La
faculté d'oubli est-elle bénéfique ou
pernicieuse ?
Dans l'ordre des choses il est heureux que le bleu et le rose
effacent le gris et le noir.
Mais, si nous n'y prenons garde, s'estomperaient,
disparaîtraient nos repères.
Aujourd'hui, le Rat-Vougeot époussette cette poudre aux yeux.
De la mémoire du village surgit le mois de février
1944...
Pour que les événements
d'alors ne sombrent dans la nuit des temps, ce numéro hors
série en rappelle quelques-uns.
Après tant d'années, celles et ceux qui ont bien voulu
s'exprimer ont dû surmonter leur peine. Certains parlent les
larmes aux yeux, tous avec mesure.
Ils disent ce qui fut force et réconfort à une
époque où, un feldkommandant donnait instruction au
Préfet de révoquer le maire, la milice se substituait
à la police, les francistes de BUCARD
sévissaient.
A l'autre bout de l'horizon, ils
évoquent les misères endurées :
dénonciations, rafles, emprisonnements, tortures,
déportations, exécutions.
Au delà, et pour me bien situer dans la vérité
historique, j'ai lu bien des ouvrages, frappé à bien
des portes, recherché et trouvé le réconfort de
ceux faisant autorité en la matière.
Je m'en suis tenu à l'énumération des faits.
Strictement.
Ce travail de mémoire accompli me fait encore mieux aimer mon
village d'adoption.
La Paix y règne.
Une Paix qui ne doit pas rejeter dans l'oubli ceux qui, pour elle,
ont combattu, souffert, et, même, sacrifié leur vie.
Ils n'ont recherché ni honneurs, ni récompenses. Qu'ils
trouvent ici l'hommage reconnaissant et respectueux leur
revenant.
Camille
LEBOSSÉ
Les
évènements à Saint Léger
Vauban
|
A son échelle, Saint Léger
Vauban endurait tout cela. Durement, chèrement. Le sinistre
bilan des conséquences de la rafle du 2 février 1944 et
des arrestations qui suivirent jusqu'au 15 février 1944,
à Saint Léger même ou les proches environs,
s'établit, d'après Armand SIMONNOT que nous citons,
à 10 morts, 3 déportés rapatriés, 8
prisonniers relâchés.
Arrestations du 2 février
(certaines)
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Rapatrié : Monsieur BRIZARD Marie
(Ruères) - FTPF Vauban déporté à
Auschwitz puis Buchenwald
Rapatriée : Madame BRIZARD Marthe
(épouse de Marie) - FTPF Vauban déportée
à Ravensbrück-Schliben
1 mort en déportation : RIMBERT
René - FTPF Vauban -lors de la marche forcée vers
DORA
4 fusillés à Auxerre le 15
mars (N.D.L.R. après l'incident de Moulin Colas) : BLIN
André - DION Julien - GIRARD Serge - HALK
André
Arrestations du 2 au 15
février
|
Monsieur VICTOR Marcel - condamné
à plusieurs années de travaux forcés en usine de
guerre - décédé après sa
libération en arrivant à la frontière
française
1 mort sous bombardement : Monsieur NOEL
Georges - même condamnation que VICTOR Marcel
1 rapatrié : Monsieur BRIZARD Louis -
même condamnation que VICTOR Marcel
1 mort : Monsieur LORIOT Roger (Saint Agnan)
- abattu par les Allemands alors qu'il s'enfuyait de sa maison
(cousin d'Armand SIMONNOT)
2 morts : Monsieur et Madame MULLER Pierre,
assassinés par les francistes de Bucard
8 arrêtés et
emprisonnés à Auxerre, relâchés
après 15 jours à 1 mois de
prison
|
Mesdemoiselles BRIZARD Andrée et
Renée, BRIZARD Fernand, Docteur Henri CHEVILLOTTE, COLLAS
André, LURIAU Eugène, ROULOT Alphonse, VALTAT
Roger
Avant ce sinistre mois de février
1944 la police et la feldgendarmerie avaient investi l'Abbaye le 7
décembre 1943 à la recherche de tracts - Mitrailleuses
en batterie - Communauté rassemblée dans la salle du
chapitre - Fouille sans résultats.
Ce fut pire le 31 décembre 1943.
Ce jour-là, l'Abbaye n'était pas seule
visée.
Des troupes, en majorité des Russes
blancs, au nombre de 200 à 300, vont encercler les fermes et
les hameaux voisins.
Quant à la ferme des Roubeaux dépendant de la Pierre
qui Vire, dans la panique, un jeune réfractaire au S.T.O. sera
blessé d'une rafale de mitraillette. Il décèdera
quelques jours plus tard à Montbard. Tout le monde est
plaqué au mur sous un froid glacial. Les coups pleuvent.
Frère Georges débloqua cette situation en expliquant
à l'officier que les jeunes présents à la ferme
n'étaient pas des résistants mais des
réfractaires au S.T.O.
Tout le groupe fut embarqué pour Montbard où
interviendra le Père Prieur Nicolas PERRIER qui réussit
à faire relâcher tout le monde, sauf André
BESSON, le blessé, qui ne survivra pas.
Revenons en à Armand SIMONNOT (THEO)
:
En janvier 1944 il est responsable F.T.P.F.
du secteur Avallonnais-Morvan.
Fin 1943, il avait accueilli à la Provenchère le groupe
qui avait été durement accroché à Ancy le
Franc. Pour des raisons de sécurité, les responsables
avaient donné ordre de quitter le secteur de Ravières
pour le Morvan. Après un court séjour à la
Provenchère, ce fut l'installation à la chapelle Saint
Pierre, commune de Saint Agnan.
Début et fin janvier 1944, sans avoir
prévenu THEO, le chef du maquis Vauban et ses adjoints
effectuent une descente chez les époux MULLER, à la
Bécasse, puis chez les époux KIEFFER au Moulin de
Ruères, où, le 30 janvier, THEO a des travaux à
effectuer. Il y trouve la jeune employée qui lui
déclare: "Mes patrons m'ont laissé la garde de la
maison, ils sont partis à Auxerre* et ne reviendront pas
maintenant". Pour sa sécurité et pressentant le drame
imminent, il ne dort plus à la maison BRIZARD, ce qui le
sauvera.
Le 1er février, il accomplit une
mission à Quarré.
Le 2 février, il échappe aux
Allemands venus l'arrêter et regagne la chapelle Saint
Pierre.
Le 4 février, il revient à
Ruères avec trois compagnons. Il s'inquiète de
l'arrestation de son patron, Marie BRIZARD et de son épouse,
rencontre Andrée et Renée BRIZARD qui leur
déconseillent d'aller au Moulin de Ruères gardé
par des hommes en armes. En fait, un seul s'y trouve. Fait prisonnier
il est amené à la chapelle Saint Pierre. Le
dénommé T.......... salue à
l'Hitlérienne. C'est l'un des premiers compagnons de Bucard
qui veut instaurer l'ordre nouveau.
Il se trouvait au moulin, car Madame KIEFFER avait demandé
à FICHTER son frère - qui autrefois habitait ici, alors
administrateur au parti Franciste - d'envoyer des hommes pour garder
sa maison.
Les ordres du Comité Régional des F.T.P.F parvinrent 3
jours après. T.......... fut
exécuté.
Le 6 ou le 7 février, un groupe du
maquis Vauban incendia le Moulin de Ruères afin qu'il ne
puisse plus servir de repaire à l'ennemi.
Violentes furent les réactions. Allemands, Miliciens,
Francistes se déchaînèrent.
Mais les structures municipales et monastiques pour
ébranlées qu'elles furent gardèrent calme et
courage et se montrèrent l'une et l'autre tout à leur
avantage.
*Ils se trouvaient alors au bar PIERRE, rue
du Temple, siège de la police anti-terroristes.
la chapelle Saint Pierre,
photographiée en mars 2007 par Maryse Rozerot, de St
Léger de Fourches
Pour le maire arrêté puis
libéré, le Préfet reçoit l'ordre du
Feldkommandant d'Auxerre de le révoquer pour "avoir
été compromis dans les incidents de Saint
Léger".
Sur le registre des
délibérations du conseil municipal, le 1l mars, ceci,
de la main du Docteur CHEVILLOTTE : "C'est dans ces conditions que le
soussigné, rédacteur de ces lignes, est contraint
d'abandonner ses fonctions qu'il tenait, depuis près de quinze
années, de la confiance des électeurs de la commune et
de celle de ses collègues du conseil
municipal".
Dans sa séance du 9 avril 1944, le
conseil municipal prend connaissance de l'arrêté
préfectoral du 18 mars. En remplacement du docteur CHEVILLOTTE
Henri, démissionnaire d'office, sont
délégués, pour assurer les fonctions de Maire
MILLOT Ferdinand et BIERRY Honoré dans les fonctions
d'adjoint.
A même date, après
l'installation du bureau, et avant de passer à l'ordre du
jour, le conseil est saisi d'une motion qui sera votée
à l'unanimité.
Admirable texte allant de l'indéfectible attachement à
son ancien président à la méritoire
abnégation de son successeur désigné et se
terminant par le vu de voir BRIZARD Fernand, emprisonné
depuis plus de deux mois, reprendre ses fonctions. Les neuf habitants
de la commune partageant son infortune ne sont pas oubliés.
Une cordiale pensée, l'expression de toute la sympathie du
conseil, sont adressées à leurs familles.
Le docteur CHEVILLOTTE fut rétabli le 31 octobre 1944, son
adjoint sera MILLOT Ferdinand, VALTAT Ernest ayant
démissionné pour raisons de santé. Le docteur
CHEVILLOTTE fut réélu en avril 1945 et devint à
nouveau maire le 18 mai 1945. Etaient également au conseil
municipal : SIMONNOT Armand (THEO) - RIMBERT Jean, père de
RIMBERT René, mort en déportation.
février 1944 - le maquis Vauban dans
la neige du Morvan
le parcours d'Armand Simonnot ici
l'Abbaye de la Pierre qui
Vire
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Le Père Abbé, Fulbert GLORIES,
venu d'EN-CALCAT, avait été élu en 1922.
Le Père Prieur, Nicolas PERRIER, citoyen suisse, ex-diplomate,
fut à plusieurs reprises d'une aide précieuse, à
commencer par le 10 février 1944.
Pendant le repas de midi, les Allemands sont là. Armés,
accompagnés de miliciens, ils entrent au réfectoire.
Les cellules des moines sont perquisitionnées par les
miliciens. L'alerte a été chaude !
Tout ce qu'endure l'Abbaye est connu de la
population de Saint Léger Vauban qui partage avec la
communauté bénédictine les mêmes
inquiétudes, les mêmes souffrances, les mêmes
espérances. En ces temps troublés, l'Abbaye
réconforte par sa présence, son rayonnement, son
indépendance, son action humaniste et
évangélique. Elle a renoué avec l'antique
pratique du droit d'asile (Réfractaires au S.T.O. - Aviateurs
alliés - Juifs).
A la Libération, elle bénéficiera auprès
des autorités et des patriotes et résistants locaux
d'une bonne renommée due au fait des actions individuelles ou
collectives qui y furent menées.
Nous en terminerons par deux
témoignages et deux hommages.
Ecoutons les déclarations de Madame CHIROL de Ruères,
fille cadette de Marie et Marthe BRIZARD ; de Raymond BRIZARD (aucune
parenté avec les précédents) du Bon Rupt, avant
d'en venir aux hommages rendus à René RIMBERT et Albert
VISINAND.
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https://www.stleger.info