Auguste Picard
45982 ?

 

 

Auguste Picard naît le 8 juillet 1896 à Saint-Léger, commune de Marigny-Brizay, fils de Benjamin Picard, 43 ans, cultivateur journalier, et d’Alexandrine Couturier, son épouse, 35 ans.
Auguste a deux frères plus âgés, Roger, né en 1889, et Henri, né en 1894, et une sœur plus jeune, Germaine, née en 1900.
Lors du recensement de 1901, la famille habite au Châtelet, autre lieu-dit de la commune.

 

Auguste Picard (1896-1942)

 

Considérant son âge, Auguste Picard devrait avoir été mobilisé au cours de la Grande Guerre (1914-1918).
Le 25 septembre 1920 à Châtellerault, il se marie avec Blanche Bussereau. Ils auront six enfants.
Le 11 octobre suivant, il est embauché par une compagnie de chemin de fer qui fusionnera au sein de la SNCF début 1938.
Au moment de son arrestation, il est domicilié à Saint-Ustre, sur la commune d’Ingrandes-sur-Vienne (86) ; dans ce lieu-dit est implanté un camp de détention allemand, bombardé par les alliés le 22 juillet 1944. Il habite une "maisonnette du P.N. 205".
Auguste Picard est alors sous-chef de canton à Ingrandes.

 

la gare, "station d’Ingrandes" - oblitération de 1938

 

Il appartient à la direction du Parti Communiste d’Ingrandes (trésorier de cellule).

 

 

"L’Aktion Theoderich"

L’attaque de l’Union soviétique, le 22 juin 1941, se fait au nom de la lutte contre le “judéo-bolchevisme”. Dès mai 1941, une directive du Haut-commandement de la Wehrmacht pour la “conduite des troupes” sur le front de l’Est définit le bolchevisme comme "l’ennemi mortel de la nation national-socialiste allemande. C’est contre cette idéologie destructrice et contre ses adeptes que l’Allemagne engage la guerre. Ce combat exige des mesures énergiques et impitoyables contre les agitateurs bolcheviks, les francs-tireurs, les saboteurs et les Juifs, et l’élimination allemande de toute résistance active ou passive." Hitler est résolu à écraser par la terreur - à l’Ouest comme à l’Est - toute opposition qui viendrait entraver son effort de guerre. Le jour même de l’attaque contre l’Union soviétique, des mesures préventives sont prises dans les pays occupés contre les militants communistes - perquisitions à leur domicile et arrestations - et des ordres sont donnés pour punir avec la plus extrême sévérité toute manifestation d’hostilité à la puissance occupante.

En France, dans la zone occupée, au cours d’une opération désignée sous le nom de code d’Aktion Theoderich, plus de 1000 communistes sont arrêtés par les forces allemandes et la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne, créé à cette occasion pour la détention des "ennemis actifs du Reich" sous l’administration de la Wehrmacht.

Au total - bilan au 31 juillet - 1300 hommes environ y seront internés à la suite de cette action. Effectuant un tri a posteriori, les Allemands en libéreront plusieurs dizaines. 131 d’entre eux, arrêtés entre le 21 et le 30 juin, seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.

 

la place d'Armes de Poitiers sous l'Occupation

 

L’Aktion Theoderich dans la Vienne

Témoignage du postier Marcel Couradeau, déporté à Sachsenhausen le 24 janvier 1943) : "22 juin 1941, je viens de terminer mon service de nuit au centre de tri de Poitiers-Gare. Je rentre à la maison, mais cette fois je prends le chemin des écoliers. J’ai des tracts contre Vichy et l’occupant à mettre dans les boîtes aux lettres, à glisser sous les portes... À six heures, je suis chez moi. À midi, ma femme me réveille. Elle est pâle. Ça y est, les bruits qui couraient depuis quelques jours sont confirmés : l’Allemagne attaque l’URSS... Il va falloir faire vite, sinon les Allemands ne seront pas longs à me cueillir. Mais on frappe à la porte. Trop tard, ils sont déjà là. Ce sont des policiers français, des civils. J’essaie de parlementer. Je me heurte à un mur. En fin d’après-midi, nous sommes six au poste de l’hôtel de ville. À 18 heures, la Feldgendarmerie nous emmène à la Chauvinerie, dans une baraque entourée de barbelés. Nous y serons bientôt près d’une quarantaine avec un fort contingent de Châtellerault et quelques femmes... 14 juillet 1941 : grand branle-bas pour un nouveau départ. Nous débarquons en plein midi dans la cour de la gare de Poitiers. Les amis, les parents sont là (les nouvelles vont vite). Ils veulent s’approcher. Les Allemands les repoussent brutalement. Dans le train qui nous emmène vers Compiègne, nous avons un wagon pour nous seuls. Notre brave Rocher est tout retourné. Fervent témoin de Jéhovah, il décide d’offrir sa vie pour la sauvegarde de la nôtre. Il s’ouvre les veines et se blesse profondément. À Orléans, on l’évacue..."

 

 

Le 23 juin 1941, il est arrêté et conduit au camp de la Chauvinerie à Poitiers. Selon M. Rideau, 33 communistes sont arrêtés ce jour-là dans la Vienne.
Le 12 juillet 1941, ils sont transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht.
Entre fin avril et fin juin 1942, Auguste Picard est sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande, en application d’un ordre de Hitler.
Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus sont conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises.
Le train, appelé "convoi des 45000", part, une fois les portes verrouillées, à 9h30.

 

les deux wagons à bestiaux du Mémorial de Margny-les-Compiègne
installés sur une voie de la gare de marchandise
d’où sont partis les convois de déportation

 

Le voyage dure deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Auguste Picard est enregistré au camp souche d’Auschwitz, peut-être sous le numéro 45982, selon les listes reconstituées.
Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz. Le portrait d’immatriculation de ce détenu a disparu.
Après l’enregistrement, les 1170 arrivants sont entassés dans deux pièces nues du Block 13, où ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7h, tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks 19 et 20.

 

portail du sous-camp de Birkenau, secteur B-Ia
semblable à celui du secteur B-Ib par lequel sont passés tous les “45000”

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Le 10 juillet, après l’appel général et un bref interrogatoire, ils sont envoyés aux travail dans différents Kommandos.
Le 13 juillet - après les 5 premiers jours passés par tous les “45000” à Birkenau - il est dans la moitié du convoi qui reste dans ce camp en construction choisi pour mettre en œuvre la “solution finale”.
Auguste Picard meurt le 2 septembre 1942, d’après les registres du camp.
L’état civil français l’a enregistré "décédé à Dachau (Allemagne) le 5 mai 1945".
Après leur retour de déportation, les rescapés du convoi qui attestent de son décès sont Maurice Rideau, de Paris, Lucien Penner, de Vanves (92), et Henri Peiffer, de Villerupt (Meurthe-et-Moselle).
Son nom est inscrit sur le monument aux morts d’Ingrandes, sur la place à côté du cimetière communal (sur la plaque apposée pour la guerre 1939-1945, année 1942, "déporté").
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (14-12-1997).

 

Sources et liens :

 

 

la Résistance - le calvaire de Maurice Gendron

 

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