-
Dis papy, ten avais une, de vigne, toi ?
- Bien sûr, mon ptit
gars, comme chaque famille dici...
La mienne, cétait le clos, un ptit
lopin de 54, 55 grolleau et de chenin entouré de
murs de pierres sèches.
- Et pourquoi ta vigne était
comme ça, enfermée dans des murs ?
- Cet enclos devait
générer un micro-climat favorable sans doute à
la maturation du raisin, mais peut-être aussi parce que les
clos échappaient à la contrainte du ban des
vendanges.
- Mais alors, tu faisais comment pour
travailler avec ton tracteur entre toutes ces murailles ?
- Oh là là ! De mon
temps, mon tracteur, cétait mon mulet. Bijou
qui sappelait, mon mulet...
Je lui disais : Touc, touc !... Hue I... Huyau I... et il savait
où se diriger. Tout ce qui se fait anuit au tracteur, je le
faisais avec Bijou ! Brave bête I Jen ai fait des
kilomètres derrière lui... Dès décembre,
il tirait la charrue pour chausser la vigne.
- Tu ne veux pas dire que tu lui
mettais des chaussons, tout de même !
- Mais non, je rejetais la terre au
pied des ceps et des vidas. Et quand jétais
drôle, mon père, ton papy Guste, lui,
mettait en "mottes avec le pî dans les
vignes à la mêlée où les ceps
étaient plantés sans alignement.
Mais auparavant, il avait ramassé les paisseaux et
les avait rassemblés debout en croisillons, sans
doute pour éviter quils ne pourrissent en terre.
Ensuite, à partir de janvier, cétait la taille
avec le sécateur. Mais on disait Taille tôt,
taille tard, rien ne vaut la taille de mars.
Et, derrière moi, ta grandmère Non, en
assarmentoué confectionnait les "javelles
avec les sarments qui allaient devenir son
gaz.
- Quoi, son gaz ?
- Ben oui, cétait sur
ces sarments et avec des sochons, dans sa
cheminée, quelle cuisinait les aliments... Hum !!! Je
sens encore, quand jarrivais de lécole, cette
bonne odeur de pois fricassés avec lhuile de
noix.
Après, vers mars, je pliais
avec du pion qui avait été
épiouné ou de la prête
fendue avec un fendoir après avoir été
essicotée".
Puis Bijou était encore Ià pour déchausser en
passant la charrue puis la décavaillonneuse entre les rangs et
je finissais le travail à la raclette ou avec la
"bigorne ou encore avec le pî qui pouvait être
équipé dune huppe pour couper la
vouillée.
Jai entendu dire à mon grand-père : "Le
pî et la bigorne sont les fins premières de
lhomme.
Et comme asteur, jéchiassais,
jéparpillonnais pour enlever les chiasses, les
parpillons...
Et la houe, fallait aussi la passer entre les rangs, la houe,
équipée de socs ou de couteaux - et toujours avec Bijou
- pour déruire la droue, le mouron, les
verdeaux, les "chenillées... Yavait
pas de désherbant de mon temps !
Puis venait le moment de laccolage, on le fait
encore anuit comme dautfoué : les
branches de vignes sont relevées pour les maintenir entre les
fils de fer.
- Mais dans les vignes à
la mêlée, yavait pas de fil de fer
!
- Non I Papy Guste relevait les
branches autour du paisseau quil avait
repiqué à chaque cep et il liait le tout à
losier.
- Il ma dit quil
épointait à la faucille.
- Oui ; puis est venue la cisaille...
Cétait pas aussi régulier quau jour
danuit mais tout aussi efficace. Deux fois, quon le
faisait, selon la végétation.
Ah I Cest du boulot, la vigne ! Jen ai passé des
heures dans mon clos !
Et je ne tai pas parlé
de traitements !
Contre le mildiou, on sulfatait à la bouillie bordelaise avec
un pulvérisateur à dos, à la St Médard le
8 Juin, à la St Jean, au 14 Juillet et, quelquefois, au 15
Août.
Cen était encore une préparation, cette bouillie
bordelaise !
Nous autres, la veille, dans une cuette, on mettait le
sulfate de cuivre à fondre dans un sac qui
trempait dans leau - de gouttière si possible -. Dans
une autre cuette, on délayait de la chaux avec de leau
puis on mélangeait le tout avec un bâton dans la
busse à sulfate installée sur la
chârte...
La busse était équipée dune
grosse canette en bois et papy Guste adaptait un bout de
chambre à air au "jo de la canette pour remplir la
sulfateuse. Jen ai poussé des colères avec cet
appareil, les jets se bouchaient souvent !
Fallait aussi traiter contre loïdium. Là,
cétait la fleur de soufre qui faisait laffaire. On
lemployait avec un furet ou une soufreuse à
dos. Et je te dis, moi, que ça te piquait les yeux ! Alors, en
arrivant, je me les lavais avec du vin blanc.
Et dormesoui, cétait au tour du soleil de
soccuper des raisins...
Tu vois, mon ptit, que je sais ce que cest que travailler
la vigne !
- Ben, heureusement que le
progrès a changé tout ça !
- Oui, peut-être...
Mais quel plaisir quand arrivait le moment magique de la
récolte qui apportait la récompense de tous les efforts
fournis !
Et bien que cétait éreintant, ce
nétait plus travailler que de vendanger ! De mon temps,
cétait vraiment Ia fête !
Le travail du sol
dans la vigne
De la houe à la tondeuse...
Quelle évolution !
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Pendant des siècles, le
viticulteur demeure rivé à la terre,
lénergie humaine conserve un rôle
prépondérant : elle sexerce au travers dune
multitude doutils voués ou travail du sol (bêche,
pioche, houe, binette...) dont lusage est un complément
indispensable de laction des charrues.
Il faut dire que, jusquau
milieu du siècle dernier, la main-doeuvre ne manque pas
; la présence de journaliers est fréquente dans les
exploitations viticoles ; cest lépoque où
la durée du travail est réglée sur la
durée du jour.
Après avoir
chaussé les vignes en hiver, arrive le mois
davril où le vigneron entreprend de les
débuter car voici le moment de profiter des
premiers souffles chauds du printemps.
La jument est attelée à
la charrue décavaillonneuse dont les mancherons sont
excentrés de façon à raser les ceps avec le soc.
Force est de passer 2 fois dans les rangs, en montant et en
descendant.
Mais une bande étroite
échappe à la vigilance du fer : il faudra oeuvrer
à la main. Cest là quintervient le
pî pour piocher entre les ceps sous les fils de fer
et ceci avec dinfinies précautions pour ne pas
écornifler les bourgeons.
De nombreux passages de houe vigneronne seront nécessaires
tout lété pour contenir la poussée des
mauvaises herbes.
Le vigneron ne sait pas alors
quune révolution est en train de samorcer, dans la
discrétion d'abord, au cours des années 60 : celle des
techniques de désherbage.
Pour la première fois, il apparaît possible de remplacer
le travail de "lhomme à la houe par
lépandage de substances qui détruiront les
plantes adventices, tout en respectant la culture : le
désherbage est né et va se
généraliser.
Tout saccélère
à partir de cette époque : le manque de
main-doeuvre se fait sentir ; parallèlement le
machinisme se développe, les produits de traitements agricoles
se multiplient et se diversifient de manière surprenante.
Les vignes voient alors apparaître des "druides en blouse
blanche : il sagit de chercheurs mettant au point de nouvelles
méthodes de lutte, notamment pour le désherbage.
Cette méthode va soulager le
vigneron dun travail pénible et on voit
disparaître dun seul coup tous les outils du travail du
sol.
Lutilisation de
désherbants chimiques va connaître un grand boum jusque
dans les années 90.
Cest alors
quapparaît la controverse autour de la chimie.
Lutilisation massive de ces produits a montré ses
limites :
- apparition des plantes
résistantes aux produits (accoutumance)
- menaces écologiques avec
la pollution des nappes phréatiques
- risques daltération
des équilibres naturels
Cest alors quune nouvelle
conception apparaît la fin des années 90 : la lutte
raisonnée. Le principe en est simple : utiliser le minimum de
produits au moment le plus opportun.
Cette méthode commence
à faire lunanimité (de gré ou de force !)
chez les vignerons puisquelle réduit les coûts de
revient et donne une image satisfaisante vis à vis de
lopinion publique.
4e Fête des
Vendanges à St Léger de Montbrillais, le 28 septembre
2003
Le gazon a ainsi fait son apparition
dans les vignes, le vigneron ayant choisi de les enherber de
façon artificielle.
Cette technique procure des avantages prometteurs :
- Elle diminue la vigueur de la
vigne et donc la sensibilité aux maladies.
- Elle diminue les rendements et
donc améliore la qualité.
- Elle permet de lutter contre
lérosion et améliore le sol.
- Elle respecte
lenvironnement.
Néanmoins, elle peut
déboucher sur un bilan négatif lorsque la concurrence
entre vigne et gazon est trop vive (année de
sécheresse). De plus, elle nécessite des engins de
tonte pour lentretien.
En attendant, il faut bien reconnaître que les vignes conduites
de cette façon sont agréables à l'oeil.
La fétuque a détrôné lamarante pour
devenir la reine du vignoble !
Cette page a pu
être composée grâce à un groupe de
Léodégariens
voulant faire aimer leur village
(4e Fête des Vendanges / 28 septembre 2003)
https://www.stleger.info