1731 - rthus eguip
curé de Saint Léger en Pons
condamné aux galères

 

 

En 1731, Arthus Deguip, curé de Saint Léger en Pons, est condamné aux galères. Son crime : avoir uni 13 couples de protestants.
Voici l'affaire, relatée par B. Robert, pasteur à Pons, probablement peu après 1898 :

 

Arthus Deguip, un curé saintongeais
condamné aux galères à perpétuité

"Il ne s’agit pas de l’abbé Jean, de trop fameuse mémoire, ni d’un quelconque de ses confrères parmi ceux qui furent envoyés au bagne par le jury de Saintes pour des crimes infâmes.

Le héros de mon histoire vivait au 18e siècle et, s’il a fini ses jours sur les pontons de Toulon en qualité de forçat, il n’est pas un honnête homme, à quelque Eglise qu’il appartienne, qui ne le considère comme digne d’estime et d’admiration. Bien plus, ses concitoyens s’honoreraient en conservant, en perpétuant sa mémoire, car c’est une des gloires les plus pures de notre pays.

A côté des huguenots victimes du fanatisme catholique dont les noms sont inscrits sur le livre d’or des martyrs pour la foi, il faudrait ajouter ce prêtre qui, sans changer de religion, attira sur lui la haine implacable de Rome et qui fut, lui, martyr pour la charité.

Il s’appelait Jean Arthus Deguip et était « vicaire perpétuel » de Saint Léger en Pons.

 

l'église de St Léger

 

Le 27 août 1731, après une longue détention préventive à la prison royale de Saintes et l’instruction de son procès par l’Official de cette ville, Deguip fut livré au bras séculier et comparut devant le Conseil du présidial.

Son crime consistait à avoir témoigné vis à vis des protestants d’un esprit de tolérance que réprouvait l’Eglise et qui allait à l’encontre des édits royaux.

Ce n’était pas seulement l’hérésie de doctrine qui était interdite et persécutée sous le régime inauguré par la Révocation de l’Edit de Nantes en 1685, c’était encore cette forme de la charité chrétienne qui s’appelle la pitié. Il fallait être inexorable pour être jugé bon catholique. Il y allait de la liberté, parfois même de la vie, à se montrer plus humain que les inquisiteurs du Saint-Office, inspirateurs des actes de répression cruelle ordonnés par le roi de France.

 

 


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Arthus Deguip fut condamné "à servir le Roy à perpétuité dans ses galères en qualité de forçat" pour n’avoir pas dénoncé les hérétiques de sa paroisse et surtout pour avoir consenti à marier des protestants sans exiger d’eux l’abjuration formelle de leur foi.

Les époux qu’il avait unis, au nombre d’une trentaine, durent payer chacun une amende de 30 livres et cesser de vivre ensemble jusqu’à ce qu’ils aient satisfait à toutes les exigences de l’autorité ecclésiastique. "Leur enjoignons se retirer incessamment devers le sieur évesque de Saintes, dit l’arrêt, pour, après leur avoir imposé une pénitence salutaire, être de nouveau procédé à la célébration de leur mariage par tels prêtres qui seront commis par ledit sieur évesque. Et jusqu’à ce, leur faisons inhibition et défense de se hanter et fréquenter, à peine de punition exemplaire."

Quant aux témoins ayant prêté leur concours à ces mariages réputés criminels, ils furent condamnés à de fortes amendes et "au dépens des procédures chacun les concernant".

 

 


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Il me paraît intéressant de citer les noms des personnes qui figurent dans l’acte de jugement. Leurs descendants sont parmi nous, à Pons et à Saint Léger ; mais bien peu, à ma connaissance, ont conservé la foi de leurs ancêtres.

Voici les époux qui avaient eu recours au ministère de Deguip et dont le mariage fut dissous par le présidial : Isaac Salmon et Marie Vignaud, Pierre Constant Raboteau et Anne Brard, Pierre Lys et Jeanne Thibaudeau, Pierre Buhet et Suzanne Thirion, Jean François Pinson et Henriette Guillon, Daniel Roy et Bénigne Magdelaine Chevalier, Jean Raimon et Marie Chesneau, Jean Bastard et Marie Galliot, Nicolas Gastineau et Marie Auriaud, Jean Seguinard et Magdelaine Goguet, Pierre Chaillé et Jeanne Boinard, François Petit et Marie Hardy, Jacques Guérin et Elisabeth Lambert.

Les témoins condamnés étaient : Dauphin Egreteau, Jean Vignaud, Daniel Valentin, Guillaume Roy, Jean Guillon de Laguerenne, Samuel Pinson, André Tourtelot, Jean Raclet, Laurion des Aubuges, Jean et Pierre Paviot, François Thirion, Benaste, Jean Lys, Isaac Goguet des Egaux, Jean Villaine, Jean Thirion et Pierre Thibaudeau.

D’après le registre de la paroisse de St Léger, le dernier acte signé de la main de Deguip porte la date du 24 janvier 1729 ; un autre , célébré par lui le 13 février, a été signé (vraisemblablement plus tard) par le curé Delmas. De cette date au 8 juillet de la même année, aucun acte ne figure sur ce registre et comme, d’autre part, nous n’y trouvons aucune mention des mariages annulés par l’arrêt de 1731, il faut en conclure que ces mariages eurent lieu à cette époque et que les feuillets contenant les actes ont été détruits.

Si l’on s’étonne du grand nombre de mariages (treize) qui eurent lieu en cette petite paroisse dans le court intervalle de six mois, nous pouvons supposer que, la réputation de tolérance de ce curé s’étant répandue aux environs, des protestants de Pons s’adressèrent à lui pour faire bénir leur union qui ne pouvait avoir sans cela aucun caractète légal ; les cinq kilomètres qui séparent Pons de St Léger n’étaient pas de nature à les arrêter et plusieurs des noms cités plus haut autorisent cette supposition.

Le cas d’Arthus Deguip ne fut pas le seul. Quinze ans plus tard, en 1746, un autre prêtre saintongeais, Pierre Louis Montfort, curé d’Annezay, fut également condamné aux galères pour "célébration de mariages de religionnaires protestants".

 


le château de St Léger, propriété privée - http://www.petit-patrimoine.com
et

 

Dans le drame célèbre de P. Loti, Judith Renaudin, l’auteur met en scène un prêtre qui compâtit aux souffrances des huguenots persécutés et, sachant ce qu’il risque à cela, favorise leur fuite du royaume. J’ignore si Loti a imaginé de toutes pièces son Curé de St Pierre d’Oleron, mais l’histoire bien authentique de Deguip nous prouve que cet admirable caractère de prêtre tolérant, poussant la charité chrétienne jusqu’à l’imprudence, n’est pas invraisemblable.

La vie privée, les sentiments intimes du curé de St Léger nous sont inconnus ; nous ne savons rien de la façon dont il essaya de défendre sa conduite en présence de ses juges ecclésiastiques et de ses juges civils. Nous nous le figurons cependant comme un chrétien puisant sa force dans l’Evangile et prononçant des paroles analogues à celles par lesquelles le curé de St Pierre se justifie d’apporter lui-même le salut à la famille Renaudin : Je suis "un pauvre serviteur de Dieu, que l’Eglise réprimandera sûrement, qui s’égare peut-être, mais qui agit selon sa conscience et son cœur."

B. Robert, pasteur

Source et lien : http://www.histoirepassion.eu 

 

une stèle pour Lafleur (1641-1690)
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