Source
: René VOYARD - association les Amis du Dardon - septembre
2009
i
aujourd'hui la commune de Saint Léger les Paray est devenue un
prolongement de Paray, si les résidents y sont tout entier
tournés, tant par le travail que pour leur approvisionnement,
il en était tout autrement au XVIIIe siècle.
A l'aide de la très succincte description qu'en fait
l'abbé Courtépée, mais surtout de
l'enquête pour l'imposition des paroisses du Charolais, des
nombreux actes notariés existants, des rapports des visites de
paroisses, on devine une communauté semblable aux autres. Une
paroisse, avec ses différentes couches sociales, ses bourgeois
à qui appartiennent d'importants domaines, son curé
omniprésent, son église, ses nombreux laboureurs et
manouvriers, tout cela sur fond de tracas quotidiens à
résoudre, via notaires et juges.
la
aroisse
|
Quelques documents vont nous
permettre d'en mieux cerner les habitants.
n
premier lieu, examinons une imposition spéciale afin de
financer les réparations de l'église, en 1757. Elle
concerne les propriétaires qui paieront les deux tiers des
1058 livres nécessaires (dont 100 livres de taxes), et les
laboureurs et cultivateurs qui régleront le dernier tiers.
L'ensemble est établi en s'appuyant sur le rôle des
impôts de l'année précédente, en
présence d'assesseurs désignés par la
population, Jacques Prost et Joseph Matherat, tous deux laboureurs.
La liste des 48 imposés pour régler la facture est
assez édifiante. A tout seigneur tout honneur : Adrien Perrin
de Cypierre, Seigneur de Saint Léger, est de loin le plus
imposé, soit 158 livres ; viennent ensuite 5
propriétaires de grands domaines (les Baudinot, Delatroche,
Gravier, l'abbé Malard, Rosselin) avec une fourchette allant
de 60 à 90 livres. Beaucoup résident à Paray. On
trouve ensuite 16 laboureurs pour autrui, taxés d'une
vingtaine de livres, le meunier Claude Chandon, aussi
propriétaire, devra s'acquitter de 23 livres, puis un certain
nombre de petits propriétaires et locataires et 2 manouvriers,
pour des sommes inférieures à une dizaine livres. Aucun
artisan ne figure sur la liste.
utre
document nominatif à prendre en considération: en 1791,
une pétition pour conserver la cure, attendu qu'elle "est
d'utilité publique", est rédigée chez
Verneret, notaire à Paray, pour être adressée aux
administrateurs du Directoire du Département. Cet
éclatement proposé de la paroisse vers ses voisines,
est une des conséquences de la Révolution à Bon
Léger.
Ce texte est riche d'enseignements sur la population, même si
la pétition déborde sur l'actuelle commune de Saint
Vincent Bragny. Les gens du hameau de Maréchal viennent en
effet à la messe à Saint Léger, moins loin et
desservi par un meilleur chemin, et surtout sans rivière
à passer.
On cite 38 chefs de familles, représentant avec descendance et
ascendance 296 habitants, le tout dispersé sur 9 hameaux. On
trouve jusqu'à 18 personnes sous le même toit ! Dix
fermiers-cultivateurs, treize laboureurs, sept journaliers, un
propriétaire, un meunier, un marguillier, un jardinier, un
vigneron, un marchand, ont déposé. Le patronyme de loin
le plus fréquent est celui de Matherat, que l'on écrit
parfois Mathrat.
Un constat s'impose : nous sommes en présence d'une paroisse
agricole, avec un habitat aux hameaux fournis. Les habitants vivent
en autarcie, quelques artisans complètent cette
indépendance.
Nous avons avec cette pétition une représentation assez
exacte du "monde de la terre" de cette époque dans nos
contrées charolaises. Une grande partie des habitants sont des
"grangers" ou métayers, exploitant terres et troupeaux de
domaines appartenant à des bourgeois parodiens, le reste
étant laboureurs et, pour les plus pauvres, journaliers.
carte de
Cassini
e
bourg est des plus réduit. Pourquoi cette disposition que l'on
retrouve déjà aux environs de Paray, à Hautefond
et Nochize ?
On peut avancer une explication. La carte de Cassini, dont les
levées sur le terrain se sont effectuées vers 1785 dans
la région (le canal du charolais y figure), montre à
quelque distance au Nord le grand bois de Bornat. On pourrait donc
penser le vieux bourg de Saint Léger issu d'une
défriche de cette forêt. L'habitat peu dense ne convient
pas à ce type d'implantation en clairière qui voit au
contraire se grouper, au départ, les maisons, et celles-ci peu
à peu s'étendre en gagnant sur la forêt.
On remarque que l'église est située à un
carrefour de chemins et sur un point haut (tout relatif avec ses 280
m). Vieux bourg semble un terme peu approprié, aucune trace
d'autres constructions n'existant à proximité.
Sommes-nous en présence d'une ancienne chapelle de
pèlerinage, à l'origine, élevée au rang
d'église paroissiale au fil des siècles ?
La majorité des terres de la paroisse ont donc toujours
été cultivées. D'abord emblavées en
seigle, puis en blé, elles ont laissé place à
partir du XIXe aux herbages et à l'élevage. Leur
exploitation a regroupé au plus près, en hameaux, les
laboureurs, manouvriers et autres gens de la terre. De grands
domaines issus des anciens manses, agrandis, remodelés par
ventes et achats, se sont constitués. Et ainsi peu à
peu l'homme s'est isolé. Les artisans, du genre couvreurs,
forgerons, menuisiers, devaient s'installer là où
était leur clientèle. L'église et la cure se
sont alors retrouvées bien seules et n'ont pu servir de point
de ralliement, ni de ce fait maintenir le lien social entre les
paroissiens. Ce qui n'est peut-être pas étranger au
manque de volonté de refonder une paroisse après la
Révolution.
u
XVIIIe siècle, certains des hameaux sont handicapés par
une rivière, l'Oudrache, qu'il faut franchir à
gué ou sur une planche pour les piétons. La
pétition le souligne à plusieurs reprises.
A propos de planche, au printemps 1777 les habitants de Saint
Léger délibèrent, suite à interpellation,
sur le devis de sa reconstruction, reconstruction demandée par
le curé Jean Durand. Tous ne sont pas d'accord sur son
utilité, suivant où ils habitent ; dixit le
procès-verbal du notaire : "lesquels ont dit que la planche
dont il s'agit leur étant inutile, soit pour la déserte
de leurs fonds, soit pour la circulation à l 'église,
ils n'ont que faire d'aller prendre communication du devis
"
D'autres veulent bien seulement l'entretenir, comme par le
passé, à condition qu'on leur fournisse le bois
nécessaire. L'usage va l'emporter : "le chemin étant
public, il est à la charge de toute la communauté,
même ceux qui s'opposent sont dans la nécessité
de le prendre pour aller aux foires de Digoin ou à Clessy
".
Où se situait cette planche, plusieurs gués existant
sur l'Oudrache au cadastre de 1832 ? Impossible de le savoir
précisément. A l'actuel pont des Batillons, le chemin
venant de Paray passant vers l'église ? Au pont actuel de La
Varenne ? La carte de Cassini montre en ce lieu un gué avec un
grand chemin rejoignant Toulon sur Arroux via la Canillotte et la
forêt de Carterand (1).
(1) Il existait aussi un
gué au moulin de La Fin. En avril 1849, le Journal des Echos
du Charollais N°15 relate le sauvetage de la noyade, par le
meunier, de personnes en calèche. Des morts seront pourtant
à déplorer.
aradoxe
des voies de communication créées par la main de
l'homme : dix ans plus tard, à un jet de pierre, le titanesque
chantier de creusement du canal du Charolais allait bon train. Les
hommes du Régiment du Beaujolais étaient passés
par là, et avec eux, le brassage de population. Par exemple,
pour l'année 1785, nombreuses sont les déclarations de
grossesse rédigées par les notaires de Paray,
déclarations concernant des jeunes filles du pays,
Saint-Léger compris, suite de rencontre avec des
soldats-terrassiers. (2)
(2) M. Perrusson avait
évoqué en détail le sujet dans la revue des Amis
du Dardon "Echos du Passé" N°75.
le canal du
Charolais, ou canal du Centre, à Paray le
Monial
ourtépée,
lors de sa visite du Charolais vers 1777, ne s'attarde guère
sur la paroisse de Saint Léger. Il la dépeint
laconiquement "de quelques vignes, des prés
médiocres, et possédant quatre tuileries". Point
trace de moulins, et pourtant celui de La Fin était bien
présent. Pour preuve, il change de propriétaire
à la Saint Martin d'hiver 1779. Vendu 5480 livres à
Jean Moraillon meunier à Charolles, il faudra faire
"déguerpir", c'est l'expression employée dans le
texte, le meunier qui l'exploite et ce ne sera pas une mince affaire.
Ce moulin, bien que n'appartenant pas directement à un
Seigneur (sans doute sa construction en avait été faite
par lui), son propriétaire devait payer des droits ancestraux
au Seigneur de Digoine (quatre bichets de seigle et deux de froment,
mesure de Paray). Pour cela, le notaire produira un contrat d'entrage
de 1665 et trois pages en latin datées de 1348. D'ailleurs
dans la succession d'Antoine Chandon en 1700, qui donne ce moulin de
La Fin à son fils, il est écrit : "
devoir
payer tous les droits seigneuriaux affectés sur le moulin aux
Seigneurs à qui ils appartiendront
"
En fait, Moraillon ne livrera jamais les bichets en question, ce qui
lui vaudra en l'An 9 d'aller en justice contre Mme Jacqueline
Eléonore de Reclesne, veuve Louis Marie Joseph Frotier de la
Coste, qui réclamait son dû. Mais la Révolution
avait aboli les privilèges
arcourons,
à la même date de 1777, le cahier ayant servi aux
impositions du Charolais. La page de Saint Léger mentionne
:
"Saint Léger les Paray : taille 569 livres. 10 feux et
plus. 24 cottes sont à 2 ½ ; petite et bonne
communauté à 3 lieues de Charolles, à une de
Parai dans la traverse.
Le sol, quoique léger en certains cantons, est passable.
Produit un tiers froment et deux tiers seigle. Bons fourrages,
surtout dans la partie où les prés sont situés
sur les bords de la petite rivière, la Oudrache. Il y a des
légumes, du chanvre, et de l'avoine, des communaux et des bois
de haute futaie au Seigneur et aux particuliers, dont la
glandée, lorsqu'il y en a, forme une ressource. Jolis
bestiaux.
La dîme est au douzième. Grains 4 et 5. 24 charrues. La
grêle du 16 Juillet a fait un peu de dommages."
Avec ce rapport, soulignant élevage et forêt, on est
loin du commentaire de l'abbé Courtépée. Ayant
écrit avoir "arpenté" à trois reprises le
Charolais, a-t-il vraiment visité cette paroisse, ou s'en
est-il remis aux seuls commentaires du curé Durand, en
délicatesse avec ses ouailles ?
la
eigneurie
laïque de Saint Léger au XVIIIe
siècle
|
Saint Léger avait son
Seigneur possédant château, toujours visible, et de
nombreuses possessions. Celles-ci sont identifiables suite à
un inventaire rédigé en 1776 donnant les tenants et
aboutissants des biens. Dommage que ce ne soit qu'un inventaire
Il a nécessité pas moins de 18 pages et 68 articles
pour recenser terres, maisons, achats, ventes, échanges,
rentes, droits, reprises de fiefs, aussi bien sur Saint Léger
que sur Grégaine et Rabutin. Dans ces articles figuraient en
autres plusieurs copies de terriers, dont celui établi au
profit d'Amblard de Tenay, Seigneur de Saint Léger en
1503.
Parmi les droits d'usage et de pâture, on signale ceux
accordés en 1646 dans les bois de Bornat . En parcourant ces
écrits, un certain nombre de Seigneurs de Saint Léger
sont nommés et, comme on le savait, une branche de la famille
Bouillet y tient une large place (3). Il est aussi curieux d'y
voir répertoriée une "liasse de créances dues
par les Pascauds". Les paroissiens dénommés
Pascauds figuraient déjà au terrier de 1503. Tout cela
ressemble étrangement à une communauté agricole
qui aurait laissé son nom au hameau actuel, juste en dessous
de l'ancienne église.
On remarque aussi plusieurs achats ou échanges de terres avec
des familles protestantes de Paray. Pas étonnant que celles-ci
rebâtissent leur temple de Paray au Bronchet, un hameau de
Saint Léger, par la suite.
pour en savoir plus sur
le protestantisme à Paray et Saint
Léger
(3) En 1683, Antoine
Bouillet est dit Seigneur de La Fin. Il est aussi propriétaire
du moulin de Vaux, paroisse de Paray (moulin Grillet). Contrat du
notaire Michel.
la croix et
"l'église"
l'glise
et la ure
|
Des pièces d'archives
vont nous aider à nous faire une idée sur leur aspect.
Ce sont des rapports sur la visite des paroisses. Visites faites
environ tous les 20 ans, plus ou moins détaillées,
suivant l'archiprêtre chargé par le diocèse de
cette tâche ingrate (le curé desservant y est chaque
fois cité, jugé sur ses capacités, ses travers,
et bien souvent non exempt de reproches). Celle de 1710 est
particulièrement copieuse et critique, en faveur des
églises rurales. Celle de 1729 est réalisée sur
un imprimé avec des rubriques précises à
remplir. Comme un QCM avant l'heure ! A signaler que les premiers
registres paroissiaux conservés datent de 1643.
la croix du
cimetière
tat
actuel des bâtiments et rappel istorique
|
Comme tous les habitants
actuels le savent, église et cure se situaient au lieu-dit "le
vieux Saint Léger" signalé par un panneau "la cure".
Rien n'a changé depuis le plan cadastral de 1832. On remarque
l'église, devenue maison d'habitation, par plusieurs
éléments de son architecture. Tout d'abord les
appareillages importants des angles et des fenêtres. Les
corniches en pierre de taille apparaissent en certains endroits. Le
décrochement important sur la façade de la route
correspond à la sacristie construite en prolongement de
l'église face à l'Est. L'actuelle mairie possède
quelques vestiges de l'église ou des reconstitutions de
blason. Une croix, portant la date de 1789, marque l'emplacement du
cimetière. De l'autre côté de la route se situe
l'ancienne cure dont la partie principale se remarque par les larges
ouvertures. Le puits, à l'origine dans la cour de la cure, est
toujours là, presque en bordure de route.
bénitier de
l'ancienne église désaffectée et
puits
a
construction primitive était très ancienne. Maria
Hillebrandt lors du colloque de 1992 à Paray rappelait la
charte 21 du cartulaire de Paray où il est écrit :
"Un moine dénommé Anteaume entra au monastère
de Paray à l'âge adulte sous le Prieur Hugues et fit
donation de la moitié des revenus de l'église de Saint
Léger les Paray." Et dans une autre charte toujours en
citant le même moine : "Il servit de témoin à
l'occasion d'actes concernant le transfert à Paray de biens
situés à Saint Léger." Cela se passait dans
la seconde moitié du XIe siècle. Ce moine était
le fils des Damas de Centarben (Saint Aubin), famille ayant des
possessions en Charolais Brionnais (4).
Désormais le patron de l'église, c'est à dire
celui qui nomme le curé, sera l'abbé de
Cluny.
le socle de la
croix
(4) Ceci d'après
la traduction du cartulaire par Ulysse Chevalier. Le Pèlerin
de Paray, lui, évoque dans un de ses articles "un seigneur
du nom d'Antelme en prenant l'habit donna sa part dans
l'église de Saint Léger. Il y ajouta une terre et un
manse à Mouillargue, la forêt de Cussy et tout ce qu'il
possédait à Saint Léger excepté le manse
dit "le manse aviti". Peu de temps après, un chevalier
nommé Orderade donna un quart de cette église à
la condition d'être enseveli dans le monastère de Paray
avec sa femme et son fils." Le Pèlerin ne cite pas ses
sources. Sommes-nous avec le même personnage ?
quoi ressemblait cette église au XVIIIe siècle
?
|
Si on en connaît les
dimensions (voir la vente plus loin), l'aspect tant extérieur
qu'intérieur est difficile à imaginer. Les visites nous
apprennent que "le sanctuaire et le chur sont
voûtés et forts beaux ". Les décors sont
sobres : " il n'y a point de retable. Elle possède deux
chapelles à côté du chur, avec autel sans
marbre, un tapis sur celui de la chapelle Notre Dame avec un
méchant parement d'indienne commune, dont l'autre est
dépourvue". On trouve quatre autels, plus deux portatifs,
un petit tabernacle ancien et peint, une chaire à
prêcher, deux bénitiers (un en fonte, l'autre en
pierre). Possédant cinq fenêtres, un vitrage est
manquant suite à un orage. Le pavage près de
l'entrée est de mauvaise qualité, voir absent.
L'église est généralement très propre (ce
qui est assez rare au regard des autres paroisses). Les chasubles et
habits sacerdotaux sont réduits au minimum et avant que la
sacristie ne soit construite, ils étaient rangés dans
un coffre, dans le sanctuaire. Les vases sacrés sont
signalés sans valeur. Il existe une bannière à
l'effigie de Saint Léger, mais celle-ci commencer à
"s'écailler".
En 1729, "le cimetière vient d'être clos d'un
côté par une palissade et des autres par une haie trop
claire et le bétail y entre ; les grilles des deux
entrées sont à refaire. Le marguillier est Antoine
Colin, le fabricien Claude Chandon (sans doute le meunier de La
Fin). Les quêtes se font rarement, vu le peu de paroissiens
et leur pauvreté."
Les mêmes visites nous renseignent sur le curé. Il
était aussi desservant de la chapelle du château,
appartenant au Seigneur. Cette chapelle était située
sous le colombier par lequel il fallait entrer (ce que déplore
le rapport). Par contre, 24 messes y étaient fondées
d'un revenu de 400 livres, en 1689.
Cette année là, les communiants sont estimés
à une centaine, plus une cinquantaine des hameaux alternatifs
de La Varenne et les Aussupes. Ces hameaux versaient leurs oboles et
dîmes, une année sur deux ,soit à Saint
Léger, soit à Vigny. Le rapporteur a des propos
très durs contre cette pratique qui ne permet pas aux
curés de ces petites paroisses d'avoir des revenus fixes et
surtout un suivi des paroissiens, ce qui fait que certains sont
devenus de véritables "mécréants".
ar
un acte du notaire Michel, de 1668, on apprend qu'une Demoiselle
Françoise de Mussy est inhumée dans le chur. On
cite également "en la dite église, une chapelle
réservée aux Demoiselles Anne Bouillet et Suzanne
Hérisson" (5). Dans ce même acte où il
est question de fondation de messes, il est demandé pour la
circonstance une sonnerie des cloches très particulière
: "
seront tenus de sonner ou faire sonner comme s'ensuit,
savoir qu'on piquera la petite cloche, la corde de laquelle tombe le
plus proche de la chapelle Notre Dame, et ce quarante fois, puis on
mettra la dite cloche en branle en telle sorte qu'elle frappe vingt
fois de chaque côté, laquelle étant
arrêtée sera piquée encore vingt fois, puis
immédiatement avant que de commencer les dites messes, on
piquera quelques coups des deux cloches ensemble, ainsi qu'on a
accoutumé de faire à l'entrée des autres
messes."
(5) Suzanne
Hérisson était la veuve de François Thouvant, de
son vivant médecin à Paray, et Anne Bouillet en 1640
était la veuve de Jean Hérisson.
e
curé de l'époque est Jean Joseph de Lapanderie,
sociétaire du Mépart de Paray. Un détail
intéressant : il est dit curé de l'église
paroissiale de St Léger "dit des Perrières, dit les
Paray ". Deux fois on revient sur cette dénomination. Ce
curé est cité en exemple dans les visites pour le
travail fourni. Né en 1626 à Paray, il est curé
de Saint Léger depuis 1661. En 1703, ne pouvant plus marcher,
ce sont ses voisins qui se chargent de visiter les malades. Il a
décoré l'église de "papiers peints" qu'il
dessine lui-même pour "mieux expliquer les
mystères" à ses paroissiens.
n
contrat de notaire de 1704 (notaire Desroches) nous apprend qu'une
concession de chapelle, à l'intérieur de la nef de
cette église, est faite à un certain Laurent Maillet,
vigneron du village du Bronchet, chapelle située du
côté de l'évangile, avec un autel qu'il se promet
de "réparer et de mieux orner, qui n'est point entretenu,
sur lequel autel repose l'image en relief de St Catherine vierge et
martyre, et encore celle de St Joseph et celle de St
Benoît". En même temps, en échange d'une rente
annuelle et perpétuelle de 20 sols au curé actuel et
à ses successeurs, Laurent Maillet, sa femme et son fils
unique, auront droit à une sépulture dans
l'église.
les
éparations
|
Une première
série concerne l'église et le presbytère. Elles
sont réalisées au cours de l'année 1757. Je n'ai
pu retrouver l'adjudication pour l'église, passée le 27
septembre 1756 chez le subdélégué de Charolles,
Degouvenain. Par contre, l'imposition évoquée plus haut
et rédigée en avril 1757 nous indique que pour
l'église les travaux sont arrêtés. Il faut
changer la "troisième poutre, ou tirant, surmontée
de sa ferme, attendue qu'elle est toute pourrie, et ceci n'a pas
été compris dans le devis". Visiblement, une partie
de la charpente de l'église a été refaite, vu le
montant total des travaux à payer (6 fois ceux prévus
à la cure ci-dessous).
a
réparation de la cure est un marché de travaux
où la paroisse n'a rien à voir. Ce sont, comme le dit
Jean Marie Durand, curé de l'époque, des travaux
d'embellissement qu'il règle lui-même. Le contrat est
passé devant notaire, avec Louis Colin, maître
charpentier, à Saint Léger (c'est lui qui s'est aussi
chargé de la réfection de la toiture de
l'église). Tout y est décrit avec minutie. Le montant
des travaux est de 180 livres, le contrat prévoyant même
"cinq bichets de bled seigle, sous forme
d'étrennes".
Il consiste à refaire à neuf des planchers, des portes,
à agrandir les fenêtres (cintrées, et en briques)
des chambres basses et du cabinet d'études, de faire un
placard dans le mur avec rayonnages, placard "où l'on
creusera un canal pour servir aux écoulement des eaux d'une
fontaine" et de prolonger le bâtiment, tout en enduisant
l'ensemble et les fours. Il est prévu qu'une partie du jardin
sera immobilisée pour entreposer des matériaux et
monter la charpente, et que les dommages autres dans le potager
seront indemnisés.
Un témoin important appose sa signature devant le notaire
Préveraud, c'est Jean Marie Bouillet des Hailliers,
bourgeois.
es
réparations décidées fin 1780, sont
également importantes. Elles concernent à nouveau
l'église et à la cure.
A l'issue de la messe du 10 décembre, les habitants sont
convoqués et assemblés. Claude Bernard, marchand
fermier, collecteur et syndic, au dit Saint Léger, informe
l'auditoire qu'à la requête du curé Malard, et
par voie d'huissier, des réparations sont demandées.
Sont aussi présents Gabriel Esselin, marchand à
Charolles, régisseur des biens de Monsieur de Cypierre,
Seigneur de Saint Léger, Claude François Baudinot,
avocat en Parlement, propriétaire, demeurant à Paray,
et le notaire de Paray, Jacob, pour la rédaction du
procès-verbal, ainsi que trois des principaux
propriétaires fermiers de la paroisse.
Finalement il est convenu de divers travaux, qui nous apprennent
façons et termes d'alors, le tout avec forces détails
:
- Il sera fait dans la nef un
lambris en sapin "sans déranger ni changer la charpente
et la couverture, laquelle sera retenue à taille
ouverte".
- 200 tuiles creuses seront
déposées dans le clocher pour réparer les
futures gouttières.
- Les 4 pièces de bois
de la nef, côté Nord, seront enlevées et
employées à faire des "longes" pour soutenir
le lambris, chaque lambris reposant sur trois longes.
- 2 vitraux seront faits du
côté du Sud, "à plein cintre et en bonne
pierre de taille, de cinq pieds de hauteur et deux et demi de
large, évasé autant que faire se pourra en dehors et
en dedans, avec trois barreaux en fer, en hauteur et une traverse
dans le milieu, chaque barreau aura 18 lignes en carré, que
les châssis à verre seront faits en lambris et en
menuiserie, avec une couleur à huile et un treillis en fil
de fer avec son cadre pour être posé sur le
dehors".
- Les murs de la nef,
côté Nord et Sud, seront "remaillés,
rebouchés avec de bonnes pierres et chaux, et ensuite le
tout bien enduit, et passé au boulet et sous les murs de la
nef blanchis à deux couches avec de la chaux de Saligny,
sous les murs de la nef au-dessous, ils seront remaillés et
enduits, et sur le tout jeté un menu
grain".
- Une chaire à
prêcher sera réalisée "en bon bois de
chêne bien sec, avec un escalier et rampe en bois, laquelle
sera posée contre un des murs de la nef, et le dit Sieur
curé indiquera qu'il sera fait une bannière
représentant l'effigie de Saint Léger, laquelle sera
la valeur de trente-six livres".
- Pour ce qui est de la
sacristie, il est noté que rien n'est décidé,
"d'autant mieux qu'ils ont appris que le Seigneur Doyen de
Paray se proposait de la faire construire".
Concernant la cure :
- Il sera fait une cave
à son extrémité, "cave creusée en
terre que d'un pied au-dessous de l'allée du jardin, duquel
côté sera pratiqué la porte en pierre de
taille, avec une porte double bien garnie de clous et une ferrure
fermant à deux tours, cave de neuf pieds de large sur toute
la longueur du pignon, murs de deux pieds d'épaisseur, avec
un larmier du côté de bize de dix-huit pouces de
large, sur un pied de hauteur, avec un bon barreau de fer ayant
dix-huit lignes au carré, que le plancher sera fait la
voûte à cannes et sera de sept pieds au-dessus du sol
de la cave, que les bois de la dite cave auront neuf à dix
pouces d'équarrissage pour recevoir et soutenir la
maçonnerie, que les dits bois seront à la distance
de six pouces l'un de l'autre et seront supportés du
côté du mur de la cure par une liarne qui sera
soutenue et supportée par trois corbeaux en pierre,
qu'au-dessus sera fait une couverture à tuiles plates qui
fait un appendice, appuiera par la partie supérieure contre
le mur de la cure".
- Un escalier carrelé
sera fait pour desservir les chambres hautes. "Il prendra
naissance dans le corridor qui va de la cuisine au salon. Il sera
plafonné en plâtre par dessous et il y sera fait un
jour pour l'éclairer. Sera fait en bonnes planches et en
feuillées".
- Les volets des chambres
basses qui donnent sur le jardin seront refaits "en bon bois de
chêne avec une couleur à l'huile". Idem pour la
porte de la cave. Un rectificatif est ajouté vu que
plusieurs des planches de ces volets sont en bon état, il
en sera remis simplement "là où il
faudra".
- Le pignon se trouvant entre
les deux greniers sera refait à neuf.
Pour des questions
budgétaires, ces travaux sont à faire sur deux
années selon un ordre établi.
Ont signé cet acte, comme témoins et autres sachant le
faire : Jean Claude Colin entrepreneur demeurant à Paray,
Claude Rey serrurier et Antoine Matherat aussi serrurier demeurant
à Saint Léger.
u
sujet de ces travaux réalisés à l'église
de Saint Léger, une autre pièce nous donne certaines
précisions : une quittance, signée en 1798, en faveur
de Jacques Antoine l'Eglise, natif de Haute Lombardie. Il est
l'héritier de Jean Michel l'Eglise,
décédé le 17 octobre 1792. On précise le
concernant : "de son vivant ayant travaillé à
l'église et au presbytère de Saint Léger les
Paray, sous les ordres de Jean Marc Durand" (le curé de la
paroisse). Des actes écrits en italien sont joints à la
quittance.
Une remarque concernant ces réparations. Le desservant de la
paroisse de Saint Léger était nommé par Cluny,
via les Bénédictins de Paray, ce qui laisse supposer
que l'église était la propriété du
Doyenné de Paray. Il faut savoir que la plupart du temps les
grands décimateurs (les Bénédictins, dans le cas
de Saint Léger) étaient chargés de l'entretien
du chur de l'église paroissiale, mais aussi des murs, de
la couverture et de la croix du clocher si celui-ci était sur
le chur. Le reste de l'église, en particulier la nef,
était à la charge de la communauté des
habitants.
les
îmes
de Saint Léger
|
Elles étaient
perçues par ce qu'on appelait les décimateurs comme
signalé ci-dessus. Ceux-ci ne voulant pas s'embarrasser de
cette tâche, vu le nombre de dîmes qu'ils percevaient,
chargeaient un "fermier" de le faire à leur place. Ce dernier
vendait ou gardait pour lui les gerbes prélevées (la
douzième) et payait en monnaie la somme prévue par le
bail rédigé devant notaire, pour assurer cette
rentrée financière.
En 1778, le bail des dîmes de la paroisse de Saint Léger
revient pour 9 années à Antoine Tillon, marchand
à Paray. Il devait payer 90 livres par an au curé de
Saint Léger et 60 livres aux bénédictins. Ainsi
il a le droit "de les lever à la manière
accoutumée". Autres conditions stipulées : "Il
sera tenu de donner aux bailleurs (les bénédictins)
un état détaillé des terres sur lesquelles
les dîmes se perçoivent, et des novalles (nouvelles
terres), de même que le nom des terres converties en
prés. (6) Aucune diminution ne pourra être faite quand
il arriverait grêle, gelée, nielle, orvalle, guerre,
peste, famine et autres cas prévus et
imprévus".
(6) Une preuve que
l'élevage prend de l'extension en cette fin de XVIIIe
siècle
'inventaire
des biens du Seigneur de Saint Léger nous permet de voir qu'en
1702 le dit Seigneur Humbert Bouillet passe une transaction avec le
curé Delapanderie au sujet des dîmes que ce dernier doit
percevoir dans les Bois de la Fayolle (la 21e gerbe) et dans les
anciens fonds cultivés (la 12e gerbe), le tout avec bornes
désignées.
Particularités : en
règle générale, quand une église a
été fondée par un laïc, puis
restituée à une abbaye (sans doute le cas de Saint
Léger), cette dernière hérite du titre de
"curé primitif", et la plus grande partie des dîmes lui
revient, le curé de la paroisse ayant le reste appelée
"portion congrue". A Saint Léger, cela ne se vérifie
pourtant pas : souvent l'abbé de Cluny donne un
supplément de portion congrue, tellement les revenus sont
faibles. De plus, en 1703, le curé Delapanderie devenu
impotent, ses neveux habitant avec lui ne lui laissent rien de la
portion congrue (souligné dans les visites paroissiales).
Celle de 1710 évalue les revenus du curé d'alors, Jean
Marc Pornet. Les fixes sont toujours de 90 livres auquel il faut
ajouter le casuel (le prix des messes occasionnelles et autres
cérémonies) d'un montant de 10 livres. Avec cela est
comptabilisé l'exploitation d'une petite vigne, et cinq
bichetés de terre, plus les "novalles" dont il ne tire que 20
écus. Heureusement qu'il y avait les messes au château !
les
entes
de l'église et de la cure
|
Elles se feront en plusieurs
étapes. D'abord biens nationaux acquis par la
République, ils seront vendus par l'administration du
département de S&L (district de Mâcon), le huit
fructidor An 4 (septembre 1796, folio 302 et 304).
Qui s'en porte acquéreur ? Un certain Claude Marie Lavenir, le
jeune, demeurant à Mâcon et ce pour le compte de Jacques
Brigaud, notaire et juge de paix, ancien maire de Paray, ayant
sauvé sa tête du Tribunal Révolutionnaire. Le
même jour, il va aussi acheter l'église de Romay et la
chapelle St Roch à Paray. Le monastère de la Visitation
à Paray est déjà sa propriété
depuis novembre 1792. Ces achats et reventes ont-ils
été réalisés dans des intentions bien
charitables ?
es
actes sont intéressants car non seulement le prix y est
mentionné (1386 livres pour la cure, les bâtiments
annexes, et le jardin, 720 livres pour l'église), mais ils
décrivent sommairement les édifices et leur
implantation.
L'église : "Consistant en un bâtiment de 70 pieds de
long, sur 28 de large, hors d'uvre. Clocher découvert
dans lequel est une cloche réservée à la
République. Le chur fermé par une balustrade en
fer de 7 pieds d'hauteur, fermant à quatre battants. La
sacristie est derrière, en matin du dit bâtiment. Elle a
15 pieds de toutes faces, et une cheminée, joignant de matin
la place de l'arbre de la Liberté (7)
" Suit sa
situation par rapport au voisinage.
(7) On situait alors
l'orientation ainsi : matin pour Est, soir pour Ouest, midi pour Sud
et bize pour Nord.
La cure : "consistant en un
corps de bâtiment de 35 pieds de long, sur 30 de large,
composé d'un rez-de-chaussée de trois chambres, un
escalier, un cellier et grenier sur le tout, cuisine derrière
avec fournier, petite chambre à feu derrière la
cuisine.
Autre bâtiment de 50 pieds de long sur 30 de large, consistant
en une grange, étable à pourceaux et genillier, grenier
à foin sur le tout.
Jardin en soir du dit bâtiment, ayant 80 pieds de toutes faces,
clos d'haies vives, dans lequel est un puits.
Terre en matin, contenant avec le jardin, quatre mesures de semences
de Paray, aussi clos d'haies vives
"
On signale à proximité, le chemin allant à
Paray, l'église au Nord, "avec chemin entre".
Remarques : l'église est
de modestes dimensions (23 m X 9 m). L'expression "clocher
découvert " semble vouloir dire, avec tuiles enlevées
(accidentellement ou non ?) Quant à une des cloches, nous
savons qu'elle sera réimplantée dans l'église de
Vigny en 1812.
le
devenir de ces âtiments
|
Contrairement à d'autres
communes rurales, l'église ne sera pas
réaffectée au culte, la paroisse ayant
été supprimée.
Le premier cadastre et sa matrice nous révèlent les
noms des propriétaires de ces bâtiments à la date
de 1832. La cure, sauf une petite construction attenante, le
pré de la cure, appartiennent à Rose Alexandre, fils,
habitant Maréchal (St Vincent Bragny). La petite portion dont
il n'est pas propriétaire se compose d'un
rez-de-chaussée et d'un grenier. Le Sieur Picard, sabotier
à Paray, l'avait achetée en 1791, ainsi que "la
terre derrière l'église" de 130 ares, devant le
district de Charolles. En 1816, Picard père revendit
l'ensemble à son fils, lui aussi sabotier, mais à Saint
Léger.
Il est précisé à l'occasion de cette seconde
vente que Brigaud est toujours propriétaire de l'église
où il a un locataire. Il détient encore une terre de 6
ares près de la sacristie. Il vendra l'église un peu
plus tard (avant 1832) à ce même Picard (8).
(8) acte de vente non
retrouvé
La matrice cadastrale
révèle une nette différence d'imposition au
nombre d'ouvertures (12 pour la cure et 6 pour l'église), ce
qui explique très certainement l'écart entre les prix
de vente de ces bâtiments à la Révolution.
ue
sont donc devenus les anciens Ledgariens, enterrés jadis dans
ce cimetière ? Sans doute sont-ils encore sous le vert bocage
de l'ancien bourg. Petite anecdote : à l'automne 1965, lors
des grandes crues dans la région, l'Oudrache et les ruisseaux
avoisinants entrèrent en furie. Un aqueduc s'est
retrouvé emporté. Quelle ne fut pas la surprise de
constater qu'il avait été construit en partie avec des
pierres tombales qui très certainement provenaient de l'ancien
cimetière !
insi
Saint Léger les Paray n'a donc plus ni église ni
cimetière depuis la Révolution.
Il en est de la chaîne de la vie et de la mort, que ce soit des
constructions, des institutions ou des humains.
le
protestantisme à Paray et Saint
Léger
|
|
erci
de fermer l'agrandissemen
https://www.stleger.info