(...) Après les moissons, les
vendanges étaient à nouveau une période
d'intense activité. Bien avant la maturité du raisin,
on commençait à s'organiser. Il convenait de
vérifier l'état des futailles et des charreaux et si
nécessaire solliciter l'intervention du tonnelier. Dans les
jours qui précédaient, on avait "sacrifié" des
animaux de la ferme : le mouton, le cochon (quelquefois deux) et
quantité de volailles.
Les plus petites exploitations se
regroupaient par deux ou trois. Souvent le pressoir et la pompe
à vin avaient été achetés en commun. Les
plus grandes embauchaient des équipes plus ou moins
conséquentes en fonction de l'étendue du vignoble.
La main-d'uvre était
facile à trouver. À Vendeuvre avait lieu
l'assemblée du Grand-Gué où filles et
garçons venaient se louer pour le temps des vendanges. Des
ouvriers du Châtelleraudais venaient aussi directement dans les
fermes proposer leurs services. Pour certains, cela leur permettait
de bénéficier, pendant leurs congés, d'un revenu
supplémentaire.
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1940 -
départ en vendanges chez Maurice
Guérin
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Plus tard, des étudiants
fournirent également une main-d'uvre
appréciée. Il arrivait souvent que d'une année
sur l'autre on retrouve les mêmes équipes dans les
vignes. Les employeurs comme les employés s'estimaient
mutuellement.
On vendangeait bien deux à
trois semaines chez Champalou, Creuzé, de La Chevasnerie,
Descoux, Fournier, Grassien, Guérin, Lemoine, Pouffarin,
Sarrazin, mais la palme revenait au château des Roches. Avec
son vignoble de 33 ha, les vendanges s'étalaient bien sur
quatre semaines avec trente vendangeurs et cinq hotteurs. Il faut
dire que dans les années 1950 le domaine produisait 2 500 hl
de vin.
Bien souvent les vendangeurs
logeaient à la ferme dans des dortoirs aménagés
pour la circonstance. Il convenait aussi de leur assurer le couvert.
L'appétit ne manquait pas : les boudins, les "grattons", les
pâtés, les salés, les rôtis, les
ragoûts, les pois, les omelettes revenaient souvent dans les
menus.
Le repas de midi avait souvent lieu
dans les vignes. On économisait ainsi le temps de transport,
et la ménagère se trouvait libérée des
tâches de vaisselle. Assis à même le sol, on
mangeait "sur le pouce". C'était un moment de détente
quand il faisait beau mais moins drôle lorsque le temps
était moins clément. On mettait alors le feu à
un tas de javelles pour se réchauffer.
1944 - ils sont dans
les vignes...
Nicole Thibault / Maxime Auzanneau / Jeanne Thibault / Charles
Thibault / René Auzanneau
Odette Auzanneau / André Pouffarin / Claude Auzanneau
/ Malcy Jacques
Au cours de la journée, d'une
vigne à l'autre, les vendangeurs s'interpellaient, se
donnaient rendez-vous pour la fête au village. Plusieurs fois
la semaine, des soirées dansantes étaient
organisées au son du pick-up,
le mercredi et le samedi au café Cyr à Marigny et les
mardi, jeudi et samedi au café Clair à
Saint-Léger. La grande journée festive, c'était
l'assemblée dite de la petite Saint-Roch le 2e dimanche
d'octobre avec sa fête foraine et bal en matinée et
soirée sous parquet salon avec orchestre. Combien de Pierrots
ont alors rencontré Colombine ?
"La v'lot" ou "le Bourlot" marquait
la fin des vendanges dans chaque exploitation. Sur le dernier
"charreau" on plaçait haut le traditionnel bouquet. Et pour
l'ultime retour à la ferme, l'équipe des vendangeurs
faisait cortège à l'attelage en se tenant bras dessus,
bras dessous en chantant les refrains à la mode.
Un repas particulièrement
élaboré, encore ponctué de chansons,
clôturait la saison des vendanges. On savourait le premier vin
tiré : la bernache. Et puis venait le moment des
séparations. En se disant au revoir, on ne savait si
c'était la joie ou la tristesse qui dominait. On se promettait
de se revoir l'année suivante.
1945 - autour du
pressoir chez Louis Manceau à Méoc
René Dugas /
René Manceau / Yves Petitpied / Christiane Gohier /
Célestine Gohier
Alexandre Manceau / Roger Petitpied / Louis Manceau / André
Manceau / Monique Petitpied
Thérèse Manceau / Léon Chevrier / Elisabeth
Manceau
Le vin tiré, la grappe de
raisin pressée et repressée, devenue râpe,
renfermait encore une ultime possibilité de transformation et
on allait pas s'en priver. Stockée dans des "charreaux" ou
dans de grands tonneaux, bien tassée et sablée pour
qu'elle ne prenne pas l'air, elle attendait ainsi le milieu de
l'hiver pour être menée à l'alambic. On allait
faire la goutte. Et c'était encore tout un
cérémonial.
Le bouilleur de cru, en homme expérimenté, savait
conduire sa chauffe 5 heures durant avant que ne s'écoule la
précieuse "eau de vie".
vigne et vin - la
production noble de notre terroir
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Depuis quand cultive-t-on la vigne en
Poitou ?
Sans doute depuis bien longtemps. On
sait qu'à partir de l'an 282, l'empereur Probus leva
l'édit qui jusque là interdisait la plantation au nord
de la Gironde.
Pourtant dès
l'Antiquité, le vin est synonyme de convivialité.
Dès le IVe siècle, le christianisme le compara au sang
du Christ.
Au cours des siècles suivants,
la présence de nombreuses abbayes et communautés
religieuses dans notre Poitou et autour de Poitiers principalement a
contribué à l'expansion du vignoble.
C'est au XIIe siècle avec
Aliénor d'Aquitaine que le vin du Haut-Poitou atteindra sa
plus haute renommée. Elle fera même la promotion de ce
vin léger en Grande-Bretagne.
la Saint-Vincent
à Saint-Léger - vers 1950
Tel un empereur romain sur son char, Lionel Clercq, président,
entre dans Saint-Léger.
à droite, Roland Secouet, vice-président
Le XIVe siècle voit le grand
succès du vin de Marigny-Brizay qui se vend à des prix
considérables et rivalise avec les plus grands crus,
grâce principalement à la nature des sols et à
l'exposition de ses coteaux. Mais, lors de la guerre de cent ans,
avec Du Guesclin et sa haine pour les Anglais, arrivent la
pénurie et la famine. Les cultures sont saccagées. La
vigne est délaissée.
Il faudra attendre le XVIIIe
siècle pour revoir la prospérité dans notre
région. La vigne devient la principale ressource des paysans.
Le cep le plus prisé est le pinot mais on cultive aussi la
folle blanche. À cette époque, les ceps se trouvent en
végétation libre à ras du sol à quatre
arçons en éventail. Ils étaient malheureusement
à la merci des intempéries, les raisins à
même le sol pourrissaient avant de mûrir.
Les vendanges proprement dites
relevaient d'une pratique féodale. Il semble qu'il en soit
encore ainsi de nos jours. Le "ban" avait pour but d'éviter le
ramassage du raisin avant sa maturité et surtout d'obliger les
vignerons à payer la dîme au seigneur.
exemple d'un ban de
vendanges en 1827
"Nous
soussigné Maire de la commune de Marigny-Brizay, vu
le rapport qui nous a été fait par MM.
Delalande, Mesnard et Moine sur la maturité des
raisins des différents fiefs, avons
arrêté et arrêtons l'abonnement des
vendanges ainsi qu'il suit :
- Mardi deux octobre : les
vignes de Baïdon, La Chapelle de Jeu, La Plaine, le
Châtelet
- Mercredi trois : les
vignes du Coteau, Truet, La Fouchallerie, La Petite
Tour
- Jeudi quatre : les
vignes du Clos Picault
- Vendredi cinq : les
vignes du Fourreau et de l'Abbaye
- Samedi six : les vignes
du Chilly, les Tiers, le Blouzard.
Il est enjoint à tous
les propriétaires et fermiers de se conformer au
présent abonnement et de ne point anticiper
l'époque fixée sous peine d'amende.
Il est extrêmement défendu aux grappilleurs
d'entrer dans les vignes au moins trois jours après
l'abonnement. À tous ceux qui s'y seraient
trouvés, il est ordonné au garde
champêtre de leur ôter leurs paniers et de les
rapporter à la mairie."
Signé
Pierre de Boynet
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En 1874, la production était
estimée dans notre commune à 2 200 hl l'an.
Vers 1878, ce fut la catastrophe,
l'apocalypse pour la vigne avec l'arrivée en Poitou du
phylloxéra. En cinq années, le vignoble est
entièrement détruit. Toutes les tentatives de lutte
sont vaines. Il faut arracher.
En 1890, il ne reste pratiquement
plus rien du beau vignoble neuvillois. C'est à nouveau la
misère, l'exode vers les villes. Les pouvoirs publics
encouragent à trouver de nouveaux plans de remplacement ; la
plantation des plans américains tels que l'Othello et le Noah
est préconisée. Le greffage donne des résultats
satisfaisants.
la Saint-Vincent
à Saint-Léger - 1960
à droite, Roland Pouffarin, président, avec sa fille
Cécile
à gauche, André Verdon, vice-président
les madelons : Muguette Clair / Yolande Arnault / Jacqueline
Baudin.
On peut reconnaître également Claude Petit / Jacques
Baudin / Abel Sarrazin / Dauphin Petit.
Au début du XXe siècle,
de nouveaux cépages font alors leur apparition : la Folle, le
Chenin, le Sauvignon et le Sémillon pour les blancs ; le
Pinot, le Cabernet, le Chenin noir et le Gamay pour les rouges.
Pendant la guerre 1914-1918, les
problèmes renaissent. Les hommes ne sont plus là pour
entretenir le vignoble, faire les traitements nécessaires.
proverbes
- "À bon vin, point
d'enseigne" : ce qui est bon se recommande de
soi-même
- "Le vin est tiré,
il faut le boire" : l'affaire étant
engagée, il faut en accepter les suites,
même fâcheuses
- "Beauté de femme
et bon vin font se lever matin" : ne perdons pas de temps
pour profiter des plaisirs de la vie
- "De femmes et de vin ne
faites pas magasin" : n'abusons pas trop des bonnes
choses
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En 1920, Évariste
Creuzé*, membre de la société d'Agriculture,
Belles Lettres, Sciences et Arts de Poitiers, prône une autre
politique pour le vignoble. À ses yeux, seuls les hybrides
tels que les Seibels sont crédibles. Mais la qualité et
la longévité de ces variétés
s'annonceront vite discutables.
Après la seconde guerre
mondiale, Gérard Marot,* autre compétence viticole,
encouragera lui aussi la plantation des hybrides tels les bacos, les
gaillards, les ceps Villard, les 54/55, le Léon Millot... La
production devint conséquente, souvent plus de 100 hl à
l'ha.
Revirement de situation dans les
années 1960 : les hybrides deviennent prohibés. La
commercialisation de ces vins est interdite. Seuls quelques pieds
d'Othello ou de 54/55 subsistent encore pour une consommation
personnelle.
Notre vignoble s'étend
actuellement sur 120 ha. Le vin qui émane de cépages
nobles tels que Sauvignon, Pinot Chardonnay, Chenin pour les blancs,
Gamay, Cabernet, Pinot noir pour les rouges, est d'excellence
qualité et apprécié partout en France mais aussi
à l'étranger. Peut-être même encore
à la cour d'Angleterre ?
La richesse du sol de notre
Haut-Poitou, argilo-calcaire, bénéficie d'un
microclimat favorable à la viticulture ; moins sec qu'en
Aquitaine et plus ensoleillé qu'en Touraine.
Nos vignerons sont des hommes
passionnés par leur métier. Le label VDQS qu'ils ont
obtenu valorise leurs produits. Les distinctions qu'ils
reçoivent lors de foires aux vins, dont celle prisée de
Paris, sont pour eux la meilleure des publicités. Pour notre
plus grande fierté aussi.
* Évariste Creuzé et
Gérard Marot étaient des Igny Marins.
chansons
De vigne en
tonne
La voilà la jolie tonne
Tonni, tonnons, tonnons le vin
La voilà la jolie tonne au vin
La voilà la jolie tonne
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Chevaliers de la
table ronde
Goûtons voir si le vin est bon
Goûtons voir oui, oui, oui
Goûtons voir non, non, non
Goûtons voir si le vin est bon.
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Source :
"Si
Marigny-Brizay m'était conté..." - Jean-Claude Lemoine
- 2003
https://www.stleger.info