Il
s'agit de plusieurs extraits du "Journal de la guerre 1914-1918", de
l'enfant Yves Congar. Les journaux d'enfants sont rares !
Yves est né en 1904 à Sedan (Ardennes), tout
près de la Lorraine et l'Alsace devenues allemandes en 1871,
après la défaite de la France contre l'Allemagne.
Il n'a que dix ans quand éclate la Première Guerre
mondiale.
Il va vivre l'occupation de
sa ville par les "Boches" (le mot revient souvent sous sa plume).
Presque 4 années durant, les Ardennes vont vivre à
l'heure allemande. Le jeune Yves va remplir, entre 1914 et 1918, au
jour le jour, cinq cahiers d'écolier avec des notes et des
dessins aux crayons de couleur. L'orthographe et la ponctuation n'ont
pas été corrigées.
mercredi 29
juillet 1914
je ne suis pas du tout
rassuré. je ne penses qu'à la guerre. je voudrais
être soldat et me battre [...]
mardi 25
août 1914
(jour où, après avoir violé la neutralité
de la Belgique et du Luxembourg, les Allemands parviennent à
Sedan)
Ici commence une histoire
tragique, c'est une histoire triste et sombre qui est écrite
par un enfant qui a toujours eu au cur l'amour et le respect
pour sa patrie, et la haine juste et énorme contre un peuple
cruel et injuste.
une
maison avant les combats, puis détruite par des
bombes incendiaires
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samedi 4
novembre 1914
Nous n'avons plus 1/2
gramme de pain à manger.
dimanche 5
novembre 1914
On pose une affiche. ceux
qui veulent 100 kg de farine de froment doivent aller déposer
à la gare 800 kg de pommes de terre.
le
cortège automobile du Kaiser Guillaume II, de passage
à Sedan le 10 janvier 1915
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samedi 1er
avriI 1916
On fait des farces,
aujourd'hui, quoique le canon tonne à tour de bras, on ne
songe qu'aux poissons d'avril !
du samedi
18 novembre au 8 décembre 1916
C'est honteux, je suis
outré : les boches saisissent tous les draps taies d'oreillers
serviettes nappes etc il faut porter une liste de ces objets à
la mairie ! : nous déclarons seulement 18 paires de
drap
du 17
décembre à Noël 25 décembre
1916
Encore une saisie ! : les
cuivres, lapins, poules [...]
un
combat de l'infanterie, appuyé par un
canon
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samedi 13
avril 1918
C'est aujourd'hui mon
anniversaire et c'est sans doute en mon honneur que furent
tiré cette nuit ces quantités de coups de canon !
Quelle bombardade, saperlipopette ! j'en suis encore bleu. Il fait
nuit, tout sommeille, soudain je me réveilles :
poum-poum-poum. Je le connais bien ce bruit-là, c'est la
France qui toque à mon volet pour dire : "soit quiet, je
veilles". Ce murmure confus de moteur, c'est la voix du pays, la
douce mélodie de la patrie et ces coups
répétés, ce sont un peu du souffle du front qui
passe au dessus de nos villes, c'est l'image du pays en armes pour
défendre ses intérêts, c'est l'image de la forte
France qui dit avec nous : guerre aux barbares !