de Saint
Léger aux Bois à La Chanvrière
(1789-1799)
par Jacques
BERNET
|
Issu
d'une vénérable création monastique
médiévale, Saint-Léger-aux-Bois était
à la fin de l'Ancien Régime un gros village occupant
une clairière de la forêt de Laigue et la
majorité de ses 690 habitants de modestes bûcherons
et/ou chanvriers, que rien ne paraissait prédisposer à
faire remarquer durant la décennie
révolutionnaire.
La période nous est
d'ailleurs assez mal connue car cette malheureuse commune des confins
du Soissonnais et du Noyonnais, située sur la ligne du front
pendant la Grande Guerre, y fut détruite à 80 % et
perdit presque tous ses anciens fonds d'archives
municipales.
Saint-Léger-aux-Bois a
pourtant défrayé la chronique révolutionnaire,
avant tout dans le domaine politico-religieux, une des grandes
sources de conflits de la décennie 1789-1799 : à la
suite de décès, successions ou options de prêtres
locaux en pleine période de profonde réforme de
l'institution, la paroisse ne vit pas moins en dix ans de six
prêtres - dont deux se marièrent - se succéder et
officier dans son église. Le village s'est trouvé aussi
confronté à la déchristianisation
révolutionnaire de 1793-1794, qui s'y exprima de
manière spectaculaire par le changement de nom, certes
éphémère mais hautement significatif,
imposé en l'an II par le District de Compiègne à
la commune, qui devint pour un temps "La Chanvrière" ou "La
Chanvrerie" (1), à l'instar de Saint-Crépin-aux-Bois,
alors rebaptisé "La Blanchirie".
Ces péripéties
souvent pittoresques sont certainement révélatrices
d'une partie au moins des débats et des enjeux de cette
transition majeure de notre histoire, mais elles ne sauraient
toutefois occulter des questions économiques et sociales
sensiblement plus vitales pour la population laborieuse, que l'on
n'entrevoit cependant guère qu'en filigrane, du fait des
grosses lacunes de nos sources locales : celles-ci
privilégient en effet davantage le Directoire (2) par rapport
aux cinq premières années décisives de la
décennie, moment où se mit en place un nouveau paysage
administratif déjà contemporain, et où
s'opéra l'apprentissage laborieux de nos actuelles pratiques
électives et démocratiques.
Saint-Léger-aux-Bois
en 1789
|
Si les origines lointaines du village
remontent aux rois mérovingiens, qui y possédaient un
pavillon de chasse (3), sa véritable fondation est à
rattacher à la concession de ce morceau du domaine royal
à l'Église par le roi Capétien Philippe 1er, en
1083, pour la fondation d'un prieuré consacré à
Saint-Léger.
Les religieux l'établirent auprès d'une source et
furent à l'origine du défrichement de la forêt
comme du peuplement rural, à partir du XIIe siècle.
Conforté dans ses possessions par le Pape Célestin III
en 1190, placé sous la dépendance des moines du
Francport en 1590, puis attribué en 1624 par Louis XIII
à son aumônier Michel de l'Arche, le prieuré
passa en janvier 1749, sous l'autorité de
l'évêque de Soissons, qui en attribua les biens et
revenus au séminaire diocésain, en lui adjoignant une
cure et un vicariat (4).
A la fin de l'Ancien Régime,
les biens de l'ancien prieuré consistaient en une maison et
jardin, un moulin à eau, quelques setiers de terres,
prés et arpents de bois, occupant seulement 2 % du finage
paroissial (5).
L'essentiel des bois, couvrant les trois-quarts du petit terroir de
Saint-Léger, faisaient en effet partie de la forêt de
Laigue, massif comptant alors quelque 7000 arpents (environ 3570 ha),
avant tout en taillis, avec réserve de baliveaux (6), qui
relevait, comme celle de Retz, mais à la différence de
la forêt royale de Cuise ou Compiègne, de l'apanage
d'Orléans, attribué en 1661 par Louis XIV à son
frère Philippe, puis transmis à ses héritiers
jusqu'à la Révolution.
Cette vaste forêt princière, délimitée par
l'Aisne au sud et l'Aronde à l'ouest, "connaissant de tous
les bois ecclésiastiques et des bois des particuliers qui se
trouvent en deçà de ces deux rivières qui leur
ont servi de tous temps de séparation" (7), réserve
de chasse seigneuriale mais aussi d'exploitation lucrative pour le
bois de chauffage (8), était administrée par une
maîtrise particulière des Eaux-et-Forêts
spécifique, disposant d'une juridiction séparée,
qui avait son siège à l'auditoire royal de
Compiègne, à l'instar de la maîtrise de la
forêt royale du même nom.
En 1789, la maîtrise particulière de Laigue était
composée de garde-bois encadrés par quatre officiers :
un noble, Louis Le Caron de Mazencourt (1747-1820), maître
particulier et lieutenant des chasses, Marie-Louis-Pierre Carbon,
garde-marteau, Marie-François de Salle de Crouy dit
l'aîné, fils du maire de Compiègne, et
Jean-Charles Delavallée de Calfeux, tous deux procureurs du
Roi en la maîtrise.
En mars 1789, se présentant à eux seuls comme un des
corps du Tiers Etat de la ville, ils rédigèrent leur
propre cahier de doléances, un court texte au contenu
très corporatif, réclamant le maintien des
maîtrises et le retour du contentieux, dont les avait
privés l'édit du 8 mai 1788 au profit des
présidiaux (9).
les administrations d'ancien
régime
|
Au plan religieux, la paroisse
dépendait donc désormais de l'évêque de
Soissons, présentateur de la cure, et des subdivisions de son
diocèse (archidiaconé de la Rivière et
doyenné de Vic-sur-Aisne). Saint-Léger appartenait
aussi à l'Election et à la
Généralité de Soissons, étant
placé sous l'autorité de ses
subdélégué et Intendant, pour tout ce qui
concernait l'administration générale et la
fiscalité directe. Le village était toutefois
rattaché au Grenier à sel de Compiègne,
percepteur de la gabelle, mais aussi au bailliage de la ville royale,
pour toutes les affaires judiciaires courantes, au civil comme au
criminel, appliquant la coutume de Senlis et ressortissant du
Parlement de Paris en cas d'appel.
Comme le siège de la maîtrise de Laigue se trouvait
également à Compiègne, on note que
Saint-Léger-aux-Bois, village situé aux confins du
Noyonnais et enclavé dans la forêt, se trouvait dans une
situation administrative inconfortable, étant partagé
au point de vue religieux, fiscal et judiciaire, entre l'influence
traditionnelle de Soissons et celle croissante de Compiègne,
villes qui n'étaient atteintes que par de mauvais chemins
forestiers et par la voie d'eau, en l'absence de routes carrossables
proches.
Les réformes révolutionnaires devaient simplifier la
situation à cet égard, en rattachant la commune en 1790
au département de l'Oise et au district (puis arrondissement)
de Compiègne, l'appartenance cantonale fluctuant entre
Rethondes (1790-1800) puis Ribécourt (depuis 1800).
population et
démographie
|
Les plus anciens dénombrements
fiscaux remontant au début du XVIIIe siècle, alors
calculés en "feux", en indiquent une bonne centaine, un
chiffre stagnant entre 1709 et 1720, période de crise
démographique des dernières années du
règne de Louis XIV et du début de la
Régence.
A partir du milieu de la décennie 1720 s'amorce le
décollage de la population française qui devait
caractériser le "beau XVIIIe" siècle, par
l'atténuation progressive, sinon la totale disparition, des
crises chroniques de surmortalité dues aux intempéries
et aux mauvaises récoltes, aux épidémies et aux
guerres.
Population de
Saint-Léger au XVIIe siècle (10)
année
|
feux
|
hab.
|
1709
|
105
|
|
1713
|
106
|
|
1720
|
105
|
420
(?)
|
1724
|
115
|
340
(?)
|
1725
|
115
|
303
(?)
|
1726
|
111
|
343
(?)
|
...
|
...
|
...
|
1790
|
143
|
690
|
an II
(1793-94)
|
|
641
|
an IV
(1795-96)
|
|
699
|
1801
|
|
779
|
|
|
Saint-Léger-aux-Bois, qui
avait déjà gagné une dizaine de feux en 1725 par
rapport au début du siècle, s'en trouva encore
augmenté d'une trentaine à l'aube de la décennie
révolutionnaire, preuve de l'installation de nouveaux
habitants et signe d'un réel essor économique du
village, tant pour l'activité agricole et pastorale
traditionnellement marginale, que pour l'exploitation
forestière et surtout la culture du chanvre,
spécialité de Saint-Léger jusqu'à la
première moitié du XIXe siècle, comme le
souligne Louis GRAVES, qui écrit à la fin des
années 1830 : "Le village est célèbre dans
tout le département pour sa culture du chanvre qui occupe la
majorité de ses habitants, le reste étant occupé
à l'exploitation de la forêt de Laigue." (11)
Il semble également que la taille moyenne des familles ait
augmenté au cours du siècle, pour autant que l'on
puisse accorder crédit aux chiffres d'habitants donnés
avant 1790 : ils auraient presque doublé entre 1720-25 et
1790, ce qui est sans doute exagéré, mais
suggère une plus grande longévité des couples
et, partant, davantage d'enfants, une moindre mortalité
infantile et juvénile du fait de l'amélioration des
conditions d'accouchement, des progrès de l'hygiène et
de l'alimentation humaine.
Passées ses premières années, la décennie
révolutionnaire devait confirmer cette tendance.
les débuts
méconnus de la Révolution à
Saint-Léger-aux-Bois
|
En l'absence de
délibérations municipales conservées dans la
commune, les premières années de la Révolution
restent bien mal connues à Saint-Léger, à la
différence de Saint-Crépin (12).
On sait seulement l'identité des deux députés,
que la communauté d'habitants de Saint-Léger
élut et envoya pour la représenter, lors de
l'assemblée du Tiers-Etat du bailliage secondaire de
Compiègne, qui se tint dans la ville le 9 mars 1789 (13) :
Pierre François WIART, désigné dans le
procès-verbal comme "cultivateur", qui était aussi
clerc séculier et maître d'école de la paroisse
depuis 1785, puis devait être greffier municipal en 1790 (14),
et Pierre RICART, dont on ignore la profession.
Les villageois n'avaient pas désigné pour les
représenter François NATTIER, nommé lieutenant
de justice (seigneuriale) pour la paroisse par l'économe du
séminaire de Soissons en septembre 1788, mais il est difficile
d'en tirer des conclusions, d'autant que nous n'avons aucune
idée du contenu du cahier de doléances
rédigé par les habitants et confié à
leurs deux députés en mars 1789.
Sur les événements
inouïs du printemps et de l'été 1789,
"l'année sans pareille", on ne peut que supposer leurs
répercussions au village : crise frumentaire à la
"soudure" de mai-juillet, crise sociale, que l'on dut tenter
d'atténuer, comme à Saint-Crépin, en employant
les chômeurs aux travaux de reboisement et à la
réparation des chemins (15). La nouvelle de la prise de la
Bastille, puis de la nuit du 4 août,
précédée de la "Grande peur", dont le
Clermontois fut un des foyers majeurs et qui toucha le Noyonnais,
avec l'attaque du château de Frétoy, le 27 juillet (16).
mise en place de la première
municipalité - février 1790
|
Saint-Léger-aux-Bois s'est
assurément doté, en août 1788, à l'instar
de Saint-Crépin et de toutes les autres paroisses du royaume,
d'une première assemblée municipale
composée du curé membre de droit, d'un syndic, d'un
greffier, et de quelques notables, simple relais administratif de
l'Assemblée provinciale du " département " de Soissons
chargée avant tout de veiller à la publication des
édits, à la confection des rôles de taille,
à la nomination des collecteurs ou à la
répartition des secours publics.
Mais il fallut attendre l'effondrement brutal de l'Ancien
Régime en 1789 pour que les Etats Généraux
devenus Assemblée Constituante, après avoir
adopté la Déclaration des Droits de l'Homme et du
Citoyen le 26 août, base des principes de la future
Constitution et de la "régénération" de la
France, entament la refonte complète de nos institutions, dans
un esprit de simplification, de rationalisation et de
décentralisation conforme aux Lumières du
siècle.
Au point de départ de cette reconstruction, la loi municipale
de décembre 1789, qui mit en place des communes au
statut uniforme, qu'il s'agît des anciennes
municipalités urbaines ou des paroisses et communautés
rurales, d'où la création de nos quelque 36 000
communes, directement issues pour l'essentiel des 40 000 paroisses
des villes et des campagnes.
La nouvelle instance était administrée par un
conseil général constitué
d'officiers et de notables municipaux, au nombre
variable selon la population, ayant à leur tête un
maire et un procureur, tous personnages élus par
leurs concitoyens actifs, domiciliés dans la commune
depuis au moins un an, âgés de 21 ans et plus, de sexe
masculin, et acquittant un minimum de contribution
directe.
Les nouvelles municipalités
furent mises en place début février 1790, le 7 à
Saint-Crépin, sans doute à même époque
à Saint-Léger, après l'adoption du nouveau
découpage administratif de la France en départements,
districts et cantons. Le département de l'Oise et
Thérain, selon l'appellation initiale du ressort aux
limites pratiquement inchangées depuis janvier 1790, fut
divisé en neuf districts au nom de leurs villes
chefs-lieux.
Par sa position excentrée, Saint-Léger-aux-Bois,
limitrophe du ressort de Noyon, fut intégré au district
de Compiègne, comme l'une des dix communes de
l'éphémère canton de Rethondes, alors que
Tracy-le-Mont, qui voulait être rattaché à
Compiègne, le fut au district de Noyon et au canton
d'Attichy.
Nous ignorons la composition du conseil général
initial de Saint-Léger. Le premier maire connu, par un
document de mai 1791, est le cultivateur Jean-Baptiste MERCIER (17) ;
le second, le bûcheron Jean-Louis LOMBARE, élu en
novembre 1791, reconduit en novembre 1792, toujours en fonction
à l'automne 1793 quand il fut mis en cause par la
municipalité de Saint-Crépin et le district de
Compiègne. François NATTIER, ancien lieutenant de
justice de la paroisse en 1788, est mentionné comme procureur
de la commune en janvier 1793, Pierre-François WYART greffier
municipal en 1791, le curé A-G. LECOEUR, officier municipal,
devint officier public en novembre 1792.
conflits autour des
prêtres de la paroisse - 1790-1793
|
Issue de l'ancien prieuré, la
paroisse et cure de Saint-Léger-aux-Bois, village pauvre,
n'était pas une place négligeable pour un prêtre,
étant dotée d'un bénéfice confortable et
bien pourvue en personnel, puisque le curé était
aidé par un vicaire et un clerc séculier faisant aussi
fonction de maître d'école.
Le curé Nicolas DIDELET (1712-1789) devait y rester en
fonction plus de 30 ans : mentionné dans le registre
paroissial dès 1769, il présida à la
bénédiction des quatre nouvelles cloches de
l'église, le 3 juillet 1769. Le poste de vicaire,
généralement occupé par des prêtres en
début de carrière, offrait moins de stabilité -
on ne note pas moins de dix titulaires successifs de 1769 à
septembre 1789 (18), moment de l'arrivée de Nicolas-Marie
BARBIER (1765-1845), le dernier en date, qui dut remplacer au pied
levé le curé DIDELET âgé et malade,
décédé le 6 novembre 1789 à 77 ans. Ses
obsèques solennelles conduites par le doyen rural Pierre-Jean
BRUNAT, curé de Saint-Crépin d'Offémont,
rassemblèrent huit prêtres du voisinage, venus de
Choisy-au-Bac, Montmacq, Thourotte, Tracy-le-Mont, Tracy-le-Val,
Villers-sur-Coudun (19), témoignant de son ancienneté
et de sa notoriété, mais ouvrant une difficile
succession, en pleine période de réforme de
l'Église.
Le vicaire BARBIER desservit seul la
paroisse de Saint-Léger, depuis la maladie et le
décès du curé DIDELET, jusqu'en juillet 1790,
date où le remplacement du curé provoqua un vif conflit
d'autorité entre la municipalité de Saint-Léger
et le District de Compiègne.
Ce dernier dénonça en effet, dans sa
délibération du 21 juillet 1790 "(
) le
procès verbal de la municipalité de Saint-Léger
portant opposition à la prise de la cure du lieu par un jeune
ecclésiastique résignataire du curé de Montmacq,
lequel l'était lui-même du dernier curé de ladite
paroisse de Saint-Léger, portant aussi nomination à la
dite cure du vicaire actuel de la paroisse (
) Il sera
mandé à ladite municipalité de ne
procéder à aucune nomination, qu'elle serait
attentatoire aux décrets." (20)
La "résignation" ou abandon
d'un bénéfice ecclésiastique telle une cure, en
faveur d'une personne désignée (parent ou relation),
selon une pratique courante sous l'Ancien Régime, était
légitimement contestée, car signifiant souvent le
népotisme.
La municipalité de Saint-Léger n'en commettait pas
moins un abus de pouvoir aux yeux du District, en désignant
elle-même le nouveau curé, ce qui était jusque
là l'affaire du collateur de la cure (ici
l'évêque de Soissons), et que la Constitution civile du
Clergé, adoptée par la Constituante le 12 juillet et
promulguée le 24 août 1790, devait bientôt
transférer aux assemblées de districts, où les
citoyens actifs éliraient désormais les nouveaux
curés, comme tous les "fonctionnaires publics". La
municipalité de Saint-Léger dut ainsi faire machine
arrière et accepter la nomination de Louis
Désiré DAVRICOURT (21), résignataire de
Jean-Baptiste François LEFEVRE, curé de Montmacq, qui
devait officier comme curé de la paroisse à partir de
la fin juillet 1790, BARBIER reprenant sa fonction de vicaire.
Tandis que la municipalité de Saint-Léger se faisait
une nouvelle fois épingler par le District, le 24
décembre 1790, pour "dilapidation", ayant enlevé sans
son autorisation des ornements de l'église "sous
prétexte que M. l'évêque de Soissons leur en
avait donné la permission" (22), le nouveau curé
avait su se faire apprécier de ses paroissiens, qui devaient
regretter son remplacement et son départ au printemps 1791,
dans le contexte d'un nouveau conflit politico-religieux
dépassant cette fois le cadre villageois, l'affaire des
serments à la Constitution civile du Clergé.
le prieuré et
église paroissiale de Saint-Léger, avant 1914
|
la question du serment
constitutionnel à Saint-Léger
|
A la suite de l'opposition de la
majorité des évêques français à la
Constitution civile du Clergé, la Constituante imposa, en
novembre 1790, à tous les prêtres séculiers
conservés comme "fonctionnaires publics", un serment
constitutionnel, qui devait envenimer les choses en divisant
profondément le bas clergé et les fidèles, avant
même la condamnation des réformes de l'Eglise par le
Pape qui n'avait pas été consulté, en mars-avril
1791.
Si trois-quarts des curés et vicaires du district de
Compiègne acceptèrent de prêter le serment, il y
eut néanmoins quelques noyaux de prêtres à le
refuser ou émettre des restrictions, qui les firent
considérer comme des "réfractaires",
réputés démissionnaires et à
remplacer.
Cette résistance concertée de certains prêtres,
toucha plus spécialement la partie oisienne du diocèse
de Soissons, sous l'influence du curé Jean GRAVIER de Jaulzy,
un proche de Mgr De BOURDEILLES (23), qui rallia dans son opposition
à la Constitution civile du Clergé ses confrères
de Couloisy, Croutoy, Courtieux, Hautefontaine, mais aussi de
Montmacq et de Saint-Léger-aux-Bois.
En fait, le curé et le vicaire
de Saint-Léger prêtèrent bien le fameux serment
à l'issue de la messe dominicale du 9 janvier 1791, du moins
la municipalité ne fit-elle pas alors état des
restrictions dont l'aurait assorti le premier (et non le second) ;
mais le 22 janvier, le District de Compiègne reçut la
rétractation formelle de son serment par DAVRICOURT, laquelle
fut envoyée au Département et le fit bientôt
considérer comme un prêtre "réfractaire".
Sa cure, déclarée vacante, fut donc proposée,
à l'instar de 10 autres du ressort, à l'élection
des citoyens actifs réunis en assemblée de district, le
8 mai à Compiègne. Et c'est un prêtre
compiègnois qui fut élu pour Saint-Léger:
Jean-Marie Nicolas MAURICE, né en 1760, vicaire chapelain de
la collégiale Saint-Clément puis prêtre
habitué en la paroisse Saint-Antoine de Compiègne,
obtint ainsi sa première cure, dont il prit possession le
dimanche suivant 15 mal.
Selon son témoignage adressé au District, il aurait
reçu un bon accueil de la part de la municipalité et de
la population de Saint-Léger, en dépit de
l'émotion et des regrets exprimés, du fait de l'estime
où était tenu son prédécesseur (24).
Témoignage sur
sa réception à Saint-Léger, le
15 mai 1791
lettre du curé J.M.N. MAURICE au
District, A.C. Compiègne, 5
PI
"Saint-Léger
au bois, ce 16 mai 1791
Messieurs,
J'ai
pris possession hier quinze du mois de mai de la
cure de Saint Léger au bois ; et c'est avec
une véritable satisfaction que je vous fais
part de la manière dont je fus reçu
par le peuple le plus doux et le plus honnête
que je connaisse.
Arrivé
à Talpier, hameau dépendant de ma
paroisse, j'appris que le pasteur non
assermenté que j' allois remplacer chantoit
la messe paroissiale. Il falloit attendre. Je
profitai de cet interval pour faire passer à
la municipalité la lettre que vous m'aviez
confiée ; mais l'injonction de me recevoir
convenablement étoit inutile, et l'ordre des
cérémonies était bien
disposé depuis longtemps. J'entrai dans les
rangs de la garde nationale et Mr le Commandant,
après un compliment honnête, ordonna
une salve générale, et l'on se mit en
marche vers l'église.
Chemin faisant, j'examinais la phisionomie de ces
bonnes gens qui circuloient en foule autour de moi,
et tous me parurent tels que le pouvais les
désirer ; ni gais ni tristes. Ils perdoient
un curé digne d'estime, et leurs regards
attendris sembloient me dire : vous
réparerez la perte que nous faisons. Au
reste la situation pénible où leur
âme se trouvoit, n'a pas peu contribué
à rendre la cérémonie de
l'inauguration plus touchante et plus religieuse.
Lorsque nous fûmes arrivés à
l'église, je présentai ma lettre
d'institution aux membres présents de la
municipalité qui la remit avec la
vôtre à leur greffier pour en faire
lecture, et je prêtai ensuite dans la forme
prescrite le serment civique, après un
discours analogue à la circonstance ;
n'oubliant pas surtout de faire l'éloge de
l'ancien curé, et moins encore de
déclarer que si sa conduite religieuse
devait être le modèle de la mienne, je
ne partagerais jamais ses sentiments sur la
Constitution civile du Royaume.
Voilà,
Messieurs, à peu près le
résultat de la cérémonie ; car
je crois pouvoir passer sous silence et l'office
que j'ai célébré, et l'argent
que j'ai distribué, et les santés qui
m'ont été portées, mais
inutiles à raconter."
|
|
Le nouveau curé
constitutionnel, "intrus" pour les partisans de son
prédécesseur, ne devait pourtant pas faire une longue
carrière à Saint-Léger, d'où il
démissionna le 2 décembre 1791, après son
élection comme curé de la paroisse Saint-Thomas de
Crépy-en-Valois, poste urbain plus prestigieux et lucratif,
convenant davantage aux ambitions de ce prêtre "patriote",
paraissant quelque peu arriviste (25).
La cure de
Saint-Léger-aux-Bois donna donc lieu à une nouvelle
élection, le 18 décembre 1791 (26). Le choix des
électeurs compiègnois se porta sur Antoine-Gabriel
LECOEUR, né en 1767 à Tracy-le-Val, fils d'un
mulquinier (artisan qui fabriquait les étoffes de lin). Il
n'était pas inconnu à Saint-Léger, où le
vicaire Jean-Louis CARRÉ l'avait accueilli comme pensionnaire
pour sa formation en 1784 (27). Ordonné prêtre par
l'évêque constitutionnel de l'Oise MASSIEU le 24
septembre 1791, il avait prêté le serment comme vicaire
à Tracy-le-Mont, le 2 octobre 1791.
Le second curé constitutionnel de Saint-Léger
s'investit dans ses fonctions sacerdotales mais aussi dans la vie
municipale, élu officier municipal puis "officier public",
lors du transfert de l'état civil de la paroisse à la
commune, le 13 novembre 1792, un poste conservé jusqu'en l'an
III (1795).
Menacé d'arrestation fin octobre 1793 - on ne sait si
c'était comme membre de la municipalité
contestée par le District ou pour son refus de renoncer
à ses fonctions sacerdotales - il abdiqua son état de
prêtre auprès du District, le 21 novembre 1793, obtint
un certificat de civisme, le 29 floréal an II (19 mai 1794),
et une pension de 400 livres en juillet 1794 (28).
Devenu meunier au village, il y épousa, le 1er pluviôse
an III (20 janvier 1795), Marie-Thérèse DELORME, dont
il eut deux filles. Sous le Directoire, on le retrouve comme adjoint
municipal et percepteur et il put régulariser sa situation
sous le Consulat par un mariage religieux en mai 1803, après
le Concordat (29). La seule déclaration de culte à
Saint-Léger, au moment du retour du catholicisme, mais
apparemment sans suite, émana de l'ancien vicaire Antoine-Marc
CHARLOT, le 20 thermidor an III (7 août 1795) (30).
Les prêtres
à Saint-Léger-aux-Bois sous la
Révolution
Nicolas
DIDELET (1712 - 6 novembre 1789)
Curé de
Saint-Léger-aux-Bois depuis au moins 1769,
il présida à la
bénédiction des quatre nouvelles
cloches de la paroisse, le 6 juillet 1769.
Absent de l'Assemblée générale
du Clergé pour les États
Généraux à Senlis en mars
1789, suppléé à partir de mai
1789 par Thomas, ancien curé de
Choisy-au-Bac et Lefèvre, curé de
Montmacq son résignataire, ainsi que par les
vicaires Lobbé, Legras puis Barbier.
Décédé le 6 novembre 1789,
âgé de 77 ans, enterré en
présence de Pierre-Jean Brunat, curé
de Saint-Crépin d'Offémont, doyen
rural de Vic-sur-Aisne, Henri Louis Boutin,
curé de Choisy-au-Bac, Louis
François, curé de Tracy-le-Mont, Jean
Baptiste Lefèvre, curé de Montmacq,
Jean-Louis Lobbé. vicaire de Tracy-le-Mont,
Antoine Legrand, curé de Villers-sur-Coudun,
François Féron, curé de
Tracy-le-Val, Adrien-Charles Barbillon, curé
de Thourotte, Nicolas-Marie Barbier, vicaire de
Saint-Léger.
Nicolas-Marie
BARBIER (24 juillet 1765 - 17 mai 1845)
Vicaire de
Saint-Léger-aux-Bois, à partir de
septembre 1789, il suppléa le curé
Didelet, malade, et fit fonction de desservant de
la paroisse après son décès
jusqu'en juillet 1790, à l'arrivée de
Louis Désiré Davricourt qui obtint la
cure, malgré le soutien de la
municipalité de Saint-Léger en faveur
du vicaire desservant.
Il prêta le serment à la Constitution
civile du Clergé le 9 janvier 1791 avec le
curé, mais sans se rétracter.
L'assemblée du 8 mai 1791 lui ayant
préféré le Compiègnois
Maurice, il resta vicaire de la paroisse jusqu'en
novembre 1791, cessant ses fonctions après
l'élection de LECOEUR.
Devenu instituteur puis cordonnier, il
épousa au village, le 20 messidor an II (8
juillet 1794), Marie-Magdeleine BRIDOUX, dont il
eut un fils le 7 germinal an V (27 mars 1797) ;
celle-ci devait décéder le 17
septembre 1809. Il prêta, le 15 brumaire an
VII (6 novembre 1798), le "serment de haine
à la royauté et à
l'anarchie", comme pensionné
ecclésiastique. Décédé
à Saint-Léger le 17 mai
1845.
Louis-Désiré
DAVRICOURT
Ephémère
curé de Saint-Léger-aux-Bois, de
juillet 1790 à mai 1791. Résignataire
du curé Lefèvre de Montmacq, sa
nomination fut contestée par la
municipalité de Saint-Léger, qui lui
préférait le vicaire Barbier, mais il
reçut alors l'appui du District de
Compiègne.
Rétractant le 22 janvier le serment à
la Constitution civile du Clergé
prêté le 9 janvier avec le vicaire, il
fut déclaré "réfractaire" et
démissionnaire, mais resta en fonction
jusqu'au 15 mai, disant une dernière messe
juste avant l'arrivée de son
remplaçant, qui témoigna
auprès du District de l'estime de la
municipalité et de la population à
l'égard de ce jeune prêtre qui avait
su se faire accepter.
La Municipalité de Saint-Léger devait
le déclarer "émigré"
après le 15 mai 1791, le 25 prairial an II
(13 juin 1794).
Jean-Marie-Nicolas
MAURICE (29 septembre 1760 - 18??)
Né à
Compiègne, vicaire-chapelain de la
collégiale Saint-Clément (1785-1790),
prêtre habitué de Saint-Antoine de
Compiègne (octobre 1785 - mars 1791), il y
prêta le serment à la Constitution
civile du Clergé, le 9 janvier 1791.
Élu par l'unanimité des 47
électeurs de Compiègne curé le
Saint-Léger-aux-Bois le 8 mai 1791, il prit
possession de la cure le 15 mai, se disant bien
accueilli, fit l'inventaire de l'église le
17 octobre, demandant des ornements au District.
Élu curé de Saint-Thomas de
Crépy-en-Valois le 30 octobre 1791, il en
prit possession le 27 novembre, annonçant sa
démission de Saint-Léger le 2
décembre.
Patriote prononcé, greffier municipal, un
des fondateurs de la Société
populaire de Crépy en septembre 1793, qui
fit imprimer son discours pour la
bénédiction du drapeau de la Garde
nationale, il abdiqua devant elle ses fonctions
sacerdotales, le 26 novembre 1793, se proposant
comme instituteur de morale. Marié le 25
octobre 1802 avec Marguerite-Elisabeth
Gatté, fille d'épicier, demanda en
vain sa réconciliation au
cardinal-légat du Pape de 1803 à
1805.
Antoine-Gabriel
LECOEUR (28 novembre 1767 - 27 mai 1830)
Né à
Tracy-le-Val, fils d'un mulquinier, pensionnaire du
vicaire Jean-Louis Carré à
Saint-Léger en juin 1784, ordonné
prêtre par l'évêque Massieu le
24 septembre 1791, vicaire à Tracy-le-Mont,
prêta le serment le 2 octobre 1791.
Élu curé de
Saint-Léger-aux-Bois le 18 décembre
1791 à Compiègne, au traitement
annuel de 1200 livres. Elu officier municipal et
officier public, de novembre 1792 à l'an
III.
Il abdiqua le 21 novembre 1793 et remit ses lettres
de prêtrise au District,
bénéficia d'un certificat de civisme
le 29 floréal an II. Devenu meunier, il
épousa le 1er pluviôse an III
Marie-Thérèse Delorme, dont il eut
deux filles.
Adjoint municipal et percepteur en fructidor an V
(août 1797), sa situation fut
régularisée sous le Consulat par un
mariage religieux, en mai 1803, après le
Concordat.
Perdant sa femme en pluviôse an XIII
(février 1805), il n'obtint pas du Pape
l'autorisation de se remarier religieusement et
épousa civilement, le 16 mai 1810 à
Saint-Léger, Marie Thérèse
Philippine Dumont, dont il eut quatre enfants, dont
un fils, Joseph Benjamin, qui devint prêtre,
notamment curé de Saintines ; mais, mal vu
des habitants, ce dernier devait quitter cette
paroisse et finir ses jours à
Saint-Léger.
A.G. Lecoeur décéda à
Saint-Léger le 27 mai 1830.
Antoine-Marc
CHARLOT (1752 - 1808)
Né à
Choisy-au-Bac le 24 avril 1752. Vicaire à
Saint-Léger-aux-Bois en 1778. Curé de
Coeuvres (Aisne) en 1790. Assermenté en 1791
mais non abdicataire en l'an II.
Desservant d'oratoires privés à
Soissons en 1795, fit une déclaration de
culte à Saint-Léger le 20 thermidor
an III (7 août 1795), apparemment sans suite.
Déporté en ventôse an VII.
Desservant d'Ambleny (Aisne) (1804) et Saint-Bandry
(1805). Décédé à
Ambleny, le 17 janvier 1808.
|
|
Saint-Léger-aux-Bois
sous la Convention - 1792-1795
|
Pour autant que l'on connaisse les
péripéties de son histoire en cette période, la
commune y paraît plutôt mal notée par le District
de Compiègne et de surcroît en conflit avec sa voisine,
Saint-Crépin-aux-Bois, laquelle passait pour être
davantage attachée à la Révolution.
Ainsi, le 22 septembre 1793, la municipalité de
Saint-Crépin accusa le maire de Saint-Léger, le
bûcheron Jean-Louis LOMBARE "(
) de propos incendiaires
contre la commune dudit Saint-Crépin, l'apostrophant et la
calomniant au point de lui porter le blâme qu'il existerait une
liste qui constaterait que les citoyens de cette commune ont fait une
contribution de 10 sols par chaque ménage pour faire passer
aux ennemis de la République" (31). Cette affaire donna
lieu à l'interpellation de LOMBARE, traduit devant la justice
de paix du canton de Rethondes, et dénoncé
auprès des autorités du District, mais on en ignore les
suites et le maire devait rester en poste jusqu'en l'an II
(32).
Le 28 octobre 1793, le substitut du
procureur-syndic du District, le notaire Jean-Baptiste SIVÉ
(33), ténor jacobin de Compiègne, vint à
Saint-Léger faire appliquer les premiers arrêtés
déchristianisateurs des représentants en mission
LEVASSEUR et DUMONT, portant saisie des cuivres des églises et
interdisant la messe les ci-devant dimanches et fêtes, en
application du nouveau calendrier révolutionnaire, qui
remplaçait la semaine par la décade et le dimanche par
le décadi.
SIVÉ reprocha à la municipalité de n'avoir pas
appliqué les arrêtés, le curé, officier
municipal et public, ayant dit la messe le dimanche
précédent et étant de ce fait menacé
d'arrestation.
L'émissaire du District fit en plus état d'une plainte,
parvenue le 24 octobre à Compiègne (on ignore si elle
émanait de Saint-Léger ou de Saint-Crépin,
contre le maire LOMBARE "qui n'affiche aucun décret depuis
février 1793 et fraude dans l'achat des biens nationaux"
(34).
Cette intervention semble avoir incité le curé LECOEUR,
échaudé, à abdiquer ses fonctions sacerdotales
moins d'un mois plus tard : il en envoya l'acte écrit au
District, le 21 novembre 1793, accompagné de ses lettres de
prêtrise (35). Cette renonciation était certes le fruit
d'une contrainte extérieure, mais, à la
différence de la majorité de ses confrères,
LECOEUR persistant dans cette voie, ne reprit pas le culte
après la fin de la Terreur et il imita, en janvier 1795,
l'ex-vicaire BARBIER qui s'était marié dès
juillet 1794 : il s'agissait là de jeunes prêtres de
moins de 30 ans, qui ne résistèrent pas à la
pression des événements.
C'est aussi dans ce climat de
coercition que fut imposée la déchristianisation
au village. Le curé ayant assez tôt renoncé
à ses fonctions, l'église se trouva fermée au
culte catholique, dont l'exercice public devait être suspendu
pendant de longs mois, en l'an II-an III (1793-1795). Sa
transformation en temple de la Raison (et un peu plus tard de
l'Etre Suprême) est attestée par le District,
début mai 1794 (36), mais elle devait être
antérieure, puisque l'agent national Bertrand ne trouva rien
à redire à cet égard, lors de son passage en
tournée d'inspection à Saint-Léger, le 7
floréal an II (28 avril 1794), où il maintint en place
le maire LOMBARE et le procureur NATTIEZ (37).
On peut toutefois douter de l'enthousiasme de la commune pour les
nouveaux cultes révolutionnaires. Il fallut attendre
floréal an II pour que "l'on commence à s'accoutumer
aux décadis", selon le District, et la seule fête
civique mentionnée dans la correspondance de l'agent national
de la commune au District fut celle du 10 août 1794, second
anniversaire de la chute de la monarchie. Dès brumaire an III
(octobre 1794), celui-ci note la "non observance des
décadis", même si la "lecture de lois" par la
municipalité y est déclarée
"décente".
Le changement révolutionnaire
du nom de la commune, initiative justifiée par l'abandon de
toute référence monarchique, féodale ou
catholique dans la toponymie, n'a pas été non plus le
fait de la municipalité de Saint-Léger, à la
différence de Saint-Crépin, mais bien imposé par
le District.
La municipalité de Saint-Crépin, au lendemain il est
vrai du passage de ROGER, commissaire du District venu saisir
l'argenterie et les cuivres de l'église, proposa, le 7
frimaire (17 novembre 1793), de changer un nom "(
) qui nous
rappelle l'ancien préjugé, et la Commune
désirant de substituer un nom révolutionnaire en
reconnaissance des bienfaits que la révolution procure et sur
la proposition d'un membre, il a été
arrêté à l'unanimité que désormais
cette commune sera nommée Brumaire-aux-Bois, qui rappelle en
même temps les droits libres de l'homme et pour
témoigner du désir de l'éloignement pour le
fanatisme superstitieux qui nous ont enchaîné
jusqu'à ce jour, délibérons en outre qu'extrait
de la présente délibération sera
présenté à l'administration du district de
Compiègne pour l'inviter à donner son approbation et
faire connaître notre dite commune comme telle (
)"
(38).
L'administration du District de Compiègne devait d'ailleurs
imposer un autre nom à Saint-Crépin, en même
temps qu'à Saint-Léger, par une série collective
de changements de toponymes, proposée le 25 frimaire et
confirmée le 4 nivôse an II (15 et 24 décembre
1793) (39).
Changements de
toponymes dans le district de Compiègne
4 nivôse an II (24 décembre
1793)
"Vu
la lettre du Département du 1er de ce mois,
portant que le Ministre de l'Intérieur, dans
le plus bref délai, demande une liste exacte
des noms des municipalités et des
changements jugés nécessaires, vu la
nomenclature ci-jointe, le conseil, oui l'agent
national, après avoir fait sur ladite
nomenclature les corrections typographiques, estime
qu'il y a eu lieu de faire pour quelques communes
les changements suivants :
anciens
noms
|
noms
proposés
|
Estrées-Saint-Denis
|
Estrées-Franciade
|
La
Croix Saint-Ouen
|
Silvie
(du mot Silva)
|
Saint-Sauveur
|
Sauveur
|
Saint-Etienne
|
(La)
Queue du Bois
|
Saint-Jean
|
(La)
Solitude
|
Saint-Crépin
|
La
Blanchirie
|
Saint-Léger
|
(La)
Chanvrière"
|
|
|
Saint-Léger-aux-Bois fut ainsi
rebaptisé La Chanvrière (parfois aussi
écrit La Chanvrerie), un toponyme rappelant certes la
vocation première de la commune en matière de culture
du chanvre, mais qui ne fut guère employé que dans les
textes administratifs jusque sous le Directoire et eut peu de
succès parmi les habitants.
Ces derniers étaient sans doute bien davantage
préoccupés par les soucis et besoins de la vie
quotidienne, les jeunes volontaires ou requis partis au front, en une
période de guerre et de pénurie, surtout dans une
commune pauvre, loin d'être autosuffisante pour les
subsistances.
La forêt de Laigue offrait néanmoins à cet
égard des ressources renouvelées, d'autant qu'elle
était moins surveillée que sous l'Ancien Régime
: il s'ensuivit un véritable saccage des bois par le ramassage
excessif, les coupes et pacages illégaux, au point qu'il
fallut envoyer, à l'automne 1794, une force armée
spécifique pour surveiller et protéger la forêt.
On employa ainsi 18 cavaliers montés, dont le séjour
à Saint-Léger nous est attesté par une note de
frais de 36 livres 15 s. envoyée à l'administration du
District par le cabaretier GRUGNY, le 5 frimaire an III (24 novembre
1794). (40)
Saint-Léger-aux-Bois
et le Directoire - 1795-1799
|
Après l'adoption par
referendum de la Constitution de l'an III en août 1795, la
Convention, assemblée provisoire d'exception qui avait
duré plus de trois ans, put se séparer pour faire place
au régime républicain modéré mais
instable du Directoire.
Il comportait pourtant un heureux effort de simplification de
l'administration territoriale, qui fut réduite, avec la
disparition des districts, aux deux seuls échelons du
département et des municipalités, urbaines ou
cantonales en milieu rural.
Le 23 brumaire an IV (14 novembre 1795) était formée la
municipalité cantonale de Rethondes, où
Saint-Léger-aux-Bois-La Chanvrière fut
représenté, à l'instar de chacune des 9 autres
communes du ressort, par un agent municipal et son adjoint.
A la tête de la nouvelle instance, Pierre André LEBEL,
président, Charles Eustache LEFEBVRE, de Rethondes,
secrétaire, élus par l'assemblée, LEBAILLY, de
Berneuil, nommé commissaire national du gouvernement
auprès l'administration cantonale. (41) Parmi les élus
municipaux identifiés pour Saint-Léger, de 1795
à 1800, on note les noms de LECLÉRE, probable agent en
brumaire an IV, l'ex-curé Antoine-Gabriel LECOEUR, adjoint en
fructidor an V (août 1797), remplacé après le
coup d'Etat du 18 fructidor par Louis MOGNIOLLE, en
vendémiaire an VI, et Jean-Marie FERTE, agent municipal en
germinal an VI (avril 1798).
Le premier Directoire (1795-1797) fut
marqué à la fois par une détente politique et
religieuse, qui devait profiter aux royalistes et aux catholiques
lors des scrutins législatifs d'avril 1797, et une crise
financière, économique et sociale prolongeant et
aggravant celle de l'an III.
L'hyperinflation, consécutive à la chute de l'assignat
et de son éphémère successeur le mandat
territorial, conduisit bientôt à la suppression du
papier monnaie, d'où la pénurie de moyens
monétaires et la paralysie des échanges.
S'ajoutèrent des hivers rudes et des récoltes
médiocres, une pénurie de bras et de chevaux pour
l'agriculture, du fait de la prolongation de la guerre.
Sollicité pour l'approvisionnement du marché de
Compiègne, le canton de Rethondes protesta en frimaire an IV
(décembre 1795) contre les réquisitions de grains
"vu le mauvais terrain et la petite récolte que l'on a
faite en bled cette année, attendu que la majeure partie des
territoires dudit canton sont portées en chanvrières,
prez, bois, rivières, larris, savarts et la forest de Laigue
qui en mange beaucoup" - une description qui s'appliquait
particulièrement à Saint-Léger - brossant un
tableau alarmant de la situation sociale en sa pétition du 20
frimaire (11 décembre) : "Les choses prennent une tournure
désespérante pour quiconque aime la République,
nous ne voyons pas sans alarmes que le désespoir plane sur la
classe nombreuse des individus de ce canton qui n'ont d'autres
ressources que les travaux pénibles de bocquillons ; ils
touchent au moment d'avoir consommé ce qu'ils ont gagné
de bleds par leur moisson et déjà beaucoup sont aux
expédients pour s'en procurer (
) " (repoussés des
marchés urbains, ils essuient aussi le refus des cultivateurs
de leur vendre du grain et d'accepter les assignats) " (
) alors
que les granges sont encore aux 2/3 pleines au moins " (
) "
tout annonce contre ces derniers des troubles dont l'ordre public
peut être ébranlé ; les relations que nous avons
de nos communes respectives nous mettent à même d'en
juger : veuillez donc, citoyens, nous indiquer promptement ce que
nous devons faire pour éviter ces événements "
(
) "Le besoin qu'ils ont en bleds n'est point factice, non plus
que tous les détours que montrent continuellement les
cultivateurs pour se soustraire aux fournitures qu'on leur demande"
(
) "Sur la communes du canton, 6 tiennent à la
forêt de Laigue et 2 à celle de Compiègne, de
manière que nos ressources en tous genres sont presque nulles,
excepté trois ou quatre cultivateurs qui ne peuvent pas
suffire aux consommations de leurs communes (
)"
L'été suivant, huit
communes du canton, dont Saint-Léger, furent touchées
par la grêle du 30 messidor (18 juillet 1796), qui fit de gros
dégâts dans les récoltes.
Les bois étaient une ressource mais aussi un lieu
d'insécurité. Le 28 brumaire an V (18 novembre 1796),
on dénonça des "gens sans aveu, notamment dans le
parc d' Offémont et par suite dans la forêt de Laigue,
lesquels ont été mis en fuite " (
) "une menace
pour la sécurité publique". A l'approche de
l'hiver, on entreprit de chasser et détruire les loups en
forêt de Laigue, en organisant des battues au fusil de six
citoyens encadrés par les gardes chasses et le garde
général de la forêt, LHOSTE, de
Saint-Crépin, "dès qu'il paraîtrait une bonne
neige", le rendez-vous étant pris au carrefour du Puits
d'Orléans (20 frimaire an V - 10 décembre 1796).
Les années suivantes, de meilleures récoltes permirent
de redresser la situation alimentaire, même si le canton
restait déficitaire en grains et largement tributaire de
l'extérieur.
On peut se faire une idée de
la part relative de Saint-Léger dans la production agricole du
canton grâce au tableau des réquisitions
opérées en faveur du magasin militaire de
Compiègne, au titre des contributions de l'an VII, que l'on
acquittait alors en nature :
équipement
des conscrits du canton de Rethondes en l'an VII (1799)
Les 6
conscrits de Saint-Léger-aux-Bois étaient
:
- Jean-Baptiste
FAVRIAUX (1777-1863)
- Jacques
DELORME (1776-1854)
- Pierre
HUE (1777-1832)
- Jacques
LACROIX (né en 1777)
- Jean-Christosome
LARDOT (né en 1777)
- François-Casimir
FRANÇOIS (né en
1776).
|
Répartition de
la réquisition pour les contributions,
dans le canton de Rethondes (26 thermidor an VII -
14 juillet 1799)
|
bleds
(qtx)
|
seigle
(qtx)
|
foin
(bottes)
|
avoine
(sacs)
|
Rethondes
|
9
|
3
|
25
|
4
|
Berneuil
|
19,5
|
6,5
|
20
|
9
|
Couloisy
|
4
|
1,5
|
15
|
3
|
Jaulzy
|
21,5
|
7
|
10
|
4
|
Trosly-Breuil
|
9
|
3
|
20
|
5
|
Saint-Crépin
|
21
|
7
|
30
|
9
|
Saint-Léger
|
6
|
2
|
20
|
4
|
Montmacq
|
4,5
|
1,5
|
20
|
3
|
Plessis-Brion
|
6
|
2
|
20
|
4
|
Choisy-au-Bac
|
12
|
4
|
20
|
5
|
Total
|
112,5
|
37,5
|
200
|
50
|
|
|
La répartition des 112,5
quintaux de bleds froment, 37,5 de seigle, 200 bottes de foins et 50
sacs d'avoine pour l'ensemble du ressort, témoigne du fort
déficit en grains de Saint-Léger (6 quintaux de froment
et 2 de seigle), alors que les chiffres sont dans la moyenne pour le
foin et l'avoine.
Nous n'avons pas d'indication sur le
retour de la vie religieuse dans la paroisse avant le Concordat, en
l'absence de déclaration de culte catholique
postérieure à celle d'Antoine-Marc CHARLOT en
août 1795, apparemment sans suite.
Le serment dit de "haine à la royauté et à
l'anarchie" a été prêtés par A.G.
LECOEUR, le 15 fructidor an VI (1er septembre 1798) et N .M. BARBIER
le 15 brumaire an VII (6 novembre 1798), comme simples
pensionnés ecclésiastiques, car mariés en l'an
II et l'an III, devenus pères de famille sous le Directoire,
ni l'un ni l'autre ne pouvait reprendre le culte au village.
Tout en tolérant le retour d'une certaine pratique catholique
semi-privée, dans le cadre d'une rigoureuse séparation
de l'Eglise et de l'Etat, le régime s'efforça de
promouvoir les cultes civiques républicains et d'imposer le
calendrier révolutionnaire, surtout après le coup
d'Etat antiroyaliste du 18 fructidor an V (4 septembre
1797).
Les fêtes civiques se
multiplièrent et le culte décadaire fut rétabli
au chef-lieu de canton. On commémorait les grandes dates de la
Révolution (21 janvier, 14 juillet, 9-10 thermidor, 10
août, 22 septembre), mais aussi l'agriculture, la jeunesse, les
époux, les vieillards, la souveraineté du peuple, les
victoires de la République
En l'an VI et l'an VII, les fêtes républicaines prirent
un tour de plus en plus martial et national : pompe funèbre du
général Hoche, le 30 vendémiaire an VI (21
octobre 1797), célébration de la paix de Campo-Formio
avec l'Autriche, le 30 nivôse an VI (19 janvier 1798),
commémoration de l'assassinat de la délégation
française à Rastatt, le 20 prairial an VII (8 juin
1799), où l'on s'écria "vengeance, vengeance,
vengeance".
A partir de l'an VII (septembre
1798), le culte décadaire fut réactivé, en
faisant de ce seul jour de repos autorisé celui des mariages
et de la lecture des lois au temple du chef-lieu, les
cérémonies catholiques étant même
proscrites les ci-devant dimanches et fêtes. Mais le calendrier
révolutionnaire se heurta à non moins de
résistances qu'en l'an II, ce dont témoigne cette
délibération municipale du 1er vendémiaire an
VII (22 septembre 1798) : "L'administration municipale du canton
de Rethondes, informée que dans la majorité des
communes de son ressort les décades ne sont observées
chez les cultivateurs qu'au détriment de l'agriculture, que
leurs voituriers vulgairement appelés chartiers ont
formé entre eux une espèce de coalition pour exiger de
ceux qui les emploient que, malgré ces jours consacrés
au repos par la loi du 13 fructidor, ils chômaient encore les
ci-devant dimanches et fêtes, que depuis même plusieurs
d'entre eux ont osé proposer leur compte si on exigeait d'eux
qu'ils travaillassent ces mêmes jours, considérant que
si un semblable désordre pouvait être
toléré plus longtemps il nuiroit à l'agriculture
et seroit préjudiciable aux intérêts des
cultivateurs, considérant qu'une pareille coalition ne peut
tirer sa force que de gens malfaisants ennemis de la
République qui ne cherchent qu'à paraliser les
institutions républicaines, considérant que la loy du
17 thermidor, en imposant aux Français de se reposer les jours
de décade et fête nationale, n'entend point consacrer
trois jours de repos de plus par mois, mais au contraire que ceux
exceptés, tous les autres doivent être employés
au travail, notamment par les employés à l'agriculture,
(
) arrête que toutes personnes gagées
employées à la culture des terres qui, par effet de la
ligue dont il a été fait mention cy-dessus, refuseront
de travailler les jours de cy-devant fêtes et dimanches ou
demanderont leur compte au cultivateur qui voudra les faire
travailler, seront à la diligence du commissaire du pouvoir
exécutif près ce canton traduits au tribunal de police
correctionnelle pour être poursuivis et condamnés
suivant la rigueur des lois " (
) " sur l'observation de
plusieurs cultivateurs que 9 jours consécutifs de travail sont
un terme trop long pour le repos des hommes et des chevaux,
arrêtons en outre qu'il leur sera fait une invitation de donner
l'après-midi de chaque demi-décade aux citoyens
employés à leur service pour se
reposer".
A l'impopularité des
décades devait bientôt s'ajouter celle de la
conscription, mise en place par la loi Jourdan-Delbrel du 5 septembre
1798, qui s'appliqua dans l'Oise par les trois levées
successives du 3 vendémiaire an VII (24 septembre 1798), du 28
germinal (17 avril 1799) et du 10 messidor (28 juin 1799), portant
respectivement sur 2367, 1922 et 2103 hommes (42).
A Saint-Léger-aux-Bois, les levées de l'an VII se
traduisirent par le départ de 6 conscrits, dont les noms ont
pu être identifiés (43) : une nouvelle saignée
dans la jeunesse, qui devait susciter de l'insoumission et des
désertions.
Le 5 frimaire an VIII (4
décembre 1799), l'ensemble des "fonctionnaires publics" et de
la municipalité du canton de Rethondes prêtèrent
un nouveau serment de fidélité "à la
République, une et indivisible fondée sur
l'égalité, la liberté et le système
représentatif , signifiant leur ralliement unanime au
Consulat provisoire que venait de mettre en place le
général Bonaparte, au lendemain de son coup d'Etat
militaire des 17-18 brumaire an VIII (6-7 novembre 1799).
Le 5 pluviôse suivant (25 janvier 1800), les mêmes
élus, fonctionnaires ou pensionnés (parmi lesquels on
note les signatures de l'instituteur MOURET et de N.M. BARBIER pour
Saint-Léger) prêtèrent serment à la
Constitution de l'an VIII, établissant le régime
autoritaire du Consulat, qui conservait certes la République,
mais devait apparaître rétrospectivement comme
l'antichambre de l'Empire. C'est pourquoi on a coutume de tourner la
page de la décennie révolutionnaire avec
l'arrivée au pouvoir de Bonaparte, fils de la
Révolution mais aussi son fossoyeur, effectivement
perçu par les contemporains comme l'homme providentiel seul
capable de rétablir l'ordre et la stabilité, en
attendant la paix victorieuse et le retour de la
prospérité.
La commune de
Saint-Léger-aux-Bois, désormais rattachée au
canton de Ribécourt, retrouva définitivement son nom en
1800, un conseil municipal, un maire et des adjoints, non plus ou pas
encore élus, mais nommés par le sous-préfet de
l'arrondissement de Compiègne, au terme d'une forte
décennie, fertile en événements et source de
changements au village, pour les uns superficiels et
éphémères comme celui de son nom, pour les
autres plus essentiels et irréversibles.
(1) À Saint-Crépin, la
municipalité proposa, le 27 novembre 1793, de rebaptiser la
commune Brumaire-aux-Bois (Délib. mun. de
Saint-Crépin, 1 D 1), mais le District de Compiègne lui
attribua le nom de La Blanchirie ; pour Saint-Léger, La
Chanvrière, parfois décliné en La
Chanvrerie, fut en revanche imposé par le District et
adressé au Comité de Sûreté
générale le 25 frimaire an II (15 décembre
1793), dans une liste de nouveaux noms pour sept communes rurales,
sans compter la ville de Compiègne, qu'une
délibération de la Société populaire du
18 novembre 1793 voulut changer en Marat-sur-Oise.
(2) A.D. Oise, 3 Lp 146, Délibérations de la
municipalité cantonale de Rethondes, brumaire an IV
pluviôse an VIII
(3) Cette maison apparaît dans les textes anciens sous le nom
latin de "HERBAUDIANISVA" ou "HARBAUDIAMISUA". Située à
la limite des diocèses de Noyon et de Soissons et
disputée entre leurs évêques, elle aurait
été d'abord attribuée à celui de Noyon
par le synode de Reims de 814.
(4) Les habitants de Saint-Léger dépendirent auparavant
des paroisses de Thourotte puis du Plessis-Brion. Le choeur de
l'église, consacré à Saint-Léger, resta
réservé au prieuré, qui conservait
jusqu'à la Révolution des droits de moyenne et basse
justice ; la nef fut dédiée à
Saint-Jean-Baptiste, patron de la paroisse.
(5) D'après les calculs effectués à partir de la
série Q des A. D. Oise, vente des Biens nationaux sous la
Révolution. À Saint-Léger, pour une superficie
de 830 ha, les Biens nationaux dits de "première origine"
(clergé) ne représentaient que 15,6 ha. comprenant les
terres du prieuré et du séminaire de Soissons, 1
mancault de pré de l'abbaye d'Ourscamp, 2 setiers de terres et
2 boisseaux de prés de la cure, auxquels s'ajoutèrent
en 1792, 8,8 a. de prés attenant à l'Oise pour les
biens de la Liste Civile.
(6) Selon un mémoire de 1776 comparant la forêt de
Compiègne jardinée en haute futaie, à celle de
Laigue "exploitée en taillis avec réserve de
baliveaux. La première contenant 28 000 arp. ne rapportait que
174 000 liv. ; la seconde contenant 7000 arp. rapportait 70 000
liv." (Monique HARLÉ d'OPHOVE "La Forêt de
Compiègne, de la réformation de Colbert à la
Révolution", Société Historique de
Compiègne, 1968, p. 180. La superficie actuelle de la
forêt de Laigue est de 3827 ha, contre 14 885 ha pour celle de
Compiègne (ONF).
(7) "Mémoire des officiers de la maîtrise de Laigue
à Mgr le Duc d'Orléans," A.D. Oise, B 1768-63,
cité par M. HARLÉ d'OPHOVE, p. 56
(8) Destiné avant tout à alimenter Paris. Alors en
taillis plus qu'en grandes futaies, la forêt de Laigue
rapportait plus que celle de Compiègne au XVIIIe.
(9) A. C. Compiègne, BB. Cahiers du Tiers Etat en 1789.
Doléances de la maîtrise de Laigue. La maîtrise de
Compiègne demanda la continuation de la politique de
reboisement, une meilleure exploitation par l'aménagement de
routes, une claire délimitation avec la maîtrise de
Laigue, après 60 ans de contestation.
(10) D'après Robert LEMAIRE "Paroisses et communes de France"
Oise, Paris, EHESS, 1976, p. 707
(11) Louis GRAVES "Précis statistique sur le canton de
Ribécourt" Beauvais, 1839, rééd. Res
Universalis, Paris, 1991
(12) A.C. Saint-Crépin-aux-Bois, Délibérations
municipales, Registre 1 D 1,10 août 1788-1835
(13) Hélène SIMON "Les cahiers de doléances des
pays d'Oise en 1789" T.III, bailliage principal de Senlis et
bailliages secondaires, Beauvais, 1999, p.174
(14) A.D. Oise, Registre de catholicité de
Saint-Léger-aux-Bois, 1769 1787
(15) Le 17 mai 1789, l'assemblée municipale de
Saint-Crépin répartit un secours de 350 livres pour
l'emploi des pauvres à la réparation des chemins.
(16) Clay RAMSAY "Un épisode de la Grande Peur dans le
Noyonnais, l'attaque du château de Frétoy (juillet
1789)", Ann. Hist. Comp. na 16,1981, p.24-30
(17) A.C. Compiègne, 5 Pl, Procès verbal d'installation
du curé MAURICE, 15 mai 1791, par le greffier municipal
Pierre-François WIART, mentionnant les signatures "des
membres de la Municipalité et plusieurs de la Commune MERCIER
maire, MOGNIOLLE, CASSE, GRUGNY, LECLERE, FAVRIEAUX, FLOBERT, LARDOT,
ROLLET, NATTIER, MOGNIOLLE l'aîné, LEFEVRE, MOURET,
DEMONT"
(18) Les registres paroissiaux de 1769 à 1792 donnent les noms
des vicaires PARIS (1769), COULON (1770-1775), CROCHET, MOINET
(1776-1777), CHARLOT (1778-1782), BÉGUIN (1782-1784),
Jean-Louis CARRÉ (1784-1788), dont le futur curé
Jean-Gabriel LECOEUR était pensionnaire en juin 1784,
LOBBÉ, LEGRAS (1789), et Nicolas-Marie BARBIER vicaire
desservant, seul dans la paroisse de septembre 1789 à juillet
1790, date de l'arrivée du curé DAVRICOURT.
(19) A.D. Oise, Registre paroissial de Saint-Léger-aux-Bois,
1788-1799, 6-7 novembre 1789, décès et obsèques
de Nicolas Didelet, âgé de 77 ans, en présence de
Pierre-Jean BRUNAT, curé de Saint-Crépin
d'Offémont, doyen rural de Vic-sur-Aisne, Henri-Louis BOUTIN,
curé de Choisy-au-Bac, Louis FRANÇOIS et Jean-Louis
LOBBÉ, curé et vicaire de Tracy-le-Mont, Jean Baptiste
LEFEVRE curé de Montmacq, Antoine-Benoît LEGRAND
curé de Villers-sur-Coudun, François FÉRON,
curé de Tracy-le-Val, Adrien-Charles BARBILLON, curé de
Thourotte et du vicaire BARBIER
(20) A.D. Oise, 2 Lp 5014, délibérations du Directoire
du District de Compiègne, 21 juillet 1790
(21) Ce prêtre mal connu, en dehors de son "mauvais
serment" de janvier 1791, aurait émigré vers le 15
mai 1791, selon la municipalité (Correspondance au District,
25 prairial an II - 13 juin 1794).
(22) A.D. Oise, 2 Lp 5014, délibérations du Directoire
du District de Compiègne, 24 décembre 1790
(23) Il devint grand vicaire de ce prélat, investi de pouvoirs
d'administration clandestine du diocèse après son
émigration en juin 1791. On incrimina aussi l'archevêque
de Narbonne Arthur DILLON, alors réfugié au
château de Hautefontaine.
(24) A.C. Compiègne, 5 Pl, Clergé constitutionnel, 16
mai 1791
(25) A Crépy-en-Valois, le curé MAURICE fut l'un des
fondateurs et animateurs de la Société Populaire,
devant laquelle il renonça au culte en novembre 1793. Greffier
municipal, il acquit l'ancienne abbaye Saint-Arnoult.
(26) L'assemblée électorale pourvut aux cures de
Saint-Léger et de Saint-Etienne, dont le curé POIRET
avait donné sa démission. LECOEUR fut élu par 46
voix sur 47 votants. (AC. Compiègne, 5 Pl).
(27) A.D. Oise, registre paroissial de Saint-Léger, 1769-1787,
en juin 1784, "Jean Gabriel Lecoeur, pensionnaire chez M. le
vicaire".
(28) A.D. Oise, Délibérations du District de
Compiègne, 2 Lp 2006, 1er frimaire an II - 21 novembre 1793,
avec l'envoi de ses lettres de prêtrise ;
Délibérations du comité de surveillance de
Compiègne, 4 Lp 244, 29 floréal an II (19 mai 1794)
(29) Notice de Gaston BRAILLON "Le Clergé du Noyonnais pendant
la Révolution", Noyon, 1987, p. 220
(30) A.D. Oise, Délibérations du District de
Compiègne, 2 Lp 2012, 20 thermidor an III (7 août
1795)
(31) A.C. Saint-Crépin, délibérations
municipales, 1 D 1,22 septembre 1793
(32) A.D. Oise, 2 Lp, tableau des instituteurs du district,
ventôse an II
(33) Jacques BERNET "Un Babouviste compiègnois ? Jean-Baptiste
SIVÉ (1766-1808)", Ann. Hist. Comp. na 67-78, 1997, p.
27-32
(34) A.D. Oise, 2 Lp 2006, Délibérations du conseil du
District de Compiègne, 24 octobre 1793
(35) Idem. 1er frimaire an II (21 novembre 1793)
(36) A.D. Oise, 2 Lp 2008, Délibérations du conseil du
District de Compiègne, 13 floréal an II (2 mai
1794)
(37) A.D. Oise, 2 Lp 5045, correspondance de l'agent national du
District de Compiègne, 7 floréal an II (28 avril
1794)
(38) A.C. Saint-Crépin, délibérations
municipales, 1 Dl, 7 frimaire an II (27 novembre 1793)
(39) A.D. Oise, 2 Lp 2007, Délibérations du conseil du
District de Compiègne, 25 frimaire et 4 nivôse an II 15
et 24 décembre 1793)
(40) A.D. Oise, Délibérations du District de
Compiègne, 2 Lp 2010, 5 frimaire an III - 24 novembre
1795)
(41) A.D. Oise, 3 Lp 146, Délibérations de la
municipalité cantonale de Rethondes, brumaire an IV
pluviôse an VIII. Source majeure utilisée pour la
période du Directoire
(42) Vincent REIG "La conscription dans le département de
l'Oise de 1798 à 1805", Ann. Hist. Comp. n a 75-76, 1999, p.
5-14
(43) Grâce aux données aimablement transmises par Guy
FRIADT, on sait que l'un de ces conscrits, Jean-Baptiste FAVRIAUX,
eut une belle carrière militaire et une grande
longévité : né à Saint-Léger le 12
novembre 1777, parti en 1799, il fit les campagnes jusqu'en
1809-1813, valant la médaille de Saint-Hélène en
1857 à ce vétéran décédé le
3 novembre 1863 à près de 86 ans.
Chronologie de la
Révolution Française à
Saint-Léger-La
Chanvrière
-
septembre 1788 : François NATTIER
nommé lieutenant de justice de la paroisse
par l'économe du séminaire de
Soissons
- 9 mars 1789 : Pierre-François
WIART, cultivateur-maître d'école et
Pierre RICART, élus
délégués de la
communauté de Saint-Léger-aux-Bois
dans l'assemblée électorale du
Tiers-État du bailliage de
Compiègne
- 6 novembre 1789 : décès de
Nicolas DIDELET (1712-1789), curé de
Saint-Léger depuis plus de 30 ans,
provisoirement remplacé par le vicaire
Nicolas-Marie BARBIER (1765-1845), arrivé
à Saint-Léger en septembre 1789
- février 1790 : La commune de
Saint-Léger est rattachée au canton
de Rethondes, district de Compiègne,
département de l'Oise. Formation de la
première municipalité : premier maire
connu, Jean-Baptiste MERCIER, cultivateur, en mai
1791
- 14 juillet 1790 : Fête de la
Fédération : la municipalité
de Saint-Léger s'oppose à la prise de
possession de la cure par "un jeune
ecclésiastique résignataire du
curé de Montmacq, lequel !'était
lui-même du dernier curé de lad.
paroisse de St Léger" et y nomme le
vicaire BARBIER contre l'avis du District.
Louis-Désiré DAVRICOURT curé
de Saint-Léger, en juillet 1790
- 24 décembre 1790 : Le District de
Compiègne accuse la municipalité de
Saint-Léger de "dilapidation", pour avoir
enlevé des ornements de l'église
"sous prétexte que M.
l'évêque de Soissons leur en avait
donné la permission".
- 9 janvier 1791 : serment à la Constitution
civile du Clergé du curé DAVRICOURT
et du vicaire BARBIER de Saint-Léger
- 22 janvier 1791 : rétractation de
serment de DAVRICOURT, considéré
comme "réfractaire", démissionnaire
et à remplacer
- 8 mai 1791 : élection à la cure de
Saint-Léger de Jean-Nicolas MAURICE,
prêtre habitué de Saint-Antoine de
Compiègne
- 15 mai 1791 : prise de possession de sa cure par
MAURICE, départ de DAVRICOURT, BARBIER
vicaire jusqu'en novembre
- 2 décembre 1791 : départ de
MAURICE, élu le 17 octobre à la cure
de Crépy-en-Valois, remplacé par
Antoine-Gabriel LECOEUR, vicaire de Tracy-le-Mont,
élu le 18 décembre 1791 à
Compiègne pour la cure de
Saint-Léger
- 13 novembre 1792 : transfert de
l'état-civil de la paroisse à la
commune. Le curé LECOEUR, élu notable
municipal, devient élu officier
d'état civil et conserve le poste jusqu'en
l'an III (1795).
- 13 août 1793 : noyade accidentelle dans
l'Oise du laboureur Jean-Baptiste MERCIER, 47
ans.
- 22-24 septembre 1793 : dénonciation
de la municipalité de Saint-Crépin
contre le maire de Saint-Léger, J.-L.
LOMBARE
- 28 octobre 1793 : intervention à
Saint-Léger du notaire SIVÉ,
substitut du procureur-syndic du district de
Compiègne, contre le maire LOMBARE,
accusé de ne pas publier les décrets
et de frauder sur les ventes de biens nationaux
depuis février 1793, de s'opposer à
l'application des premiers arrêtés
déchristianisateurs des représentants
LEVASSEUR et DUMONT
- 21 novembre 1793 : abdication du curé
LECOEUR de ses fonctions sacerdotales et envoi de
ses lettres de prêtrise au district
- frimaire an Il (décembre 1793) :
Saint-Léger-aux-Bois est rebaptisé
"La Chanvrière" par le District de
Compiègne.
- 7 floréal an Il (27 avril 1794) :
épuration de la Municipalité de
Saint-Léger par l'agent national du
District, Bertrand. "On commence à
s'accoutumer aux décadis" dans la
commune.
- 2 mai 1794 : L'église est
transformée en "Temple de la Raison",
selon la déclaration de l'instituteur MOURET
au district.
- 29 floréal an II (19 mai 1794) :
certificat de civisme de l'ex-curé LECOEUR,
avec 400 francs de pension en juillet 1794
- 20 messidor an II (8 juillet 1794) : mariage de
l'ex-vicaire BARBIER, instituteur, avec
Marie-Magdeleine BRIDOUX
- 23 thermidor an II (10 août 1794) :
célébration à
Saint-Léger du second anniversaire de la
chute de la Monarchie
- brumaire an III : "Non observance des
décadis. Lecture des loix
décente" à Saint-Léger,
selon l'agent national de Saint-Léger
- 4 frimaire an III (24 novembre 1794) :
séjour de 18 cavaliers montés
à Saint-Léger, pour la surveillance
de la forêt de Laigue
- 1er pluviôse an III (20 janvier 1795) :
mariage de l'ex-curé LECOEUR avec
Marie-Thérèse DELORME
- 20 thermidor an III (7 août 1795) :
déclaration de culte et de soumission aux
lois à Saint-Léger d' A.M.
CHARLOT
- 23 thermidor an III (10 août 1795) : noyade
accidentelle dans l'Oise de Marguerite FLOBERT,
veuve de J.B. MERCIER
- 23 brumaire an IV (14 novembre 1795) :
mise en place de la municipalité
cantonale de Rethondes, à laquelle
appartenait Saint-Léger-La
Chanvrière, représentée
par un agent municipal et un adjoint
- 10 frimaire an IV (1er décembre 1795) : La
municipalité cantonale proteste contre la
surcharge de réquisitions de grains pour le
marché de Compiègne, "attendu que
la majeure partie des territoires dudit canton sont
en chanvrières, préz, bois,
rivières, larris, savarts et la forêt
de Laigue qui en mange beaucoup".
- 15 nivôse an IV (5 janvier 1796) : mention
d'un instituteur et de 60 écoliers à
Saint-Léger
- 20 prairial an IV (8 juin 1796) : Thomas RICARD,
nommé garde-champêtre de
Saint-Léger
- 30 messidor an IV (18 juillet 1796) : gros
dégâts de la grêle dans le
canton, notamment à Saint-Léger
- 10 fructidor an IV (27 août 1796) :
pétition de LECOEUR, contre le passage
d'experts en la "maison nationale" qu'il occupe
- 28 brumaire an V (18 novembre 1796) : On
dénonce des "rassemblements" de brigands en
forêt de Laigue et parc
d'Offémont.
- 20 frimaire an V (15 décembre 1796) :
grande battue contre les loups en forêt de
Laigue.
- 10 fructidor an V (28 août 1797) :
l'ex-curé LECOEUR doit opter entre ses
fonctions d'adjoint municipal et de percepteur.
- 30 fructidor an V (17 septembre 1797): Louis
MOGNIOLLE nommé adjoint de
Saint-Léger, après le 18
fructidor
- 15 germinal an VI (4 avril 1798) : Jean-Marie
FERTE, nouvel agent municipal de
Saint-Léger
- 15 fructidor an VI (2 sept. 1798) : LECOEUR,
pensionné ecclésiastique, prête
serment de "haine à la royauté et
à l'anarchie"
- 15 brumaire an VII (6 novembre 1798) : même
serment de BARBIER pensionné
ecclésiastique, de retour à
Saint-Léger.
- 5 frimaire an VIII (4 décembre
1798) : serment d'allégeance des
fonctionnaires publics du canton au Consulat
provisoire
- 5 pluviôse an VIII (26 janvier 1800) :
serment à la Constitution de l'an VIII des
pensionnés BARBIER et LECOEUR
- germinal an VIII (avril 1800) :
Saint-Léger est rattaché au canton de
Ribécourt, arrondissement de
Compiègne.
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