"Durant
la dernière Guerre mondiale, après l'invasion de la
zone sud par la Wehrmacht à l'automne 1942, Saint-Léger
devint une terre d'asile pour tous ceux qui craignaient d'être
arrêtés par les Allemands. Des
réfugiés politiques, des Juifs, des Libanais
même, ainsi qu'en 1944 des personnes originaires du village,
vinrent y trouver sécurité repos et
nourriture.
Ce ne fut pas une mince affaire d'organiser
alors le village qui doubla sa population. Nombreux
étaient celles et ceux qui n'avaient pas de carte
d'alimentation officielle. Les enfants juifs
fréquentaient l'école mais n'étaient pas
inscrits sur les registres, en cas de contrôle.
La totalité des réfugiés, en particulier 19
Juifs, ont été sauvés. On pourrait
même dire plus, puisqu'une petite fille juive a
été conçue à Saint-Léger à
cette période.
C'est pourquoi, en 1989, Mme Zoé David fut honorée du
titre des "Justes parmi les Nations" et aujourd'hui, à
l'instigation de plusieurs associations juives dont Yad Vashem, la
totalité du village de Saint-Léger sera honorée
pour la solidarité et le silence dont ont fait preuve ses
habitants de 1942 à 1944" (...)
Alain Depresle - Nice Matin du 10
juillet 2008
Deux musiciens s'étaient
installés au village.
Voici Virginie qui chante la Marseillaise avec sa très belle
voix.
Saint-Léger, un
village refuge
contre la barbarie des
nazis
|
"Il
y a des jours où les mots ne suffisent pas. Des moments
où l'émotion est si vive, si profonde, que seul le
silence est susceptible de ne pas la trahir.
Hier, les personnes rassemblées devant
la mairie du village de Saint-Léger en ont pris toute la
mesure. Ils étaient près de deux cents, habitants du
village ou des alentours, à être venus rendre un hommage
silencieux à cette bourgade devenue, au cours de la Seconde
Guerre mondiale, une terre d'asile pour une trentaine d'âmes
traquées par le régime nazi.
Des mots gravés dans le marbre
Pendant un an, entre 1943 et 1944, les
habitants de Saint-Léger ont accueilli et caché
plusieurs familles juives, une famille chrétienne libanaise et
quelques dissidents politiques, les sauvant tous sans exception. A
l'initiative de plusieurs associations juives, dont Yad Vashem, une
plaque a été apposée sur le mur de la mairie du
village, pour honorer la solidarité et le silence dont ont
fait preuve ses habitants durant cette sombre période de notre
histoire. Quelques mots gravés dans le marbre qui ont
été dévoilés par Edouard David, le maire
de Saint-Léger, et le président du conseil
général, Christian Estrosi.
"Quiconque sauve une vie sauve l'univers"
dit le Talmud, devise qui orne la Médaille des
Justes
les enfants de Saint-Léger
C'est Alexia Guibourg, petite fille du village qui va entrer en
6e,
qui a lu devant toute l'assemblée l'inscription sur la
plaque.
Une émotion palpable
Ce n'est qu'après cette
cérémonie solennelle que la parole a repris ses
droits.
Si Christian Estrosi a salué "la
leçon extraordinaire de résistance et de foi en
l'avenir" des habitants du village, il a surtout tenu à
apporter son soutien à tous ceux qui luttent pour que le
village de Saint-Léger obtienne le titre de "Juste parmi les
Nations". Un combat dans lequel William Zekri, le président de
Yad Vashem, présent hier, s'implique avec force.
L'émotion, palpable lors de chacun des
discours, a atteint son paroxysme lorsque Edouard David, la voix
tremblante, a égrené lentement le nom de chacune des
familles saint-légeoises ayant contribué à
sauver des vies.
Comme un symbole, Marguerite Haziot, 71 ans, réfugiée
au village pendant un an, a pris la parole.
En guise de conclusion, deux mots en hébreux. Juste pour
célébrer "cette vie que je leur
dois".
Olivier Saretta - Nice
Matin du 21 juillet 2008
Tous droits
réservés
|
|
Nous avons formé une vraie
famille
par Marguerite Haziot, 71
ans, sculpteur, réfugiée à
Saint-Léger en 1943
"Dire
ce que je ressens aujourd'hui... Il n'y a pas de mots pour
le décrire. J'avais sept ans quand ma famille et moi
sommes arrivés à Saint-Léger. Durant
cette période, j'ai pu parler yiddish, j'ai pu aller
à l'école et apprendre à
lire.
Mais la plus grande
leçon que j'ai tirée de mon expérience
au village, c'est que nous sommes tous
égaux. Les gens d'ici nous ont aimés et,
pendant un an, nous avons formé une vraie famille.
Il ne faut pas que nos
descendants oublient ce qui est arrivé au peuple
juif. Car les histoires comme la mienne sont rares. Il faut
se souvenir que six millions de personnes ont connu une fin
tragique."
|
|
A droite, Edouard DAVID, maire de
St Léger
A ses côtés, Marguerite HAZIOT
A côté d'elle se trouvent Mme MEROWKA,
présidente de l'Association des Parents des Enfants
Déportés,
puis M. WILLIAM ZEKRI, président de YAD WASHEM, et sa
femme.
Derrière se tient le mari de
Marguerite.
|
discours prononcé
par Christian Estrosi, président du Conseil
Général :
Hommage aux habitants de Saint
Léger
"Mesdames
et Messieurs les élus, Mesdames et Messieurs les
Présidents,
A linitiative du Président de YAD VASHEM,
William ZEKRI, et avec le concours du maire de
Saint-Léger, Edouard DAVID, et de Marguerite HAZIOT,
tout le village a voulu se rassembler pour rappeler une
glorieuse page dhistoire quil a écrite
pendant la seconde guerre mondiale.
Jai tenu à
être présent à cette belle
cérémonie tout simplement parce quelle
est symbolique de ce que notre territoire est
profondément.
De tout temps il fut une terre de passage ouverte aux
diverses civilisations.
De tout temps il fut tolérant envers toutes les
confessions.
De tout temps il a considéré
létranger comme un enrichissement.
De tout temps il a considéré quun peuple
opprimé devait être protégé.
Terre de brassage, terre de cultures plurielles, terre qui
ouvre grand les bras à ses minorités, notre
département, a su marquer ses distances avec les
excès, avec les passions, avec les violences
frappées du sceau de lintolérance et de
lhorreur.
Saint-Léger à
cet égard, a porté très haut ces
valeurs humaines qui, non seulement font la richesse des
Alpes-Maritimes, mais également les font rayonner
bien au-delà de nos frontières.
A partir de 1942, Zoé DAVID, secrétaire de
Mairie, qui fut la première femme du
département a être élue Maire de son
village en 1945, cela pendant 28 ans, prit la tête
dune bataille de lombre, à lissue
incertaine.
Le village de Saint-Léger dans son ensemble choisit
sous son impulsion la voie du risque pour accueillir, cacher
et protéger une trentaine de réfugiés
fuyant la milice et les nazis. Parmi eux se trouvaient 19
adultes et enfants juifs.
Le village, à
lépoque, était plus peuplé
quaujourdhui. Il comptait une centaine
dhabitants.
Il a toujours été riche dun formidable
esprit de solidarité, celui qui a toujours
fondé, jusquà aujourdhui, son
identité.
Il y a des moments où lhistoire nous impose de
nous dépasser pour changer le cours des choses, fort
de nos valeurs humanistes et de notre foi en
lhomme.
Bref, toutes ces armes morales contre lesquelles la barbarie
ne peut rien.
Les résidents de
Saint-Léger se sont donc organisés pour
atteindre les objectifs quils sétaient
fixés : empêcher les réfugiés de
grossir la longue liste des victimes de
labomination.
Car il a fallu beaucoup dorganisation dans cette
période sombre de restriction et de rationnement.
En France chacun conservait jalousement ce que les tickets
de rationnement lui permettait dacquérir
péniblement.
Les habitants de Saint-Léger, eux, partageaient leurs
rations alimentaires avec tous les
réfugiés.
Les Saint Légeois,
comme dhabitude, choisirent
léquité et la fraternité dans ces
temps difficiles durant lesquels, ailleurs,
légoïsme et le chacun pour soi prenaient
rang de vertu.
Il a fallu aussi sorganiser pour faire suivre aux
enfants de ces réfugiés une scolarité
normale, sans que ceux-ci apparaissent sur les registres
scolaires.
Les enfants sont le sel de notre existence, ceux qui portent
tous nos espoirs, ceux qui témoignent dune
manière privilégiée de notre
passé, et, pour un village comme Saint-Léger
il nest guère surprenant que ces enfants aient
été considérés comme le
trésor le plus précieux.
Je sais que le souvenir a
été marquant pour tous ceux qui, malgré
linnocence de leur jeunesse, ont perçu la
gravité de la situation et ont compris en même
temps que lhomme était capable du meilleur
comme du pire.
Je suis persuadé que Marguerite HAZIOT ressent,
aujourdhui, une formidable émotion non
seulement à lévocation de cette
période difficile de lhistoire
azuréenne, mais également parce que nous
rendons justice aujourdhui à un village qui
fait honneur aux Alpes-Maritimes, honneur à la France
et honneur aux valeurs universelles que la République
porte à travers le monde.
Le résultat fut à la mesure de
lengagement et de la force militante de ces femmes et
de ces hommes, voire de ces enfants, qui ne
transigèrent pas devant lessentiel : la
défense de la liberté, le refus du
renoncement, lamour du prochain.
Lensemble de ces
réfugiés fut sauvé grâce à
ce formidable courage des habitants de Saint-Léger,
face à la force de loccupant, grâce
à cette magnifique ambition collective qui fut celle
de défendre les droits de lhomme.
Grâce, enfin, à ce petit pont suspendu qui a
empêché les nazis denvahir, avec ses
chars, le village, et permis à Saint-Léger de
devenir ainsi lécrin de la tolérance, le
sanctuaire dhommes fondamentalement libres.
Monsieur le Maire, Cher
Edouard DAVID, je voudrais vous dire que lélu
que je suis est particulièrement fier de compter sur
le territoire des Alpes-Maritimes un village, le
vôtre, qui grâce, à votre tante
Zoé DAVID, a su donner vie à des principes et
à des actes qui constituent des
références pour les générations
nouvelles.
Je rappelle que Zoé
DAVID, aujourdhui décédée, a
été nommée "Juste parmi les Nations"
par YAD VASHEM le 7 mai 1989.
Cest grâce à des personnalités
comme elle,
Cest grâce aux Saint Légeois,
Cest grâce à cette leçon
extraordinaire de résistance et de foi en l'avenir
que nous pouvons rester aujourdhui vigilants, face aux
tentations de l'intolérance, et donner aux jeunes les
repères qui leur permettront daffronter leur
destin de citoyen.
Mais, cest vrai, la
vigilance est une discipline difficile et exigeante, qui
requiert une ouverture, une curiosité de
lautre, aussi bien quun effort de mémoire
important.
Cest pourquoi nous avons créé
"Alpes-Maritimes Fraternité", cette instance de
dialogue et de concertation entre toutes les religions
monothéistes présentes sur notre
territoire.
Cest pourquoi nous organisons chaque année les
voyages de la Mémoire.
1 500 de nos collégiens visitent le camp
dAuschwitz-Birkenau.
Ce quils découvrent est la
réalité de l'horreur, ce que jamais un livre
dhistoire na pu traduire.
Ils en sortent transformés, comme sils avaient
fait un grand pas vers leur vie dadulte.
Mesdames et Messieurs,
Une petite commune de la Haute-Loire, Chambon-sur-Lignon a
obtenu le titre de "Juste parmi les Nations".
Cest à ce jour la seule collectivité de
France à avoir obtenu ce titre magnifique.
Il serait justice que Saint-Léger devienne le second
village de France à être reconnu ainsi par YAD
VASHEM.
Je sais, Monsieur le Président, Cher William ZEKRI,
Chère Michèle MEROWKA, que cest
aujourdhui votre combat.
Je veux tout simplement vous dire que vous maurez
toujours à vos côtés pour
défendre cette très belle cause."
|
article signé par Michèle
Merowka, Docteur en anthropologie, dans la revue Los Muestros
publication de l'Institut Sépharade Européen
Source et lien : Los Muestros n° 81
- année 2010 - http://sefarad.org/lm/
Vous lirez
ici et
là de
très précieux
compléments sur le village
de Saint-Léger en
1939-1945 d'une part, sur
Zoé David (1908-1994)
d'autre part.
Zoé
David - archives familiales
Zoé fut la 1re femme du
département à
être élue maire en
1945 et le restera durant 28
ans
|
|
|
|
|
2011 :
Saint-Léger, village de Justes - article de Cathie
Fidler
|
|
erci
de fermer l'agrandissement sinon
https://www.stleger.info