De
tous les fléaux qu'a subi la vigne au cours du temps, le
phylloxéra sera le plus dévastateur des vignes de
I'ancien monde.
En France, un étrange
dépérissement des vignes fut signalé, à
partir de 1863, à Pujault, dans la région de Roquemaure
(Gard).
C'est Monsieur Delorme, vétérinaire à Arles, qui
le premier donna l'alerte dans une lettre adressée le 8
novembre 1867 au président du Comice Agricole d'Aix en
Provence.
L'inquiétude des vignerons, qui voyaient leurs vignes
s'affaiblir et périr irrémédiablement, grandit
rapidement et s'amplifia d'autant plus que, la cause du
dépérissement n'étant pas connue, aucun moyen de
lutte ne pouvait être envisagé.
C'est une tache d'huile qui
s'étend sans s'arrêter, c'est un immense drap mortuaire
qui peu à peu recouvre tout le vignoble.
Dans l'histoire de l'agriculture,
jamais on n'avait vu une espèce végétale subir
aussi brusquement une destruction aussi complète.
Il ne reste plus rien qu'une souche, dont la valeur comme bois de
chauffage ne paie même pas les frais d'arrachage.
On réduisit son train de vie,
on remercia ses gens, on supprima les dépenses, on s'enferma
chez soi comme dans un réduit.
La bête gagnait toujours. Derrière elle la solitude
envahissait les terres, et l'horizon prenait un aspect inconnu, fait
d'espace vide et désolé.
Comme signe palpable du fléau, le long des routes, on voyait
circuler de grands chars chargés de ceps morts que l'on menait
au bûcher.
Représentation
du désastre par Claverie, en 1878
Identification du phylloxéra et arrachage de la vigne
Comment traquer la
Bête ?
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L'inquiétude grandissant dans
le milieu viticole, une commission d'étude fut
désignée en 1868.
Elle était constituée de trois membres : Gaston
Bazille, président de la Chambre d'Agriculture de
l'Hérault et viticulteur, Jules-Emile Planchon, professeur de
botanique à la Faculté des Sciences, et Félix
Sahut, horticulteur.
Dans les régions
dévastées, les trois experts parcourent les vignes.
Les loupes sont de nouveau promenées avec soin sur les racines
des souches arrachées : point de champignons, point de
cryptogames.
Mais bientôt, sous le verre grossissant de l'instrument,
apparaît un insecte, un puceron de couleur jaunâtre,
fixé au bois et suçant la sève.
On regarde plus attentivement : ce n'est plus un, ce n'est plus dix,
mais des centaines de milliers de pucerons que l'on aperçoit
à divers états de développement.
Ils sont partout : sur les racines profondes comme sur les racines
superficielles.
Grands et petits propriétaires, simples journaliers, chacun
s'arrache la loupe pour distinguer à son tour l'ennemi que
l'on vient de découvrir.
Finalement, vers 1870, l'origine
américaine du phylloxéra à partir de plants
importés est admise dans les milieux scientifiques et
agricoles.
les maladies de la
vigne : le phylloxéra (Phylloxera Vastatrix)
pour
agrandir, cliquez sur l'image
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Prières publiques
et processions
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Les prières publiques et les
processions se multiplient vers 1875, du Bordelais à la
Provence.
Les évêques sont très empressés à
les autoriser, comme le cardinal Donnet à Bordeaux qui voit
dans la crise l'opportunité de relancer dans le vignoble une
pratique religieuse bien attiédie.
Plus que jamais, dans ces
années de menaces sur la vigne, les vignerons confectionnent
d'humbles croix branches de coudrier liées par de l'osier et
garnies de fleurs, les font bénir par le curé le
premier dimanche de mai et les plantent dans les vignes.
Dans les vignobles de la
vallée de la Vienne, prés de Chinon, vers 1890-1895,
l'abbé Verdun prescrit l'emploi de colliers bénits, en
aggloméré de calcaire et de camphre, que les vignerons
placent autour du col des grosses racines pour "étrangler le
phylloxéra".
Lorsque la protection divine
relayée par le saint local s'avère trop impuissante
à conjurer le fléau, c'est la colère.
En Poitou, la statue de St Eutrope est sortie des églises et
fouettée sur les places des villages.
En Auvergne, lorsque le phylloxéra pénètre, vers
1895, le protecteur des vignobles est St Verny.
Non seulement sa puissante confrérie cesse d'exister en
Brivadois, mais à Corent la statue du malheureux saint est
plongée dans l'eau d'une fontaine - suprême humiliation
- ; à Dallet, elle est même jetée dans l'Allier,
tandis que la foule commente "Ah, St Verny, tu veux nous faire boire
de l'eau, c'est toi qui en boiras !".
En plusieurs communes viticoles auvergnates, son impuissance devant
le phylloxéra entraîna le remplacement du local St Verny
par l'universel St VIincent, que l'on espère plus
efficace.
La fin du cauchemar :
de la poudre de Perlimpimpin
à la greffe américaine
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Une des premières initiatives
du Ministère de l'Agriculture fut d'ouvrir, en 1870, un
concours doté d'un prix de 20 000 francs-or en faveur de celui
qui trouverait un procédé efficace et pratique,
susceptible de combattre le phylloxéra.
Pour l'ensemble de la France, plus de 5000 procédés
furent proposés en quelques années.
Ce prix devait être porté, en I 874, à 30 000
francs-or.
En fait, il ne sera jamais attribué.
La crédulité des
vignerons ne pouvait qu'inciter charlatans et mercantis à
profiter de leur détresse et à pourvoir le
marché en drogues miraculeuses.
Victor Vermorel, savant industriel et
grand propriétaire dans le Beaujolais, a rassemblé dans
la bibliothèque de sa station viticole et de pathologie
végétale de Villefranche, des dizaines de
publicités, de propositions et de brochures mirifiques.
Citons, entre autres, le "Pestivore au moyen physico-tactique pour
arrêter le phylloxéra", le "vinipare, destructeur du
phylloxéra", la "pâte anti-phylloxérique", le
"phyllonugrane, insecticide-engrais, remède radical", la
"mousse céleste"...
Comme l'attestent les
publicités dans la presse locale, et même les bulletins
des jeunes syndicats agricoles, les vignerons sont très
sollicités par des liquides, poudres, liqueurs, aux vertus
imaginaires, faisant des centaines de dupes.
D'autres moyens plus rationnels
furent utilisés mais là aussi sans grand succès,
parmi eux :
- Le sulfure de carbone, qu'on fait
pénétrer dans le sol avec des pals
injecteurs
- Le sulfocarbonate de sodium, qui
est plus coûteux et plus efficace
- La submersion, qui consiste
à recouvrir d'eau le vignoble pendant 30 à 40 jours,
ce qui n'est pas toujours facile à
réaliser.
Enfin, en se basant sur ce fait que
les vignes américaines sont réfractaires au
phylloxéra, le moyen de défense consistera à
utiliser les cépages américains appropriés,
cultivés comme porte-greffe, permettant ainsi de reconstituer
le vignoble.
L'ampleur du coût de la
reconstruction du vignoble français est
généralement méconnue et correspond à un
investissement dont on souligne rarement l'importance.
Elle a coûté aussi cher à la France que la guerre
de 1870 !
Elle est estimée à 12 milliards de francs d'avant 1914,
ce qui représenterait 50 milliards de nos francs.
La crise du phylloxéra se
terminera vers 1900.
Certaines régions vont perdre la quasi-totalité de leur
vignoble : la région parisienne, la Lorraine...
Aujourd'hui, le phylloxéra
existe toujours mais nos plants sont résistants à
l'insecte grâce à la greffe.
Son retour serait toujours possible avec l'utilisation de plants
directs, mais n'allons pas empiéter sur un nouveau drame
I
Le phylloxéra dans
la Vienne
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La vigne occupe une place
importante dans la Vienne avant l'apparition du phylloxéra :
33 000 hectares environ, dont la localisation importante se situe
dans un triangle Poitiers-Châtellerault-Loudun.
Aujourd'hui. il n'en reste que 2 900 hectares.
Comme dans les autres régions,
le mal atteint notre vignoble.
Malgré la mise en pIace d'une commission en 1876 afin
d'étudier et de prendre les mesures nécessaires contre
la propagation du phylloxéra, celui-ci fera son apparition en
1878.
Le premier cas signalé se situe à Rouillé, puis
dans la région de Civray.
Malgré les comités de surveillance, accompagnés
de mesures draconiennes pour éviter la propagation de la
maladie, ce sont 10.000 hectares qui sont recensés malades en
1884 dans notre département.
Suite au concours organisé par
I'Etat, les idées vont aussi foisonner dans la Vienne pour
trouver le remède miracle.
C'est le cas de deux habitants d'Avanton qui ont mis au point un
procédé : coucher les ceps et les recouvrir de
chaux.
"C'est nul !" disent les membres du Comité
Départemental et la "chaux est inefficace".
Comme pour les autres régions,
c'est l'administration qui prendra en main la lutte par traitement du
sol au sulfure de carbone, à l'aide de pals injecteurs.
Les pIus anciens de St Léger de Monbrillais nous rapportent
que leurs aînés leur ont longuement évoqué
cette période.
D'ailleurs, quelques pals injecteurs sont encore présents dans
les caves du village, témoignant de cette époque, et
certains sont même exposés sur le lieu de la fête
des Vendanges.
Devant l'ampleur des demandes et du manque de ressources
budgétaires, des syndicats anti-phylloxéra regroupant
plusieurs communes vont se créer et apporter leur contribution
au financement de la lutte.
On doit à M. Denet, maire de
notre commune à partir de 1882, et pendant 40 ans !, la
création en 1894 d'une pépinière de plants de
vigne américains pour reconstituer les vignobles
détruits par le phylloxéra.
maisons en tuffeau
à St Léger de Montbrillais
Le minuscule puceron venu
d'Amérique a entraîné une situation
catastrophique pour les hommes et les femmes de notre région
et, paradoxalement, c'est grâce aux vignes américaines
résistantes au phylloxéra que le vignoble sera
sauvé I
Imaginons le désarroi du
viticulteur de 1890 qui a vécu la destruction de son vignoble
lorsqu'il va devoir replanter avec des vignes américaines
!
Cette page a pu
être composée grâce à un groupe de
Léodégariens voulant faire aimer leur
village
https://www.stleger.info