Version homme
chantée par Polin (1906)
Pour qu'j'finisse mon
service
Au Tonkin je suis parti
Ah ! quel beau pays mesdames
C'est l'Paradis des petites femmes
Elles sont belles et fidèles
Et je suis devenu l'chéri
D'une petit femme du pays
Qui s'appelle Mélaoli
Refrain :
Je suis gobé d'une
petite
C'est une Anna, c'est une Anna, une Annamite
Elle est vive, elle est charmante
C'est comme un z'oiseau qui chante
Je l'appelle ma p'tite bourgeoise
Ma Tonkiki, ma Tonkiki, ma Tonkinoise
Y en a d'autres qui m'font les doux yeux
Mais c'est elle que j'aime le mieux
L'soir on cause de tas
d'choses
Avant de se mettre au pieu
J'apprends la géographie
D'la Chine et d'la Mandchourie
Les frontières, les rivières
Le Fleuve Jaune et le Fleuve Bleu
Y a même l'Amour c'est curieux
Qu'arrose l'Empire du Milieu
Au refrain
Très gentille, c'est
la fille
D'un mandarin très fameux
C'est pour ça qu'sur sa poitrine
Elle a deux p'tites mandarines
Peu gourmande, elle ne demande
Quand nous mangeons tous les deux
Qu'une banane c'est peu coûteux
Moi j'y en donne autant qu'elle veut
Au refrain
Mais tout passe et tout
casse
En France je dus rentrer
J'avais l'cœur plein de tristesse
De quitter ma chère maîtresse
L'âme en peine, ma petite reine
Etait venue m'accompagner
Mais avant d'nous séparer
Je lui dis, dans un baiser
Refrain :
Ne pleure pas si je te
quitte
Petite Anna, petite Anna, petite Annamite
Tu m'as donné ta jeunesse
Ton amour et tes caresses
T'étais ma petite bourgeoise
Ma Tonkiki, ma Tonkiki, ma Tonkinoise
Dans mon cœur j'garderai toujours
Le souvenir de nos amours
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Version femme
chantée par Esther Lekain et Mistinguett
(1906)
reprise par Joséphine Baker (1930) et Lina
Margy
C'est moi qui suis sa
petite
Son Anana, son Anana, son Anammite
Je suis vive, je suis charmante
Comme un p'tit z'oiseau qui chante
Il m'appelle sa p'tite bourgeoise
Sa Tonkiki, sa Tonkiki, sa Tonkinoise
D'autres lui font les doux yeux
Mais c'est moi qu'il aime le mieux
L'soir on cause d'un tas
d'choses
Avant de se mettre au pieu
J'apprends la géographie
D'la Chine et d'la Mandchourie
Les frontières, les rivières
Le Fleuve Jaune et le Fleuve Bleu
Y a même l'Amour c'est curieux
Qu'arrose l'Empire du Milieu
C'est moi qui suis sa
petite
Son Anana, son Anana, son Anammite
Je suis vive, je suis charmante
Comme un p'tit oiseau qui chante
Il m'appelle sa p'tite bourgeoise
Sa Tonkiki, sa Tonkiki, sa Tonkinoise
D'autres lui font les doux yeux
Mais c'est moi qu'il aime le mieux

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"A mes
Légionnaires qui sont morts"
Capitaine Comte de Borelli
1er Étranger / 7e BFC
Siège de Tuyen-Quang, Tonkin, 1885
Dédié à la mémoire du
Légionnaire Thiébald Streibler qui lui donna
sa vie le 3 mars 1885, pendant le siège
Mes
compagnons, c'est moi ; mes bonnes gens de
guerre,
C'est votre chef d'hier qui vient parler
ici
De ce qu'on ne sait pas, ou que l'on ne
sait guère ;
Mes morts, je vous salue et je vous dit :
Merci.
Il serait temps qu'en France on se prit de
vergogne
A connaître si mal notre vieille
Légion,
De qui, pour l'avoir vue à sa dure
besogne,
J'ai la très grande amour et la
religion.
Or, écoutez ceci :
"Déserteurs ! Mercenaires !
Ramassis d'étrangers sans honneur
et sans foi !"
C'est de vous qu'il s'agit ; de vous,
Légionnaires !
Ayez-en le cœur net, et demandez pourquoi
?
Sans honneur ? Ah ! passons ! - Et sans
foi ? Qu'est-ce à dire ?
Que fallait-il de plus et qu'aurait-on
voulu ?
N'avez-vous pas tenu, tenu jusqu'au
martyre
La parole donnée et le
marché conclu ?
Mercenaires ? Sans doute : il faut manger
pour vivre ;
Déserteurs ? Est-ce à nous
de faire ce procès ?
Étrangers ? Soit. Après ?
Selon quel nouveau livre
Le Maréchal de Saxe était-il
donc Français ?
Et quand donc les Français
voudront-ils bien entendre
Que la guerre se fait dent pour dent, œil
pour œil,
Et que ces Étrangers qui sont
morts, à tout prendre,
Chaque fois en mourant leur
épargnaient un deuil ?
Aussi bien, c'est assez d'inutile
colère,
Vous n'avez pas besoin d'être tant
défendus :
Voici le fleuve Rouge et la rivière
Claire
Et je parle à vous seuls, de vous
que j'ai perdus !
Jamais Garde
de Roi, d'Empereur, d'autocrate,
De Pape ou de Sultan. Jamais nul
régiment
Chamarré d'or, drapé d'azur
ou d'écarlate,
N'alla d'un air plus mâle et plus
superbement.
Vous aviez des bras forts et des tailles
bien prises,
Que faisaient mieux valoir vos hardes en
lambeaux ;
Et je rajeunissais à voir vos
barbes grises,
Et je tressaillais d'aise à vous
trouver si beaux.
Vous aimiez, troupe rude et sans
pédanterie,
Les hommes de plein air et non les
professeurs ;
Et l'on mettait, mon Dieu, de la
coquetterie
A faire de son mieux, vous sachant
connaisseurs.
Mais vous disiez alors : "La chose nous
regarde,
Nous nous passerons bien d'exemples
superflus ;
Ordonnez seulement, et prenez un peu
garde,
On vous attend, - et nous, on ne nous
attend plus !"
Et je voyais glisser sous votre front
austère
Comme un clin d'œil ami doucement
aiguisé,
Car vous aviez souvent épié
le mystère
D'une lettre relue ou d'un portrait
baisé.
N'ayant à vous ni nom, ni foyer, ni
patrie,
Rien où mettre l'orgueil de votre
sang versé,
Humble renoncement, pure chevalerie,
C'était dans votre chef que vous
l'aviez placé ;
Anonymes héros, nonchalants
d'espérance,
Vous vouliez, n'est-ce pas ? qu'à
l'heure du retour,
Quand il mettrait le pied sur la terre de
France,
Ayant un brin de gloire il eut un peu
d'amour.
Quant à savoir si tout s'est
passé de la sorte,
Et si vous n'êtes pas restés
pour rien là-bas,
Si vous n'êtes pas morts pour une
chose morte,
Ô mes pauvres amis, ne le demandez
pas !
Dormez dans la grandeur de votre
sacrifice,
Dormez, que nul regret ne vous vienne
hanter ;
Dormez dans cette paix large et
libératrice
Où ma pensée en deuil ira
vous visiter !
Je sais où retrouver, à leur
suprême étape,
Tous ceux dont la grande herbe a bu le
sang vermeil,
Et ceux qu'ont engloutis les pièges
de la sape,
Et ceux qu'ont dévorés la
fièvre et le soleil ;
Et ma pitié fidèle, au
souvenir unie,
Va, du vieux Wünderli qui tomba le
premier,
En suivant une longue et rouge
litanie,
Jusqu'à toi, mon Streibler, qu'on
tua le dernier !
D'ici je vous revois, rangés
à fleur de terre
Dans la fosse hâtive où je
vous ai laissés,
Rigides, revêtus de vos habits de
guerre
Et d'étranges linceuls faits de
roseaux tressés.
Les survivants ont dit, - et je servis de
prêtre !
L'adieu du camarade à votre corps
meurtri ;
Certain geste fut fait bien gauchement
peut-être :
Pourtant je ne crois pas que personne en
ait ri !
Mais Quelqu'Un vous prenait dans sa gloire
étoilée,
Et vous montrait d'en haut ceux qui
priaient en bas,
Quand je disais pour tous, d'une voix
étranglée,
Le Pater et l'Ave - que tous ne savaient
pas !
Compagnons,
j'ai voulu vous parler de ces choses,
Et dire en quatre mots pourquoi je vous
aimais :
Lorsque l'oubli se creuse au long des
tombes closes,
Je veillerai du moins et n'oublierai
jamais.
Si parfois, dans la jungle où le
tigre vous frôle
Et que n'ébranle plus le recul du
canon,
Il vous semble qu'un doigt se pose
à votre épaule,
Si vous croyez entendre appeler votre nom
;
Soldats qui reposez sur la terre
lointaine,
Et dont le sang donné me laisse des
remords,
Dites-vous simplement : "C'est notre
capitaine
Qui se souvient de nous, - et qui compte
ses morts."
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