
- C’est le Dahus.
- Quel Dahus ?
- Le Dahus ! Ne m’as-tu pas dit, hier soir, qu’il était à la vanne de l’étang ?
- Mais idiot ! Le Dahus, cela n'existe pas !
- Ah oui ! Pourtant j’y suis allé et je l’ai attrapé et même c’est dur à tuer le Dahus ! J’ai cru ne pas pouvoir l'abattre.
- Eh bien ! fait Pierre tout penaud. Eh bien ! Mais maintenant que tu l’as attrapé, si tu nous faisais voir à quoi il ressemble ?"

La curiosité le saignait. On ouvre le sac. Dedans, il y a, tout simplement, une loutre. Eh oui, une belle loutre, des plus lustrées !
Elle pèse bien dix-huit livres. Sans parler de la bonne viande, aussi fine que la chair des truites, d’où l'on peut faire plus d’un repas. Notre innocent vend la peau un bon prix. Il y a un seul jour dans l’année où la peau de la loutre est sans valeur : le jour où l’on ne peut pas l’attraper...

 


 

 

Le départ des hirndelles

 

Certaines personnes ont entendu parler de cette histoire que l’on raconte au sujet des hirondelles, qui explique leur disparition de notre région pendant l’hiver.
A la fin de l’été, vers le mois de septembre, les hirondelles se rassemblent.
Oh, de nos jours, les fils électriques sont bien pratiques pour ces réunions ! Mais il n’en a pas toujours été ainsi…

 

 

 

Les hirondelles se donnaient rendez-vous, paraît-il, près des étangs. Et on les voyait se poser en masse sur les joncs et les roseaux, entre deux vols au ras de l’eau.
Le lendemain, ces oiseaux avaient disparu !  

L’explication était simple. Pour échapper aux rigueurs de l’hiver, les hirondelles se cachaient tout simplement au fond de l’eau, et respiraient à l’aide des joncs ou des roseaux. Quand elles sentaient que les beaux jours revenaient, elles ressortaient et on disait alors que le printemps était de retour...

 


 

 

'homme qui défrichait

 

Certes, les seigneurs avaient des passe-temps qu’on n’aurait pas imaginés...

Une fois, il y avait un homme qui défrichait. Il était parti de bonne heure, emportant son quignon de pain, un peu de fromage blanc, et tape que te tape !
Cet homme était, à ce que je crois, des Ages. Le lopin où il avait entrepris son travail, ce n’était peut-être pas très bon, une lande de bruyère dans le communal, une pente où il y avait peut-être plus de pierres que de terre, mais il fallait bien essayer de cultiver un peu de blé quelque part.

L’homme ne regardait pas voler les mouches.
Pourtant, quand le soleil fut un peu haut, il commença à entendre des coups de fusil vers le château de La Farge.
Il regarda, mais ne vit rien. Et toute la journée, il entendit les coups de feu qui claquaient du côté de La Farge.

Et même le soir, lorsqu’il rentra chez lui, à la nuit, il dit :
- Nos seigneurs se sont bien amusés tout aujourd’hui ! Ils n’ont fait que tirer des coups de fusil.
- Malheureux ! dit la femme.

Alors seulement l’homme s’aperçut que sa femme avait pleuré toutes les larmes de ses yeux, et qu’elle ne tenait plus debout tant elle avait eu peur tout le jour.

Car, à vrai dire, c’était sur lui-même que les bourgeois avaient tiré depuis le matin.
En regardant par une fenêtre du château, ils avaient soudain vu cet homme qui travaillait sur la colline juste en face. Il y en eut un qui dit :
- Quelle belle cible cela ferait !

Sans perdre de temps, ni penser à rien, pour se divertir, il s’empare d’un fusil, et après lui tous les autres s’y essayèrent. Cela dura jusqu’au coucher du soleil, et aucun ne toucha le but tant ils étaient maladroits.

Personne n’avait osé avertir l’homme, et l’homme, lui, piochait, comme si de rien n’était. De temps en temps, il s'arrêtait pour souffler, ou bien pour écouter si les seigneurs s’amusaient toujours.
Puis il reprenait sa houe, bien tranquille, bien content.
Car celui qui ne sait rien ne souffre pas de mal dans son cœur, comme l’on dit...

 

 

 

 

 

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