"Tu
entends ?
- Quoi donc ?
- La fusillade.
- Non !"
Comment est-ce possible qu'il ne l'entende
pas ? À présent, je suis
sûr de ne pas me tromper. Cette
espèce de pétillement
très faible et qui pourtant me
pique les oreilles sans interruption,
c'est la bataille acharnée vers
laquelle nous marchons, et qui
halète là, de l'autre
côté de cette crête que
nous allons franchir. Allons-y,
dépêchons-nous. Il faut que
nous nous y lancions, tout de suite, en
plein tumulte, parmi les balles qui filent
raide et frappent. C'est nécessaire
[...]
Derrière nous, nos hommes marchent
; chaque pas qu'ils font les rapproche de
ce coin de terre où l'on meurt
aujourd'hui, et ils marchent. Ils vont
entrer là-dedans, chacun avec son
corps vivant ; et ce corps soulevé
de terreur agira, fera les gestes de la
bataille ; les yeux viseront, le doigt
appuiera sur la détente du Lebel **
; et cela durera aussi longtemps qu'il
sera nécessaire, malgré les
balles obstinées qui sifflent,
miaulent, claquent sans arrêt,
malgré l'affreux bruit mat qu'elles
font lorsqu'elles frappent et s'enfoncent
[...]
Et ils auront peur, c'est certain, c'est
fatal ; mais ayant peur, ils resteront !"
Maurice
Genevoix
"Sous Verdun" dans "Ceux de 14" (1916)
*
Un officier se distingue des soldats du
rang. Il a un pouvoir de commandement.
** fusil qui équipait l'infanterie
française depuis
1886
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