Tout
débutait au printemps ou au cur de l'été ;
en effet, les grosses maisons possédant une truie pouvaient
bénéficier d'une portée qui leur permettait de
vendre les porcelets dès sevrage ou dans l'été
lorsqu'ils atteignaient 50/60 kg.
Bien sûr, il conservait le plus beau pour leur propre
consommation à venir. D'autres familles, les plus nombreuses,
se rendaient à la foire de La Table le 16 août, au
lendemain de la vogue (fête patronale de l'Assomption), pour
commencer les tractations avec les négociants de La Combe de
Savoie (Morero ou Dominici).
Ces derniers arrivaient de bon matin avec leur camionnette et
entamaient des discussions avec les acheteurs qui duraient souvent
toute la matinée ; relancé par le vendeur avec son
accent inimitable : "Allez, un petit cosson pour la foire !"
L'affaire réglée, la bête regagnait sa souille et
devenait l'objet de toutes les attentions par le propriétaire
: adaptation progressive à la nouvelle nourriture
composée essentiellement de pommes de terre, farine de
maïs et d'orge, verdure (feuilles de betteraves). Tous les deux
jours, il fallait cuire une pleine chaudière car l'animal
avait bon appétit !
II allait être engraissé pendant 4 à 5 mois. A
quelques semaines du sacrifice, l'alimentation traditionnelle
était améliorée par un apport de
châtaignes afin de donner une texture et un meilleur goût
à la viande.
dans le
Morvan
Puis arrive le jour du sacrifice et
ses préparatifs. Tout d'abord, trouver et réserver
l'homme de l'art qui interviendra dans une période de froid.
Dans le pays, il se prénommait Henri, Ernest, Marcel
. et
oeuvrait souvent un samedi après-midi.
Les préparatifs :
- Faire gonfler l'auge, nettoyer l'échelle, la
chaudière pour l'eau chaude
- Aiguiser les couteaux et la scie
- Préparer les baguettes d'osier pelées, la romaine,
les tenailles la poêle et le seau, la pompe, les chaînes,
les tabliers, les torchons, les cordes, la paille, les
crochets
La veille, la bête mise à la diète était
prête.
Apprêtée par le tueur, les pattes entravées,
maintenue par 3 hommes forts, elle serait saignée dans les
couinements. La maîtresse de maison récupérait le
sang dans une poêle, le versait dans un seau, aussitôt
brassé par un aide en y ajoutant un peu de vinaigre.
Alentour, les enfants, à bonne distance, assistent à ce
moment fatidique !
Puis, le dernier soupir rendu, la bête était
pesée avec la romaine suspendue à une barre maintenue
par les épaules de deux costauds, puis placée dans
l'auge pour être blanchie à l'eau très
chaude.
en
Gascogne
Une fois le crin enlevé
à l'aide de vieilles cuillères à soupe et
à la chaîne, les ongles retirés, l'animal
était placé sur l'échelle installée sur
l'auge et arrosé à l'eau froide pour être
rasé par le spécialiste.
Ensuite, suspendu à une poutre, il était
éviscéré, les abats sélectionnés
et la tête retirée. Les poumons étaient
gonflés par celui qui avait le plus de souffle, frappant le
sol du pied pour donner le signal de serrer la ficelle
apprêtée.
La vessie était gonflée avec une pompe.
Ensuite on procédait au partage en deux à la scie ;
souvent, pour se débarrasser des enfants qui traînaient
sous les pieds, ils étaient engagés pour aller chercher
auprès de la maîtresse de maison un crayon ou un morceau
de charbon afin de tracer la ligne de partage.
Sitôt ces opérations effectuées, le boucher d'un
jour prélevaient les morceaux qui seraient consommés le
soir même :
- sur le collier = le pot au feu
- à la gorge = la fricassée
- 1 filet mignon = le rôti.
Après avoir placé les deux moitiés au frais, il
fallait nettoyer les boyaux dans le ruisseau voisin, à l'eau
glacée, après les avoir coupés à 1
mètre environ. C'est là que les baguettes d'osier
servaient à les retourner pour les laver minutieusement et les
racler.
Chacun des épisodes était ponctué par de bons
canons de vin rouge chaud et sucré.
Tous ces vétérans y allaient de commentaires
variés : "il est bien gras" - "il a une main de lard" - ou
"juste ce qu'il faut" - ou encore "tu te souviens quand Cafiaud avait
tué celui de Léon et qu'il avait foutu le camp quand
ils lui avaient vidé l'eau chaude dessus, renversant l'auge et
retournant dans la souille !"
Durant ce travail, la
maîtresse de maison s'affairait à la préparation
du repas, avec l'aide d'une proche, le menu était
invariable.
en
Normandie
Vers 20 heures, après le
passage du fruitier, les invités arriveraient (famille et amis
et parfois un pauvre diable de passage Capsule, Thorin
)
La table serait dressée avec ce que la maison comptait de plus
beau, nappes et serviettes brodées, assiettes de porcelaine et
les couverts de la ménagère !
Le repas débutait par le pot au feu, un énorme morceau
de lard qui avait gonflé à la cuisson,
accompagné de raves, poireaux, pommes de terre, carottes ;
chacun se servait une tranche large comme la main ; relevée de
cornichons, poivrons, tomates vertes ou petites tiges de maïs
macérés dans du vinaigre blanc. Quelques-uns
s'avalaient une assiette de bouillon couvert d'yeux gras !
Puis suivait la fricassée accompagnée de cardons et de
céleris (toujours les deux, il fallait penser à ceux
qui n'aimaient pas l'un de ces légumes).
Chaque convive y allait de ses histoires, s'invectivant d'un bout
à l'autre de la table ; plus les bouteilles se vidaient, plus
le verbe était haut !
Certains réclamaient l'eau de vie pour le coup du milieu.
Puis arrivait le rôti (le filet mignon) avec une salade, le
fromage (tome, beaufort et Saint Marcellin au marc).
Minuit était souvent proche et les enfants luttaient contre le
sommeil, car ils ne voulaient pas perdre une miette de tout ce qui se
racontait.
Enfin les desserts, plutôt les desserts : la crème au
chocolat et les ufs à la neige.
Dans certaines familles, on se mettait à faire le boudin alors
que la nuit était bien avancée.
Et enfin chacun regagnait sa demeure, heureux, serein, repu, le pas
un peu lourd mais prêt à revenir le lendemain donner un
nouveau coup de main pour détailler.
Après cette brève nuit,
il fallait tout remettre en ordre et préparer le
matériel pour la transformation :
- les saloirs passés à l'ail pour recevoir les
côtes, les roulettes, les pieds, les jarrets
- la machine à faire les "diots" (souvent de marque Peugeot)
pour hacher et embôcher.
Ces préparations prenaient bien deux jours et le dernier
travail serait la mise en taupine* dans l'huile des diots**
après séchage.
La graisse était fondue pour obtenir le saindoux qui serait
utilisé pour les fritures ou en tartine saupoudré de
sel fin, puis on récupérerait les grattons pour les
consommer légèrement salés.
Et on ne parlait pas de cholestérol !
Voilà comment la réserve de protéines
était constituée pour l'année dans chaque
famille.
Les temps ont bien changé, mais est-ce mieux ?
* jarre locale
** saucisses
dans les
Alpes
NOTA : Le patois ci-dessous a
été écrit phonétiquement, et non comme
l'aurait fait Amélie Gex, écrivain savoyard patoisant
du 19° siècle originaire de La Chapelle
Blanche.
Bulletin municipal 2012 -
Villard-Léger
ici
des cartes postales anciennes et des vues plus
récentes
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des
photos datant de 2009
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Ernest
Meurier et la recette du
matafaim
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une
journée ordinaire qui devient
cauchemardesque
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erci
de fermer l'agrandissement sinon.
https://www.stleger.info