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journées d'août 1914
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Vous trouverez
l'intégralité du texte de L.C.M. dArs là
"Saint-Léger se trouve
à 6 kilomètres au Nord de Mussy-la-Ville. Les
premières troupes traversèrent la localité vers
le 18 août et sy firent déjà remarquer par
leur brutalité et leurs obscénités. Le 23 et le 24 furent pour les
habitants des journées dépreuve, de larmes et
dépouvante. Dès le matin du 23, cinq
hommes étaient pris, traînés hors du village,
liés aux arbres qui bordent la route, lardés de coups
de baïonnette et enfin fusillés. Après ce glorieux fait
darmes, le régiment (probablement le 121e) se dirigea
sur Ethe, remplacé presquaussitôt par de nouvelles
troupes. Ils devaient même
perquisitionner plus tard : la découverte de la moindre
quantité de farine entraînait pour son détenteur
la peine de mort. Dans la journée, les soldats
tuèrent un homme qui ramenait des blessés. Vers 7 heures du soir, grand
branle-bas. Les soldats pénètrent dans les habitations,
en expulsent brutalement les occupants et les rassemblent sur la
place de léglise. Un traîne-sabre arrive en se
dodelinant, monte les escaliers de léglise
et en un mauvais français harangue la foule. "Ah !
hurle-t-il, vous avez bien reçu vos amis, les
Français, eh bien, il me faut cinquante hommes pour les
fusiller." Des cris, des larmes, des gémissements lui
répondent. Fier davoir produit tant deffet,
lofficier recommence ses menaces, fait enfermer tous les hommes
dans léglise, annonce que les exécutions vont
commencer et quau surplus la localité sera
incendiée. Effectivement, dans le bas du village, sept maisons
brûlent déjà et, dans lobscurité,
ces lueurs sont dautant plus sinistres quelles
préludent à la grande catastrophe quon croit
imminente. Les heures sécoulent, angoissantes. Dans
cette atmosphère affolante, où les nerfs sont trop
tendus, des femmes sévanouissent ; dautres, les
yeux hagards, implorent de lenvahisseur la grâce
dun mari ou dun fils, tandis que de toutes parts
éclatent les sanglots convulsifs des enfants. Au bout
dun certain temps, femmes et enfants sont remis en
liberté, mais combien de femmes restent là en groupe,
toute la nuit sur la rue. Car quy a-t-il chez elles ? Elles
connaissent assez les Teutons déjà que pour ne pas se
risquer à rentrer seules au logis ! Quand laube vint,
elles se décidèrent à regagner leurs habitations
: elles les trouvèrent complètement pillées. On
sexpliqua alors le motif des manoeuvres boches. Vers neuf heures, les hommes
quittèrent léglise et parmi eux, vingt-cinq
furent choisis pour être exécutés. Ils
étaient tous pères de famille. Cest alors que le
vicaire de Saint-Léger eut un mouvement généreux
: "Moi, dit-il, je moffre pour un de ceux-là
et je demande aux jeunes de mimiter." Sans hésiter,
vingt-quatre jeunes gens savancèrent et se joignirent au
vicaire. Mais les Boches doivent partir : les
nouvelles victimes vont marcher devant les troupes qui se dirigent
sur Ethe. Derrière ce bouclier de civils qui les garantira
contre les surprises de lennemi tout proche, comme le
révèle le bruit de la bataille, les valeureux Germains
savanceront plus à laise. Mais comme il leur est
possible, tout en assurant leur sécurité personnelle,
de satisfaire leur férocité, ils détachent cinq
prisonniers et les fusillent. Les brutes sapprochent alors des
cadavres, considèrent avec un rire bestial les trous
béants des balles, échangent de grossières
plaisanteries et ne sarrachent quà regret à
ce spectacle qui semble les divertir follement. Pourtant, ils se
remettent en route, toujours précédés des
captifs, mais on avance si lentement que pour parcourir les sept
kilomètres de Saint-Léger à Ethe, il faudra sept
heures, sept longues heures de mortelle attente, au cours desquelles
les vingt prisonniers prient, sencouragent et demandent
quon en finisse au plus tôt avec eux. Mais les bandits
ricanent en les observant ; ils voudraient prolonger le plus
longtemps possible ce martyre dont ils se délectent. Si les
condamnés prient, lofficier se moque deux ;
sils cessent un instant : "Priez, dit-il, vous allez
mourir." On les insulte, on leur crache au visage ; aux haltes,
on leur défend de sasseoir, sinon sur les rails du
vicinal, qui longe la chaussée. Ils souffrent de la soif et
comme lun deux a emporté une bouteille de vin et
quil se prépare à se rafraîchir, un soldat
intervient et brise la bouteille. Les bourreaux voudraient sans doute
provoquer une révolte, qui justifierait dautres
sévices, mais ces braves qui ont volontiers fait le sacrifice
de leur vie restent aussi stoïques devant loutrage, que
devant limminence de leur fin. Ils arrivent pourtant à Ethe
vers 3 heures de laprès-midi et là, pendant deux
heures, exposés à la mitraille, ils voient des
scènes dune horreur indicible. Des deux
côtés de la rue, les maisons flambent sous un jet
continu de pétards et de disques incendiaires. Des bestiaux
affolés séchappent des étables,
sarrêtent un instant, puis foncent droit devant eux avec
des meuglements sinistres. À leur tour, des hommes, des
femmes, des enfants, le visage noirci, sortent des caves toutes
remplies de fumée. On capture les hommes que lon marque
sur le dos dune large croix à la craie violette :
cest leur condamnation à mort. Puis ce sont des soldats titubants,
tenant en main des bouteilles deau-de-vie, dont ils
semplissent. Le goulot aux lèvres, ils boivent, avec une
béatitude de brutes, et satisfaits, saturés
dalcool, ils sen vont plus loin pour suivre la
série de leurs viols ou de leurs meurtres... Enfin, à cinq heures,
supposant probablement que leurs victimes avaient assez souffert, les
Boches les relâchèrent et les courageux gars de
Saint-Léger purent rentrer chez eux. Tout ceci se passait le 24. Les
criminels appartiennent, croit-on, aux 121e et 50e. Plusieurs viols,
un pillage complet, lincendie de sept maisons,
lassassinat de onze hommes, tel est, pour Saint-Léger,
le bilan de ces inoubliables journées
daoût." "Le Journal" - 30 juin
1917
"En Belgique dans les premiers jours
de la guerre, les femmes nont pas été
épargnées par la barbarie allemande. Maisons
brûlées et civils fusillés ont bien souvent
accompagné la marche victorieuse qui a suivi les batailles du
22 août 1914. Le texte ci-dessous est un passage du
témoignage de Léonie Capon, qui a vu son mari se faire
fusiller et leur maison incendiée par les
envahisseurs. Madame Capon raconte : "Ma plus
grande souffrance, en tournant la tête du côté de
ma maison en feu, je pensais à mes six enfants restés
dans la cave qui nétait pas voûtée. Je me
suis mise à genoux devant les officiers allemands pour
quils me laissent aller chercher mes enfants. Ils mont
chassée et jai recommencé quatre fois. Toujours
ils mont chassée ! Jai fini par retrouver madame
Marchal qui parlait allemand ; je lui ai dit quelle explique ma
situation et que mes enfants étaient dans la cave et
quils allaient brûler. Alors deux soldats, revolver au
poing, mont conduit dans la grand-rue où jhabitais
pour aller chercher mes enfants. Le feu était plein les
greniers, mais comme le bas ne brûlait pas encore, jai
traversé les écuries et jai cherché
partout pour trouver mes enfants. Le plus vieux, qui avait onze ans,
avait vu mettre le feu et il avait remonté les plus jeunes de
la cave, il les avait conduits au jardin, dessous un prunier. La
grand-mère qui était encore dans la maison a dû
sortir à coups de crosse de fusil, ne comprenant pas ce que
voulaient ces deux sauvages. Je lui dis : « Grand-mère
vous êtes prisonnière avec moi ». Jai
dû la prendre par le bras pour sortir par le jardin, car dans
la rue on ne pouvait plus passer. Jai retrouvé tous mes
enfants sous le prunier, couchés par terre, car les Allemands
tiraient sur ces innocents. Jai pris tous mes enfants et je
suis descendue le jardin jusquà la rivière.
Jai suivi la rivière et je suis arrivée
près des autres prisonnières qui attendaient mon retour
avec angoisse. Par bonheur, mon fils aîné avait eu soin
de prendre une cruche de lait. Les pauvres femmes sont venues
près de moi pour en donner à leurs petits. Des soldats
qui passaient devant le jardin nous ont mises en joue pour nous
fusiller. Je vois encore toutes ces femmes se jeter par terre, moi,
avec mes enfants, je suis restée toute droite en disant :
« Vous êtes des lâches, achevez votre oeuvre
jusquau bout ». Un autre officier est arrivé
près de nous et il nous a dit en français : « Nous
avons brûlé vos maisons, nous avons fusillé vos
mari, vous navez plus rien sur terre, nous allons vous fusiller
». Nous étions toutes remplies dangoisses et
dhorreur. La dame qui parlait bien allemand a demandé de
nous laisser la vie, que nous trouverions bien de quoi nous nourrir.
Cette fois nous étions encore remises à une heure. Ils
ont ainsi prolongé notre agonie pendant trois ou quatre
heures. Ne pensant plus nous fusiller, ils ont dit quils
allaient nous conduire à Berlin. Nous avons été
martyrisées tout laprès-midi, et à 8
heures du soir, ils nous ont chassées vers
Saint-Léger et Arlon comme des
prisonniers. Alors commence pour moi un long calvaire
.Me
voilà donc toute seule au monde, avec mes six pauvres petits
enfants. Javais tout perdu : mon pauvre mari, mon père,
mes deux beaux-frères, ma maison, mes bêtes, mon
ménage, tout cela sest envolé à la fois !
Et je reste avec la misère, la misère noire." Son mari, Alphonse Hustin, né
à Ethe le 25 avril 1876, a été fusillé le
23 août 1914 avec 15 autres villageois, lors dune des
fusillades collectives qui ont fait 282 victimes dans la population
de Ethe. 256 maisons du village ont été
incendiées pendant ces événements. Ce témoignage provient des
archives du musée de Latour (Belgique) où une salle est
réservée en hommage aux victimes dactes de
barbarie envers la population civile de la région. Les civils
nont pas été les seuls à subir ces actes.
A Ethe, 70 soldats français désarmés ont
été fauchés à bout portant. A Gomery,
village voisin, 114 blessés français sortis de force de
leur ambulance, qui était pourtant protégée par
la Croix Rouge, ont été fusillés. Une maison
protégé par le drapeau de la Croix Rouge a
été incendiée, les médecins, les
infirmiers ont été assassinés, les
blessés ne pouvant se mouvoir ont été
brûlés vifs. Triste réalité. La vérité sur ces faits
ayant été établie après guerre, la
Belgique nentretient aucune haine, mais elle noubliera
jamais." "La Lanterne" - 19 novembre
1918
Une publication presque conforme du même auteur
intitulée "La Journée dAoût dans le
Luxembourg" avait déjà été
diffusée en France dès 1915 (Imprimerie A. Riguelle,
Paris) sans signature pour un évident motif de
sécurité de lauteur. Ce livret de 78 pages
constituait donc bien une impression clandestine destinée
à dénoncer à tous les Belges les
atrocités commises essentiellement sur la population civile
par les soldats allemands en août 1914 en province de
Luxembourg belge.
Le texte proposé ici, fidèle à la seconde
publication, diffère légèrement de
lédition originale.
Celles-ci, pas plus que les précédentes, neurent
à se plaindre de la population qui donna tout ce quelle
put, au point de navoir plus la moindre nourriture pour
elle-même, car les Prussiens avaient exigé quon
leur apportât ce qui restait de vivres, et en particulier pain
et farine.
Il provient du site http://grande-guerre.org
:
Léonie Capon, Ethe, Belgique