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marchande de
fouaces,
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Cette petite galette de
froment, dont Gargantua raffolait, cuit doucement et
sétire en gonflant. Fouée ou fouace... au
commencement était le four, ce four dans lequel,
depuis la nuit des temps, l'homme a fait cuire le pain.
Ainsi, fouées et fouaces sont-elles issues du
même foyer, de ce "focus" d'où a
été tiré le mot fouace. Dans son roman "Gargantua",
Rabelais met en scène la guerre picrocholine (ou
guerre des fouaces), guerre opposant Picrochole à
Grandgousier et Gargantua, provoquée par un conflit
entre les bergers de Grandgousier qui se sont emparés
d'un ou deux paniers de fouaces suite au refus des fouaciers
de les leur vendre... |
la vie très
horrifique du grand Gargantua, Origine de la guerre
picrocholine
(1) localité voisine
de Chinon A leur requête ne
furent aucunement enclinés les fouaciers,
mais, que pis est, les outragèrent grandement, les
appelant brèche-dents, plaisants rousseaux,
fainéants, rien-ne-vaut, rustres, malotrus et autres
telles épithètes diffamatoires, ajoutant que
point à eux nappartenait manger de ces belles
fouaces, mais quils devaient se contenter de
gros pain ballé (3) et de tourte. (3) ballé :
mélangé de son Auquel outrage un
dentre eux, nommé Frogier, bien honnête
homme de sa personne, et notable bachelier (4)
répondit : "Depuis quand avez-vous pris cornes,
quêtes tant rogues devenus ? Déa (5),
vous nous en souliez (6) volontiers bailler, et maintenant y
refusez ? Ce nest fait de bons voisins, et ainsi ne
vous faisons, nous, quand vous venez ici acheter notre beau
froment, duquel vous faites gâteaux et fouaces
; encore par le marché vous eussions-nous
donné de nos raisins ; mais vous en pourriez
repentir, et aurez quelque jour affaire de nous. Lors nous
ferons envers vous à la pareille, et vous en
souvienne". (4) jeune homme Adonc Marquet, grand
bâtonnier de la confrérie des fouaciers
lui dit : "Vraiment, tu es bien acrêté (7)
à ce matin : tu mangeas hier soir trop de mil. Viens
çà, viens çà, je te donnerai de
ma fouace." (7) acrêté : la
crête haute Lors Frogier en toute
simplesse approcha tirant un onzain (8) de son baudrier,
pensant que Marquet lui dût dépocher de ses
fouaces, mais il lui donna de son fouet à
travers les jambes si rudement que les nuds y
apparaissaient ; puis voulut gagner à la fuite. Mais
Frogier sécria au meurtre et à la force
tant quil put, ensemble lui jeta un gros tribard (9)
quil portait sous son aisselle et latteint
à la tête, en telle sorte que Marquet tomba de
sa jument ; mieux semblait homme mort que vif. (8) onzain : pièce de
onze deniers Cependant les
métayers, qui là auprès challaient les
noix, accoururent avec leurs grandes gaules, et
frappèrent sur ces fouaciers comme sur seigle
vert. Les autres bergers et bergères, oyant le cri de
Frogier, y vinrent avec leurs frondes et les suivirent
à grands coups de pierres, tant menus quil
semblait que ce fût grêle. Finalement
ôtèrent de leurs fouaces environ quatre
ou cinq douzaines, toutefois ils les payèrent au prix
accoutumé et leur donnèrent un cent de quecas
(10) et trois pancrées de francs-aubiers. Puis les
fouaciers aidèrent à monter Marquet,
qui était vilainement blessé, et
retournèrent à Lerné sans poursuivre le
chemin de Parilly, menaçant fort et ferme les
bouviers, bergers et métayers de Seuilly et de
Cinais. (10) quecas :
noix Ce fait, et bergers et
bergères firent chère lie avec ces
fouaces et beaux raisins, et se rigolèrent
ensemble au son de la belle bousine (11), se moquant de ces
beaux fouaciers glorieux. Et avec gros raisins
chenins, étuvèrent les jambes de Frogier
mignonnement, si bien quil fut tantôt
guéri... (11) bousine : cornemuse |