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Villon rapporta aux acteurs cet entretien en grande
indignation, ajoutant que Dieu ferait de Tappecoue vengeance
et punition exemplaire bientôt.
Le
samedi suivant, Villon eut avis que Tappecoue, sur la
pouliche du couvent, était allé
faire
la quête à
Saint-Ligaire
et qu'il serait de retour sur les deux heures après
midi. Or donc il passa en revue les acteurs de la diablerie
dans la ville et sur le marché. Ses diables
étaient tout caparaçonnés de peaux de
loups, de veaux et de béliers, passementées de
têtes de mouton, de cornes de bufs et de grands
crochets de cuisine ceints de grosses courroies, desquelles
pendaient de grosses cymbales de vaches et des sonnettes de
mulets à bruit horrifique. Certains tenaient à
la main des bâtons noirs pleins de fusées,
d'autres portaient de longs tisons allumés, sur
lesquels, à chaque carrefour, ils jetaient à
pleines poignées de la résine en poudre, dont
il sortait un feu et une fumée terribles.
Les
ayant ainsi conduits à la joie du peuple et à
la grande frayeur des petits enfants, finalement il les mena
banqueter en une cassine (c'est-à-dire une auberge de
campagne, une guinguette) hors des murs de la ville,
sur
le chemin de
Saint-Ligaire.
Arrivés à la cassine, ils aperçoivent
de loin Tappecoue, qui retournait de sa quête.
- Par
la mordienne, dirent alors les diables, il n'a pas voulu
prêter à Dieu le Père une pauvre chape.
Faisons-lui peur !
- C'est bien dit, répond Villon. Mais cachons-nous
jusqu'à ce qu'il passe et chargez vos fusées
et tisons.
Tappecoue
arrivé à l'endroit où ils
étaient, ils se précipitèrent tous sur
le chemin, devant lui, terribles, jetant feu de tous
côtés sur lui et sur sa pouliche, sonnant de
leurs cymbales, et hurlant en diables :
- Hho hho hho hho bourrrous, rourrous, rourrous, hou hou hou
hho hho hho. Frère Étienne, faisons-nous pas
bien les diables ?
La
pouliche tout effrayée se mit au trot, à
bonds, et au galop, à ruades, doubles pédales
et pétarades, tant qu'elle jeta bas Tappecoue,
quoiqu'il se tint à la selle de toutes ses forces.
Ses étrivières étaient de cordes. Un de
ses souliers à lanières, celui du pied droit,
y était si fort entortillé qu'il ne le put
jamais tirer. Aussi était-il traîné
à écorchecul par la pouliche toujours
multipliant ses ruades contre lui et fourvoyée de
peur par les haies, buissons et fossés. De
façon qu'elle lui martela toute la tête et que
la cervelle en tomba près de la croix Osanière
puis elle lui mit les bras en pièces, l'un ici,
l'autre là, les jambes de même, et des boyaux
fit un long carnage, en sorte que la pouliche,
arrivée au couvent, ne portait de lui que le pied
droit dans le soulier entortillé.
Villon,
voyant accompli ce qu'il avait prévu, dit à
ses diables :
- Vous jouerez bien, messieurs les diables, vous jouerez
bien, je vous assure. Oh ! que vous jouerez bien ! Je
défie la diablerie de Saumur, de Doué, de,
Montmorillon, de Langes, de Saint-Espain, d'Angers, voire,
par Dieu ! de Poitiers, avec leur grande halle, de pouvoir
vous être comparée. Oh ! que vous jouerez bien
! (...)"
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