la Résistance

 

Au lendemain de l'armistice de juin 1940, nombreux de nos compatriotes refusent la défaite et l'humiliation. Dès octobre 1940, Louis Renard, avoué à Poitiers, fonde le journal clandestin "Le Libre Poitou", mais c'est à partir de 1942 que la Résistance s'organise avec la constitution de nombreux réseaux dans notre département.

En septembre 1942, Lise de Baissac, des services secrets britanniques, est envoyée par Londres avec mission d'organiser un réseau autour de Poitiers et principalement de rechercher des volontaires pour recevoir des parachutages d'armes en vue d'un éventuel débarquement allié. C'est ainsi que se créa autour de M. Gateau, commissaire priseur à Poitiers, son épouse, M. Brault et quelques autres, le réseau "Artist".

 

On écoute la BBC : "Les Français parlent aux Français".

 

M. Brault était propriétaire de la ferme de Clouachard sur notre commune, avec Maurice Gendron pour fermier. L'endroit entouré d'arbres s'avéra propice pour un premier parachutage de 4 containers comprenant armes, tabac, plastic... qui eut lieu dans la nuit du 13 au 14 février 1943. Il fut reçu par une équipe composée de Lise de Baissac et MM. Gateau, Brault et Gendron. Le message l'annonçant avait été "Michel ira dans le pommier ce soir", et le message de retour confirmant la réussite de l'opération : "le poulet était bien cuit". Un 2e parachutage eut lieu, toujours par nuit de pleine lune, et fut enterré par Maurice Gendron.

Chaque fois, l'opération avait parfaitement réussi mais, malheureusement, les traces laissées par les parachutages avaient intrigué les habitants alentour qui inévitablement parlèrent. Des rumeurs coururent. La Gestapo enquêta et l'on retrouva chez M. Brault les plans de sa ferme de Clouachard. Les Allemands tenaient la preuve qu'ils recherchaient.

Le réseau fut partiellement démantelé. M. Gateau et M. Brault moururent en déportation. Mme Gateau et Maurice Gendron furent les deux seuls à revenir de l'enfer, mais à quel prix !

 

le calvaire de Maurice Gendron

"Ce jour-là 23 février 1944, à 6 h du matin, je vois arriver cinq Allemands dont deux en civil. L'un d'eux parlant correctement le français me demande sèchement : "Où sont les armes ?". Je réponds : "Je n'ai pas d'armes." À ce moment, je reçois un magistral coup de poing en pleine figure. Trois fois il répète la question, trois coups de poing.

À la suite de cela, on m'emmène le long d'un mur en dehors de la cour de la ferme. Là, le même individu me répète : "Vous allez parler ou sinon !" C'est alors que les coups tombèrent, coups de poing, coups de pieds. N'obtenant aucun résultat, ils me mirent un revolver sur la tempe et une mitraillette sur la poitrine en me disant : "Si après trois sommations vous n'avez pas répondu, vous pourrez recommander votre âme à Dieu." Toujours rien. Très en colère, ils m'emmenèrent dans un petit bois près de la ferme. À l'aide de menottes, ils me suspendent à un arbre après m'avoir mis torse nu. C'est alors qu'à trois ils se mirent à frapper, s'arrêtant de temps à autre pour me questionner. N'obtenant toujours pas ce qu'ils voulaient, ils s'acharnèrent. Combien de temps dura ce supplice ? Peut-être une demi-heure.

Ils me détachent enfin et, me mettant sous les yeux un plan des lieux, me demandent : "Connaissez-vous cela ?" Je réponds : "C'est peut-être un plan, cela ressemble à la ferme."
"Et bien ici sont les armes, pourquoi aggraver votre cas en vous obstinant au silence, voyez, nous savons tout."

De nouveaux coups de bâton m'envoient au sol. Relevé avec quelques coups de pieds dans les côtes, on m'emmène au dépôt d'armes qui avait été découvert. Ensuite transfert à la Pierre-Levée (*) où je reste 41 jours, puis Compiègne 21 jours. Le 27 avril, départ pour Auschwitz en Pologne. Nous étions 100 à 120 par wagon. Wagons fermés, sans air, sans eau. Au bout de 24 heures, un mort, plusieurs fous. Le mort fut enlevé seulement deux jours après. Une odeur nauséabonde régnait et avec une chaleur intolérable. 90 % d'entre nous devinrent fous. Voyage hallucinant, voyage terrible .../...

(*) Maurice Gendron aurait peut-être pu s'évader mais ne le fit pas par crainte de représailles sur sa famille.

 

 

le camp d'Auschwitz, avec sa double rangée de barbelés électriques

Des millions d'êtres humains - hommes, femmes, enfants - y périront suivant une planification bien établie. Par le travail forcé, ou bien souvent par le passage dans les chambres à gaz dès leur descente du train.

 

.../... Arrivée au camp le 1er mai au soir. Descente de wagons avec un SS de chaque côté de la porte, armé d'un bâton et répétant sans cesse : "losse, losse" et frappant. Ceux qui s'écartaient de la colonne étaient abattus à coups de fusil.

Ensuite, transfert au camp de Birkenau qui est le camp d'extermination d'Auschwitz. Pour les formalités "d'accueil" : immatriculation tatouée sur le bras gauche, inscription et la douche. Nous sommes restés 36 heures nus. Neuf jours dans ce camp, nous couchions par terre dans des baraques, sans couvertures et sans eau, puis direction Buchenwald : même réception qu'à Auschwitz mais en plus, les chiens.

On nous emmena dans une carrière où l'on nous faisait apporter une pierre. Si, par malheur l'un de nous en prenait une trop petite, il était rappelé et on lui en mettait une bien trop grosse, si bien qu'il était exténué à l'arrivée ou assommé à coups de bâton s'il ne pouvait suivre.

Le 5 juin, transfert à Zeits avec un commando de 4 000 juifs. Là, ce fut terrible. Le commando allait à la "Bragag", usine qui était régulièrement bombardée. Pour y aller, il y avait trois kilomètres qu'il fallait faire pieds nus. Alors commencèrent les gangrènes et les œdèmes. Les mortalités devinrent très nombreuses.

Après un mois de ce travail, je pesais 44 kg. Heureusement, j'avais très bon moral et je me cramponnais à la vie. Quelques jours après, on me faisait éplucher des pommes de terre. Jusqu'en décembre, je travaille à la cuisine. Le spectre de la faim commence à s'effacer.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

l'arrivée de Maurice Gendron
dans le char à banc d'Adrien Clair

 

De ce moment, je prépare mon évasion pour ne réussir que le 16 avril. À l'approche des Américains, on nous évacua en direction de la Tchéquie dans des wagons à charbon. À la station de Marienberg à environ 10 kilomètres de la Tchéquie, les locomotives furent bombardées. Je saute du train et pars dans les bois où je reste une semaine, attendant les Américains qui étaient à Chemnitz, 30 km plus loin, sans manger et coucher à même le sol.

Finalement ce sont les Russes qui arrivèrent les premiers et qui nous demandèrent, car j'étais ici avec quatre prisonniers de guerre, si nous voulions partir.

Rapatriement par Chemnitz, Gera, Erfut et de là par avion : la France.

Quelle émotion fut la mienne ce 14 mai 1945 en mettant le pied sur le sol natal. Notre belle France enfin libre !
Quel accueil chaleureux m'ont réservé les habitants de ma petite commune à mon arrivée ! "

Extrait du journal "Le Libre Poitou" du 29 mai 1945

 

la population de Saint-Léger rassemblée
autour de Maurice Gendron et son épouse

 

Marcel Sauvaget se souvient

"Mercredi 23 février 1944, il est tombé de la neige cette nuit.
Il est environ 9 h, je viens de finir de soigner les bêtes quand M. Poulin, le maire, entre à la maison et me dit : "Ordre de réquisition, rendez-vous de suite devant le monument avec une pelle et une pioche".
Nous sommes bientôt cinq : Marc Baillet, Maurice Cyr, Hubert Dupuis, Roger Petitpied et moi. Qu'est -ce que cela veut dire ? On fait toutes sortes de suppositions. Un camion arrive : direction Clouachard. Un allemand en civil, probablement la Gestapo, nous indique le lieu du travail. Nous creusons et sommes vite en présence d'un dépôt d'armes. Qui aurait dit ça à Marigny ? Nous comptons 70 mitraillettes, des munitions et des grenades, des cigarettes aussi, que nous chargeons sur un tombereau que l'on dirige ensuite vers la route. Il est 14 h, notre travail est terminé et on nous autorise à rentrer chez nous.
Entre temps, nous avons pu apercevoir Maurice Gendron tuméfié de partout, tellement il avait été roué de coups, et emmené ou plutôt traîné par des Allemands."
"Jeudi 24 février, nous mesurons que nous l'avons échappé belle, car nous aurions tout simplement pu être pris comme otages et fusillés."

Source : "Si Marigny-Brizay m'était conté..." - Jean-Claude Lemoine - 2003

 

Auguste Picard - de St Léger la Pallu à Auschwitz

 

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