Dans
l'immédiat de l'après-guerre à St Lager, commune
essentiellement rurale, l'agriculture est encore très
traditionnelle. Une partie des exploitations a déjà
adopté les nouveaux matériels mécaniques
(faucheuses, râteaux, moissonneuses-lieuses...) mais à
traction animale. On reste fidèle aux boeufs bien
adaptés au travail dans les terres lourdes. Le blé est
la principale culture (1/3 du terroir) suivi par la graine de luzerne
considérée comme un bon revenu. Quelques exploitations
tentent la culture du tabac. Chaque ferme produit les pommes de
terre, les légumes, les fruits, le porc, les volailles, le
lait, le vin... destinés à son auto consommation. Les
structures foncières demeurent archaïques. Plus de 50 %
des propriétés ont moins de 5 hectares. Si elles
permettent aux exploitants de vivre, en aucun cas elles ne permettent
de moderniser l'exploitation pour la rendre plus
productive.
tableau de la
propriété privée à St Lager
(1950)
d'après les documents cadastraux
les superficies comprennent landes et terres labourables (in
BOZON)
|
superficie
totale : 1522,10 ha
nombre de propriétaires : 189
|
superficie
des
exploitations
|
nombre
de
propriétaires
|
%
|
surface
|
%
|
moins
de 5 ha
|
113
|
59,78
|
176,39
ha
|
11,5
|
de 5 ha
à 20 ha
|
55
|
29,10
|
556,35
ha
|
36,5
|
plus de
20 ha
|
21
|
11,11
|
789,36
ha
|
51,8
|
Le jeune paysan fait
son apprentissage sous la férule de son père, ayant
lui-même appris de ses a nés. Le savoir-faire du paysan
est fondé sur l'intime connaissance qu'il a de son territoire
: sa terre, la pluie, le soleil qui s'y déversent, le vent qui
y déferle.
paysans ou chefs d'entreprise
?
|
Cette brève
évocation d'une agriculture encore vivante au lendemain de la
seconde guerre mondiale permettra de mesurer le chemin parcouru en
quelques décennies.
Aujourd'hui,
les exploitations sont équipées de tracteurs lourds, de
machines sophistiquées. Elles font appel, pour la plupart, aux
engrais minéraux, aux produits de traitement, aux aliments du
bétail, à des variétés de plantes et
à des races d'animaux hautement sélectionnées.
Elles vendent la quasi-totalité de leurs produits sur des
marchés multirégionaux, voire multinationaux et
achètent la majeure partie de leurs moyens de production. Une
gestion technico-économique de l'exploitation s'impose.
Connaissances empiriques et tradition ne suffisent plus.
Très
progressivement, la rationalité économique a
supplanté la logique paysanne et a transformé le paysan
en producteur agricole.
Quelles sont les
étapes de cette évolution ?
1945
La France est dans un état de pénurie alimentaire
(le rationnement restera en vigueur jusqu'à la fin 1949).
L'agriculture doit augmenter sa productivité.
Différentes mesures vont en ce sens :
1946, Plan Monnet, création de l'INRA, réforme
du statut du fermage.
1948, Plan Marshall, aide financière du Fonds National
de Modernisation et d'Equipement.
Les conditions de la vie rurale s'améliorent mais mauvaise
répartition ou mauvais usage de l'aide financière font
que la production n'augmente pas aussi vite que prévu. Les
revenus agricoles insuffisants, aggravés par la chute des prix
entra nent la disparition des plus petits exploitants.
1962
La Politique Agricole Commune (PAC) est mise en oeuvre pour renforcer
l'aide au développement agricole. C'est la période des
grandes mutations au cours de laquelle les agriculteurs vont prendre
en main le devenir de leur profession.
Par le biais du syndicalisme et d'une multitude d'associations qu'ils
avaient eux-mêmes créées dès la fin des
années 50 (CUMA - CETA - 6VA - Maisons Familiales
d'Apprentissage Rural...) ils vont charpenter leur profession. En
moins de 20 ans, les objectifs : reconstruire l'agriculture et
produire, seront atteints et même au-delà de toute
attente !
Au début
des années 80
On entre en situation d'excédents de production. Il faut
dès lors appliquer des mesures correctrices. Ce sont d'abord
le stockage, la destruction, la dénaturation... puis la mise
en place des quotas (1er quota laitier en 1984)
C'est le début de l'engrenage de la PAC ! Engrenage de plus en
plus complexe et déconnecté de la réalité
agricole qui, à chaque réforme (et elles sont
nombreuses ! : 1992, 1999, 2002, 2003... et quelles surprises
réserve celle de 2014?) en échange d'un accompagnement
financier, multiplie les contraintes qui constituent maintenant pour
l'exploitant une vraie charge administrative. C'est un des effets
pervers du système. On en dénonce d'autres et de tous
ordres : abus de produits dangereux pour l'environnement, O6M,
utilisation de matières premières douteuses
utilisées pour l'alimentation animale, sites
irremplaçables sacrifiés, espèces rares
détruites...
Qu'en sera t-il demain des transformations immenses et
contradictoires qui déconcertent les agricultures
d'aujourd'hui ?
paysans et chefs
d'entreprise
|
En dépit des
contraintes et des risques face à un avenir difficilement
lisible, des jeunes, courageux, choisissent de se réapproprier
le métier d'agriculteur, chacun selon sa voie.
C'est le cas de Elie et Joris qui, dès l'enfance, ont
découvert auprès de leurs parents et de leurs
grands-parents le beau métier de paysan.
Sources :
- Pierre Bozon, La vie rurale en Vivarais, Etude
géographique 1961
- Henri Mendras, La fin des paysans, Essai 1967 + postface
1984
- Revue "Mémoires d'Ardèche et Temps Présent"
n°116 - 201
Suzanne
Angotti
Elie Ribeyre,
23 ans
installé au quartier de Le Planas
en GAEC - polyculture depuis 2013
|
Elie, vous avez 23
ans et avez déjà acquis une longue expérience en
agriculture, que ce soit au cours de votre formation ou de vos
débuts dans la profession. Quel a été votre
cursus jusqu'à votre installation ?
Après un parcours scolaire classique de quelques
années, j'ai intégré la Maison Familiale Rurale
de Divajeu où j'ai suivi 4 années d'études en
alternance qui m'ont permis d'obtenir un bac professionnel agricole.
Saisonnier, puis ouvrier agricole à plein temps, j'ai acquis
sur le terrain l'expérience qui manque à toute
formation théorique. En 2010, en marge de mon statut d'ouvrier
agricole, une opportunité de terres qui se libéraient
m'a permis de monter un dossier et de faire un premier pas vers une
possible installation. Un foncier d'environ 7 ha que j'ai repris
à mon nom, m'a permis d'être déclaré
"cotisant solidaire".
Depuis 2013, vous
avez créé un GAEC avec Stéphane, votre
père. Votre installation est donc actuellement
effective.
Ce GAEC est effectivement opérationnel depuis le fr janvier
2013. Il a la qualité d'exploitant sur une superficie de 118
ha dont 85 de terres labourables. Nous faisons de la polyculture,
principalement en maïs, betterave, tournesol. Quelques
récoltes aussi en céréales de consommation
(blé, orge) et un peu de colza. Il y a aussi un petit cheptel
d'une quinzaine de vaches. Cet élevage, pour la viande,
représente peu de chose dans la production de l'exploitation.
C'est plutôt la continuation d'une tradition
familiale.
Existe-t-il des
projets pour ce GAEC ?
Après bientôt 2 ans de fonctionnement, l'entreprise
semble avoir trouvé une vitesse de croisière et un
équilibre financier. Il n'y a pas dans l'immédiat de
projets définis mais il faut toujours rester ouvert à
toute opportunité, principalement en ce qui concerne la
diversification des cultures. Une possibilité à creuser
serait aussi de développer le commerce de proximité
mais actuellement il y a interdiction pour les
céréales. Le tout serait peut-être soumis
à une possibilité d'extension (familiale) du
GAEC.
Quel regard
portez-vous sur la profession d'agriculteur ?
En ce qui me concerne, c'est un métier que j'ai librement
choisi et qui me passionne. Nous ne faisons par de production en
"bio" mais nous essayons de faire une agriculture raisonnée
avec contrôle des produits phytosanitaires. Bien entendu, la
profession a beaucoup évolué et continuera à
évoluer dans l'avenir. Il faut savoir se remettre en question
et s'adapter. La culture des semences par exemple ne peut se faire
que grâce à l'Irrigation. Les agriculteurs subissent
aussi des contraintes administratives importantes mais heureusement,
il y a Internet. La profession déjà soumise aux
aléas de la météo... maladies...
marchés... est maintenant impactée par les aléas
inhérents à la mondialisation comme c'est le cas
actuellement pour le blé dur dont le Canada est un gros
producteur et dont le cours suit les fluctuations de la
Bourse.
Joris Bernard,
28 ans
installé au quartier Bressac
polyculture et élevage caprin depuis
2013
|
Joris,
installé depuis le 1er août 2013, vous êtes chef
d'exploitation d'une structure agricole sur laquelle vous pratiquez
la polyculture et l'élevage caprin avec transformation du
produit laitier. C'est sur cette dernière activité que
vous semblez axer plus particulièrement votre projet
professionnel.
Je pratique effectivement la polyculture sur une exploitation de
28 ha de terres (10 ha de foin, 10 hectares de céréales
et 8 ha de pâturage). Pour autant, mon activité est
beaucoup plus basée sur l'élevage caprin. J'ai
actuellement un troupeau de 40 têtes avec une trentaine de
chèvres en lactation. Je consacre la totalité de la
production de lait à la confection, l'affinage et la
commercialisation de fromages.
Vous êtes
issu d'une famille d'agriculteurs qui se consacrait plutôt
à la polyculture. Pourquoi ce choix d'élevage de
chèvres ?
Mémé Rosette, ma grand-mère que j'ai vu
pendant toute mon enfance aller garder ses chèvres sur
Bressac, n'est sans doute pas étrangère à mon
envie de me lancer dans cet élevage, mais j'ai tout de
même pris le temps de faire mûrir cette envie
personnelle. Après un bac STAE (Sciences Techniques de
l'Agronomie et de l'Environnement) à Aubenas au lycée
Olivier de Serre, j'ai fait un stage chez Alexandre Sallée,
éleveur de chèvres à St Vincent de Barrès
puis une spécialisation (pas vraiment concluante...) au
Pradel. Mais ma meilleure formation s'est faite "sur le
tas".
Comment s'organise
votre travail ?
J'effectue la traite (mécanique) deux fois par jour et
pratique le système de prématuration,
c'est-à-dire garder le lait du soir pour le mélanger
à celui du matin. Le traitement du lait, la transformation et
l'affinage des fromages se font après la traite du matin.
L'ensemble de ces opérations représente environ 4h de
travail par jour, hors la traite.
Pour la commercialisation du produit fini, outre la vente sur place,
je privilégie les marchés locaux, en particulier les
marchés de producteurs. Le client se retrouve bien dans ces
marchés, les producteurs aussi. Les relations n'y sont pas les
mêmes que sur les marchés traditionnels.
Je suis en production bio, je n'utilise pas de produits de
synthèse, pas de désherbants, pas de pesticides, ni
d'engrais chimiques, je pratique la rotation des cultures et les
inter-cultures, afin d'assurer un couvert végétal et
éviter l'érosion dans le respect de la terre, de l'eau
et des hommes. Je suis soumis bien entendu à des
contrôles, notamment par la Direction Départementale de
la Cohésion Sociale et de la Protection des Populations pour
la qualité du lait, la bactériologie sur les
fromages... Il y a aussi les contrôles de la PAC, et les
analyses de lait rendues obligatoires par la proximité de la
centrale nucléaire de Cruas.
Des projets pour
l'avenir ?
Un projet de construction d'une chèvrerie est en phase de
réalisation. Le chantier vient de démarrer sur Bressac.
Ce sera une construction en bois. Je ne souhaite pas agrandir mon
cheptel mais ce bâtiment me permettra de travailler dans de
meilleures conditions. Dans l'avenir, l'ajout d'une dépendance
"fromagerie" me permettrait de rassembler tout le travail au
même endroit, ce qui n'est pas le cas actuellement. Il en
résulterait une manutention réduite et un gain de
temps.
Chevrier, à
28 ans, c'est un métier qui vous va ?
Fils de paysan, j'ai choisi de rester dans ce milieu de
l'agriculture. J'ai expliqué plus haut l'origine de ce qu'on
peut sans doute appeler une vocation. j'y suis parfaitement à
l'aise et je ne regrette pas ce choix.
Propos
recueillis par Mado Bégnis
Bulletin municipal de St
Lager Bressac 2014
si
l'agriculture à St Lager Bressac
était contée...
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