- Rapport
dinspection du 21 octobre 1921 - école publique mixte
de Saint-Léger - 10 inscrits
"Petite classe bien blanche
et bien éclairée. Les meubles et les cartes sont en
ordre. Il y a des fleurs, des gravures et des dessins, et la
poussière a été bien enlevée.
Laspect est assez agréable. Les vitres cependant
pourraient être plus nettes."
organisation pédagogique dictée
récitation calcul cahiers
- Rapport
dinspection du 6 décembre 1922 - 8
inscrits
- Rapport
dinspection du 5 mars 1924 - 4 inscrits
"9h35. Il ny a pas
délèves dans la classe. Mme Bernard que je vois
chez elle mexplique que lun de ceux qui habitent dans le
village est malade et que son frère est resté avec lui.
Cest exact. Les deux autres enfants sont éloignés
et fréquentent irrégulièrement
lécole."
- Rapport
dinspection du 12 mai 1925 - 8 inscrits
"La petite école de
Saint-Léger bien exposée au soleil est aujourdhui
presque jolie. Elle ne comporte pourtant quune seule classe
donnant sur létroite route et un vestiaire. Pas de cour
et pas de préau."
- Rapport
dinspection du 17 octobre 1928 - 10 inscrits
- Rapport
dinspection du 13 octobre 1930 - 12 inscrits
Organisation : 1er groupe : les
petits ; 2e lecture ; 3e arithmétique récitation
chant
- Rapport
dinspection du 27 janvier 1932 - Fréquentation
défectueuse en cette saison
- Rapport
dinspection du 11 décembre 1934 -
Fréquentation bonne
"1° Lecture et
grammaire : cours moyen. Le texte est bien lu dans lensemble,
quelques erreurs de liaison sont rectifiées. Le vocabulaire
est assez fourni et les enfants connaissent le sens
général. En grammaire, des connaissances suffisantes,
quil faut seulement préciser par moments.
cours.élémentaire : Le texte convient bien au cours. La
maîtresse lit et lit bien ; lexplication est ainsi rendue
plus facile et peut être ramenée à un rapide coup
dil densemble. Le débit reste un peu
heurté et la maîtresse a raison de le surveiller de
très près. En grammaire, des connaissances
appréciables, mais quil faut compléter.
Lélève du cours préparatoire -
âgé dailleurs de 8 ans - sexerce à
composer avec des lettres mobiles (cubes) des mots tirés de sa
leçon de lecture. Employer pour cet exercice un
matériel mieux approprié (caractères ordinaires,
mots composant une phrase).
2° Calcul : Les
éléments du calcul sont bien acquis au c.e. On sait
disposer un raisonnement et faire correctement une opération.
Au c.m, un problème avec application de la règle de
trois et convenant à létude des partages
proportionnels est résolu assez facilement. On peut ici
demander une connaissance plus raisonnée des pratiques du
calcul, la justification des diverses opérations quon
est amenée à faire.
3° Histoire de France.
Jinterroge sur les dernières leçons.
Jobtiens des réponses justes sur des faits importants
(bataille de Bouvines, règne de saint Louis, caractère
de ce roi) et sur quelques dates. Il conviendrait toutefois de
rechercher plus de solidité, plus de coordination dans ces
connaissances en insistant sur ce qui fait réellement leur
importance historique.
Appréciation
générale sur le Maître : Mme Bernard
prépare régulièrement et consciencieusement ses
leçons. Elle a le soin de faire travailler utilement tous ses
élèves et de cultiver lesprit comme de meubler la
mémoire. Cette classe est dans lensemble une classe bien
tenue et en bonne voie.
Linspecteur dacadémie Pietri"
- Rapport
dinspection du 2 avril 1936 - Bonne
fréquentation
- Rapport
dinspection du 6 avril 1937 - idem (notée 15)
- Rapport
dinspection du 5 juin 1939 - idem (idem)
- Lettre de
lInspecteur dAcadémie (dOrange) à
Mme Jules Bernard du 13 octobre 1941
Déplacement
doffice
"Mme Bernard, institutrice à Saint-Léger
Jai lhonneur de vous informer quà la suite
de lenquête dont vous avez été lobjet
et sur ma proposition, Mr le Préfet du Vaucluse a
décidé de vous déplacer doffice. Il
ressort en effet de cette enquête que vous avez
négligé, dans votre école,
dexécuter les ordres donnés sur le Salut aux
couleurs. Je nignore pas que vous avez prétexté,
pour excuser votre carence, certaines circonstances dordre
matériel. Mais les difficultés étaient
aisément surmontables : il suffisait dun peu de bonne
volonté pour les résoudre ; et la non-exécution
des instructions préfectorales et académiques en une
matière daussi grande importance que
léducation civique des enfants qui vous sont
confiés engagent entièrement votre
responsabilité déducatrice. Cette attitude
inadmissible que nous aurions sanctionnée plus gravement sans
vos bonnes notes antérieures vous a fait perdre
autorité à Saint-Léger dOrange où
vous ne pouvez être maintenue. Jaime à croire que
dans le nouveau poste qui va vous être confié, vous
aurez à cur dobéir plus ponctuellement aux
ordres de vos chefs et de mieux servir le gouvernement du
Maréchal, chef de lEtat. [...]"
- Lettre du
sous-préfet de Carpentras à Mr le Préfet du
Vaucluse, Carpentras le 16 août 1943
"Jai lhonneur de
vous faire part des commentaires dont est entourée la
nomination comme institutrice à Vaison de Mme Jules
Bernard.
On considère que ce poste, quelle désirait et qui
serait pour elle un avancement certain, naurait pas dû
lui être attribué. En effet, outre que Mme Bernard est
dans une situation délicate pour navoir pas fait,
pendant un an, le Salut aux couleurs dans son école, son fils,
réfractaire au STO, serait caché et ravitaillé
par elle [...]
Le sous-préfet"
- Rapport
dinspection du 16 mars 1945 - Fréquentation
très bonne (notée 15)
"[...] Lecture au
c.p : Les deux élèves les plus avancés ont un
livre de lecture courante et lisent fort convenablement. Cest
fort bien pour leur âge, la plus jeune na pas encore six
ans. Les deux autres étudient le syllabaire. [...]
Genêt"
- Rapport
dinspection du 7 mai 1947 - Bonne fréquentation
(notée 15)
- Rapport
dinspection du 3 décembre 1947 - école
publique de filles dAvignon-Monclar -
Fréquentation bonne dans lensemble (notée 15)
- Rapport
dinspection du 11 mai 1949 - école publique de filles
dAvignon-Monclar - 16 inscrits (notée 15)
- Rapport
dinspection du 20 novembre 1950 - école publique de
filles dAvignon-Monclar - 16 inscrits (notée 15)
xtraits
du dossier professionnel de ulia
|
ahiers
de classe de aoul
et vette
Bernard
|
émoignage
: " l
fallait rester tranquilles, sinon on était punis"
(vette)
|
D'après
linterview dYvette Robert, née Bernard,
réalisée le 22 octobre 2015 par Josette Bertet,
Danielle Tréhin et Jean-Louis Marçot et transcrite par
Claude Dufay et Michel Jourdet.
Yvette, née en 1920, est
la fille du frère de Jules Bernard, époux de Julia, et
donc sa nièce et la cousine de Raoul.
visite de
lécole qui est aujourd'hui la mairie de
Saint-Léger :
Gens dici
Ça a bien changé ici ?
Yvette À part qu'il fallait allumer le poêle
le matin, une semaine chacun.
Vous êtes rentrée à l'école à quel
âge ?
À cinq ans, six ans, je sais plus, à
lâge obligatoire.
Ce sont de bons ou de pas trop bons souvenirs ?
Pourquoi ils ne seraient pas bons ? Il ny a pas eu de
problèmes.
dans la salle du conseil
municipal :
C'était la même
pièce ?
C'était là, oui. La mairie maintenant,
c'était la salle de classe.
Là où est le bureau de Béatrice (la
secrétaire), c'était quoi alors ?
C'était la mairie. On entrait par les escaliers qui sont en
dehors mais ils ont fermé (lentrée).
C'étaient deux maisons différentes ?
Oui, bien sûr.
Et la cave en bas ?
(On y stockait le bois), il fallait du bois pour allumer le
feu.
Où étaient les W.C. ?
Ils étaient à l'entrée. C'était par
terre, qu'est-ce que vous croyez ? Il y avait un trou, c'était
comme ça !
Il ny avait pas de cour ?
Eh bien, non ! La cour de récréation c'était
la rue, là où il y avait les tilleuls
Il n'y a jamais eu d'incidents ?
Il ny avait pas de voitures à l'époque !!!
Il pouvait y avoir des charrettes, des choses comme ça
?
Oh, les charrettes elles ne s'envolaient pas ! (rires)
On n'a pas d'images de l'école, on en a le plan parce que
c'était une école type mais pas de photographie ni rien
de l'extérieur.
Il y avait des escaliers, ça, ça na pas
changé.
Et devant ? avant l'agrandissement de la route ?
Il y avait deux tilleuls, là, au bord de la route, qui ont
été enlevés.
Vous y jouiez, sous les tilleuls ?
On avait toute la rue pour jouer
On dit que le bureau du secrétariat était la chambre de
l'instituteur ?
Ah, non ! La mairie, c'était là où il y a la
secrétaire. L'instituteur, il avait son appartement au-dessus.
Mais Julia ne la pas occupé ; elle a habité chez
son mari, Jules.
Quest-ce qu'ils faisaient du logement de l'instituteur,
c'était vide ?
Mais, bien sûr. Les Bernard avaient le restaurant, ils
faisaient un peu à manger. Ils se servaient des chambres comme
ils voulaient
voilà !
Vous êtes allée à l'école de cinq ans
à onze ans, douze ans ?
Javais treize ans quand j'ai passé mon
certificat.
Sept ans donc ?
Voilà ! Sept ans d'école primaire, comme on faisait
toujours, comme ça existe encore maintenant.
Mais ça n'existe plus le certificat, ça s'arrête
en sixième.
Ah ! bon ? Il ny a pas longtemps de ça...
Il n'y avait pas de maternelle : vous entriez donc assez tard
à lécole ?
Entre 5 et 6 ans, on devait rentrer à l'école.
Vous étiez nombreux à lépoque ?
On était douze la dernière année, on na
jamais été plus, je crois.
Vous souvenez-vous assez clairement de cette dernière
classe-là ? De ce que faisait l'institutrice, de vos devoirs
?
On faisait les devoirs qu'il y avait à faire
et puis
c'est tout.
Julia était sur une estrade ?
Bien sûr. Je ne sais pas où elle est passée.
Je ne sais pas ce qu'ils en ont fait.
Le bureau et le tableau noir étaient derrière elle
?
Attendez voir, je ne sais plus
Il était là
où il y a les marches pour entrer dans le secrétariat,
dans le coin.
Et le poêle ?
À l'entrée, là, dans le fond, le
poêle.
après 1933 - le
poêle au centre de la salle et, au fond, un amas de branchages
portant des cocons
Vous avez poursuivi votre
scolarité ?
Non. Mes parents n'avaient pas les moyens de me mettre en
pension.
Parce qu'il fallait partir ? Où ? à Vaison-la-Romaine
?
À Orange ! Raoul (son cousin, le fils de Julia) a
été le premier à aller en pension à
Orange avec (sa sur) Simone.
Vous vous souvenez de vos jeux dalors ?
Les jeux ? Il y avait les deux tilleuls sur le bord de la
route
Vous jouiez à quoi ?
À pas grand-chose.
À cache-cache, aux gendarmes et aux voleurs, à la
marelle
?
À colin-maillard.
À quoi encore ? Vous ne vous rappelez pas ?
Pfff !!!
Vous discutiez, il y avait des bagarres ?
Ah, ben, évidemment !
L'institutrice intervenait ?
Oui, ben ! les bagarres, c'est les bagarres ! Ça devait
arriver souvent, je ne m'en souviens plus.
Y avait des clans, tel groupe contre tel autre ?
Oh, pensez-vous, le plus qu'on a été, c'est douze.
Vous aviez le droit de jouer filles et garçons ensemble ?
Oui, on nétait pas assez nombreux pour nous
séparer.
Même sur les tables, même sur les bancs vous
nétiez pas séparés ?
Oh, là, je me souviens plus
Ma grand-mère raconte qu'il y avait à
lécole de Brantes une rangée de garçons et
une rangée de filles et deux portails.
À Brantes, peut-être mais ici, non !
Vous étiez en tablier ?
On était comme on pouvait. À l'époque on
n'était pas riches ! (rire) C'est ma mère qui
m'habillait.
Le tablier, la blouse, c'était obligatoire à
l'époque, on le voit bien sur les photos de toute
façon.
Non
je ne me souviens pas que c'était
obligatoire.
Et, pour manger, vous
retourniez à la maison ?
Ce nétait pas loin.
Mais ceux qui habitaient loin ?
Il ny avait que Gaby Bertet qui apportait son dîner.
Autrement les autres, chez les Robert (aux Terres Rouges),
là-bas, ils allaient manger chez eux, au Plan aussi et ils
revenaient après.
À quelle heure vous commenciez le matin ?
À huit heures, je crois.
C'étaient les cloches de l'église qui vous donnaient
l'heure ?
Les cloches à l'époque ne sonnaient que pour les
grandes occasions. Elles sonnaient le glas ou quand il y avait un
incendie, un problème. Il fallait venir avec des seaux pour
éteindre le feu. C'était ma grand-mère qui
sonnait les cloches.
Donc, c'était le papa et la maman qui vous réveillaient
?
Oui, ce n'était pas évident. Quand c'était le
jeudi, on était réveillés le matin, mais quand
c'était les autres jours, pour aller à l'école,
on n'était jamais réveillés (rires),
cétait dur. Je vois que pour tous les enfants,
cest pareil.
Et en hiver, vous aviez froid dans la salle ?
On allumait le poêle à bois le matin à deux,
pour une semaine ; je crois quon préparait le bois.
Préparer le bois mais pas le couper, quand même
?
Il fallait couper le petit bois, mais pas les bûches.
C'est vous qui ameniez les bûches ?
Non, ils achetaient le bois. On faisait aussi le ménage une
semaine chacun, on balayait.
Vous vous souvenez de ce que
vous avez appris ?
Ben, tout ce que tout le monde a appris, jusquau
certificat
Moi, c'est les dates, c'était ma hantise,
l'histoire.
Vous n'étiez pas bonne ?
Je n'étais pas bonne, non
Qu'est-ce qui vous vient à l'esprit, des punitions ?
Les punitions, si on bavardait
je n'étais pas trop
punie, moi, quand même.
Quelles punitions ?
Il fallait faire des lignes.
Le bonnet d'âne ?
Quand on ne travaillait pas bien
Moi, jamais, mais Paulette
(M.), oui, alors elle
!!! Mais si ma tante Julia mettait trois,
quatre pommes à cuire dans un petit four sur le poêle,
Paulette, elle mangeait les pommes quand elle était punie de
récréation (rires).
Elle ne vous tirait pas les oreilles ou elle ne vous frappait pas les
doigts avec la règle ?
Non, ça n'existait plus, je ne me souviens pas de
ça.
Et vous aviez des classes vertes comme on dit maintenant ?
(Elle rit) On y était toute l'année !
La classe commençait à huit heures
Oui, jusquà onze heures et de quatorze à seize
heures et une récréation d'un quart d'heure
Et il y avait la visite de l'inspecteur ?
Oh ! oui, mais pas souvent, et le médecin scolaire aussi.
Je ne sais pas s'il passe toujours.
Comment ça se passait la visite du médecin ?
C'est la maîtresse qui s'occupait discrètement avec
lui, elle parlait des problèmes, il nous faisait lire
surtout.
Il vous faisait des vaccinations ?
Je ne sais plus
Il nous pesait, mesurait, nous faisait lire
surtout. Il passait une fois par an peut-être, c'était
le docteur Carrière de Malaucène. Ma mère m'en
parlait parce qu'elle s'inquiétait car j'ai marché
très tard, à douze, treize mois. Il venait en voiture
avec sa femme et son petit garçon qui avait le même
âge que moi, ça la rassurait, elle me l'a raconté
plus d'une fois.
Et les récompenses ?
Les bons points : on avait le bon point si on avait les mains
propres le matin, un ou deux, le reste, je ne sais plus. À
cent, on avait une image.
Et les mains sales, c'était une sanction ?
Eh ben, oui, il y avait la fontaine, ben tiens !
Vous souvenez-vous dune fête, dun
événement particulier ?
Le certificat : on était quatre, on a tous
réussi.
Où lavez-vous passé ?
À Malaucène. La maîtresse, je ne vous dis pas,
elle était contente ! C'est elle et (son mari) Jules
qui nous ont emmenés avec leur voiture : Raoul, Roger
Aubéry, Ida Goirand, moi. On avait des lauriers, tout le monde
était content, ce n'était pas souvent, quatre sur
quatre qui réussissaient
mais il n'y a plus de
certificat !
Une petite fête a suivi ?
Non, rien du tout, juste des lauriers dans la voiture.
Y avait-il une distribution des prix en fin d'année ?
Non, je ne m'en souviens pas, la commune n'était pas assez
riche.
Et les vacances commençaient début juillet comme
maintenant ?
Peut-être le 14 juillet, je ne sais plus, ou plus
tard.
Et les vacances de Noël, la Toussaint ?
Oh, non, Raoul et Simone en pension à Orange venaient juste
pour Pâques, il n'y en avait pas beaucoup de vacances à
l'époque, je ne sais plus, ça durait deux jours ?
Maintenant, les vacances, il y en a
!
Comment s'appelait votre meilleure amie ?
Simone, ma cousine, et puis Ida Goirand.
Qu'est-elle devenue ?
Je ne l'ai pas revue. Ils sont partis à Valréas : son
père était facteur.
Et les livres, on vous les donnait ou vous les achetiez ?
Je ne me souviens plus.
Aviez-vous une bibliothèque dans l'école ? Est-ce que
vous empruntiez des livres ?
Moi, j'aime lire, mais je ne lisais pas évidemment comme
maintenant.
Quel livre vous a marquée ?
"Le bon petit diable"
Quand lisiez-vous ?
On lisait le jeudi, et durant les vacances.
Et le soir, vous aviez de la lumière ?
Oui, même avec la bougie je lisais et deux lampes à
pétrole, on n'y voyait rien, oh là là ! et je
brodais, je faisais des napperons.
Et vous aviez du travail à la maison ?
J'avais des devoirs, une leçon à apprendre,
évidemment.
Qu'est-ce que vous aimiez bien à l'école, quelle
matière ?
Ce que je n'aimais pas, c'était les problèmes, les
heures de train, les machins, ah, ça, c'était difficile
!
Aviez-vous des cours de couture ?
Ah ! oui, bien sûr, au certificat, il y avait la couture.
Et les garçons ?
Du dessin. Les filles, couture, les garçons, dessin.
Et quelle couture ?
Oh, bien, j'ai tout appris, couture simple, couture rabattue,
boutonnière, point de croix, surjet
En primaire ?
Oui, à l'école, tout.
Cest Julia qui faisait le cours ou quelqu'un dautre qui
venait ?
Cest Julia bien sûr. Au certificat, il fallait
l'emporter aussi. Je l'ai encore à Lyon (chez elle).
Et les garçons, qu'est-ce qu'ils dessinaient ?
C'était un objet, qu'est-ce que je sais, moi ?
C'était encore Julia qui faisait le cours de dessin ?
Ben, elle faisait tout, évidemment !!!
Vous aimiez bien l'école quand même, vous étiez
bonne élève ?
Oh, pfff !!!
Il y a un de vos cahiers de 1927 aux Archives, un beau cahier, bien
appliqué.
On avait un cahier de devoirs mensuels, j'en ai un carton.
Vous auriez aimé continuer ? Vous avez regretté de
quitter lécole ?
Oh, je ne sais pas, si j'avais pu
De toute façon il
n'en était pas question
Mais, si vous aviez pu ?
Il n'en était pas question ou même d'apprendre un
métier, mes parents n'avaient pas la possibilité de me
mettre en pension, pas les moyens.
Ils étaient paysans ?
Oui, et ils tenaient l'agence postale.
Comment était Julia comme institutrice,
sévère ?
Oh, ben oui, heureusement, il fallait rester tranquille, sinon on
était punis !
Elle criait parfois ?
Pas trop, parce qu'on restait tranquilles, ce n'était pas
la foire à l'école ! (rire), il y avait des
récréations pour ça.
Elle expliquait bien ?
Oui.
Comment faisait-elle ? Il y avait tous les âges. La classe
était séparée ?
Oui, bien sûr, on savait bien à qui elle s'adressait,
on n'était que douze, chacun faisait son boulot, ça a
toujours fonctionné comme ça.
Les grands aidaient les petits ?
Oh, non ! ils avaient bien assez à faire.
Et si Julia était malade ?
Elle avait une remplaçante. Quand elle a eu ses enfants par
exemple
On ne parlait pas de religion ?
Non, ce n'était pas une école catholique.
Vous faisiez de la morale ?
Une fois par semaine, dès le matin, dès qu'on
rentrait.
Au début, vous n'aviez pas l'électricité dans la
classe ?
Comment voulez-vous ? On l'a mise en 1939, en mai, juste avant la
déclaration de guerre
Vous vous éclairiez avec quoi alors ?
Avec la lampe à pétrole.
Y avait-il souvent des absents ?
Non, tout le monde y allait, sauf (X) parce que sa mère
était souvent malade.
Y a-t-il-eu des épidémies, la rougeole
?
Non, je ne crois pas.
Y avait-il une fête à la fin de l'année ?
Seulement la dernière année, un voyage à
Fontaine de Vaucluse.
En quel honneur ce voyage ?
Je ne sais plus, il y avait deux voitures, Pascalet et un
chauffeur.
Les douze enfants sont partis ?
Oui, avec la maîtresse
Et qu'est-ce que vous avez fait à Fontaine ?
On a visité la fontaine de Vaucluse, c'était un
événement d'y aller, c'était ma dernière
année de classe.
Vous avez pique-niqué ?
Évidemment, on avait apporté à manger quand
même !
C'est un beau souvenir ?
Oui, bien sûr.
sortie à
Fontaine-de-Vaucluse en 1933
1
Mme Pascalet - 2
Julia Bernard,
l'institutrice - 3
Yvette Bernard -
4
M. Pascalet, chauffeur
À Noël, y avait-il
une petite fête ? Pas de crèche à l'église
?
Non, on n'avait pas de santons à l'époque, on
n'était pas assez riches.
Mais vous mangiez à votre faim tout de même ?
Oui, bien sûr, mais pas de la viande tous les jours.
[...]
Aucun n'a continué ses études ?
Non, à part Raoul, qui a pu aller en pension car ses
parents avaient les moyens. On était des paysans et à
l'époque il n'y avait pas d'allocations.
Julia, c'était un personnage respecté dans le
village ?
Bien sûr, la maîtresse, on était obligés
! Heureusement, pas vrai ?
Elle s'occupait aussi du secrétariat de la mairie ?
Oui.
Julia
|
Julia
et Jules Bernard, nouveaux mariés, en septembre
1920
|
1925 - la famille Bernard
dans une des premières automobiles de la vallée du
Toulourenc
Jules, maire du village, est au volant, Julia à
l'arrière avec Raoul sur ses genoux
émoignage
: "'était
un peu différent, avec ma mère institutrice"
(aoul)
|
D'après
linterview de Raoul Bernard (R) et de son épouse
Suzanne, dite Suzy (S), réalisée le 25 janvier 2016 par
Danielle Tréhin et Jean-Louis Marçot, et transcrite par
Claude Dufay et Michel Jourdet.
Raoul, né en 1921, est le fils de Julia, le cousin
dYvette.
Raoul et Julia en 1925
Gens dici - Pouvez-vous
faire le portrait de Julia comme mère, comme femme et comme
institutrice ?
Raoul - Elle était petite, 1,55m, 1,56, ronde,
boulotte
Et sa voix ?
R - Normale.
C'était une femme douce ou énergique ou agressive ?
Suzy - Pas du tout agressive mais très énergique
pour mener la maison qu'elle menait !
R - Non pas une maison, une caserne. D'abord, c'était
un restaurant et surtout il y avait ma grand-mère paternelle
et très souvent mon grand-père maternel plus un
domestique en permanence à lannée et nous, mes
deux surs et moi.
Comment était Julia, plutôt gaie de nature ou
austère ?
R - Ça dépendait, ça variait terriblement.
Parce que le Raoul d'octobre, hum ! et le Raoul de juin, ça
allait [...]. Je me rappelle, elle me disait "va voir l'heure
à l'école" car elle n'avait pas deux montres et elle
était restée à l'école. Je disais : "la
grande aiguille, elle est sur
et la petite"
Ça
cétait le dessert, je n'en avais pas très souvent
Elle était très stricte ?
R - Oui.
Et elle était juste ?
R - En principe, oui. Cest drôle d'ailleurs, ma
mère était très sévère mais je
crois qu'elle ne nous a jamais touchés. Théoriquement,
je travaillais mieux mais ma plus jeune sur, Suzanne, a
passé des jours - des heures en tout cas- à
côté de la porte d'entrée : elle ne travaillait
pas trop bien en classe.
Il y avait une grande différence d'âge entre vos
parents
S - 21 ans.
Formaient-ils un couple uni ?
R - Ça marchait. Mon père, c'était le coq de
toute la région. Quand on parlait du "Grand Jules", parce
qu'à l'époque, il n'était pas bien grand mais
c'était un colosse par rapport aux autres, j'ai vu des femmes
après me demander : "T'es le fils du Grand Jules ? J'ai
dansé avec lui" et mon père : "C'était par
pitié"
S -
pour leur faire plaisir.
R - À l'époque, on marchait à pied mais
il était archi-connu à Montbrun. Il y avait une course,
il la gagnait. Bon ! Cétait une vedette !
Et Julia, en classe, elle était différente ?
R - En classe, c'était comme ça, (Raoul se
raidit sur sa chaise) vous pouviez courir !!!
Sévère ?
R - Toujours, on était douze à ce moment-là
et j'étais souvent le premier. J'avais ma table là, le
second à côté, les autres derrière, et si
je passais second, je changeais de place, cétait
radical.
Elle a été votre institutrice de quand à quand
?
R - À cinq ans et jusquà ce que j'aille au
collège.
C'était en quelle année ?
S - Il était de 21, donc en 1926.
Et vous êtes ressorti en 1932 ?
S - En 33.
R - Oui, là, elle m'a fait perdre un an, il fallait passer
le certificat.
S - Tu l'as passé à pas tout à fait douze
ans.
R - Je ne saurais pas le dire, on était quatre
[...]
Vous étiez combien en moyenne pendant ces six ans ?
R - Douze au maximum, pas moins, toujours assez nombreux,
après, il y en a eu moins. Dans notre section, on était
quatre.
Dont Yvette ?
R - Oui, qui avait un an et demi de plus que moi, Roger
Aubéry et Ida Goirand et tous les quatre, on a
été reçus.
S - C'était la gloire de Julia, ce n'était pas
souvent.
R - Oui, elle n'a plus eu l'occasion. Après nous, elle en a
présenté deux, Simone et Edmée Goirand
reçues aussi, mais il y en avait, qu'est-ce que vous voulez,
comme Auguste J., il était bien brave, il avait deux ans de
plus que moi mais c'était un âne, et puis d'autres qui
auraient pu bien travailler mais c'était
des "motis ".
[...]
S - Le "moti", c'est le bélier, la tête de mule, des
gens loin d'être bêtes, comme Marcel. Il me faisait rire,
il cherchait à s'instruire grâce à Radio Vatican
qui parlait de tout.
R - [...] Un jour où l'inspecteur était
là, à la récréation : plus de Marcel, il
était parti chez lui, en criant "lou pétour, lou
pétour!. Il ne voulait plus y aller.
S - Il parlait beaucoup plus provençal que français,
il était affolé par l'arrivée de "lou
pétour", l'inspecteur !
Vous aviez le choix de parler provençal en classe ?
R - Oh, non, sûrement pas !!
Chez vous, alors ?
R - Eh oui, tout le monde.
Dans la cour de récré, peut-être ?
R - Là, c'était un peu différent avec ma
mère institutrice, et on faisait bistro, les gens souvent
parlaient le patois à "mervieille".
S - La grand-mère de Raoul ne parlait pas
français. Ses fils et sa fille lui parlaient
provençal
Et donc, les douze écoliers ? quatre grands
R - Peut-être cinq ? Paulette, est-ce qu'elle était
avec nous ?
S - Mais, elle était de 18 !
R - Elle avait un retard du diable !!! C'était rare, les
récréations où il ne fallait pas qu'elle reste
en classe parce quelle navait pas fait son travail comme
il fallait.
Alors, il y avait trois niveaux, comment s'organisait la classe, en
fonction de l'âge ?
R - Non, pas en fonction de l'âge. La table de devant, le
premier et le second et derrière, le troisième et le
quatrième, et les autres, ça dépendait, plus ou
moins de l'âge.
Les plus grands au premier rang ?
R - Parce qu'on était les plus nombreux, parce qu'on
était quatre.
Dans la classe, deux rangées de pupitres ?
R - Ma mère était là où il y a la
montée pour aller au secrétariat et on n'a jamais
été plus de treize à quatorze.
S - Vous étiez deux par deux ?
R - On avait de beaux pupitres, ils en ont acheté à
ce moment-là, au moins deux ou trois neufs, ceux de
derrière, non.
Donc, du côté secrétariat, l'estrade, le
bureau de l'institutrice et devant elle, deux rangées de
doubles pupitres ?
R - Plutôt trois, il y en avait peut-être
derrière, il fallait la place pour le bonnet d'âne.
Normalement au fond mais il me semble avoir été
à côté de la porte pour qu'on le voie
bien.
Et le poêle, il était au milieu de la salle ou sur les
côtés ?
R - Je me rappelle mal, il faudrait demander à Simone.
[...]
Quel était le programme
de la journée ? Vous arriviez très tôt ?
R - Je ne me rappelle plus si cétait à huit
heures ou neuf heures, ce dont je me rappelle, c'est à midi,
comme souvent j'étais privé de dessert, ma mère
me disait : "Allez, va voir l'heure !" car elle n'avait qu'une
montre.
Les cloches ne sonnaient pas ?
R - Non, jamais, jamais !
S - Pour la messe, seulement.
Et les enfants, comment savaient-ils l'heure ?
R - Peut-être chez eux, ils avaient un réveil, je
suppose. Il fallait arriver à l'heure. Ce dont je me rappelle
c'est que Gaby Bertet, qui a écrit des bouquins, était
toujours le premier arrivé, il allait manger chez lui,
là-haut et en passant, il arrachait les poireaux de mon
grand-père ! (rires)
Là, on est dans les années 1920, 1923. Vous
étiez bien habillés, vous aviez des souliers ou des
sabots ?
R - Des patins.
S - Des patins ou des galoches, la chaussure montante en cuir et
la semelle en bois.
Et vous gardiez vos chaussures en classe ?
R - Oui, mais ça dépendait, les J. du Plan
étaient plus que pauvres.
Et chacun apportait à tour de rôle de quoi allumer
le poêle ?
R - Je crois qu'on était chargés de le garnir, je ne
me rappelle pas si cétait le soir pour que le lendemain
matin il n'y ait plus qu'à mettre une allumette. D'ailleurs,
à midi, en tout cas, ma mère me disait : "Va voir
l'heure et regarde le poêle !"
Le bois était fourni par l'école ?
R - C'était la mairie qui l'apportait, je crois, je n'ai
jamais bien su.
Vous arriviez à huit ou neuf heures et vous attendiez que la
porte s'ouvre ?
R - La première chose en arrivant : Julia nous
épluchait les mains, le cou
elle nous passait tous en
revue.
Et après ?
R - Le travail, mais, dame ! il y avait au moins trois
séries, c'étaient des choses différentes, vous
comprenez ?
Est-ce que les grands aidaient les petits ?
R - Oui, pour monter le bois.
Mais pour l'enseignement ?
R - Oh, non ! Mais j'ai peut-être un peu regardé mes
surs [...].
Quand Julia faisait la leçon au tableau, tout le monde
écoutait ?
R - Ah, oui ! Pendant que nous, la grande série,
écoutions, les autres, théoriquement, faisaient leur
travail. [...]
Donc, la matinée se terminait à midi. À midi,
les enfants rentraient manger chez eux ?
R - Oui, mais si on n'avait pas terminé on rentrait
après midi.
Et vous reveniez à quelle heure ?
R - À deux heures, jusqu'à cinq heures.
Avez-vous en mémoire une matinée, un après-midi
de classe ?
R - Pas spécialement, c'était toujours comme
ça pour la classe principale des grands, on avait nos devoirs
et leçons et tout, et tout, il y avait du travail, et en plus
il ne fallait pas trop s'amuser à parler parce que
Et les punitions, c'était quoi ?
R - Elle nous mettait seul au piquet. Jy ai
été de belles fois !
Et si c'était plus grave ?
R - Ça dépendait.
Et le bonnet d'âne, alors ?
R - Ah, le bonnet d'âne, ça, c'était un peu
exceptionnel, je ne sais pas s'il a existé avant, mais j'en ai
toujours voulu à la grand-mère de Gaby, là-bas,
parce que c'est elle qui l'avait fait, sûrement sur les
injonctions de ma mère.
Alors, le bonnet, c'était plus grave ?
R - Oui, le piquet, c'était secondaire. Le pire, ça
a été pour moi le bonnet et ils m'ont trimballé
dans St Léger, avec tous les gosses qui me faisaient les
cornes derrière, ça a d'ailleurs été la
fin du bonnet, je lui ai arraché une corne ! (rires)
Et les récompenses, c'était quoi, des bons points ?
R - Oui, oui, on avait des bons points, et quand on en avait
assez, on avait une image. Ça fait que j'avais des images,
mais je ne sais pas où elles sont passées
[...]. Pour le piquet, c'était courant qu'on aille
dehors. Mais dehors, ce n'était pas recommandé,
c'était la rue. Et avant, là où on montait
quatre escaliers [marches], il y avait une
pièce où on mettait nos habits. Quelquun de puni,
Julia l'enfermait là-dedans. Seulement, un jour, elle a
enfermé un des fils du garde, un des Pradier, qui est
passé par la fenêtre. Il y a quatre mètres :
ça aurait pu être plus grave
Il était où ce petit réduit ?
S - Dans le bureau de la secrétaire, il y a une petite
pièce avec le lavabo. Cest le cabinet maintenant.
À l'époque, c'était le vestiaire, et le panneau
d'affichage était une porte.
Et les W.C. étaient où ?
S - En bas, là où est maintenant le débarras,
c'était une planche avec un trou.
Comment les appelait-on ? les latrines ?
S - Le "cabinet", et du ton où elle le disait,
"dépêche-toi !", ça vous en enlevait l'envie !
R - Les filles d'abord et les garçons après.
Et la récréation ?
R - Sur la route, en face, là, il y avait deux tilleuls, il
passait
quoi, trois voitures par an.
S - Des charrettes.
R - Non, je parlais de voitures et c'était
théoriquement la cour de récréation. Autour de
ces deux arbres, on en a fait des tours et des tours, et
malheureusement, il y en a un qui s'y est tué, mais ça
n'a rien à voir avec l'école.
Quels étaient vos jeux à la récréation,
les billes ?
R - Les billes, non. Des fois, on se courait un peu après.
Il est arrivé qu'on joue avec des noyaux d'abricots, parce
qu'on ne devait pas aller plus loin, on ne serait jamais allés
jusqu'à la place, ah ça non, hou là là
!!! Il y avait quelque chose dont il fallait tenir compte, il y avait
une petite "filiole" qui servait à capter l'eau du bassin de
la fontaine et qui remplissait le bassin en bas dans mon jardin, on
s'en servait pour sarroser.
Quoi d'autre, les filles jouaient à la marelle ?
R - Plutôt aux voleurs et aux gendarmes, des trucs comme
ça.
Colin-maillard ?
R :
Pas trop. Je vais vous dire, il y avait une
récréation d'un quart d'heure et les autres de cinq
minutes. On n'avait pas trop le temps de faire grand-chose, juste le
temps de descendre les huit, neuf marches mais on jouait à
quelque chose de temps en temps, on se mettait à
côté des tilleuls en fermant les yeux.
S - À cache-cache ?
À un, deux, trois, soleil ?
R - Qu'es aquo ??? Non, on ne connaissait pas.
S - Jamais entendu parler !?
Au ballon prisonnier ?
S - Non, il fallait un ballon.
R - Je vais vous dire, les deux tiers des impétrants
étaient obligés de venir de loin, chez les Bertet,
là-haut, du Plan, là, en face et des Terres Rouges,
c'étaient les Robert à l'époque.
Est-ce que vous chantiez à l'époque ?
R - Oui, oui, oui !
Avec Julia ? Vous vous rappelez les chansons ?
R - C'est ce que je suis en train de
réfléchir
S - "Où t'en vas-tu soldat de France" ?
R - Ah, ben ça, évidemment, c'est celle que j'ai
récitée pour le certificat d'études et qui m'a
empêché d'avoir la mention très bien (il
récite la chanson, et s'égosille à la fin, "la
Prairiiiiie" et il rit avec Suzy).
Le soldat
français
air d'une
ancienne chanson de soldats français (auteur
inconnu)
|
-
Où
t'en vas-tu soldat de France
Tout équipé prêt au combat ?
Plein de courage et d'espérance
Où t'en vas-tu petit soldat ?
- C'est comme il plaît à ma patrie
Je n'ai qu'à suivre les tambours !
Marche toujours, marche toujours !
En traversant bois ou prairies
On peut rêver à ses amours.
- Oui, mais
on perd sa bonne mine
En traversant les vastes flots.
C'est dur aussi lorsqu'on chemine
L'arme à l'épaule et sac au dos.
- Frère, c'est dur, mais La Tulipe
Quand il est las, siffle un refrain.
Point de chagrin ! (bis)
Il a sa gourde, il a sa pipe
C'est un gaillard toujours en train.
- Toi qui
t'en vas le rire aux lèvres
Reverras-tu ce doux pays ?
Crains le soleil, la nuit, les fièvres
L'homme embusqué dans les taillis.
- Va, je suis prêt à la souffrance
Même à laisser là-bas ma peau.
Gloire au drapeau ! (bis)
J'aimerais bien revoir la France
Mais bravement mourir est beau.
|
Et de la poésie ? Quoi,
par exemple ?
R - Celui qu'on n'aimait pas ?
La Fontaine, "Le loup et
l'agneau. On n'était pas en philo !
Vous avez encore en mémoire des fables de La Fontaine ?
R - Oui, il y en a tellement, moi, j'aimais ça,
japprenais tout seul.
S - Il était terrible avec ses deux surs pour la
poésie : tous les trois les savaient par cur.
Et vous saviez aussi les départements, les préfectures,
vous les avez gardés en mémoire.
R - Les préfectures, pas toutes, quand même ! mais au
moins la région.
Des souvenirs de moments particuliers ?
R - Oui, sûrement
quand venait l'inspecteur, on
était tous comme ça. (il se raidit de nouveau)
Vous saviez qu'il allait venir ?
R - Non, il arrivait à l'improviste, bien sûr, et
après une demi-heure, trois quarts d'heure, il disait à
ma mère : "Envoyez-les en récréation"
[...].
S - Oui, je me rappelle, on avait peur de l'inspecteur comme s'il
venait pour nous.
R - Oui, mais seulement, suivant ce qu'on disait ou faisait,
ça retombait sur elle.
Le "pétour" donnait la pétoche !
Vous aviez un bon copain ou une bonne copine à l'école
?
S - Je crois que c'était Roger Aubéry, mon cousin,
ton meilleur copain à l'époque.
R - Oui, mais j'étais copain avec tout le monde. Ça
dépendait pour quoi. Avec Auguste J., c'était pour
dénicher les nids de pies.
Ça changeait quelque chose que vous soyez le fils de Julia
?
R (riant) - D'être plus mal loti que les autres ! Les autres
allaient manger du dessert [...] je n'y avais pas droit.
S - Mon pôvre ami !
Mais on vous fréquentait comme n'importe quel autre enfant,
ça ne créait pas de distance ?
R - Non, non, non, moi, j'étais peut-être plus puni
que les autres. Au contraire, on faisait bloc avec Roger, Auguste et
Ida.
Pensez-vous que çaurait été
différent pour vous si l'enseignante n'avait pas
été votre mère ?
R - Çaurait été beaucoup moins
sévère et moi, j'aurais eu des desserts ! (rires)
Je ne travaillais sûrement pas mal parce que j'ai eu mention
bien au certificat, et si j'avais su chanter, j'aurais eu mention
très bien.
C'était une épreuve de certificat ?
S - Bien sûr. On apprenait des chants patriotiques et
martiaux.
La Marseillaise, vous la chantiez ?
R - Je ne me rappelle pas, je suis en train de calculer ce qu'on
chantait.
S - Sous Pétain, certainement, mais Raoul n'était
plus là.
R - D'ailleurs, ma mère a été
déplacée à ce moment-là.
Justement, que savez-vous de cette affaire ?
R - Ah, bien, mon père était ouvertement anti
gouvernement [...]
S - Il ne faisait pas le lever du drapeau sous le prétexte
que la cour c'était la route. Son idée na pas
marché. Sa femme a été déplacée.
Et lui a été révoqué.
R - Je n'étais plus là.
S - Non, il était au collège d'Orange, pensionnaire,
il revenait quatre fois par an avec le train du Buis.
R - Ma mère a été envoyée à
Lagarde-Paréol, et, là-bas, elle a été le
messie ! Les gosses faisaient ce qu'ils voulaient, ça a
changé, hein !!!
S - Elle les vissait !
Quand ils ont voulu la déplacer, quatre parents de
Saint-Léger sur six ont fait une pétition de soutien
pour la défendre, pour qu'elle reste. La lettre est aux
Archives. Puis sa mutation de Lagarde-Paréol à Vaison
en 1943 lui a été refusée à cause de
Raoul, réfractaire au S.T.O. Elle était accusée
de laider à se cacher.
Lécole avait-elle sa bibliothèque ?
R - Le village avait sa bibliothèque. Le grand-père
de Suzy avait fait déjà acheter pas mal de livres qui
étaient à la mairie dans le "cafoutche" (placard).
Il y avait un peu de tout. De temps en temps, j'ai eu le plaisir
d'y trouver et lire "Les essais" de Montaigne. Cest moi qui ai
ouvert des tas de bouquins.
S - Les vieux, ils ne savaient pas lire Jean-Jacques Rousseau,
Montaigne, Montesquieu
Dans les Archives se trouvent des papiers qui prouvent
lexistence à Saint-Léger dune
Société de lecture importante, avec beaucoup
d'adhérents, qui fonctionnait bien, avec des débats,
des discussions, des cours du soir très suivis.
S - Oui, je sais que mon grand-père en donnait.
R - À quelle époque ?
À la fin du XIXe siècle.
R - Ah, oui, évidemment, après, c'était
plutôt Brantes.
S - C'est un peu étonnant.
Quelles sont les valeurs qui vous ont été transmises
par l'école, par votre mère ? Et parmi les petits, les
écoliers, y avait-il des divisions entre blancs et rouges
?
R - Non, absolument pas
Après, un peu.
[...]
Lécole vous a marqué ?
R - Oh, certainement, d'autant plus que ma mère l'a un peu
prolongée à la maison, et qu'elle m'a
présenté aux bourses. Chaque soir, j'avais une
dictée et deux problèmes jusqu'aux épreuves au
mois d'avril ou juin.
Les bourses, c'étaient les bons élèves qui
pouvaient les avoir ?
R - Je crois que c'était l'institutrice qui les demandait
pour les bons élèves, mais elles étaient
acceptées ou refusées.
S - Mais est-ce qu'elle les demandait uniquement pour les bons
élèves ?
R - Je suppose qu'elle devait donner des listes de noms et
à l'Inspection d'Académie, ils décidaient. Moi,
j'avais des bourses ; on me donnait quelque chose mais j'avais des
copains à Vaison qui étaient assez riches et à
qui on les enlevait.
Mais il existait des aides municipales.
S - Certainement pas à St Léger.
Qu'est-ce qui avait conduit Julia à être institutrice
?
R - Elle travaillait très bien en classe, alors on l'a
envoyée à Digne, à l'école
d'institutrices, où elle a passé trois ans. Elle a
obtenu le Brevet Supérieur et elle a été
reçue aux bourses, sur la liste supplémentaire,
sûrement, ce qui fait qu'elle aurait pu aller à Digne un
an avant mais à ses frais, et comme elle avait une sur
et deux frères et comme mon grand-père était
cantonnier sur la route et que ma grand-mère tenait une petite
épicerie, cela fait qu'elle a été reçue
sur la liste principale sans avoir rien à payer. D'Entrechaux,
où elle habitait, il fallait qu'elle aille courir à
Digne ; les garçons, c'était Avignon.
Comment allait-elle à Digne ?
R - Je ne me souviens pas très bien, mais ce n'était
pas simple, d'Entrechaux à Carpentras, je crois, et de
là à Digne. Et moi, quand j'ai été
reçu aux bourses, je pleurais, je pleurais
"Il pleure
parce qu'il est reçu".
S - Mais ce nétait pas de joie. Il voulait rester
à St Léger ! Comme Lionel - leur fils - qui travaillait
bien mais qui voulait redoubler ou se cacher pour rester.
Y avait-il des "classes-nature" ?
R - Je calcule
Oui, Fontaine de Vaucluse.
S - À la Martinelle, voir les plantes, les
cailloux.
R - Je réfléchis,
peut-être, je ne m'en
rappelle pas, on était déjà dans la nature.
Est-ce que vous rapportiez, par exemple, des nids pour la classe
?
R - Des nids de pies !
S - Et Joseph Aubéry, un nid de frelons, pour Raoul.
R - Qui est resté longtemps à
l'école.
S - (à Raoul) Parce que tu étais un peu "le
génie" du village, et le fils de l'institutrice.
R - Mais deux fois, un de ma série est passé
devant
Et de grandes rigolades, il y en avait ?
R - Vous savez, les plus âgés avaient onze, douze ans
et avec ma mère il valait mieux ne pas trop plaisanter ! Je
sais qu'après, avec des remplaçantes qui étaient
copines avec mes surs, c'était la foire d'empoigne.
Quelles étaient vos matières
préférées ?
R - Un peu tout, jaimais beaucoup lire.
Dans les rapports d'inspection de votre maman, il est noté
quelle avait une grande passion pour les maths.
Était-elle douée pour enseigner cette matière
?
R - Oui, j'ai sûrement eu une très bonne note au
certificat.
S - C'était l'arithmétique.
Vous vous rappelez un ou deux problèmes ?
R - Non, sauf l'aiguille de la montre quand elle m'envoyait
regarder l'heure.
Julia trouvait-elle des méthodes intéressantes pour
enseigner aux enfants ?
S - Oui, c'était une excellente éducatrice,
malheureusement pour les descendants, si elle avait été
là, ç'aurait pu être autre chose.
Jamais de punition physique, les oreilles, la règle sur les
doigts
?
R - Non, elle n'avait pas le droit et ne le faisait pas. Mais le
bonnet d'âne
S - Jamais, jamais, mais elle vous regardait et elle vous
glaçait ! "Qu'est-ce que ça signifie ?" et on se
fourrait sous la table ! Ah ! si elle avait vécu
Elle
est décédée trop tôt pour la famille,
à 65 ans
Et Jules, votre père, il ne punissait pas non plus ?
S - Non, mais il avait un très grave défaut, il
était moqueur et j'en ai souffert ; mais sinon un bon vivant,
joyeux, rieur, l'antinomie de ta mère. Instituteur, il aurait
été moins sévère qu'elle.
R - Lui, c'était la politique, moi, à douze ans,
je suis resté trois heures au théâtre antique
d'Orange à écouter quelqu'un de son côté,
un socialiste. Lui, était socialiste, il n'était pas du
tout d'accord avec les communistes.
Et Julia était politisée ?
R - Elle était en plein de gauche.
S - En plein accord avec son mari.
R - Mon père s'est présenté aux
élections cantonales, il lui a manqué onze voix contre
le maire de Malaucène qui était minotier et pendant la
guerre "il nous a enlevé la faim" disait-on.
Votre mère a participé à un syndicat
d'instituteurs dans le Vaucluse ?
R - Je n'en ai jamais entendu parler. Probablement, mais il aurait
fallu que mon père l'emmène en voiture.
S'est-elle intéressée aux pédagogies
alternatives, comme celle de Freinet, etc. ?
R - Non, on ne parlait pas de ça à l'époque,
et quand même, elle était institutrice, avait trois
zèbres sur le dos, secrétaire de mairie
ça
faisait pas mal de choses ! [...]
Quelles étaient les relations entre l'école et
léglise, avec le curé ?
R - Pas de souvenir mais ça naurait pu
quêtre en dehors des heures de cours.
Elle était croyante, Julia ?
R - Elle avait fait sa communion mais ça s'est
arrêté là.
Et Jules, était-il libre penseur, anticlérical ?
S - Non, indifférent.
la classe de Julia en 1918
Julia
émoignage
: "'était
une très bonne institutrice, très
sévère mais bonne" (uzanne)
|
D'après linterview
de Suzanne Bonzi, née Bertet, réalisée le 20
février 2016 par Danielle Tréhin, Josette Bertet,
Jean-Louis Marçot et transcrite par Claude Dufay et Michel
Jourdet.
Pierre et Suzanne Bertet
Gens dici - De quand
à quand avez-vous connu Julia ?
Suzanne - Jusquau certificat à douze ans, en 1943,
l'année où on a passé le certificat en deux
fois, le français d'abord et les maths après.
Combien étiez-vous dans la classe ?
Douze dont deux pour le certificat qu'on a eu toutes les deux.
Le maximum que vous avez été ?
On a été jusqu'à quatorze, quinze en 40, 42.
Il y avait des réfugiés polonais, les Pelletier avec
quatre enfants. Les Polonais venaient comme fermiers chez nous. La
maman était française.
Vous rappelez-vous les différentes classes ?
A ce moment-là, je faisais Préparatoire on ne
prenait qu'à partir de Préparatoire puis tous
les cours. Elle faisait tout de cinq à quatorze ans.
Tous les élèves étaient assis ?
Oui, il y avait des bancs. Certains se soulevaient : des pupitres.
Et le poêle ?
Au milieu de la classe.
Pouvez-vous décrire Julia comme institutrice ?
Cétait une très bonne institutrice,
très sévère mais bonne.
Avez-vous été punie ?
Comme les autres. (rires)
Le piquet ?
Oui, mais surtout les lignes et la règle sur les doigts,
ça, ça y allait ! (rires)
Sur le cahier de classe, il y a marqué : "bonne
élève".
Moi, je n'ai pas à me plaindre car, quand ma mère
était malade, elle me faisait porter les devoirs par mes
frères. Si j'ai eu le certificat, c'est grâce à
elle. J'allais à lécole une fois par semaine,
tant que ma grand-mère était là, qui soignait ma
mère. Ça a duré au moins deux ou trois ans comme
ça, jusqu'en 45. Mais après le certificat, j'ai
quitté l'enseignement. [...]
Pouvez-vous dire l'emploi du temps de la classe ?
On commençait à 9 heures, et on portait le
dîner. Elle nous faisait manger dans la classe car elle
était très gentille [...]. Le matin, on
nettoyait le poêle en arrivant, et chacun allait chercher le
bois dans la cave de lécole, quand il fallait, à
tour de rôle. Je ne me rappelle pas bien si on apportait le
bois ou qui le fournissait.
La mairie sûrement. Et la cour de récréation
?
Cétait les deux tilleuls sur la route, mais pas de
voiture à lépoque pour nous écraser.
Vous souvenez-vous des jeux à la récréation
?
Oh ! la marelle, car cétait goudronné devant
lécole, et on se courait après mais sans
dépasser la limite entre les deux tilleuls. Elle nous
surveillait car on était nombreux : rien que nous, les Bertet,
on était quatre : Pierre, Claude, Paulette et moi, plus les
quatre petits Pelletier, les quatre ou cinq S.
oh ! là,
là, le père S., c'était quelqu'un aussi !
Avez-vous gardé des souvenirs très marquants ?
Quand il fallait faire le drapeau. Julia ne nous le faisait pas
faire.
C'est pour ça quelle a été
déplacée
Oui, mais elle est revenue après.
Ça jasait qu'elle ne le fasse pas ?
Là, moi jétais un peu petite : ça me
passait au-dessus de la tête.
Un autre événement marquant ?
Je ne vois pas, cétait la routine.
Et quand venait l'inspecteur ?
On était toujours avertis, il regardait les cahiers, ce
qu'on faisait, mais comme elle nous faisait bien travaillé, on
était tranquilles.
Faisiez-vous des "classes vertes" comme on dit ?
Non, non, juste quelques sorties en promenade. On n'allait pas
loin, pas plus que le pont. Elle avait du mal à marcher : elle
était costaud.
Était-elle souvent absente ?
Non, non !
Elle veillait aussi beaucoup à la propreté ?
Oh ! oui, les doigts, les mains, les ongles, ça !
(rires)
Et si on essayait de reconstituer le rituel d'une journée
?
On arrivait à neuf heures, à l'heure car on avait
des réveils chez les parents, quand même. On attendait
dehors qu'elle arrive. Elle nous faisait mettre en rang en bas des
escaliers et on montait deux par deux.
Aviez-vous toujours les mêmes places ?
Oui, on ne changeait pas de place.
Cétait en rapport avec les résultats ?
Non, avec l'âge. Après, elle nous changeait si on
blaguait trop.
Les meilleurs élèves étaient devant ou
derrière ?
Moi, toujours derrière au fond à droite. Je n'aimais
pas être devant. À lépoque, son bureau
était devant le mur de la mairie [...]
Faisiez-vous de la couture ?
Oui, toutes les semaines. Tout ce que je sais faire, c'est elle
qui me l'a appris.
Et les garçons ?
Ils avaient dessin ou travail manuel.
Elle ne vous apprenait pas la cuisine ?
Non. Ça, non.
Elle tenait l'auberge et faisait la classe ?
Chez elle, on n'y allait pas, nous, ses élèves. Mais
il y avait quelqu'un du Cercle Républicain qui l'aidait
à cette époque, et son mari ne faisait que ça.
Avez-vous souvenir d'un de ses cours ?
Non, pas trop
Ah ! si, une fois : nous, on était
à pied et le car de Mollans qui passait nous a
klaxonnés et on lui a tiré la langue. Alors, il est
allé se plaindre à elle et on a eu droit à une
grande punition !
Et le cours de morale ?
Oui, tous les matins.
Elle écrivait une phrase au tableau noir ?
Oui, on parlait de tout, de la politesse
Et vous apportiez des exemples personnels ?
Non, on écoutait.
Et après ?
Les maths, surtout le matin.
Elle appelait des élèves au tableau pour les
leçons ?
Oui, pour des récitations aussi, les fables de La Fontaine
et tout ça, dont je me rappelle encore.
Elle vous faisait chanter aussi ?
Oui. Cest là que j'ai su que je chantais faux.
(rires) Mais pas souvent. Réciter surtout.
Et la propreté de la classe ?
Elle, en partie, mais après, nous aussi les plus grands,
faisions le ménage : la poussière par terre à
tour de rôle, et la serpillière quand il pleuvait.
Et sur le pupitre, vous aviez l'encrier ?
Oui, et le porte-plume, et tous les lundis, elle chargeait les
encriers. Elle ne nous faisait pas confiance.
Et les livres de classe ?
Ils étaient prêtés par lécole.
Quand on en partait, plus de livres. On rapportait certains à
la maison pour la leçon, mais il fallait y faire attention. Il
fallait les recouvrir.
Les parents étaient-ils parfois convoqués ?
Non, non !
Y avait-il une fête de fin dannée ?
Non, je ne me rappelle pas, non. Cétait sobre, et pas
grand-chose pour Noël non plus, juste quand on quittait
lécole. Après avoir passé le certificat,
on lui offrait un bouquet de fleurs.
Et les visites médicales ?
Plus tard. Après les P. qui avaient amené des poux,
on avait l'inspection des poux. Marie-Rose et tout ! Elle inspectait
tout. Elle n'avait pas peur.
Et au niveau humain ?
Elle était costaud, sévère.
Avec une voix forte ?
Non, pas tellement. Elle ne criait pas.
Elle faisait bien apprendre ? Elle était claire ?
Oui, très bien.
Ses rapports d'inspection sont effectivement très bons. Vous
souvenez-vous encore de ce qu'elle vous a appris ?
Oui, un peu, mais j'en ai oublié.
Et comment étaient les élèves, calmes ?
Bien, les garçons, pas toujours. [...] Mais Julia
avait de la "pogne". Tout le monde la respectait. Cétait
la "Dame".
Vous disiez Maîtresse ou Madame ?
Madame !
Et elle ?
Elle nous appelait toujours par nos prénoms en nous
tutoyant. Ça, elle n'a jamais fait autrement.
Y avait-il autant de garçons que de filles ?
Plus de garçons.
Ils étaient plus turbulents ?
Oui, mais ils ne nous embêtaient pas trop.
Vous aviez le droit de jouer ensemble ?
Oui, oui. On était obligés de se mélanger. Il
n'y avait pas de cour.
Y avait-il des rapports entre lÉglise et l'école
?
Non, aucun.
Et vous aimiez aller à l'école ?
Oh, oui ! Moi, j'aimais l'école.
Qu'est-ce que vous aimiez ?
Eh bien ! à l'école, j'étais tranquille !
(rires) À la maison, j'étais
l'aînée de neuf enfants. Je plains les
aînés ! Surtout que j'étais parmi les bonnes avec
elle. Jétais gâtée. Elle ne faisait pas de
différence, mais jétais un peu dans ses
favorites.
Vous vous entraidiez en classe ?
Non, non. Elle ne faisait pas ça.
Y avait-il des rencontres avec d'autres écoles ?
Non, rien de commun.
Et quelle était votre matière
préférée ?
La couture et celle que je détestais le plus, le
français.
Vous parliez provençal ?
Non, pas trop. Elle n'aimait pas. Elle nous reprenait. Pierre,
elle le faisait lire en suivant les lignes avec une règle et
quand est arrivée la pie, il a dit "agasso" et paf ! coup de
règle. Il le faisait pour la contrarier mais il en avait peur
quand même.
Vous n'aviez pas de relation avec Jules, son mari ?
Non. Même pas avec ses enfants comme Simone. Elle
séparait bien lécole et sa famille. On n'est
jamais allés chez elle
Et quand vous avez quitté lécole pour vous
occuper de votre maman, comment faisiez-vous les devoirs ?
Le soir, en rentrant, ou l'après-midi, et ma sur
Paulette les rapportait le lendemain.
C'était difficile, non ?
Je voulais tellement y aller ! Ma mère me laissait toujours
un temps pour les devoirs.
Vous avez été triste de laisser l'école ?
Non. J'en avais marre à ce moment-là.
Et le certificat à Malaucène ?
À Malaucène, c'est Jules qui nous a menées
dans sa voiture, Henriette et moi.
Et après, ce fut la fête à la maison ?
Non, même pas (rires), même pas
Les parents ne s'intéressaient pas trop ?
Si. Pour les devoirs, ma mère faisait attention.
Les récompenses, cétait quoi ?
Des images. Au bout de dix bons points on recevait une petite
image et au bout de cent, une grande image.
Elles représentaient quoi ?
Je ne me souviens pas.
Elle vous prêtait des livres ?
Non, pas trop.
Vous aimiez lire ?
Oui. J'ai toujours aimé, mais moins maintenant : j'ai les
yeux fatigués. Il y avait des lectures à haute voix.
À tous les cours, on lisait au même moment sauf
les petits qui ne savaient pas lire Alexandre Dumas, Robinson
Crusoé
Et les dictées ?
Oh ! si, ne m'en parlez pas ! Je le dis, moi, le
français
Les analyses de mots, c'était terrible !
Même maintenant, c'est terrible pour moi d'écrire une
lettre.
Et vous aviez une bonne copine ?
Oui, Henriette Vidal. On a trois jours de différence. Elle
est du 26 avril et moi du 23
Elle est
décédée maintenant.
Vous jacassiez pendant les cours ?
Oh, non, on était tranquilles.
Vous aviez des leçons de choses, de science ?
Oui, on faisait des herbiers.
Les nids, les ruches ?
Non. Parfois au printemps, on apportait des bourgeons.
Et les rédactions ?
Oui, mais ça ne me plaisait pas !
Et les photos de classe ?
Non, aucune. On n'en faisait pas à ce moment-là.
Et pour le repas ?
Que nous deux, avec Gaby, à le prendre sur place : du pain
et du fromage, de la charcuterie aussi.
Avez-vous gardé un petit objet de cette époque ?
Non, j'ai tout laissé à St Léger
[Suzanne habite Vaison].
Encore une anecdote ? Le premier jour d'école ?
Oui, j'ai pleuré tout ce que j'ai su, et personne pour vous
calmer !
Vous portiez un tablier ?
Non, une blouse noire achetée, pas fournie, et les
garçons tous en short, même l'hiver. Pas de bas, pas de
collant, de grosses chaussettes en laine
Les souliers ?
Des sabots, qu'on appelait patins, en cuir avec du bois dessous.
Vous étiez responsable de vos frères et surs ?
De Pierre qui faisait tout le temps des bêtises, et de
Claude qui était feignant et que j'ai porté longtemps
sur les épaules.
Même quand il y avait de la neige ?
On n'y allait pas. Le plus, ça a été en hiver
42. On avait de gros cache-nez. On n'avait pas chaud. Elle nous
faisait chauffer les mains en arrivant et quitter les chaussures.
Et pour faire pipi ?
On levait le doigt mais sans abuser. Et, elle, elle allait chez
elle.
Vous avez été souvent absente ?
Ce nétait pas tellement pour le travail : pas de
grosses moissons à St Léger. Moi, c'était
surtout pour aider ma mère.
Et le cartable, le plumier ?
Oui, les garçons, le cartable sur le dos. Le plumier fourni
par lécole et des crayons de couleur. Mais quand on
cassait les plumes, Julia nétait pas contente, hein
!!!
Vous aimiez écrire ?
Oui. Ça ne me faisait rien.
Vous aviez des ardoises ?
Oui, pour le calcul mental.
Y avait-il une pendule à l'école ?
Je ne m'en souviens pas
Non, il n'y en avait pas. Julia
avait une montre.
Et des cartes ?
Oui, des cartes de géographie affichées au mur
à droite ... En fait, tout en étant
sévère, Julia était humaine Elle ne s'occupait
pas de ce qu'on faisait chez nous
Elle a dû mal vivre son
déplacement, même si elle n'est pas restée
longtemps absente.
Julia Bernard est restée trois ans à
Lagarde-Paréol avant de revenir à Saint-Léger
à la rentrée 1944 avant dêtre nommée
à Avignon-Monclar en octobre 1947 pour y finir sa
carrière 5 ans plus tard.
Aucun souvenir de sa remplaçante ?
Ah ! si. Cétaient des suppléantes. Il y en a
eu trois. Elles étaient souvent changées. Je crois bien
qu'il y a eu des protestations. Cest là qu'ils l'ont
fait revenir
[...]
Julia, vers
1960
émoignage
: "'était
une super grand-mère" (anièle)
|
D'après linterview
de Danièle Didier, fille de Suzanne Didier, fille de Julia,
réalisée le 28 janvier 2016 par Danielle Tréhin
et Jean-Louis Marçot et transcrite par Claude Dufay et Michel
Jourdet.
Gens dici - Peux-tu nous
brosser un portrait de Julia, l'institutrice, la femme
?
Danielle - C'était une super grand-mère.
Tu avais quel âge ?
Elle est morte en 1964. Elle avait donc 65 ans et moi, quatre ou
cinq. Je venais souvent passer la journée chez elle pendant
les vacances ou les jours de congé. Elle me faisait souvent
faire des devoirs, de français, des petites rédactions,
des petites récitations. Javais une panoplie de livres
à lire et elle s'occupait beaucoup de moi. On partait promener
avec son petit panier, ramasser des salades sauvages, des pissenlits,
à la Martinelle, aux Prayaux et au Pont Vieux mais il ne
fallait pas la déranger lorsqu'elle lisait son journal !
Quel journal ?
Je ne sais plus, "le Provençal" ? avec des mots
croisés qu'elle faisait systématiquement. Elle
cuisinait très bien. Elle était patiente. Avec le
recul, je la trouve en avance sur son temps. Elle n'a pas beaucoup
profité de sa retraite car elle est morte jeune mais elle
prévoyait toujours des voyages, par exemple à Bruxelles
à l'expo universelle pour voir l'Atomium ou en Italie, qu'elle
aimait beaucoup, et chaque fois, elle nous rapportait des petits
cadeaux, comme des petits bracelets de Murano quand elle était
allée à Venise.
Elle racontait des histoires ?
Oui, oui
Les repas étaient animés car Raoul
était tout le temps avec nous, il s'occupait beaucoup de moi
aussi. Je parle de souvenirs entre quatre, cinq ans et dix ans car
après, j'étais interne au collège de Buis les
Baronnies donc, il y a eu une coupure où elle
m'avait accompagnée car elle était très
fière que j'entre au collège à dix ans.
Elle lisait beaucoup ?
Oui, elle avait une très grande bibliothèque, avec
des livres qui m'étaient interdits mais qui
m'intéressaient évidemment le plus ! Parmi ceux qui
m'étaient autorisés, je me souviens de "Croc blanc", de
"Raboliot"
Je me souviens aussi de Noël à la
maison, à Brantes, c'était une fête parce qu'elle
venait : elle allait faire ses petites courses à Vaison chez
ses commerçants habituels. Elle prenait le car Borel entre
Vaison et Montbrun et elle arrivait en bas de Brantes où tous
les enfants qui savaient marcher allaient l'accueillir pour porter
tous les paquets, la veille de Noël, avec les cadeaux
cachés dans ses sacs. Elle arrivait et c'était la
fête. J'ai fait semblant pendant longtemps de croire au
Père Noël parce que mon frère et ma sur y
croyaient et donc, j'avais souvent des livres : "Le Petit Chose"
d'Alphonse Daudet par exemple et puis toute la collection des livres
d'Heidi avec une jolie reliure ; et quand j'étais plus petite,
j'ai retrouvé un titre de livre qui m'avait fait beaucoup
pleurer, "Michka, le petit ours". Javais encore les larmes aux
yeux en le relisant. C'est Mamie qui me l'avait offert
Et les livres interdits ?
(riant) Oh bien ! je ne devrais pas en parler mais Raoul avait un
troupeau de chèvres et de brebis, en bas, que je gardais et
j'avais piqué dans sa bibliothèque "L'amant de Lady
Chatterley", un bouquin que j'aime beaucoup (rires), lorsque
j'ai été réveillée de ma lecture par un
hurlement de mon oncle qui avait vu les brebis et les chèvres
dans le jardin de Charles en train de manger les salades ! Le drame !
C'était une femme tellement ouverte sur les choses, sur la vie
! Elle sintéressait à beaucoup de sujets, elle
lisait énormément, elle avait des doigts de fée,
elle faisait de la broderie, des trucs incroyables. J'ai appris
qu'elle jouait de la mandoline, qu'elle avait appris à Digne
lorsqu'elle était normalienne ; elle cuisinait très
bien ; elle faisait toujours des super petits plats
Tu l'appelais comment ?
"Mamie Julia" ou "mémé Julia". À
l'époque, "mamie", ce n'était pas trop courant ;
plutôt "mémé". Elle m'emmenait aussi à
Avignon où elle avait un pied-à-terre qu'elle louait du
côté de la rue des Teinturiers, impasse Putarasque.
Et vous y faisiez quoi ?
Elle avait sa sur, tante Irène, qui habitait à
Montfavet ; elles se voyaient assez souvent. Tante Irène
venait passer la journée avec nous et on allait se promener
partout.
Est-ce qu'elle t'a parlé de son métier ?
Non. Je n'en ai pas souvenir, du tout, parce qu'en fait, elle ne
se comportait pas avec moi comme avec ses
élèves.
Elle était aussi sévère quon le dit ?
Disons quelle avait une autorité naturelle. Moi,
j'étais sa petite fille, donc, si je faisais une faute, elle
me reprenait. Par exemple, quand j'étais en pension au Buis,
je lui écrivais, et à Raoul aussi, et elle me
répondait toujours très gentiment, avec ma lettre et
mes fautes soulignées. Elle avait cette rigueur-là et
j'avais intérêt à parler correctement le
français sinon je me faisais gronder. Elle était
toujours très persuasive mais tout en douceur. Il paraît
qu'elle était assez piquante, qu'elle avait la dent
dure
Raoul et Yvette ont la réputation den avoir
hérité.
Je n'ai pas le souvenir de quelqu'un d'acerbe mais de quelqu'un de
droit dans ses
(rire) chaussures, dans ses convictions.
Ça, c'est sûr, à tous les niveaux, religieux,
politique, et dans la vie quotidienne. Il y avait des choses sur
lesquelles elle n'acceptait pas de transiger, on devait faire des
devoirs de telle heure à telle heure, o.k., et après tu
allais jouer, mais pas avant
Mais, par contre, cette
autorité ne me pesait pas du tout. Peut-être pesait-elle
à certains, à mon frère Bernard ou à ma
sur Mireille ? Je me souviens quelle dormait dans la
grande chambre, qu'on appelle toujours "la chambre de Mamie",
où j'avais un petit lit à côté du sien et
puis, après, on m'a installé dans la petite chambre,
pas loin de la sienne. Le soir, quand je me couchais dans la maison
très froide, elle mettait une brique chauffée dans le
poêle dans mon lit. Cétait tout un
cérémonial. Elle venait avec sa lampe, ses lunettes,
elle lisait et moi aussi avec mon petit livre, et je
m'endormais
Elle ne dormait pas avec Jules ?
Je n'ai pas connu Jules. Il est décédé en mai
1950 et moi, je suis née en juin 50. Non, elle était
veuve.
Elle t'en parlait ?
Non.
Évoquait-elle l'affaire de son éviction de
l'école (en octobre 1941) ?
Avec moi, non, j'étais trop petite. J'en ai entendu parler
bien après. Ce n'était pas évident
En
1960, je n'avais que dix ans ; j'avais beaucoup moins de contacts
avec elle et il n'y avait pas le téléphone à
l'époque. C'est difficile avec des yeux d'enfant de voir les
choses. Je me souviens, une fois, l'archevêque était
venu ici, je ne sais plus pourquoi. Elle était assise sur le
banc près de la maison des David et il y avait Mme
Aubéry, la grand-mère de Chantal. L'archevêque
passe, Mme Aubéry se lève pour aller baiser son
améthyste mais pas ma grand-mère, qui ne se serait
même pas levée pour De Gaulle. Alors l'archevêque
dit : "Cette dame doit être très fatiguée ?" Et
j'entends encore ma grand-mère dire : "Oui, oui, très
fatiguée !", avec un ton qui coupait court
(rires)
Elle n'avait pas de convictions religieuses. Elle
était athée, franchement, on ne peut pas dire le
contraire. Je pense quelle devait avoir parfois la dent dure,
peut-être, mais je n'ai pas souvenir déclats, de
colères
J'ai, au contraire, le souvenir de quelqu'un qui
aimait bien rire, qui était hyper gentil, franchement, pas
aussi incisive que Raoul, Yvette ou maman. En fait, pour moi,
c'était la grand-mère idéale. Je venais avec
plaisir : c'était une joie de venir à St Léger
passer du temps avec elle. Personne ne m'y obligeait. Je ne faisais
rien de spécial.
Et quand vous vous promeniez, faisait-elle « l'institutrice
» ? Nommait-elle les plantes, les arbres
en chemin ?
Oui, oui, oui. Mais ça, pour moi, ce n'était pas
l'institutrice. On ramassait des doucettes, la petite mâche.
Elle me montrait comment ne pas se tromper. Elle expliquait les
choses et, pour moi, je ne l'ai jamais vue autrement que comme ma
grand-mère et ça faisait déjà quelques
années qu'elle avait quitté l'école.
Elle a quitté léducation nationale le 1er octobre
1952.
Oui, j'avais deux ans.
Comment as-tu appris ses déboires sous Vichy ?
Quand j'étais déjà adolescente et que je
faisais des études. Je posais des questions chez moi sur la
deuxième guerre mondiale, et c'est là que j'ai appris,
par Raoul et par maman, que le frère de mon grand-père
était pour Pétain, et mon grand-père
complètement à l'opposé, il était
S.F.I.O., socialiste, et que mamie, quand elle était
institutrice, avait eu un jour la visite de l'inspecteur, par
dénonciation je suppose. Elle n'a pas fait faire le salut aux
couleurs, le lever du drapeau. Et à la question de
l'inspecteur "Pour quelle raison ?", elle a répondu "Je
préfère faire une rédaction ou un devoir
à mes élèves plutôt que ça, et je
ne le ferai pas, voilà." Et elle a été
cassée de son poste d'enseignante à St Léger.
Elle est partie alors à Lagarde-Paréol.
où elle est restée jusqu'au 1er octobre
1943.
D'autres anecdotes ?
Elle avait des cadeaux de ses élèves à la fin
de chaque année. À ce moment-là, elle donnait
aussi des cours du soir, car il y avait des grands qui ne savaient ni
lire ni écrire. Tous ces gens-là ont été
reconnaissants. Ça devait être une institutrice
très rigoureuse, à mon avis, dans son travail.
Oui, surtout en arithmétique, en calcul, avec de bons
rapports d'inspection.
Elle était très fière d'avoir bravé le
régime de Pétain. Cétait sa
Résistance à elle. Je me souviens de l'avoir entendue
en parler avec des gens, des parents. Elle était d'ailleurs
bien proche, très liée avec Jules qui avait vingt-et-un
ans de plus qu'elle
C'était un grand coquin, mon
grand-père. Il a bien vécu avant de se marier
Et
même après (rire) Je l'ai entendu dire par maman
que ça mettait en colère !
Cette page a pu voir le jour
grâce aux documents collectés dans le cadre du projet
dexposition de Gens dici pour
lété 2016 « La classe de Julia,
Saint-Léger, 1918-1942 » par Danielle Tréhin,
Josette Bertet, Odile Roux, Suzanne Bernard, Jean-Louis
Marçot, Michel Journet, Claude Dufay. Que tous ces
contributeurs soient ici chaleureusement
remerciés.
https://www.stleger.info