battage à l'aire - les
entrepreneurs
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Jeannot : Un
entrepreneur de travaux agricoles, c'est quelqu'un qui va faire du
travail à façon chez les agriculteurs.
Robert : En 1921 mon
père s'est équipé en batteuse... Il s'agissait
de batteuses à poste fixe qu'on installait sur l'aire des
fermes
Jeannot : A la sortie
de la machine, la paille tombait sur une presse aussi à poste
fixe ; il y avait un plan incliné avec des barres pour monter,
il tombait dans un entonnoir, et systématiquement il y avait
un marteau qui tapait là dedans et puis qui pressait.
Pierre : Tu vas voir
comment c'était foutu : donc la paille était en ballots
déjà, et pour mettre les fils de fer, ils enquillaient
une agrafe : cette agrafe avait une rainure tout le long, ils
glissaient le fil de fer dans la rainure, et ils reliaient les deux
fils de fer.
Robert : Je regrette
l'ambiance qu'on avait à ce moment là.
Pierre : Ah oui, il y
avait une solidarité, ça rigolait pas.
Robert : Mais
c'était solidaire ! Si vous voulez, ça ne rigolait pas
mais il y avait quelque chose de social, une bonne ambiance. Voyez,
chaque aire, vous l'avez connu, elle regroupait les voisins, et on
s'y trouvait minimum une quinzaine...
Pierre : Bein oui, il
fallait qu'il y en ait un qui tire pour la paille, l'autre qui tire
pour les sacs... Et puis, il y avait l'entrepreneur qui s'occupait du
fonctionnement, il y avait l'engreneur... On sentait une
vie.
Robert :
C'était formidable ! Souvent, la patronne arrivait à la
maison, à midi elle faisait signe aux gars qui s'occupaient de
la batteuse : "Allez, venez manger !"
Pierre : Il y avait
toujours le bon coq ! Le coq de l'année!
Robert : On
était 15 autour d'une table, rien que des blagues ! Et
ça chahutait ! Pendant un heure et demie, c'était que
des blagues ! Que ça ! C'était formidable ! Mais on
finissait quelquefois le soir tard, ça allait un peu par
quartiers, vous aviez le quartier du haut Saint Lager, vous aviez le
quartier d'ici... vous aviez le quartier là... de la grimpette
chez Clément... On ne pouvait même plus se
déplacer, on avait pas de phares à l'époque, et
le matin, quand on revenait, il fallait qu'on fasse attention, parce
qu'il y en avait de couchés sous la batteuse ! Il y en avait
de couchés partout ! Même moi...
Robert :
C'était sans arrêt l'entraide.
Pierre : Pour le
cochon et les vendanges, c'était pareil...
Robert : L'hiver, il
y avait la cochonnade ; dès qu'il faisait beau, en
février-mars, il y avait le défonçage,
D'ailleurs, sur une photo que m'avaient donnée les Demard, il
y a 5 paires de bufs qui défonçaient.
Sylvain :
C'était de l'entraide, il n'y avait pas de
rémunération...
Robert : Non, untel
m'a moissonné, tiens je vais t'aider à labourer...
c'était que ça !
Sylvain :
C'était un échange de services...
Robert : De services
oui... Défoncer chez l'un aujourd'hui, chez l'autre demain ;
c'était ça tout le temps. J'ai toujours
admiré Joseph Combe qui était formidable pour ça
: arriver à faire travailler les gens ensemble. D'ailleurs, au
point de vue métier, il m'a beaucoup appris.
On a connu la traction animale
!
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Pierre : Je me
rappelle, j'allais à l'école à Saint-Lager,
j'avais cinq ans, Gaby partait chez mon père avec sa paire de
bufs et sa charrette, et il faisait l'attelage à trois
paires de bufs, pour arriver à
défoncer...
Jeannot :
C'était encore de l'entraide... Par exemple, en cette saison,
le paysan se levait à 3h30 ou 4h du matin, pour donner aux
animaux, de manière à ce qu'ils soient en forme assez
tôt, et à 5 ou 6h, ils étaient attelés...
Mais on n'en était pas maîtres longtemps ! J'ai
travaillé avec les animaux jusqu'à l'âge de 16
ans à peu près. Ils étaient plus intelligents
que nous. Maintenant, avec les tracteurs et les phares, on
travaille n'importe quand : la nuit ou jusqu'à une heure de
l'après midi ! Tandis que les animaux, à 11h, ils
commençaient à avoir chaud. C'était amusant
parce que les parcelles ont toutes l'aller retour ; il y a un
accès où on entre à la parcelle et donc
où on rentre à l'étable, alors lorsqu'elles
arrivaient vers la sortie, pour leur faire faire demi-tour
c'était pas évident ! On menait les chevaux avec des
guides, accrochés au mors, les bufs c'était avec
une pince dans le nez.
Pierre : La mouchette
!
Jeannot : Ça
les pinçait pas vraiment, mais ça tenait dans les
narines ; on les guidait comme ça... mais quand ils
étaient vraiment fatigués, il ne fallait pas
insister. Quelquefois, on voulait faire une raie de plus, ce
n'était pas possible : la bête penchait la tête
comme ça, et vous traînait ! D'ailleurs, vous voyez
encore ce genre de pinces sur les taureaux, parce que c'est par le
nez qu'on maîtrise le mieux un bovin. D'ailleurs,
soi-même, on dit on est mené par le bout du nez !
Robert : Dès
14 ans, on allait déchaumer un peu avec les bufs. De bon
matin, il ne faisait pas jour, ensuite c'était le
déjeuner, et à l'école !
Jeannot : Mon
père a dû acheter son premier tracteur, un Deering, en
52 ou 53, j'étais au collège. Ah ! ça l'a
soulagé, ça a augmenté le rendement, clé
de l'agriculture. Le but d'une exploitation comme celle de mon
père, c'était d'avoir une aire de 200 quintaux. Avec
quelques brebis, 2 ou 3 vaches et de la volaille, l'exploitation
était correcte, Quelques années plus tard, avec 200
quintaux, vous creviez de faim quand même !
Robert : On l'a bien
senti, il fallait produire plus. Mais plus on a produit, plus il a
fallu s'équiper en matériel... Le père de Jean,
c'était quelqu'un. Il a commencé comme
fermier. Petit à petit, il s'est équipé :
il a acheté une paire de bufs, puis il en a
acheté deux, il a acheté deux chevaux. En
matériel, il s'est tout équipé, il a
été un des premiers à acheter un
tracteur.
Jeannot : Mon
père, à ce moment-là, il avait
déjà son Deering 10/20, il labourait mais pour les
semis, un tracteur comme ça, c'était trop lourd, les
roues étaient en fer... alors c'était fait avec les
bêtes, les chevaux et les bufs. Une vraie galère,
quoi ! Il a donc acheté un petit tracteur. Avec
l'arrivée des tracteurs, on commençait à se
rendre compte qu'il fallait de la surface. Il a loué des
terres pour justifier l'emploi du tracteur et avoir une surface
supplémentaire.
Pierre : Mais il y en
avait d'autres sur le coin qui faisaient du tabac ou du ver à
soie pour arriver à compléter leurs revenus. On n'avait
pas l'habitude de prendre beaucoup de vacances !
Jeannot : Même
si la monoculture a simplifié l'existence, ici à Saint
Lager, ça a toujours été varié ; le gros
inconvénient : vous êtes toujours occupé à
quelque chose, c'est peut-être pour ça qu'on n'avait pas
l'habitude de prendre beaucoup de vacances !
Robert : Les
garçons à l'époque étaient envoyés
à l'école primaire à Saint-Lager. Mais les
filles, dès qu'elles avaient le certificat, c'était la
Neuve ou la Picarde !
Pierre : Eh oui, il y
avait les usines à l'époque ! L'Ardèche,
contrairement à ce qu'on entend dire, c'était un des
départements français les plus harmonieux entre
l'agriculture et l'Industrie, dans la mesure où il y avait
l'industrie textile. Il y avait 300 000 habitants en
Ardèche, et contrairement à ce qu'on peut s'imaginer,
les gens vivaient bien parce qu'il y avait une
complémentarité entre l'agriculture et l'industrie :
dans toutes le communes, il y avait une fabrique.
Robert : Mais dans
les années 65, la petite exploitation n'était pas
vivable. Les petites exploitations sont tombées et les
usines ont fermé.
Robert : C'est fou :
il y avait 51 exploitants à Saint-Lager-Bressac.
Pierre : Aujourd'hui,
on arrive à 10. Il en reste 20%
Robert : Et le foyer
ne vit pas vraiment à 100% de l'exploitation.
le tournesol Halloween, une
spécialité lagéroise
Jeannot : Le hors
sol, c'est venu quand on a été mariés. Marinette
travaillait à l'usine. A la naissance de notre fille,
elle s'est arrêtée. Il a fallu trouver une nouvelle
source de revenus et on a décidé de se lancer dans
l'élevage hors sol.
Un
intégrateur, c'était quelqu'un qui vous donnait les
poussins et l'aliment, techniquement vous suivait pour voir
l'évolution et reprenait les poulets. Suivant le
rendement que vous faisiez, vous receviez une
rémunération proportionnelle. On m'a chiné
plusieurs fois sur cet élevage, notamment mon
docteur.
Je ne sais pas s'il y
avait des hormones dans ces poulets, mais un jour il m'a dit : "Vous
n'empoisonnez pas tout le monde parce que l'espérance de vie
n'arrête pas d'augmenter."
la
montagne
Jean Ferrat (1964) - voir
la vidéo
Ils
quittent un à un le pays
Pour s'en aller gagner leur vie
Loin de la terre où ils sont nés
Depuis longtemps ils en rêvaient
De la ville et de ses secrets
Du formica et du ciné
Les vieux,
ça n'était pas original
Quand ils s'essuyaient machinal
D'un revers de manche les lèvres
Mais ils savaient tous à propos
Tuer la caille ou le perdreau
Et manger la tome de chèvre
Pourtant
que la montagne est belle
Comment peut-on s'imaginer
En voyant un vol d'hirondelles
Que l'automne vient d'arriver ?
Avec leurs
mains dessus leurs têtes
Ils avaient monté des murettes
Jusqu'au sommet de la colline
Qu'importent les jours, les années
Ils avaient tous l'âme bien née
Noueuse comme un pied de vigne
Les vignes,
elles courent dans la forêt
Le vin ne sera plus tiré
C'était une horrible piquette
Mais il faisait des centenaires
A ne plus savoir qu'en faire
S'il ne vous tournait pas la tête
Deux
chèvres et puis quelques moutons
Une année bonne et l'autre non
Et sans vacances et sans sorties
Les filles veulent aller au bal
Il n'y a rien de plus normal
Que de vouloir vivre sa vie
Leur vie,
ils seront flics ou fonctionnaires
De quoi attendre sans s'en faire
Que l'heure de la retraite sonne
Il faut savoir ce que l'on aime
Et rentrer dans son H.L.M.
Manger du poulet aux hormones
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conversation avec
Jean-Marie Balme
Première
implantation sur la commune après la guerre, vers 1947.
Pendant plusieurs années, un grand nombre d'exploitants
agricoles le cultivait sur de plus ou moins grandes surfaces, car il
fallait avoir le local nécessaire pour le faire sécher.
Cette culture occupait une grande partie de l'année. Nous le
semions en mars, le plantions en mai, commencions la cueillette fin
juin, pour les premiers ramassages des feuilles basses, ensuite les
médianes et pour terminer les couronnes fin juillet
début août. Nous enfilions toutes les feuilles sur un
fil de fer ou une ficelle en nylon pour les pendre pour le
séchage.
Lorsqu'il
était sec, courant novembre on le dépendait pour le
mettre en masse, bien couvert car les feuilles trop
séchées se brisaient et trop humides moisissaient.
Courant décembre, il fallait les trier par qualité et
grandeurs. Nous regroupions les feuilles par paquets de 25 (manoques)
que nous stockions avant de faire des ballots pour le livrer à
la Régie Française des Tabacs, en janvier. à
Montélimar.
Le travail demandait
beaucoup de main d'oeuvre au moment de la cueillette et du tri. Sa
culture réclamait un sol riche et si possible bien
irrigué. Ses ennemis : le mistral, la grêle qui
déchirait les feuilles.
La culture du tabac a
été la plus importante des années 50 à
70, pour s'achever autour des années 80, après la
campagne anti-tabac. Il faut de plus ajouter à cela le prix
inférieur du tabac étranger.
la mauvaise
herbe
Georges Brassens -
écouter la chanson
Je
suis d'la mauvaise herbe
Braves gens, braves gens
C'est pas moi qu'on rumine
Et c'est pas moi qu'on met en gerbes
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Sylvain Ascari -
bulletin municipal de St Lager Bressac 2013
j'ai
cherché des paysans, j'ai trouvé des
chefs d'entreprise
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https://www.stleger.info