arthe Bonnart (1876-1917), institutrice publique à aint Léger aux ois

par Guy Friadt - janvier 2018

  

 

Marie Marthe Pestel naît le 28 mars 1858 à Rémy, canton d'Estrées Saint-Denis, Oise. Elle est la fille d'Auguste Pestel, 27 ans, boulanger, et Adolphine Delhaye, originaire de Frasnes-lez-Buissenal en Belgique, âgée de 29 ans. Sa mère décèdera prématurément des suites de couches en 1872 à Rémy, et son père alors âgé de 41 ans, seul avec ses deux filles, se remarie dans l'année avec l'institutrice du village Marie Cottelle, âgée de 24 ans, originaire de Lachelle. Marthe a 14 ans et poursuit ses études, sans doute avec le soutien de sa belle-mère qui aura certainement une influence sur son choix de devenir à son tour institutrice.

 

 

Marthe sera institutrice publique de 1876 à 1917 dans l'Oise et une année dans l'Aisne. Elle est nommée la première fois en 1876 à l'école de Libermont dans le canton de Guiscard.
A la rentrée 1877, elle est nommée à Thourotte où elle se marie l'année suivante.

Marthe n'a pas encore 20 ans lorsqu'elle épouse à Thourotte le 16 février 1878 Fulbert Bonnart, âgé de 25 ans, cultivateur.

 

1878 - la signature de Marthe

 

En 1881, elle est à Trosly-Loire, canton de Coucy-le-Château dans l'Aisne.
Elle a 23 ans à la naissance de son 1er fils Maurice Fulbert Arthur Bonnart, né le 14 octobre à Trosly-Loire, Aisne. Elle y est recensée comme ménagère.

Elle est nommée en 1884 pour faire la classe à Varesne dans le canton de Noyon.

Elle a 31 ans lorsqu'elle est nommée en juin 1889 à l'école de Saint-Léger-aux-Bois où elle sera en poste jusqu'à l'arrivée de l'armée allemande en 1914. Elle fait la classe des filles et des petits dans l'École des Filles n°2 rue du Caillet, située à côté de l'église. Le bâtiment est partagé en deux de chaque côté du couloir central ; du côté droit, en entrant, la classe, et de l'autre le petit logement pour l'institutrice et sa famille.

En 1890, elle est mère d'une famille de 4 enfants : Armandine née en 1879 dite Fernande, Maurice né en 1881 dit Albert, Amélie née en 1884 à Varesne, et Lucien né en 1885. Le 10 novembre 1890, à Saint-Léger-aux-Bois, naîtra Louis qui mourra 5 mois plus tard, le 27 avril 1891. Ce sera leur dernier enfant. Lucien mourra en 1898, âgé de 12 ans, également à Saint-Léger-aux-Bois. Son mari Fulbert Bonnart est en 1908 brossier et travaille à Tracy-le-Mont.

En 1887 puis en 1898, le ministère de l'Instruction Publique sollicite les instituteurs pour rédiger des monographies des villages dans lesquels ils enseignent pour la préparation des expositions de l'enseignement primaire public aux expositions universelles de 1889 ou de 1900. Marthe Bonnart et M Julien Sézille, l'instituteur de la classe des garçons, ont-ils rendus leur copie ?

 

Julien Désiré Camille Sézille, né vers 1861, instituteur public en 1891 à Saint-Léger-aux-Bois, domicilié rue du Caillet, marié à Marie Louise Bourdon en 1896 à Lassigny.

 

Marthe Bonnart est citée aussi dans l'annuaire de Gustave Dumont "Statistique administrative, commerciale et industrielle de l'arrondissement de Compiègne et des pays limitrophes - première année 1891 - imprimerie : 9, rue des pâtissiers près de l'hôtel de ville Compiègne" :

"Saint-Léger-aux-Bois à 12 kil. de Compiègne. Poste et gare à Ribécourt à 5 kil. Télégraphe d'Ollencourt à 4 kil.
Contenance territoriale : 831 hectares dont 166 en terres labourables
Dépendances et écarts : Flandre (hameau distant de 400 mètres), Taillepied
Maire M. LECLÈRE Arthur. Adjoint M. LAPLACE. Curé M. LEFÈVRE. Instituteur M. SÉZILLE. Institutrice Mme BONNARD Marthe. Officier de pompiers M. CARON Alfred
Aubergistes DELAPLACE, DUMONT, Flandre. Cafetier VASSEUR. Fabricant de balles BERNARD CARON. Fruitier ALLIAUME. Nouveautés DELAPLACE."

 

Sans doute aura-t-elle beaucoup contribué à la réussite scolaire de ses enfants qui plus tard, comme en témoignent leurs correspondances, ont une belle écriture et un vocabulaire riche qui leur permet d'exprimer intensément leurs sentiments dans les échanges parfois quotidiens de lettres ou de cartes postales.

Elle se déplace régulièrement pour aller rendre visite à ses enfants, comme en témoigne les nombreuses cartes postales qui annoncent son arrivée :
le 24 septembre 1906 : "Fernande est venue me chercher (au train) suis à Tergnier depuis mercredi"
le 9 septembre 1907 : "Je pars demain à Tergnier, dimanche on va à la fête à Thourotte, quelle vie mouvementée dans ma solitude habituelle !"
le 5 mars 1909 : "Saint-Léger-aux-Bois - Ma chère Georgina, nous venons d'être tous les trois bien malades de cette influenza maudite, c'est à cause de cela que je ne t'avais pas écrit. Depuis le lendemain du mardi gras et déjà avant, cela ne va pas : cette grippe vous rend bien malade. Je n'ai pas voulu fermer la classe mais aussitôt sortie je me couchais. Quelle triste situation que de travailler comme cela ! Nous allons un peu mieux, mais ce que nous toussons à l'envi l'un et l'autre !"

 

 

Marthe BONNART figure sur cette carte postale prise vers 1910 devant l'École des Filles et des petits, sise à côté de l'Eglise, on distingue Marthe derrière la grille de la cour en noir sur la gauche le nez dans son écharpe à cause de la froidure de l'hiver.

 

 

Le Libéral de l'Oise du 2 janvier 1913 :
"Saint-Léger-aux-Bois - Avancement - Nous apprenons avec plaisir que Mme Bonnart, institutrice à Saint-Léger-aux-Bois depuis 24 ans, est nommée institutrice de 1re classe. Toutes nos félicitations.

 

La guerre, qui débute en août 1914, va bouleverser le pays et mobiliser de nombreux instituteurs qui laisseront leur classe, parfois pour toujours. Les écoles du front ne seront plus accessibles et les institutrices seront nommées en remplacement pour pallier tous ces aléas. Ainsi Marthe Bonnart, qui était restée pendant 25 ans à Saint-Léger-aux-Bois, va-t-elle occuper successivement plusieurs postes dans les environs de Compiègne, en tentant de conserver une certaine proximité avec sa famille.

Saint-Léger-aux-Bois sera évacué dès 1914 : après la bataille de la Marne, les Allemands vont reculer jusqu'à Bailly et se terrer dans les tranchées, fixant ainsi le front pour de longs mois au nord de Saint-Léger-aux-Bois, avec la forêt de Laigue d'une part et la rivière Oise d'autre part comme autant de défenses naturelles pour protéger Compiègne et plus loin Paris. Les combats de l'été 1914 vont faire rage, en particulier un peu à l'Est sur Tracy-le-Val, Tracy-le-Mont et le plateau de Quennevières, et à l'Ouest sur Ribécourt, appuyés par des tirs de canons français depuis les lisières de la forêt de Laigue à Saint-Léger, entre autres.

Elle remplace l'institutrice de Longueil-Annel ou Longueil-Ste-Marie le 25 février 1915.

 

 

Le 11 août 1915, elle répond de Longueil à son fils Maurice qui lui a annoncé son retour aux tranchées en première ligne : "Nous allons avoir hâte que tu en sois sorti car on est certainement plus exposé que celles d'arrière, enfin espérons que tu en sortiras sain et sauf comme les autres fois, où certes le danger était beaucoup plus grand. Enfin... espérons toujours que ce sera fini pour l'hiver. Si tu n'es pas à l'abri en ce moment, je te plains car il pleut à seau, quel orage ! D'ailleurs, tous les jours c'est à peu près la même chose. Nous sommes envahis de mouches, je ne sais pas à quoi cela tient, peut-être est-ce les soldats à cheval qui nous les amènent."

Marthe est nommée à l'école de Longueil-Sainte-Marie pour la rentrée d'octobre 1915 et domiciliée au hameau de Bois d'Ageux, puis en congé maladie de 3 mois de février à mai pour des problèmes cardiaques ; une suppléante assurera alors la classe.

 

 

Alors qu'elle enseigne encore, elle est malade pendant plusieurs mois et se félicite des bons soins que lui donne sa fille Fernande, dans un courrier adressé à son fils Maurice, toujours soldat. Elle écrit que "le médecin l'a trouvée mieux" et elle dit ne plus avoir cet essoufflement aussi fort et que son cœur bat plus régulièrement. Elle donne également des nouvelles de sa fille Amélie et de ses autres enfants, de son gendre Alfred et sa bru Georgina.

1915 - "Mes chers enfants, j'espère qu'à présent la santé de notre petite chérie Marcelle est tout à fait bonne et qu'elle est de ce fait redevenue bien gaie. Depuis plusieurs jours, je disais toujours "je vais écrire à mes chéris" et en dehors de la classe je n'en trouvais pas le temps. J'ai eu la visite de l'inspecteur le 23, je suis plus tranquille à présent. Vous avez sans doute su tous les décès de gens de St-Léger, mais qui ne l'habitaient plus : ils étaient encore jeunes et ont tous bien surpris. Nous sommes allées hier, Amélie et moi, à la messe des morts à Thourotte (...) Votre mère dévouée, Marthe Bonnart"

 

Marthe en 1913

 

1915 - Longueil-Annel - carte de Marthe à Georgina sa bru, dont le mari Maurice (dit Albert) est soldat : "Albert nous avait dit qu'il écrirait aussitôt qu'il changerait de garnison. C'est pourquoi il a été plusieurs jours sans en recevoir de nous et nos lettres sont si longues à parvenir, elles vont toutes à Beauvais et y séjournent parfois 2 à 3 jours. Qu'on est mal desservi en ce moment ! Marcelle [sa petite-fille] est contente, elle est la 1re à l'école alors qu'il y en a de bien plus vieilles qu'elle. Aussi elle travaille bien, mais elle devient si grande je ne puis plus la coiffer qu'assise. Et Raymonde, pauvre mignonne ! Sa rougeole n'a pas dû la faire engraisser (...) elle ne retourne pas encore en classe. J'ai ici 48 élèves, c'est bien fatigant... Hier j'étais si souffrante qu'aujourd'hui je n'ai pas fait classe. Ma foi, je n'ai pas envie de me tuer dans cette classe. Si madame Morizot a des petits serins, elle serait bien gentille de m'en garder. Si je reste ici, ils me distrairaient, n'ayant ni jardin ni fleurs. Quand M. Delmez achète des meubles d'occasion, il n'achète pas des cuisinières parfois ? Car il m'en faudrait bien une mais les neuves il faut mettre de 150 à 190 francs pour avoir quelque chose d'assez bien, tandis que parfois j'en aurais d'occasion une qui ferait toute aussi bien mon affaire et qui ne me coûterait pas si cher. M Grenier est allé à Saint-Léger et a trouvé les choses en l'état qu'elles étaient à peu près en novembre. Depuis le boulanger jusqu'à chez Caron, il n'y a pas eu un seul obus dans cette rue. Chez nous, il n'y a plus de literie, mes meubles y sont encore mais que de désordre et que de choses en moins ! Enfin... quand nous y serons, nous le verrons."

mars 1915 - carte de Longueil-Annel - Écoles des filles et enfantines : "Mon cher Albert. nous avons de nouveau des soldats qui font la cuisine ici, c'est du 86e cette fois. Ce qu'on en aura vu de ces soldats ! C'est dommage qu'il n'y ait pas un petit bout de jardin, sans quoi le logement est plaisant et plus commode qu'à Saint-Léger mais l'école est très fatigante avec tous ces petits bambins-là."

 

 

avril 1916 - Marthe écrit à sa bru : "S'il continue à faire si chaud, vous serez bien ici, mes chéries, mais vous n'aurez pas froid pour votre voyage à Saint-Léger. Il est vrai que vous pourrez arrêter à Thourotte et partir le matin de bonne heure, il fait moins chaud. Si tu penses me rapporter un litre ou 2, s'il en faut 2 de cognac ou de rhum, je te les payerai cette fois, ça ferait plaisir à grand-père. Yvonne et Odette m'ont apporté ce matin 2 jolis bouquets. Elles sont vraiment gentilles ! N'oublie pas ton arithmétique."

juin 1917 - Marthe demeure au Bois d'Ageux. Elle réclame ses lunettes à sa bru Georgina, les ayant oubliées à Saint-Denis : "Ma chère Georgina, à l'heure où tu recevras ma carte, tu feras probablement tes préparatifs de départ. Si tu veux apporter ce que tu as de linge sale, tu lessiverais ici où la place et le chauffage manquent moins qu'à Saint-Denis. Albert, cher enfant, doit être tout à la joie de son départ si comme il le pense il part le 29. Si tu avais quelques cartes de mon école de Saint-Léger, tu me ferais plaisir de m'en apporter une ou deux vues, toutes les nôtres étant perdues. Attendant le plaisir de vous voir, mes chères filles, nous vous embrassons tous de tout cœur. N'oubliez pas mes lunettes. Votre mère dévouée M. Bonnart."

autre carte : "(....) rapportez mon lorgnon, je n'ai plus que des lunettes de grand-mère qui ne me vont guère"

Elle décède début mai 1918 à Thourotte, à l'âge de 60 ans. Elle repose au cimetière de Thourotte, le long de l'allée qui longe l'église au sud-est.

 

Rentrée

Sortie

École

Octobre 1876

Juin 1877

École de Libermont

Octobre 1877

Juin 1880

École de Thourotte

Octobre 1880

Juin 1881

Trosly-Loire, canton de Coucy-le-Château, Aisne

Octobre 1881 (ou 1884 ?)

Juin 1888

École de Varesne

Juin 1889

Août 1914

École des Filles et enfantine St-Léger-aux-Bois

25 février 1915

Juin 1916

École de Longueil-Saint-Marie (domiciliée à Bois d'Ageux)

1916

1917

École des Filles et enfantine de Longueil-Annel

1917

Mai 1918

Thourotte

 

 

2014 - devant l'école de Saint-Léger-au-Bois, Arlette Friadt et son petit-fils Simon

 

 

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