Pendant
un an, le vigneron a soigné sa vigne : labour à la
houe, ou plus souvent binage au "pi" et à la "bigorne", taille
de mars à la serpette, marcottage des nouées,
provignage des vieilles souches, ébourgeonnage des gourmands,
épointage à la petite faucille à dents en
juillet, "accolage" et combien d'autres "façons" , de temps
passé !...
Que de mal !
Enfin, voici la récompense :
les premiers et les plus beaux raisins sont déposés sur
l'hôtel de la vierge ; c'est le présent du vigneron,
c'est aussi une véritable offrande de la terre promise dans
certaines régions.
En Bourgogne, on lui donnait le nom de "Biou" ou "Biot".
Les vieilles femmes plaçaient les raisins en ornement devant
les statuettes qui ornaient le pignon des granges et des maisons car
il était dit que :
"La grappe à la
nativité
Commence sa maturité."
Le raisin commence à
"tourner", il se colore et les pampres chargées de fruits sont
une bien grande tentation pour le maraudeur.
Aussi les vignerons en confient-ils la garde aux "messieurs".
Ceux-ci sont armés de "l'arbane", insigne de leur
autorité.
Chacun s'affaire : on prépare
ses outils, on nettoie, puis on "abreuve" à l'eau les hautes
cuves de chêne cerclées de fer, dont les "douelles" se
sont desséchées et disjointes depuis la vendange
dernière, on aiguise les serpettes.
La maturité du raisin est,
pour le maître des lieux, l'heure de faire sonner la cloche
afin de prévenir les vignerons. C'est le "ban" des
vendanges.
Le jour fixé, le tambour passe annoncer la nouvelle dans les
rues du village et dans les hameaux.
Cette nouvelle a pour effet de faire converger vers la place du
village vendangeurs et vendangeuses afin de donner sa "cuiller" comme
gage d'embauche.
Le prix est débattu et accepté par les deux
parties.
le
garde-champêtre
Les équipes de coupeurs se
répandent dans les vignes, armés de serpettes et de
ciseaux, la chanson aux lèvres.
Autant l'on est peu enthousiaste pour les rudes travaux des moissons,
autant la vendange a le don de créer la fête.
Les gais lurons barbouillent le visage des filles de raisins pour
mieux les débarbouiller ensuite de baisers.
On appelle cet honneur le "museau des vendanges".
le facteur, en bonne
compagnie
C'en est fait, le raisin a
vécu et il est allé du panier ou de la cassette
à la hotte d'osier portée à dos d'hommes ou
d'ânes à travers le vignoble jusqu'aux "cuettes" sur la
charrette garée sur la "têtée".
Adieu la vigne, direction la cave
!
Foulée, écrasée, la vendange se retrouve dans
les cuves à larges flancs.
Comme pour les moissons, dans chaque
région, la journée de vendange se termine par un
plantureux repas.
Les grosses farces sont tolérées ces jours-là,
contrairement aux repas des foins.
Tout le village profite de la fête.
A la cave, ce raisin va devenir vin.
Pour faire le vin blanc, le raisin est entassé en "cep
carré" , recouvert de madriers, puis pressé à
l'aide du pressoir "Casse-cou" ou "Lanterne" déjà plus
moderne.
Pour le vin rouge, la vendange est
restée dans les cuves.
Deux à trois fois par jour, le vigneron contrôle sa
cuve, en chasse le gaz carbonique avec une branche de feuillage.
Puis il installe deux pièces de bois, reposant sur les bords
de la cuve, afin de se soutenir pendant le "foulage du marc" que la
fermentation, déjà commencée, fait remonter
dessus le "moût" .
Pantalon relevé, il sent, avec ses pieds nus, la chaleur du
jus qu'il doit rafraîchir afin d'éviter que le marc ne
s'échauffe et que le vin fini ait un mauvais goût, qu'il
soit "éballé".
La fermentation atteint son maximum quand les moucherons apparaissent
en essaims compacts au-dessus de la cuve.
Est venu le moment de tirer le vin.
La "canette" est déficelée et le vin vermeil jaillit
à flot dans les baquets de bois ou "seilles".
Le jus est ensuite transporté dans les seaux vers les
futailles alignées sur les chantiers de la cave.
l'orgue de
barbarie
Dès le lendemain, le vigneron
invite ses amis à venir goûter le divin liquide.
La maîtresse de la maison a eu soin de mettre sur le tonneau
une serviette blanche et les plus beaux verres de son trousseau.
La tradition veut que pour bien déguster ce premier breuvage,
dit la "goutte mère", il faut l'accompagner d'une bonne
"miche" de pain, d'un fromage plein de "sentiments" et de noix
ramassées l'automne dernier.
Il est limpide, sa robe est pleine de
reflets, son goût franc, voire fruité, un peu
"mâche".
Devant le verre, tous les superlatifs sont de sortie. Bon ou ayant
goût de "cuve" ou de "râpe", on dira, tout simplement
qu'il a "du terroir" et que, de toutes les façons, il fera
tourner plus d'une tête.
Dès que la cuve a rendu sa
dernière goutte, les vignerons chargent les râpes et
autres résidus de la vendange et les transportent dans leurs
hottes sur la "maie" du pressoir.
Là encore, la tradition veut qu'à la dernière
hottée, la "javelle" de paille soit mise devant la bonde pour
tamiser les pépins.
C'est le signe que la cuve est vidée "à fait" .
Sur ce marc, on entasse de lourds bois.
L'écrou de presse est mis en place et "l'enfant" descend,
attiré par la vis, grosse comme un tronc de bois et
actionnée par deux leviers que poussent les "mareux" qui
tournent en rond.
N'oublions pas que quelques
bouteilles, issues de ses pressées du début du
siècle, voire d'années antérieures (1893),
dorment encore dans l'ombre de certaines caves du coin, enfouies dans
leur lit de "chapin".
les rouleurs de
barriques
Chaque cave, chaque petit viticulteur
avait son pressoir, le pressurage en commun était coutume
courante.
Le vin du pressoir est moins bon que
celui de la cuve.
Sur ce marc, on verse de l'eau pour que la dernière
pressée donne la "piquette", boisson de tous les
jours.
Ces durs travaux sont
clôturés par un repas qui donne lieu à la
fête. Le vin délie les langues... Poings sur la table
pour rythmer les chansons, on hurle à forte voix :
"Toute chanson qui perd sa fin
Mérit' toujours un coup de vin."
Les vignerons ont pour patron St
Vincent, St Paul et St Vernier
"S'il pleut à la St Vincent
(22 janvier),
Le vin monte au sarment."
la Confrérie des
Chevaliers du Bellay
La St Vincent de nos
parents
|
De grand matin, les vignerons se
rendent chez celui qui a la garde du "bâton de St Vincent".
En pénétrant dans la maison, chacun doit saluer la
statue.
Le plus ancien fait l'appel de ses compagnons.
Alors, ils se mettent en route pour l'église.
Le vigneron "sortant" porte la bannière, le "prenant" porte le
cierge de la confrérie.
Tous suivent à distance l'accordéoniste ou le
"violoneux".
Après la messe, le bâton ou la statue de St Vincent est
remis au vigneron "prenant".
La garde de cet objet est un honneur coûteux, car il doit
honorer ce saint en invitant ses concitoyens, tous grands mangeurs et
grands buveurs.
Les femmes de vignerons viennent lui demander des faveurs, il joue en
quelque sorte le rôle d'un saint domestique.
l'intronisation dans
la Confrérie
Dans certains villages, tout autre
saint dormant dans quelque coin poussiéreux de l'église
servait pour l'occasion de St Vincent.
Le livre à la main fut remplacé par une grappe de
raisin pour ce "protecteur de la vigne".
Combien de bouteilles ont été déposées
à ses pieds...?
Lui seul le sait et pourrait le dire.
Mais qui était donc ce St
Vincent?
St Vincent, né à Huesca
ou Sarragosse, mort en 304 à Valence (Espagne).
Le saint diacre fut insensible aux tortures que Dacien lui fit
endurer : son corps fut déchiré par des crochets de
fer, puis étendu sur un gril ardent, enfin jeté aux
bêtes...
Rien, dans sa légende, ne le prédestinait à
devenir le patron des vignerons, ne fût-ce un mauvais jeu de
mots : dans Vincent, il y a "vin".
la St Vincent
à Saix, commune voisine
de St Léger de Montbrillais, le 25 janvier 1998
Les travaux de la vigne se
règlent à la St-Martin (11 novembre).
Un dîner, dont le plat principal est "l'oie de la St-Martin",
permet tout en mangeant de sceller le même pacte pour l'an qui
vient. A cet événement, on goutte le vin nouveau
car
"St Martin boit le bon vin
Et laisse l'eau courir au moulin."
Tous les travaux des champs et des
vignes sont terminés.
On dit adieu aux beau jours, les derniers rayons de soleil viennent
endormir la terre : c'est "l'été de la St Martin".
C'est la période des dernières foires, on va à
"I'accueillage".
Quel moment pittoresque sur la place du marché, un jour de
"louée" !
Ainsi s'écoule la vie du
vigneron, de ses vendangeux et de ses mareux.
Là était la vie traditionnelle de nos
viticulteurs...
Le repas traditionnel de fin de
saison des vendanges était donc chez nous l'oie de la St
Martin.
En voici une recette :
- Prenez une belle oie (3
kg).
- Préparez une farce
à gratin composée, en quantités
égales, de foie gras (300g) et de gorge de porc frais.
Ajoutez-y des marrons cuits, bien fondants (150g) et des truffes,
à défaut des morilles, en quantité
égale.
- De cette farce, farcissez l'oie
que vous cuirez à la broche ; veillez à rendre la
peau très croustillante.
- Accompagnez l'oie de tartines de
pain trempées dans le vin blanc nouveau, puis
roulées dans de l'oeuf battu et frites au beurre
jusqu'à ce qu'elles soient bien dorées.
- Dégustez-la avec un vin
nouveau de Saumur !
En apéritif, ce petit cocktail
s'impose :
"LE
VENDANGEUX"
- 2/5 d'épine rouge
(apéritif local : vin, eau de vie, sucre, pousses
d'épines)
- 3/5 de Gini
- Une cuillère à
soupe de liqueur citron
Servir très frais dans un
verre à "bière" ; parfumer et décorer avec trois
feuilles de menthe fraîche.
Cette page a pu
être composée grâce à un groupe de
Léodégariens
voulant faire aimer leur village
(3e Fête des Vendanges / 2001)
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