Août
1960. L'été est bien présent, le disque jaune en
pleine forme. Hier, avec mon oncle, nous avons vidé la cage
à escargots, qui était à la cave, là
où traînaient encore quelques illusions de
fraîcheur.
Ils ont passé un mauvais moment dans le gros sel, subi
plusieurs rinçages énergiques, le dernier au vinaigre,
puis une longue et douce cuisson. Ce matin, préparation du
beurre aillé et persillé, remplissage des coquilles
et nous digérons sur la terrasse à l'ombre,
allongés sur des transats.
La vue sur la
vallée de la Vienne est agréable, et tout est
silencieux, c'est reposant. Mon oncle, veuf depuis quelques
années, m'invite pour les vacances. Pas le temps de s'ennuyer,
entre promenades, parties de pêche, visites à la
famille, aller au marché, cuisiner nos envies, inviter les
amis, et entretenir maison et potager.
Un "Je le tiens
" bien timbré m'arrache brutalement de ma somnolence ! Il
me faut plusieurs boisseaux de secondes pour chercher, en regardant
autour de moi. Tonton n'est plus dans son transat, sa voix vient
d'ailleurs, et pourquoi ce cri ?
- Regarde ! Je le
tiens ! Cette fois, je comprends. Mon oncle est dans le champ,
à trente mètres de la maison, debout, les bras tendus
au dessus de lui. Il tient un beau lièvre par les pattes
! Comment a-t-il fait ?
- J'arrive ! Il est essoufflé, s'arrête au pied
de l'escalier montant à la terrasse.
- J'ai
aperçu ce lièvre qui dormait entre deux mottes de
terre. Je me suis approché très lentement, en calculant
chacun de mes gestes, pour ne faire aucun bruit et ne pas le
réveiller, puis je me suis laissé tomber dessus !
Ensuite, je me suis tortillé pour lui attraper les pattes
fermement et me relever.
Regarde comme il est beau, me dit-il tout fier, en levant
à nouveau ses bras tendus.
Et là,
catastrophe ! Profitant d'un relâchement de la prise, le
lièvre a tenté et réussi un formidable sursaut.
Le bond est impressionnant, et il est déjà loin quand
tonton réalise que l'animal l'a feinté.
Quel dépit sur son visage ! Il se met à jurer, mais
vite il change.
Ses traits se détendent et il se met à rire :
- Tu te rends compte du beau civet qui vient de filer ! Il ne va
pas nous embarrasser l'estomac, ce malin-là !
Vouneuil
sur Vienne, août 1960
Merci,
Jay
https://www.stleger.info