Aristide Lemoine raconte...

 

Pour que ne renaisse
jamais plus la bête immonde

 

 

Lorsque la guerre a éclaté en 1939, je travaillais à l'usine comme beaucoup de Trithois.
J'avais été embauché quelques années auparavant à la société Métal-Escaut où j'occupais un poste au laminoir.
Une première fois, en 1942, j'ai refusé de partir en Allemagne travailler dans le cadre du Service du travail obligatoire, pour le compte de la machine de guerre hitlérienne, et puis au mois de novembre, faisant confiance à la direction de mon usine qui m'avait assuré qu'elle ne laisserait pas partir ses ouvriers, je me suis présenté au boulevard Saly à Valenciennes (STO) avec trois de mes camarades.
A partir de là, tout a été très vite.

J'ai pris le train à Valenciennes jusque Witten où j'ai été affecté dans une usine d'aiguillage.
Afin de mobiliser le maximum de soldats, les nazis avaient eu l'idée de faire tourner leurs usines avec des ouvriers venus de toute l'Europe occupée.
La journée de travail commençait à 6 heures pour se terminer à 18 heures.

Au bout de quelques semaines, j'ai commencé à inciter mes camarades à ralentir au maximum la production.
En janvier 1943, j'ai envoyé une lettre au directeur de l'usine en lui faisant part de nos revendications.
Quelques jours après, nous nous mettions en grève.
Le lendemain, j'ai vu surgir dans l'immense dortoir où nous étions vingt gestapos armés.
Ils m'ont emmené avec quatre autres de mes camarades.

 

 

C'est là qu'a commencé le calvaire...
J'ai tout d'abord été jeté en prison à Bochum où j'ai survécu pendant 18 jours.
Puis, sans être jugé, la gestapo m'a emmené à Welwelsbourg dans un camp dépendant de Buchenwald.
Les conditions de vie étaient épouvantables : notre ration quotidienne de nourriture était de 200 grammes de pain plus une "soupe" de rutabaga.
A longueur de journée, j'ai cassé des pierres.

En février 43, j'ai été transféré dans une usine Messerchmitt dépendante du camp de Dachau.
Nous étions surveillés par des "droits communs". Les grands industriels allemands avaient de la main-d'oeuvre à bon marché.

A la fin de l'année 1944, j'ai été emmené au camp de Leonberg jusqu'au début de l'année 45.

Au mois d'avril de cette même année, l'avance des alliés contraignit les allemands à nous évacuer.
Nous avons marché pendant cinq jours, les gars tombaient exténués...

Le 27 avril, alors que nous étions rassemblés dans une petite vallée, nous avons vu au sommet d'une colline une chenillette américaine...

Une immense clameur s'est alors élevée du groupe : NOUS ÉTIONS LIBRES !

J'ai traversé l'Allemagne et l'Est de la France, je suis arrivé à Cambrai où j'ai pris le train jusqu'à la gare de Trith où personne ne m'a reconnu...
Forcément, je ne faisais plus que 42 kilos, j'avais le crâne rasé et je portais encore l'habit rayé de prisonnier.

Aujourd'hui, ce que je souhaite de tout mon coeur, c'est que le calvaire que j'ai vécu, empêche les générations futures de se laisser entraîner par des idéologies extrémistes de haine envers les autres peuples...

 

Tiré de "Trith St Léger, notre commune de 1170 à nos jours"
Service d'Information de la ville de Trith St Léger / 1988

 

 

 

 

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