Cette
tradition, née à Villefranche en 1850, a gagné
les communes environnantes au fil des ans. Elle était
réservée aux hommes de 20 ans avant leur départ
au service militaire. C'était la fête de se retrouver,
tous de même classe. Puis pour agrandir le cercle, vers 1880,
on recruta tous ceux qui étaient des mêmes
décades.
Sur une photo des
conscrits de 1937, nous voyons trois femmes dont Jeanne Ruet,
née en 1917. Etait-ce la première fois ? Puis les
jeunes filles et les garçons de 19 ans, les enfants de 10 ans,
puis ensuite les femmes de toutes les décades, feront partie
de la fête.
Les rues du village
étaient décorées de sapins sur lesquels
étaient accrochées des fleurs en papier. Un chapiteau
était installé sur la place du bas pour le bal du
samedi et du dimanche soir, bal qui avait lieu avec des musiciens, il
n'y avait pas de sono. Les garçons remettaient la cocarde
à leurs conscrites en se rendant à leurs
domiciles.
Le samedi soir,
retraite aux flambeaux avec la fanfare, les conscrits portaient la
brioche à M. le Maire. Le dimanche matin, aubade à M.
le Maire avec la fanfare, les photos étaient faites par M.
Juvanon, photographe de Belleville, puis la fanfare ouvrait le
défilé. Le banquet des conscrits était servi
dans les cafés restaurants du village, chacun à tour de
rôle : Dupont-Bonnamour sur la place du haut, Chatelet - Delaye
- Zidore Guérin - Manin - Catherin qui a ouvert pour les
conscrits en 1963 à côté de la Mairie, Rocher
(gendre de Plas) - Guérold - Merle sur la place du bas, le bal
terminait la journée. Le lundi, c'était le retinton et
la tournée chez chaque conscrit.
Cette fête
s'est arrêtée pendant la période de la guerre.
Elle a repris en 1945, elle durait une dizaine de jours car ils
étaient reçus par les parents de chacun. Louis Large et
ses conscrits sont montés, à pied, à Marchampt
chez ses parents. En rentrant, tard dans la nuit, comme chaque soir,
ils ont sonné de leurs clairons devant le monument aux morts
(la guerre n'était pas finie).
En 1947, les jeunes
conscrits de 20 ans, Georges, Vincent, André, Maurice..., ont
fait la fête sur plusieurs jours. L'un deux, Maurice
Saint-André, qui était hébergé à
la cure, demanda à M. le curé Sivignon de leur
prêter l'ensemble de sonorisation de la salle de cinéma.
Ainsi, tous les soirs, pendant la semaine qui suivit la fête
des conscrits, sous le chapiteau, les chansons se faisaient entendre
dans tout le voisinage Lorsqu'ils ont rendu le matériel, le
Père Sivignon leur dit : "Vous vous êtes bien
amusés, vous avez fait une bonne fête, cela serait bien
si vous veniez à la messe dimanche prochain " Donc, le
dimanche suivant, tous les conscrits ont répondu
présent et se sont rendus à la messe en habits et
gibus.
En 1948, et les
années suivantes, les conscrits assisteront à la messe
le jour des conscrits. La tradition a perduré et a même
gagné les villages alentour.
Georges
Pomeret - "Paroles de St-Lageois
/ En Beaujolais de 1940 à 1970"
1907 - les
conscrits - de gauche à droite et de haut en bas :
Mathon, Viornay, Clément, Créchart, Duthel, Riboulot,
Rochard, Diennet, Sapaly, Jousseau, Jean-Claude
Leognon
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1947 - les
conscrits
en haut : Vincent
Agatensi, Jeannine Collonge, André Dutrève, France
Pasquier-Desvignes, Georges Pomeret, Marie Dussardier, Maurice
Saint-André
au milieu : Taïti, Roberto Agatensi, Henri Delorme, Francisque
Bulliat, Jules Ravier, Marcel Vial, Louis Janin, Albert Smith
assis : Henri Vincent, Louis Cotton, Camille Teillard, Benoit Mathon,
Michel Chemarin, Hugues Desperrier, Claude Polaud
1951 - les
conscrits
de gauche à
droite, assis : Maurice Munch, Vincent, Pierrot Dumonceau,
Marie-Louise Grandjean, Lulu Martin, Aline Charrion, Robert
Dutrève, Solange Trève
2e rang : Gabriel Bleton, Fernande Large, X, Nison Bulliat, Jeannot
Corbet, Lilie Baizet, René Dufal, Henriette
Pasquier-Desvignes, André Vincent, Marie-Thérèse
Large, X
3e rang : X, Henri Dutrève, Jean Genetier, Michel Thuel,
Odette Lacondemine, Fanfan Bulliat, Bernard Aunier, X
Comme chaque
début d'année, la fête des conscrits bat son
plein dans les villages. Cette manifestation provient de la
conscription au 19e siècle où les jeunes gens se
rendaient au conseil de révision.
D'après
l'ouvrage, le Guide du Beaujolais : "Dans les années 1850,
chaque jeune homme âgé de 19 ans se rendait au conseil
de révision où il tirait un numéro au sort pour
savoir s'il ferait ou non le service militaire. Deux jeunes gens vont
mettre la fleur au fusil à leur manière, en se
présentant devant les autorités militaires en smoking,
un gibus sur la tête, ceint d'un ruban vert. La mode
était lancée, "la vague" allait suivre."
En 1857, le préfet, considérant les désordres
engendrés par cette "rébellion", prend les mesures
suivantes : interdiction de porter un drapeau, de se faire
précéder de sapeur, de tambour, de musique, de marcher,
de porter un uniforme ou de se distinguer par des signes quelconque
de ralliement.
La coutume perdure
depuis et a évolué.
J'ai invité Paul Bourgeois, 76 ans (classe en 6), Roger
Benoît, 80 ans (classe en 2) et René Monternier, 81 ans
(classe en 0), pour qu'ils nous fassent partager leurs souvenirs sur
les conscrits.
La fête a pris une dimension autre que celle qu'ils ont connue
autrefois. Les conscrits ont pris une ampleur considérable,
particulièrement au niveau du budget. Cela représente
aujourd'hui pour la région une activité
économique très importante : location de salle des
fêtes, fanfare, restauration, fleuristes, décoration,
gibus, cadeaux
Roger Benoît
nous fait remarquer : "Ce budget n'existait pas, car à
l'époque, on finançait nous-mêmes les
dépenses par les animations du village. Dès nos 19 ans,
on faisait les mayolies du 1er mai, on courait les campagnes la
veille du 1er mai en chantant dans les maisons. Toutes sortes de
choses étaient récupérées : des
ufs, du lait, de la farine et, bien entendu, du vin. Le but
était aussi d'être invités dans les caves pour
boire un coup."
Le vin récupéré était vendu à la
buvette et le reste des produits était vendu au boulanger du
village. Aujourd'hui, les jeunes vendent des crêpes le 1er mai
sur la place du village.
Suivait la vogue qui
s'étalait sur 3 jours, la plus importante manifestation, avec
forains, jeux d'adresse et course de vélos. Organisée
par les 19 ans, appelés pour l'occasion "garçons de
vogue" - vous noterez qu'il n'est pas question de filles... - ils
portaient la brioche aux habitants, qui en contrepartie glissaient
une pièce ou un billet. Bien entendu ils entraient à
nouveau dans les caves pour boire un coup.
René nous évoque : "On installait une table et on
stoppait les automobilistes au bord des routes pour leur payer un
canon de vin blanc et un morceau de brioche
Ceux-ci, ravis,
nous laissaient de l'argent en remerciement. Les conscrits
d'autrefois étaient tout aussi fêtards que ceux de ce
jour." (...)
1953 - les
conscrits - remarquez la fameuse hache du sapeur et la canne du
majeur
cette photo
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1956 - les
conscrits
de gauche à
droite, assis : Liliane Gladel, René Dumoulin, Claude Gaze,
Gabriel Genetier, René Vouillon, Lucienne Duchamp,
Françoise Sornay, Claire Le Ny
2e rang : Claudius Gauthier, Joseph Carret, X, Henri Theillard,
Joanny Gauthier, Claudius Mathon, Georges
Allégatière
3e rang : Christiane X , Lucien Allégatière, X, Georges
Carret, X, Maurice Geray, André Vincent
4e rang : Jean Loustau, Marcel Montvernay, Roger Chaveyriat, Juliette
Gaze, Jean-Louis Montagnier
(...) Les conscrits,
c'est avant tout une affaire d'amitié et de liens entre les
générations. Depuis l'école communale on se
connaît - ni internet, ni télévision, ni vacances
à l'autre bout du monde - on reste souvent tard au village et
parfois on y demeure toute une vie. Rares sont ceux qui partent :
chef d'entreprise, amiral, notaire ou receveur des postes
On appartient à la classe de ses 20 ans et, tous les 10 ans,
c'est l'occasion de se retrouver avec tous les copains. Chacun sa
couleur : vert pour les 20 ans, jaune pour les 30 ans, orange pour
les 40 ans, rouge pour les 50 ans, violet pour les 60 ans, prune pour
les 70 ans, et bleu, blanc, rouge pour les 10 ans, 19 ans, 80 ans, 90
ans.
Autrefois, la
fête des conscrits débutait le samedi par un bal. Depuis
quelques décennies, elle débute le vendredi ou le
samedi soir par un défilé humoristique destiné
à souder la fête, il y a en effet beaucoup de nouveaux
arrivants désireux de pratiquer mais sans liens de
jeunesse.
Célébration d'une messe le dimanche matin, en
mémoire des conscrits - curieuse tradition pour une fête
républico-païenne ! Avec l'apparition de la photogaphie,
"la photo", réalisée à l'époque devant
l'enseigne du restaurant choisi pour le banquet. Tous les dix ans,
cette photo permet aux présents de se rappeler souvenirs et
anecdotes. Aujourd'hui, aucun restaurant du village n'est en mesure
d'accueillir un banquet de conscrits. "Un banquet de 400 personnes
attablées aux conscrits de Cercier 2012, du jamais vu !"
dit Roger Benoît.
Ensuite le
défilé du dimanche, "la vague", déferle dans les
rues du village, les classes les plus alertes ouvrent la marche en
suivant la fanfare et la décade compte bien prouver à
la population qu'elle est la meilleure, et cela dans un bruit de
chants et de pétards.
Passage obligé au monument aux morts pour le
dépôt d'une gerbe, un discours et le chant de la
Marseillaise, à la mémoire des conscrits tombés
au champ d'honneur, peut-être aussi pour se rappeler que 20
ans, c'était l'âge ou l'on mourait sur les champs de
bataille.
Vient ensuite le
banquet qui se prolonge jusqu'au bal du dimanche soir qui est clos
par une gratinée (soupe à l'oignon). Pas le temps de
beaucoup dormir, dès le lundi on repart pour le retinton (mot
du patois beaujolais qui signifie : finir les restes).
Et les femmes dans
tout ça ?
Elles sont autorisées à participer à la
fête depuis peu (30, 40 ans environ) et pas de partout. Jusque
là, elles se contentaient uniquement de recevoir leurs
conscrits afin de leur offrir un "casse-croûte" durant la
semaine qui suivait la fête.
Les conscrits de Villefranche resteront fidèles à cette
tradition et les femmes sont exclues. La vague est composée
d'hommes exclusivement. Paul se souvient : "J'ai été
invité par un camarade conscrit à Villefranche. Le
banquet était servi au caveau de Lacenas par un traiteur qui
n'emploiera pour l'occasion que des serveurs." (aucune
présence féminine).
On peut s'étonner que, depuis 1997 où M. Jacques Chirac
a suspendu la conscription et rendu obligatoire la journée
citoyenne aux garçons et aux filles, ces dernières sont
soumises aux mêmes obligations et devoirs envers la nation,
elles devraient disposer des mêmes droits aux
conscrits.
Dans nos petites
communes, les femmes ont rejoint les hommes depuis longtemps.
Puis René fait remarquer : "La présence
féminine apporte une présence chaleureuse
!"
Roger vient tout
juste d'achever ses conscrits (ses 80 ans à Cercié), il
évoque une nostalgie et regrette le temps où il
accompagnait l'orchestre avec son accordéon lors du
banquet."
mars 2012
- Lu sur http://espacebrouilly.wordpress.com
1968 - les
conscrits
2002 - les
conscrits
2005 - les
conscrits
cette photo
agrandie ici
2011
des
photos de classe ici
|
erci
de fermer l'agrandissement sinon.
https://www.stleger.info