aint éger sous euvray "mystérieux"

 

tiré de "uide de la Bourgogne et du Lyonnais mystérieux"
Patrice Boussel - Les Guides noirs
Editions Tchou Princesse - 1978

 

Chef-lieu de canton à l'est du mont Beuvray, Saint-Léger se trouve construit sur un plateau assez étroit entre la vallée du Méchet au nord et le vallon de l'étang de Poisson au sud.

 

chaume du Mont Beuvray - le panorama http://www.panoramio.com

 

La topographie et l'histoire lient étroitement Saint-Léger et le Beuvray qui est un des hauts lieux de la civilisation gauloise. La puissante place fortifiée des Éduens a été fouillée par J.-G. Bulliot sous le Second Empire. Sur le chaume du mont Beuvray, le promeneur jouit par beau temps d'un panorama fort étendu ; il constate la présence d'une table d'orientation, d'une chapelle construite en 1873 et consacrée en 1876, d'une croix montrant saint Martin donnant son manteau à un pauvre, d'un monument érigé à la mémoire de Bulliot ; il se promène enfin sous une hêtraie admirable dont chaque arbre est un chef d'oeuvre à lui seul. Mais il ne découvre rien du fameux oppidum, ne voit aucune trace de fouilles et doit admettre la présence du rempart gaulois, dit fossé du Beuvray, à mi-côte, sans être certain de ne pas se trouver devant une dénivellation naturelle. Toutes les constructions et la plupart des objets exhumés ont été réenfouis avec l'accord des propriétaires du terrain et Beuvray a repris l'apparence d'un lieu banal oh rien ne se serait passé. Quelques pièces seulement, offrant un particulier intérêt archéologique, ont été déposées au musée des Antiquités Nationales, à Saint-Germain-en-Laye, ou au musée Rolin d'Autun.

 

 

 

la forêt du Mont Beuvray http://www.panoramio.com

 

L'historien de Bibracte doit donc lire beaucoup, se rendre à Autun et dans le département des Yvelines ; mais heureusement le simple amateur trouve déjà de quoi satisfaire une partie sa curiosité à Saint-Léger, dans une salle de la mairie. Il y rencontre, à côté de la carte dressée en 1869 par le vicomte d'Aboville, une photographie aérienne prise en 1955 pour l'Institut géographique national, sur laquelle surgit à nouveau le tracé des fouilles. Une vitrine contient de nombreux débris de poteries celtiques et italiques, des fragments de mosaïques romaines, des pièces de monnaie, des morceaux de fiches en fer venant du rempart. Le petit musée possède encore la moule d'un moulin à bras, des poteries gauloises trouvées brisées et qui ont été reconstituées, en particulier une marmite à trois pieds, et surtout deux belles amphores découvertes en 1956, lors des travaux d'aménagement de la route traversant le mont. Semblables à celles trouvées en Méditerranée sur les épaves des navires romains, elles démontreraient, s'il en était besoin, le goût des habitants de la Gaule indépendante pour les vins importés. Les marchands italiens réalisaient alors de scandaleux bénéfices dans ce commerce : acheminées par eau jusqu'à Chalon, puis par chariots et porteurs, les amphores exhumées au Beuvray ont toutes le col tranché, seul moyen d'enlever proprement la fleur formée sur le vin au cours du long trajet.

Ce que possède la mairie de Saint-Léger demeure évidemment fort modeste, mais il convient de reconnaître que le sous-sol de la commune n'a jamais été méthodiquement fouillé ; on est donc seulement informé d'une faible partie des découvertes faites sur place, les "inventeurs" (laboureurs ou maçons) évitant généralement toute publicité à ce sujet.

Cela ne suffit peut-être pas à faire revivre en esprit la grande ville qui exista sur le mont Beuvray avant la venue des Romains et dont, selon la légende, on entendait jadis crier les portes sur leurs gonds jusqu'à Nevers chaque fois qu'on les ouvrait. Ces témoignages épars ne provoquent pas moins chez quelques-uns de plaisantes rêveries rétrospectives.

 

 

 

 

Andrée Cotillon est le témoin-surprise du procès intenté par l'inspecteur Pierre Bonny au magazine Gringoire en février 1935 pour diffamation. Ses déclarations accusant Bonny de tentative de chantage à son endroit font sensation - photographie illustrant l'article "Bonny arrêté" dans "Police magazine" du 9 décembre 1934

 

 

 

L'héritière des 40 rois, fusillée puis réhabilitée

Charmant mais modeste chef-lieu de canton, à l'écart des grandes voies de passage et des grands centres urbains, Saint-Léger occupe curieusement une place dans l'histoire secrète de la Troisième République. Mademoiselle Cotillon vécut au Pomeret, écart du bourg sur la route du Beuvray. Cette mystérieuse personne y avait été placée, enfant, par l'Assistance publique ; elle prit la fuite à l'âge de treize ans. Des années plus tard, on la retrouve portant plainte pour chantage contre "le premier policier de France", selon le président du Conseil des ministres, l'inspecteur Bony, bien connu pour son rôle dans le drame de la Combe aux Fées (l'affaire Prince), et à l'occasion du "suicide" du financier Stavisky. Mlle Cotillon gagne son procès, le policier est révoqué. Les recherches généalogiques entreprises par elle sur ses origines la conduisent jusqu'à l'année 1845 du registre des décès de Delft : son aïeul aurait été Guillaume Naundorff qui se disait Louis Charles de Bourbon, duc de Normandie, encore connu sous le nom de Louis XVII, fils de Louis XVI et de Marie-Antoinette - "une histoire à foutre par terre la République" avait dit Clemenceau. Princesse de Bourbon ou non, Mlle Cotillon sera condamnée par un tribunal spécial et fusillée en 1944. Arrêté sous l'uniforme allemand, l'inspecteur Bony sera, la même année, condamné à mort et exécuté. Après la cessation des hostilités, la Cour de Bordeaux jugera qu'aucun des faits reprochés à Mlle Cotillon ne pouvait être retenu et sa mémoire sera réhabilitée. Il n'en ira pas de même pour celle de l'inspecteur de la police judiciaire.

 

 

 

 

Andrée Cotillon - ici en 1935 à la devanture de son établissement "Chez Mlle Cotillon", au 52 bd des Batignolles) est connue pour avoir été notamment charcutière aux Batignolles, barmaid, danseuse légère, tenancière de bar-restaurant et présidente du Cercle d'Iéna. "Sans doute désespérée de porter un nom aussi roturier", elle achète en 1937 au prétendu prince Charles Louis Mathieu de Bourbon Naundorff une reconnaissance en paternité qui lui permet d'arborer le titre fantaisiste de princesse. Procédurière, elle n'intente pas moins de 12 procès divers entre 1932 et 1937. Après avoir été rançonnée semble-t-il par la bande Lafont-Bonny en 1943, elle finit exécutée en 1944 par la Résistance pour collaboration.

source et lien pour en savoir plus sur Mlle Cotillon et Pierre Bonny : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Bonny

 

 

Présence des extra-terrestres

Doit-on enfin, dans l'histoire de Saint-Léger, tenir compte de certains phénomènes extra-terrestres survenus au cours des années 1953-1954 ?

Le 17 août 1953, par un temps clair, un objet non identifié, sorte d'aéronef géant ou d'étrange ballon-sonde, demeura stationnaire dans le ciel plus de douze heures. Observé par un témoin avec une lunette grossissant vingt fois, "il avait l'aspect d'un anneau d'une certaine épaisseur, présentant deux taches très brillantes diamétralement opposées". Nouveau passage d'une "soucoupe volante" le 9 janvier 1954 entre 6 heures et 8 heures du matin, et dans la soirée du 10 novembre de la même année. Les témoins, ce dernier soir, virent comme un "phare braqué" en direction de la terre, un faisceau lumineux découpant dans la nuit une surface d'environ vingt mètres carrés, se déplaçant lentement sans aucun bruit, variant d'intensité, puis disparaissant après un moment.

Les habitants de Saint-Léger-sous-Beuvray, au demeurant, ne semblent point tirer vanité de l'antiquité des lieux où ils vivent, non plus que des phénomènes étranges qui s'y produisent ou des énigmes historiques dont le souvenir reste attaché à l'endroit. A peu près seul dans le bourg, M. Taron, responsable du musée de la mairie, consacre à l'histoire locale le meilleur de son temps et l'essentiel de cette notice est dû à son érudition et à sa bienveillance.

 

l'oppidum de Bibracte http://www.panoramio.com

 

Sur le chemin du Beuvray

La route de Saint-Léger à Moulins-Engilbert monte jusqu'au lieu-dit Croix du Rebout (il n'y a plus de croix) où, sur la gauche, débouche, taillée au bulldozer, la nouvelle route carrossable du Beuvray. Elle suit, pour l'essentiel, le tracé de l'ancienne voie celtique coupant le mont en deux parties à peu près égales ; la principale voie d'accès à l'oppidum de Bibracte est ainsi devenue une route pour automobilistes en promenade, et le sens unique imposé favorise plus l'étude comparée des tournants pris avant ou après avoir changé de vitesse que l'observation archéologique. Aussi auront-ils franchi à peu près certainement sans s'en rendre compte le rempart qui se développait autour de Bibracte sur 5 kilomètres environ et enfermait les 135 hectares de la cité. De ce rempart et de la porte du Rebout (principale entrée de l'oppidum), il est vrai, il n'y plus guère de traces.

A un mètre en avant de la muraille, laissant ainsi une sorte d'étroit chemin de ronde, un fossé de 5 à 6 mètres de profondeur et de 11 mètres de largeur avait été creusé, sauf en quelques points de plus facile défense. Le rempart, qu'on peut supposer haut de 5 mètres et épais de 3, avait demandé une somme énorme de travail, mais résistait également au bélier et au feu ; sous sa protection, les Éduens pouvaient se croire inexpugnables. La porte du Rebout était défendue sur chacun de ses côtés par un épaulement se terminant par un coude rentrant en dedans à angle droit et formant couloir. Un fossé se détachant vers l'avant formait saillie et une tour rectangulaire protégeait l'ensemble. Une deuxième porte, donnant un dégagement au sud-ouest, a été retrouvée : il avait fallu élargir le passage et le roc porte encore la marque de l'outil gaulois. Après quelques sondages entrepris en 1865, les véritables fouilles commencèrent deux ans plus tard sous la direction de Gabriel Bulliot et avec l'appui financier de Napoléon III ; elles se poursuivirent sous la Troisième République, toujours menées par Bulliot, puis par son neveu, Joseph Déchelette.

Près de la porte du Rebout, Bulliot laissa au jour, sur quelques mètres, à gauche de la route, la base du rempart. On y voit encore le vide laissé par les traverses pourries. Une épaisse couche de terre recouvre les restes du rempart rasé. Au début de notre siècle, il était possible, écrit Déchelette, de faire "sans difficulté" le tour de l'oppidum.

 

Jacques Gabriel Bulliot (1817-1902)

source et lien : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Gabriel_Bulliot

Joseph Déchelette (1862-1914)

source et lien : https://fr.wikipedia.org/wiki/Joseph_D%C3%A9chelette

 

Le quartier industriel

Les fouilles de 1869 ont révélé, dès le rempart franchi, l'emplacement de petites habitations, en groupements serrés, tout le long et de chaque côté du chemin, sur 500 mètres environ. Les murs en pisé, de 30 centimètres d'épaisseur, étaient soutenus par des châssis de bois élevés sans aucun souci de l'angle droit. Il s'agissait de demeures de forgerons, de fondeurs et d'émailleurs. Leurs ateliers - de 82 mètres d'un seul tenant - se trouvaient un peu plus haut. La quantité de monnaies gauloises trouvées indique l'activité de ce quartier industriel. Bulliot exhuma des débris d'outils : creusets, polissoirs, pierres à aiguiser, tenailles, enclumes... gisant généralement le long des murs sur l'aire durcie par le feu. Parfois, l'urne cinéraire du forgeron se trouvait à la place occupée auparavant par l'enclume. Dans certains ateliers, des fours à minerai de 90 centimètres de diamètre intérieur, en moellons bruts, protégés du feu par 20 centimètres de terre réfractaire, étaient groupés par quatre ou par cinq; des scories lourdes gisaient alentour, ou collées aux parois intérieures, ainsi que des buses et quelques lingots de fer. Un aqueduc de un mètre dix de hauteur et de soixante centimètres de largeur amenait l'eau dans ce quartier. L'aménagement de la route en 1956, en mordant de quelques décimètres sur le talus de gauche, mit au jour une poterie brisée, en terre grise, contenant un fragment d'omoplate portant une inscription en lettres grecques. A côté furent trouvées deux anses d'amphore avec la marque de leur fabricant romain, en caractères latins, ainsi que sept petites tablettes rouges et blanches sans trace d'usure, qui seraient peut-être un surplus de pavage. Un peu plus loin, sur la gauche, avec l'amorce d'un terrassement, fut découvert un dépôt d'amphores : en 1956, une vingtaine furent trouvées, soigneusement décapitées.

 

 

 

 

 

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La Pierre de la Wivre

Le chemin herbeux venant de L'Échenaud que l'on rencontre bientôt sur la droite délimite avec le rempart et la route qui vient d'être suivie un triangle baptisé le Champlain. En ce lieu, selon Bulliot, se serait tenue l'assemblée des représentants de toute la Gaule, appelés à Bibracte par les Éduens après l'échec de César devant Gergovie.

Trois candidats briguaient le commandement suprême des confédérés, trois anciens amis des Romains : Vercingétorix, qui venait de tenir en échec César devant Gergovie ; Éporédorix et Viridomare, qui commandaient la cavalerie éduenne aux côtés du proconsul. Vercingétorix reçut de l'assemblée confirmation de ses pouvoirs et ses deux rivaux lui prêtèrent serment d'obéissance.

Dans la partie nord-ouest du Champlain se dresse un rocher isolé, haut de 4 mètres, long de 9, sur une plate-forme rocheuse de 150 mètres sur 90. Cette plate-forme semble avoir été nivelée de main d'homme et le roc au centre de l'esplanade, tapissé de lichens jaunâtres, a l'aspect étrange d'un "bloc sulfureux". C'est la "Pierre de la Wivre". Sur sa face nord, une sorte de rampe qui conduit à son sommet paraît avoir été aménagée pour en faciliter l'accès. Une cuvette creusée à la partie supérieure, souvent à demi remplie par les eaux de pluie, porte le nom de "Fontaine des Larmes".

S'agit-il d'un antique autel sur lequel avaient lieu les sacrifices ? Doit-on y voir une tribune ? Est-ce de là que Vercingétorix harangua les chefs gaulois et, plus tard, que saint Martin adressa aux Éduens la parole évangélique ? S'agit-il simplement d'un reste de la carrière utilisée pour la construction du rempart ?

 

la Pierre de la Wivre http://silipion.kazeo.com/la-pierre-de-la-wivre-france-a125697856

 

C'était encore, il y a moins d'un siècle, la pierre sous laquelle un trésor se trouvait caché. La Wivre en défendait l'approche mais, une fois l'an, le serpent volant déplaçait la pierre et étendait le trésor au soleil, pendant qu'avait lieu la procession, le dimanche de Pâques. Selon une autre tradition, le trésor demeurait sans surveillance le temps que durait la messe de minuit, la nuit de Noël. Certains disaient qu'il suffisait alors, pour, s'emparer d'une partie ou de l'ensemble des richesses, de jeter dessus de la mie de pain. Tout ce qu'elle aurait touché appartiendrait à l'audacieux. Autre technique : s'emparer du trésor et traverser une eau courante, si faible soit-elle ; la Wivre serait incapable de reprendre son bien.

On racontait qu'une femme, au lieu d'aller à la messe, se rendit à la Pierre, accompagnée de son enfant. Elle trouva la roche déplacée, le trésor sans défense, s'empara de tout ce qu'elle put et s'enfuit juste à temps pour échapper à la Wivre... mais elle ne retrouva pas son enfant. Dans son désespoir, elle consulta le curé ; celui-ci lui conseilla de retourner à la Pierre chaque jour, de verser au sommet du lait et du miel pendant douze mois et quand reviendrait le jour où s'ouvrait le trésor, d'y reporter sans rien conserver tout ce qu'elle avait emporté. Jour après jour, sans en manquer un, par le chaud et par le froid, par le beau et par le vilain temps, elle alla verser le lait et le miel. Le Jour arriva : la mère trouva sous la pierre son enfant en parfaite santé, assis devant une table de pierre sur laquelle était une pomme. Elle restitua joyeusement le trésor et emporta son enfant.

La Wivre ne demeurait pas toujours au sommet du Beuvray, mais se rendait également à Thouleurs et de là aux roches de Glenne. L'histoire de la femme qui s'empare d'une partie du trésor et oublie son enfant a été aussi localisée à Glenne, mais avec deux variantes. Dans l'une, elle ne fit point d'offrandes et ne retrouva l'année suivante qu'un squelette ; dans l'autre, elle oublia de venir un jour et retrouva son enfant vivant mais auquel il manquait un bras.

 

Les dieux

Poursuivant la route conduisant à la terrasse, il est possible de voir sur la gauche, dans les broussailles, cinquante mètres au delà du chemin de L'Échenaud, l'emplacement d'un couvent de Cordeliers construit au XIVe siècle et détruit en 1570 par les huguenots de Coligny qui, après avoir vaincu à Arnay-le-Duc les papistes de Cossé-Brissac, s'étaient repliés sur Autun et, cette ville ayant résisté, avaient gagné Saint-Honoré.

 

la Pierre Salvée http://www.patrimoinedumorvan.org

 

Sur la droite - à l'ouest - se trouvent le "Teureau de la Roche" et la "Pierre Salvée" où, à l'une des extrémités, une aiguille isolée se dresse comme un pseudo-menhir. Dans le voisinage de la "Pierre Salvée" s'élevait, à l'époque impériale, un petit oratoire païen, peut-être consacré à la déesse Bibracte, si elle a existé. La chapelle de Saint-Martin se trouve bâtie sur son emplacement. Le très modeste temple antique se composait d'une cella rectangulaire, flanquée de deux galeries latérales faisant portiques. Selon Déchelette, "au chevet, tourné à l'orient, s'ouvrait un petit sacellum en retrait, élevé de quelques degrés et séparé de la nef par un rang de colonnes. Là se dressait peut-être la statue de la déesse."

Il est permis d'avoir quelques hésitations sur l'existence de cette déesse Bibracte. Sans doute, au cours des travaux de construction du séminaire d'Autun, en 1679, a-t-on découvert dans un puits un médaillon de bronze "A la déesse Bibracte, Publius Caprilius Pacatus, Sévir augustal, avec reconnaissance, en accomplissement d'un voeu", médaillon qui semblait assurer le triomphe aux défenseurs de la thèse selon laquelle la ville d'Autun aurait été édifiée sur les ruines de Bibracte et qui fait dire à Déchelette, partisan d'une Bibracte construite sur le mont Beuvray : "Il est très naturel qu'après l'abandon du vieil oppidum, son culte soit resté populaire à Augustodunum." Ce document perdit d'ailleurs beaucoup de son intérêt le jour où l'on s'aperçut qu'il avait été gravé avec de l'acide et ne pouvait donc être authentique. L'oeuvre de ces archéologues farceurs se trouve aujourd'hui reléguée dans un tiroir du musée Rolin, à Autun.

Un premier sanctuaire chrétien, peut-être fondé par saint Martin (responsable de la destruction partielle du monument païen), succéda au temple, la cella se trouvant privée de ses portiques mais agrandie d'une abside. Vint ensuite un nouvel oratoire, sans doute après la ruine du précédent. Il disparut au XVIlle siècle. Enfin, le 7 août 1873, la première pierre de la chapelle actuelle de Saint-Martin fut posée par Mgr Landriot, archevêque de Reims. Une croix, dédiée également à saint Martin et sur la stèle de laquelle on voit le saint partager son manteau avec un pauvre, avait déjà été érigée en 1851.

 

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Sulpice Sévère, disciple de saint Martin, conte comment il évangélisa la Bourgogne et écrit : "Le saint évêque renversait un sanctuaire païen sur le territoire des. Éduens lorsque des paysans accoururent pour défendre leur temple. L'un d'eux menace saint Martin ; l'apôtre retire son pallium et tend le cou à son agresseur. Celui-ci, poussé soudain par une force invisible, tombe à la renverse et implore son pardon." Selon la tradition, la scène se serait passée sur le Beuvray, et Déchelette précise que "les monnaies romaines les plus récentes retirées de ces ruines (du temple païen) appartiennent à Valentinien, mort en 375, soit deux ans avant l'époque de la mission de saint Martin en Bourgogne". Il est encore rapporté, mais non par les archéologues, que, monté sur son baudet, saint Martin descendant du Beuvray vers la Roche-Millay poursuivi par ses agresseurs, franchit d'un bond le long et profond ravin de Malvaux (la mauvaise vallée). L'empreinte du pied de l'animal se trouve sur le "Rocher du Pas de l'Ane", d'où il prit son élan. Le saint se retrouva ensuite au Fondon, où l'on montre son autre "Pas".

 

 

Le chaume

Lors de ses fouilles, Bulliot découvrit les fondations de nombreuses maisons. Construites en pierres sèches liées par de la terre argileuse sans mortier de chaux, de plan rectangulaire, elles étaient le plus souvent à demi-souterraines : on y descendait par un escalier de plusieurs marches. Le sol était de terre battue, mêlée de tuileaux. Les toitures devaient être généralement de paille, mais la tuile romaine à rebord se rencontrait également. Le nombre des pièces variait vraisemblablement selon la condition des habitants ; Bulliot et Déchelette ont trouvé de vastes constructions "bâties sur le plan classique des demeures pompéiennes". L'une, assez luxueuse, couvrait 1 150 mètres carrés et se divisait en une trentaine de compartiments disposés autour d'un atrium central, à plan carré ; "elle était sans doute occupée par de riches Éduens fixés à Bibracte vers l'époque de César", c'est-à-dire vers l'époque où la civilisation italique avait commencé de pénétrer dans la Gaule centrale. Les Éduens de Bibracte connaissaient l'hypocauste et les maisons de bains.

Parmi les ustensiles trouvés à Bibracte et fabriqués sur le lieu même, nombreux sont ceux qui avaient reçu leur forme presque définitive : couteaux, faux, faucilles, limes, râpes, burins, etc. Le bronze était employé pour les petits objets tels que fibules ou anneaux. Les émailleurs fabriquaient des bossettes ornementales qui étaient appliquées sur les pièces de harnachement, les ceinturons, etc. Abondante était la céramique, étrangère ou indigène ; cette dernière comprenait des terrines, plats, assiettes, jattes, cruches... des poteries peintes à motifs géométriques. La céramique importée - les amphores notamment - venait le plus souvent d'Italie du Nord, en particulier d'Arezzo. Sur un certain nombre de tessons, il est possible de lire le nom gaulois du possesseur du vase ; il se trouvait toujours écrit en lettres grecques.

 

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Plus de mille pièces de monnayage gaulois ont été trouvées dans les fouilles ; en 1899, on comptait encore vingt-sept monnaies grecques de Marseille, cent quatorze monnaies romaines, une monnaie celtibérienne et une monnaie de Mauritanie. Les monnaies éduennes en bronze représentaient le tiers des trouvailles.

Il convient également de citer parmi les découvertes des archéologues au sommet du Beuvray des bracelets, des grains de collier en verre de couleur, des clefs de maisons gauloises, des chenets d'argile surmontés d'une tête de bélier.

Sur la terrasse, au sud-ouest du plateau, Bulliot a cru reconnaître les traces d'un petit retranchement romain (castellum) construit par César après l'affaire d'Alésia, lorsqu'il reçut la soumission des Éduens et des Arvernes et qu'il décida de passer l'hiver à Bibracte. Il dut s'y établir avec la cavalerie prétorienne de recrutement noble, disciplinée, sûre et seule capable de vivre en bonne intelligence avec la population de Bibracte. La 11e légion, en laquelle il avait confiance, se trouvait placée en soutien immédiat, hors les murs, afin d'éviter les échauffourées nocturnes. Les trois autres légions, les 6e, 14e et 12e, occupaient Mâcon, Chalon et la région de Nevers.

Sous le règne d'Auguste, les défenses de Bibracte furent détruites et la ville se trouva transférée à 25 kilomètres de là, sur la rive gauche de l'Arroux : Augustodunum - Autun - était fondée.

Au début du XXe siècle, bien qu'une grande partie du sol de Bibracte n'eût pas été fouillée - en particulier la région du Porey, au sud-est, la partie la plus élevée du plateau (822 mètres) - toutes les constructions et le plus grand nombre des objets exhumés par les archéologues se trouvèrent réenfouis avec l'accord des propriétaires des terrains. Certaines pièces particulièrement intéressantes furent néanmoins confiées, on l'a vu, au musée des Antiquités Nationales à Saint-Germain-en-Laye ou au musée Rolin d'Autun.

 

le monument Bulliot http://www.panoramio.com

 

Le 20 septembre 1903 fut inauguré sur le plateau de l'oppidum un monument érigé à la mémoire de Jacques-Gabriel Bulliot, "né à Autun le 20 janvier 1817, mort à Autun le 11 janvier 1902, correspondant de l'Institut, qui sur le mont Beuvray retrouva et exhuma l'oppidum gaulois de Bibracte, capitale des Éduens au temps de Jules César, poursuivit avec un dévouement aussi constant que modeste de 1867 à 1895 ses travaux sur ce sommet et mérita la reconnaissance des Éduens et des savants".

Si l'on excepte le monument Bulliot et la table d'orientation, la chapelle Saint-Martin et sa croix, le Beuvray a repris l'apparence d'un lieu où rien ne se serait passé. Le Chaume est devenu un parking, un terrain de pique-nique et de jeux pour les enfants. Quelques visiteurs seulement s'arrêtent un instant devant le plan de l'oppidum gravé sur le monument Bulliot, cherchent peut-être à imaginer la cité gauloise, y renoncent et vont lire la table d'orientation, ce qui demande un moindre effort.

Un seul jour de l'année, les traditions renaissent, transformées bien sûr, mais renaissent tout de même : le jour de la fête du Beuvray.

 

le monument Bulliot http://www.panoramio.com

 

La foire du Beuvray

L'oppidum gaulois avait été d'abord un lieu de refuge, non une ville au sens moderne du mot. Lorsque César envoyait des courriers "dans toute la cité des Éduens", il s'agissait de l'ensemble des territoires occupés par ce peuple, non de Bibracte seule. Mettant le siège devant Avaricum, il espérait que la reddition de cet oppidum entraînerait la soumission de la cité entière des Bituriges. Il opposait ainsi oppidum et cité. Il serait donc absurde de vouloir faire de Bibracte une capitale, même régionale, telle qu'on la conçoit aujourd'hui.

Lieu de refuge, l'oppidum gaulois était également, en temps de paix, marché régional et centre temporaire de commerce. Il paraît logique d'admettre à Bibracte la présence permanente du personnel attaché aux ateliers métallurgiques, comme il est raisonnable de penser qu'à certains moments de l'année une foule considérable affluait vers l'oppidum pour acheter, échanger ou vendre tout ce qui était nécessaire aux uns ou aux autres.

Après la conquête, le Beuvray devint camp retranché romain, mais également lieu d'attraction annuelle pour les populations voisines. Les légions occupantes y avaient établi, selon l'abbé Baudiau, le culte des dieux de leur patrie "et y firent revivre les fêtes qui leur rappelaient les printemps de l'Italie. Flore, Maïa, déesse des fleurs et de la jeunesse ; Mercure, le dieu des marchands, et jusqu'à l'impudique Vénus, y eurent leurs autels. Les fêtes des nouvelles divinités, qui s'y célébraient avec pompe, le premier mercredi de mai, la revue des cohortes romaines, qui avait lieu ce jour-là, y amenaient en foule la jeunesse et les curieux, non seulement d'Augustodunum et de ses environs, mais encore des cités les plus reculées de la Gaule. De leur côté, les marchands, attirés par le culte de leur dieu protecteur et par l'espoir du gain, y accouraient de tous les pays".

Cette foire du Beuvray survécut à l'occupation romaine ; elle continua d'avoir lieu le premier mercredi de mai et d'être renommée dans toute la France. "Les fouilles du champ de foire, écrit J. Déchelette, ont permis de reconnaître, en avant du Temple, de chaque côté de la voie centrale, une rangée de petites boutiques, occupées à l'époque antique par les marchands et les artisans. Elles étaient précédées d'auvents, portés par des colonnettes de brique. Des monnaies, des poteries et objets divers de tous les siècles, depuis l'époque gauloise jusqu'à nos jours, témoignent de la persistance de cette foire, persistance tout à fait singulière en raison de l'isolement et des difficultés d'accès du Beuvray."

Un "Champ de Mai" de la noblesse des environs succéda, pendant la période féodale, à la revue des légions romaines. Une revue des vassaux des baronnies de Glenne et de la Roche-Milay avait lieu, puis un tournoi, qui ne cessera qu'en 1547.

 

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Moins fréquentée depuis le XVIe siècle, la foire annuelle de Beuvray continua néanmoins jusqu'au XIXe siècle. En 1850, on y menait encore quelques boeufs et vaches ; quelques moutons en 1890. A l'aube de notre siècle, seuls les villageois des communes voisines se rendaient, à jeun, "en Beuvray" le premier mercredi de mai pour y accomplir certains rites et se divertir en commun : prières devant les sources de Saint-Pierre et surtout de Saint-Martin, offrandes de pièces de monnaie, d'oeufs et de fromages ; les nourrices se lavaient les seins dans la source afin d'obtenir un bon "nourrissage"; les personnes de précaution recueillaient au rocher du Pas de l'Âne quelques gouttes d'eau laissées par la pluie - spécifique contre la fièvre et divers maux - et laissaient une obole ; chacun accomplissait les gestes rituels indispensables pour se rendre favorable le grand saint Martin, successeur de la déesse païenne et sensible aux mêmes hommages qu'elle : bouquet magique de cinq plantes cueillies avant l'aurore et liées de façon particulière, jet de la baguette de coudrier derrière l'épaule gauche sans se retourner, etc. Puis la fête champêtre commençait : jeux, danses, réjouissances diverses. On mangeait, on buvait et souvent on se battait avant de regagner son domicile. La fête du Beuvray avait vécu, mais la fête persistait. Elle continue aujourd'hui, le deuxième dimanche de juillet, à la fois religieuse et laïque. Il y a messe et discours ; il y a aussi bal, boisson et distractions variées, dont certaines se veulent folkloriques avec ce que cela peut comporter d'attendrissant, de ridicule ou d'attristant.

Le lendemain, le Chaume a retrouvé son calme, mais il faut, plus de temps, de la pluie et du vent pour qu'il redevienne propre.

Patrice Boussel - Guide de la Bourgogne et du Lyonnais mystérieux

 

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