[Note
: "gaillette" a été volontairement ici
transformé en "gayette"]
C'est en 1993 que nous avons fait
l'acquisition de ce qui allait devenir « La Gayette »,
notre maison de Saint Léger Vauban. En passant devant,
peut-être vous êtes-vous demandé d'où
venait ce nom. C'est tout simple. Moi-même, je l'ignorais avant
de rencontrer Evelyne.
Celle-ci, originaire du Pas de Calais, avait un papa mineur, et
lorsque nous prîmes possession de nos murs, nous avons eu la
surprise d'y trouver, laissés par les anciens
propriétaires, une lampe au carbure de tungstène ainsi
que de nombreux ouvrages traitant de la vie « au fond
».
Et puis, dans un coin de la grange, derrière un tas de bois...
une tonne de charbon abandonné.
Pas
de ces boulets reconstitués qui n'ont pas
d'âme, non, des morceaux brillants, qu'on devinait
arrachés aux entrailles de la terre dans le bruit sec
et saccadé des piolets.
A les prendre dans nos mains, à les admirer, à
les renifler, on savait que pour être venus ici, au
fin fond du Morvan, des hommes avaient peiné sang et
eau pour les extraire.
C'est à cet instant que j'appris leur nom : «
C'est des gayettes ! » me dit Evelyne.
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Moi, le « parigot pur et dur »,
né dans le 6e arrondissement qui ne connaissait du monde
minéral que les pavés gris et la couleur noire et
triste de l'asphalte, elle, la fille du Nord, de m'expliquer tout ce
que représentait ce morceau de charbon.
Le « nom » de la maison
était trouvé !
Le village nous ouvrait ses bras.
Saint Léger Vauban !
Dès notre première visite, le coup de foudre fut
fulgurant. De celui qui ne guérit pas, qu'on transporte toute
sa vie caché au fond du cur, collé à ses
semelles, passionnel, de celui que l'on sait qu'il nous accompagnera
bien après la vie.
Les premières vacances et les premiers week-ends furent
laborieux (il fallait rendre le nid douillet) mais ne nous
empêchèrent pas, déjà, de nouer des
amitiés et de parcourir les alentours.
Emerveillement !
Des paysages sauvages, parsemés de haies, des forêts
inextricables où nous n'osions nous aventurer (faute d'un
solide sens de l'orientation, de cartes et d'une boussole), de cette
nature vivante qui s'offrait à nous à chaque
détour d'un sentier, d'une route.
Emerveillement !
En levant la tête, de tous ces oiseaux pour la plupart alors
inconnus de nous, buses, milans, hérons, pics et même,
mais ceci est une autre histoire que je vous raconterai plus tard,
d'aigles bottés.
Emerveillement !
Au détour d'un buisson devant le chevreuil que nous avions
dérangé, du renard à la croisée d'une
sente qui traverse devant nous en s'arrêtant pour nous regarder
d'un air de dire : « Que venez-vous faire chez moi ? », de
cette laie sur le bord de la route guidant ses marcassins encore
rayés, de cet écureuil qui avait la fâcheuse
habitude de « débouler » devant la voiture et qui un
jour y perdit la vie, me laissant le plus malheureux et le plus
penaud des hommes !
Depuis, si vous me suivez sur la route, ne me traitez pas de
parisien. C'est pour épargner la vie de ces petites boules
rousses que je me « traîne » à 30 à
l'heure.
Emerveillement !
De ces odeurs de rosée au petit matin, de cette terre qui
fleure bon l'humus après une pluie d'orage, de la paille et du
foin fraîchement coupé, du bois brûlé
lorsqu'on pénètre dans une maison, de l'étable
d'à côté, des percherons que l'on caresse dans le
pré, des fleurs sauvages.
Emerveillement !
De tous ces bruits qui nous sont aujourd'hui devenus familiers. Du
coq qui salue le jour, de la brebis appelant son agneau, de la vache
qui rappelle qu'elle a soif, du pic qui martèle le tronc, du
Trinquelin qui « bruisse », de la cloche de l'église
qui rythme les heures.
Emerveillement !
De ces ciels de nuit, que nulle pollution ne vient assombrir, de ces
pluies d'étoiles filantes, des constellations qu'on
découvre mieux que dans un livre.
Emerveillement !
Des gens. Les contacts furent facilités par un voisinage
débordant de gentillesse, de prévenance, et par la
présence avec nous de nos deux garçons, qui
nouèrent rapidement de solides amitiés. Très
vite, notre cercle dépassa le hameau pour s'étendre au
Montoir, au Puits, à Trinquelin, Corvignot et
au-delà.
Ici, les gens sont comme leur terre. Faits
de granit ! Mais lorsque tu conquiers leur cur, c'est à
jamais.
Ici, quand on te serre la main, c'est en regardant droit dans les
yeux.
Ici, quand on donne, on ne reprend pas.
Ici, on ne parle pas de ses misères et encore moins de son
courage.
Pourtant, du courage, il en faut. Ce pays en
demande.
Il en a vu des exploits, la plupart demeurés anonymes. Des
nourrices aux maquis, tous ces sacrifices pour les autres, ce pays
s'en délecte. Cette terre est féconde en héros !
Ce que l'on pourrait prendre pour de la
rudesse n'est que pudeur. Bien sûr vous n'y trouverez pas la
faconde et les boniments, mais c'est cette économie de mots
qui rend plus vraies et plus sincères les
relations.
Que vous soyez de Lille, Paris, Nice ou
Montauban, ce coin de Morvan vous accueillera, à condition de
le respecter, d'essayer de le comprendre et surtout de l'aimer.
Si Saint Léger vous adopte, il le fera sans réserve,
mais vous devrez toujours vous souvenir que vous devez avoir la
prévenance et les devoirs de l'invité pour ses
hôtes !
G. L. - Le Rat Vougeot
n°9 - octobre 2003
Cette dernière photo, qui
représente le bourg de Saint Léger Vauban, provient du
magnifique site d'images de Franck Lechenet.
Vous y découvrirez, entre autres choses, un chapitre "Vauban :
un artiste de la fortification militaire". Une exposition de ce
travail est visible à la Maison Vauban de Saint Léger
Vauban durant la periode estivale, de juin à septembre
2005.
L'adresse de ce très joli site : http://lechenet.free.fr/
erci
de fermer l'agrandissement.
https://www.stleger.info