Charles
Lemay naît le 1er février 1898 à
Trith-Saint-Léger.
Au moment de son arrestation, il est domicilié au 45, rue de
Geôle à Caen (Calvados), marié et père de
deux enfants.
Charles Lemay est métallurgiste (mouleur en fonte) aux hauts
fourneaux de la SMN (Société Métallurgique de
Normandie) à Mondeville.
Mondeville - hauts fourneaux et
station centrale
de la Société Métallurgique de
Normandie
SMN - aciérie Thomas - les
4 convertisseurs de 30 tonnes
.
Le 21 octobre 1941, Charles Lemay est
arrêté pour propagande communiste, comme Eugène
Baudoin, de Mondeville, Jean Bourget et Roger Goguet, de
Dives-sur-Mer. Peu de temps après, il est envoyé au
camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise),
administré et gardé par la Wehrmacht.
Le 24 octobre, il est inscrit sur une liste dotages
détenus en différents endroits établie par la
Feldkommandantur 723 de Caen.
Le 20 janvier 1942, il figure en n°10 sur une liste de onze
otages communistes du Calvados internés à
Compiègne pour lesquels la Feldkommandantur de Caen demande
à son échelon supérieur une
"vérification" avant de les proposer pour
lexécution.
5 futurs 45000
figurent sur cette liste dhommes pouvant être
fusillés
le tampon "Geheim" signifie "Secret"
Charles Lemay est
déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet
1942 dit "des 45000". Ce convoi dotages, composé pour
lessentiel dun millier de communistes (responsables
politiques du parti et syndicalistes de la CGT) et dune
cinquantaine dotages juifs (1170 hommes au moment de leur
enregistrement à Auschwitz), faisait partie des mesures de
représailles allemandes destinées à combattre,
en France, les "judéo-bolcheviks" responsables, aux yeux de
Hitler, des actions armées organisées par le parti
communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la
Wehrmacht, à partir daoût 1941.
les deux wagons à bestiaux
du Mémorial de Margny-les-Compiègne
installés sur une voie de la gare de marchandise
doù sont partis les convois de
déportation
Le voyage dure deux jours et demi.
Nétant pas ravitaillés en eau, les
déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, Charles Lemay est enregistré au camp souche
dAuschwitz sous le numéro 45777.
Les SS ont détruit la plupart des archives du KL Auschwitz.
Son portrait dimmatriculation a disparu.
Après lenregistrement, les 1170 arrivants sont
entassés dans deux pièces nues du Block 13 où
ils passent la nuit.
Le lendemain, vers 7h, tous sont conduits à pied au camp
annexe de Birkenau où ils sont répartis dans les Blocks
19 et 20.
portail du sous-camp de Birkenau,
secteur B-Ia
semblable à celui du secteur B-Ib par lequel sont
passés tous les 45000
Le 10 juillet, après
lappel général et un bref interrogatoire, ils
sont envoyés au travail dans différents Kommandos.
Le 13 juillet - après 5 jours passés par
lensemble des 45000 à Birkenau - Charles
Lemay est dans la moitié des membres du convoi qui est
ramenée au camp principal (Auschwitz-I) après
lappel du soir.
Il meurt à linfirmerie dAuschwitz-I le 17
août 1942, d'après les registres du camp.
Le titre de "déporté politique" lui a été
attribué. La mention Mort en déportation
est apposée sur son acte de décès (J.O. du
17-08-1994).
André
Gourdin naît le 6 septembre 1896 à
Trith-Saint-Léger, fils de Pierre Gourdin, né en 1870,
ouvrier métallurgiste aux Forges et Aciéries du Nord et
de lEst, et de Henriette Potheau, née en 1870, son
épouse.
André a une sur, Augusta, née en 1893. En 1906,
la famille habite au 6, rue de la Fontaine, à
Trith.
André Gourdin
(1896-1943)
Après lécole
primaire, André Gourdin entre à lÉcole
Pratique de Commerce et en sort comptable. Devenu employé de
banque, il est "congédié pour avoir tenté
dorganiser ses collègues". Il travaille dans un
journal local lorsque éclate la Première Guerre
mondiale.
Le 8 juillet 1916, à Creil (Oise), André Gourdin
épouse Marthe Molin, née le 23 août 1895 à
Saint-Leu-dEssérent (Oise).
Démobilisé en 1919, André Gourdin vient se fixer
à Laigneville (Oise).
Le 10 octobre, il entre à la
Compagnie des Chemins de Fer du Nord.
André et Marthe Gourdin ont un fils,
André-François, né à Creil le 18 juin
1923.
Lors des recensements de 1926 et 1931, la famille habite au 83, rue
de la République à Laigneville.
Début 1920, André
Gourdin adhère au Parti socialiste, mais rejoint le Parti
communiste dès sa création. Pendant très
longtemps, il est membre de la commission administrative de la
Fédération de lOise, puis trésorier du
Comité départemental du parti.
En 1924, il est employé
à la banque du Nord à Creil. C'est à cette
époque qu'il s'installe à Laigneville.
En 1925, il y est candidat aux municipales, recueillant 123 voix sur
318 suffrages exprimés.
En 1929, il obtint 150 voix sur 400 inscrits et est élu au
deuxième tour avec François Forget.
En 1928, candidat aux élections législatives dans la
circonscription de Senlis II, André Gourdin obtint 1813 voix
sur 15156 inscrits et se maintint au second tour contre le
député socialiste sortant Jules Uhry, recueillant alors
797 voix.
Le 1er août 1929, désigné pour tenir un meeting
à Rantigny, il ne sy rend pas et est exclu du Parti
communiste à la fin de lannée, en même
temps que Sarazin, secrétaire fédéral, et
Fernand Lhôtelier.
Cette même année 1929, il devient gérant de la
coopérative ouvrière "lAbeille" de Laigneville,
commune dont il est conseiller municipal.
Lors des municipales de 1935, André Gourdin recueille 200 voix
sur 511 suffrages exprimés, mais est battu au deuxième
tour.
Laigneville - la rue de la
République
Comme Lhôtelier, Gourdin est
réintégré assez vite dans le Parti
communiste.
En mars 1936, il est en effet candidat au conseil
général dans le canton de Creil, obtenant 1892 voix sur
12544 et se retire au second tour en faveur du socialiste Philippe,
qui est élu. Lors des législatives de 1936,
André Gourdin est à nouveau candidat dans la
circonscription de Senlis II et obtient 3988 voix sur 11084 suffrages
exprimés. Il se désiste alors pour le socialiste
Biondi, élu au deuxième tour. En 1937, il est encore
candidat au conseil darrondissement dans le canton de
Creil.
Mobilisé le 9 septembre 1939,
André Gourdin est démobilisé le 10 juillet 1940
et regagne Laigneville le 5 août suivant.
A l'Occupation, il est l'un des fondateurs de ce qui sera le Front
National dans l'Oise : "Il assure le commandement des groupes de
la région de Creil. Organise la récupération
d'armes, afin de donner les moyens d'entreprendre des coups de main
et sabotages".
Au moment de son arrestation, il est déclaré comme
commerçant.
André Gourdin est arrêté le 16 juillet 1941
à son domicile par la police allemande "pour actions de
résistance" puis finalement interné au camp
allemand de Royallieu à Compiègne (Oise),
administré et gardé par la Wehrmacht. Il y est
enregistré sous le matricule n° 1305.
Une
déportation de représailles contre le
"judéo-bochevisme"
Le convoi
d'otages communistes du 6 juillet 1942 s'apparente par ses
origines aux fusillades d'otages de Nantes, de
Chateaubriant, du Mont Valérien et de bien d'autres
lieux d'exécution.
Ils font partie des mesures de représailles prises
par le commandant militaire en France pour tenter de
terroriser les petits groupes armés communistes qui
entreprennent dattaquer des officiers et des soldats
de la Wehrmarcht.
Ces
premières manifestations de lutte armée en
France débutent en août 1941. Hitler place ces
représailles dans le cadre de la "croisade contre le
"judéo-bochevisme", qui, depuis juin 1941, lui sert
de bannière dans la guerre contre l'Union
soviétique.
A partir de septembre 1941, des otages, pour la plupart
communistes, parmi lesquels se trouvent de nombreux Juifs,
sont fusillés.
Après
les deux attentats retentissants contre le Feldkommandant de
Nantes et un conseiller dadministration militaire
à Bordeaux, Hitler exige des représailles
massives. En conséquence, 48 otages sont
fusillés dans la région de Nantes - dont 27
communistes au camp de Châteaubriant - et 50 au camp
de Souges, près de Bordeaux.
Persuadé
que l'amplification de la terreur ne fera pas céder
les communistes, que les investigations de la police
française ont permis d'identifier comme les
véritables auteurs des attentats, Otto von
Stülpnagel, Commandant militaire en France (MBF),
réaffirme dans un rapport adressé à
Berlin que "de pareilles méthodes (sont)
inapplicables à la longue". Il estime que ce bain
de sang risque de compromettre, de façon
définitive, les bases de sa politique. Dès
lors, il s'emploie à rechercher une politique de
rechange aux exécutions massives
dotages.
A la
suite dune série d'attentats commis fin
novembre et début décembre, il propose, dans
un télégramme qu'il adresse à Berlin,
le 5 décembre, l'exécution de 100 otages, une
amende d'un milliard de francs imposée aux Juifs de
Paris et l'internement et la déportation à
l'est de l'Europe de 1000 Juifs et 500 jeunes
communistes.
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L'autorisation
de Hitler de déporter des Juifs à l'Est
parvient au MBF le 12 décembre, au moment où
se prépare la conférence de Wannsee qui a pour
objet lorganisation des déportations de Juifs,
en vue de leur extermination, dans lensemble des pays
sous domination allemande, camouflée sous le nom de
"solution finale du problème juif en
Europe".
En 1941,
l'idée selon laquelle les Juifs sont à
l'origine des actions communistes menées contre
l'armée d'occupation est largement répandue
dans les milieux allemands et sert à légitimer
persécutions et exécutions. A l'Est, c'est au
nom du "judéo-bolchevisme" que les familles
juives et les cadres communistes sont massacrés par
des groupes mobiles qui suivent l'avancée des
armées allemandes sur le territoire
soviétique. Pour la France, Heydrich écrit le
6 novembre 1941 au général Wagner, chef de
l'intendance : "Les attaques réussies dans les
entreprises travaillant pour la Wehrmacht, les actes de
sabotage contre les chemins de fer, les attentats contre les
membres de l'armée allemande et les tentatives de
meurtre de politiciens qui s'étaient engagés
dans la collaboration germano-française, montrent que
les cercles "judéo-bolcheviks" sont les auteurs de
tous les crimes."
En raison
de problèmes de transport, les déportations
sont repoussées à une date ultérieure.
Le transfert vers l'Est des 1000 Juifs se fera "dans le
cadre des évacuations prévues en
février ou en mars" (il faut entendre dans le
cadre des déportations de la "solution
finale"). Les services de la police de
sécurité et du SD à Paris sont
chargés d'organiser la déportation des Juifs
vers l'Est et celle des communistes vers un camp de
concentration allemand du Reich.
Dannecker,
à la tête de la section des Affaires juives de
la police de sécurité et du SD dans la zone
administrée par le MBF, profite de la politique des
otages pour accélérer les débuts de la
"solution finale" en France. A partir de
février 1942, il multiplie les démarches
auprès d'Eichmann pour obtenir la déportation
des 1000 otages juifs annoncée dans l'avis du 14
décembre 1941. Il reçoit, en outre, l'accord
d'Eichmann et de Heydrich pour l'évacuation de 5000
autres Juifs de Paris au cours de l'année 1942 (...)
et pour d'autres déportations de plus grande
envergure en 1943. Un télégramme d'Eichmann
indique que les 5000 Juifs devront être placés
dans le camp de concentration d'Auschwitz.
Dannecker
Pour
Dannecker, ces premiers transferts sont les
préliminaires à l'ambitieux programme de
déportation des Juifs de France qu'il s'est
tracé. Un premier convoi composé de 1000 Juifs
quitte le camp de Compiègne pour Auschwitz le 27 mars
1942. Ce transport est à la fois, pour la France, le
premier transport de la solution finale
et la première déportation
d'otages.
Cependant,
les attentats se font de plus en plus nombreux et les
représailles semblent inefficaces. Après trois
attentats successifs au début d'avril 1942, à
La Courneuve, au Havre et à Paris, Hitler ordonne le
9 avril 1942, comme mesure supplémentaire
dintimidation aux fusillades dotages, la
déportation de 500 otages communistes, Juifs et
"asociaux pour chaque nouvel attentat. Ces transports
doivent être essentiellement composés de
communistes, comme l'indique le télégramme
envoyé le 11 avril à l'ambassadeur Abetz par
son adjoint, Rudolf Schleier (...) Dannecker intervient
alors pour que les otages juifs partent en priorité
et reçoit, pour la seconde fois, l'appui des services
d'Eichmann.
A compter
du 18 juin, une dizaine de trains de marchandises sont mis
à la disposition de Dannecker. Celui-ci organise
alors le départ de 4 autres transports de Juifs vers
Auschwitz. Ils s'inscrivent, comme le
précédent, dans le cadre de
"l'évacuation" des 5000 Juifs de la région
parisienne. Ils s'effectuent à partir des camps
d'internement français de Drancy (le 22 juin), de
Pithiviers (le 25 juin et le 17 juillet) et de
Beaune-la-Rolande (le 28 juin). Mais, désormais, ces
déportations échappent totalement au
contrôle de l'administration militaire. Dannecker
n'observe plus les instructions données par le MBF
pour la constitution des convois de représailles. Les
limites d'âge ne sont plus respectées, des
femmes et des adolescents sont intégrés dans
ces transports.
Pourtant,
ces transports partent encore sous le prétexte des
représailles. Le fait est révélé
de manière indirecte par deux échanges de
télégrammes, lun datant de juillet et
lautre daoût 1942, conservés au
Centre de documentation juive contemporaine. Le 9 juillet,
Dannecker répond à son homologue de Bruxelles
qui l'avait interrogé sur la possibilité de
déporter des Juifs de nationalité
française : "(
) Il y avait de nombreux Juifs
de nationalité française dans les 5 transports
qui ont été exécutés
jusqu'à maintenant depuis le territoire occupé
et qui l'ont été en partie comme mesure de
représailles contre le judaïsme (die Teilweise
als Sühnemassnahmen gegen die Judenschaf
durchgefürt würden) (
)"
Le 1er
août, Berndorff s'adresse du département de la
Gestapo (RSHA IV-C2) au BdS Knochen (commandant de la police
de sécurité et du SD en France) au sujet de
"déportation de communistes, Juifs et
éléments asociaux vers l'Est à titre de
représailles". Il se réfère
à son ordre du 6 mai 1942 et écrit : "Je
demande un rapport sur l'état de cette affaire.
Jusqu'à présent, les formulaires,
exigés par le décret en
référence, ne sont pas arrivés. Je
demande en particulier qu'on me fasse savoir si les
personnes déjà arrêtées ou
susceptibles d'être arrêtées
relèvent des dispositions du décret Nacht und
Nebel. Dans l'affirmative, je demande de le spécifier
par un tampon ou par un autre moyen sur les formulaires afin
que le traitement de ces cas soit conforme à la
réglementation."
On
constate, en effet, que le département de la Gestapo,
en s'adressant pour la première fois à Paris
depuis le 6 mai 1942 au sujet des déportations de
représailles, n'est pas à lorigine des
déportations vers Auschwitz qui ont
déjà eu lieu. Non seulement il na pas
reçu les formulaires individuels des personnes qu'il
était censé déporter, mais il ignore
même que lexistence de transports vers ce camp.
Il avait pourtant ordonné la constitution d'un
premier transport de "1000 personnes" pour Auschwitz, le 6
mai 1942.
La
réponse qu'il reçoit du service des Affaires
juives à Paris est des plus laconiques. Celui-ci
laisse entendre que l'absence de réponse de la part
du RSHA, au sujet des formulaires individuels, a
empêché jusqu'ici le départ des convois
de représailles. Il ne fait nullement état des
transports déjà réalisés et
n'évoque le problème des formulaires que sous
l'angle des déportations à venir.
Sagissant du convoi du 6 juillet 1942, le
télégramme du 1er août amène
à se poser la question de savoir quel
département du RSHA en a organisé le
départ vers Auschwitz.
A leur
arrivée à Auschwitz, ces transports sont
enregistrés comme "convois du RSHA", comme le
furent les autres transports de la "solution finale".
Le fait
est connu, malgré la destruction ou la disparition
d'une grande partie des archives du camp, grâce
à une liste des convois d'Auschwitz, recopiée
clandestinement à partir des archives des SS, par des
détenus appartenant à la Résistance, en
septembre 1944. Cette liste indique le jour d'arrivée
de chaque transport, son origine et les numéros sous
lesquels les détenus ont été
enregistrés. Or, le convoi du 6 juillet 1942 est
également mentionné à Auschwitz comme
étant un "convoi du RSHA". En effet, la ligne
qui lui est consacrée indique : "8 juillet 1942,
convoi RSHA-Paris, 45317 - 46326".
Au
contraire, les convois de déportés de
répression, organisés par le
département de la Gestapo (RSHA IV-C2), portaient non
pas la mention du RSHA mais celle plus précise de
l'organisme qui l'a ordonné : comme par exemple,
BdS-Paris, pour les convois partis de Compiègne vers
Buchenwald.
Peut-on
en conclure que le départ du convoi du 6 juillet 1942
a été réglé par les services
d'Eichmann à Berlin et par son représentant
à Paris ?
D'autres
faits le confirment. Le 2 juillet, les services ferroviaires
allemands avisent le service des Affaires juives en France
qu'un train est mis à sa disposition pour le
transport de 1100 prisonniers de Compiègne vers Metz,
puis vers Auschwitz (Silésie orientale). Il s'agit du
convoi du 6 juillet 1942.
Fait significatif, cette information est placée dans
une lettre sous la référence : "transports
de Juifs depuis la France qui traite, en outre, de
l'établissement des trajets à partir des
différentes gares pour les "40000" Juifs de France
qui doivent prochainement être
déportés". Par ailleurs, le service des
Affaires juives en profite pour intégrer 50 Juifs
dans le transport des "1100 prisonniers" vers Auschwitz. Le
5 juillet, ils sont extraits du camp des Juifs de
Compiègne et rejoignent, dans les baraquements de
transit, le millier d'otages communistes et la quinzaine
d'otages "asociaux" destinés au départ. Ils
étaient les derniers otages juifs déportables
détenus dans ce camp.
Le 6
juillet, la section, créée sur ordre du MBF
pour y enfermer les otages juifs, est vidée de ses
internés. Les 18 hommes restants sont placés
au "camp des politiques", avant d'être
transférés le 26 mai 1943 à Drancy.
Pour le
service des Affaires juives, les otages juifs ne pouvaient
avoir d'autre destination qu'un camp d'extermination : leur
intégration dans le convoi du 6 juillet 1942
impliquait nécessairement que celui-ci parte pour
Auschwitz. Ainsi, l'imbrication existant, en France, entre
la politique des otages et les débuts de la
"solution finale", dans le contexte de la lutte
contre le "judéo-bolchevisme", explique la
destination du convoi à Auschwitz et la
présence de Juifs aux côtés de
prisonniers politiques.
Claudine
Cardon-Hamet
|
Le 18 septembre, le commissaire
spécial de la Sûreté nationale de Beauvais
écrit au préfet de lOise pour linformer que
"le Kreiskommandant de Senlis a demandé de lui transmettre
une liste de quinze individus, choisis parmi les communistes les plus
militants de la région creilloise, destinés, le cas
échéant, à être pris en qualité
dotages. En accord avec le commissaire de police de Creil,
[une liste] a été établie" sur
laquelle André Gourdin est inscrit en 2e position.
Considérant le ton de la lettre, on peut penser que la liste a
été effectivement transmise à
loccupant.
Le 20 février 1942, le chef de
la Feldkommandantur 580 à Amiens - ayant autorité sur
les départements de la Somme et de lOise - insiste
auprès du préfet de lOise, Paul Vacquier, afin
que la fiche de chaque interné du Frontstalag 122 pour
activité communiste demandée à
ladministration préfectorale indique "son
activité politique antérieure (très
détaillée si possible), ainsi que les raisons qui
militent pour ou contre sa prompte libération du camp
dinternement".
[Paul Vacquier, nommé préfet de lOise le 22
mai 1940, au début de loffensive allemande, cherche
ensuite à maintenir un semblant de souveraineté
française à léchelon local, ce qui lui
vaut son départ le 30 octobre 1942.]
Le 10 mars, le préfet de
lOise écrit au Ministre secrétaire
dÉtat à lIntérieur pour lui
transmettre ses inquiétudes quant à cette demande :
"Étant donné que parmi les internés du camp
de Compiègne une vingtaine déjà ont
été fusillés en représailles
dattentats commis contre les membres de larmée
doccupation, il est à craindre que ces autorités
aient lintention de se servir de mon avis pour désigner
de nouveaux otages parmi ceux pour lesquels jaurais émis
un avis défavorable à la libération. Me
référant au procès-verbal de la
conférence des préfets régionaux du 4
février 1942, qui précise quen aucun cas
les autorités françaises ne doivent, à la
demande des autorités allemandes, procéder à des
désignations dotages, jai lhonneur de
vous prier de vouloir bien me donner vos directives sur la suite
quil convient de réserver à la demande dont je
suis saisi
"
Le 13 avril 1942, le commissaire
principal aux renseignements généraux de Beauvais
transmet au préfet de lOise 66 notices individuelles
concernant des individus internés au Frontstalag 122 à
Compiègne, dont 19 futurs 45000. Sur la notice qui
le concerne - à la rubrique "Renseignements divers" -,
André Gourdin est qualifié de "militant communiste
extrêmement actif. Était délégué
régional à la propagande du Parti, a été
de nombreuses fois candidat à des élections sous
létiquette communiste. Avait une grosse influence dans
le milieu."
Le 24 avril, Paul Vacquier transmet
à la Feldkommandantur 580 les notices individuelles des
"personnes internées au camp de Compiègne, figurant
sur la liste [qui lui a été] communiquée
et domiciliées dans le département de lOise"
qui mentionnent uniquement "des renseignements concernant
létat civil, la parenté et la situation
matérielle".
Enfin, le 29 juin, le préfet
de lOise écrit à la Feldkommandantur 580 pour
essayer dobtenir la sortie du Frontstalag 122 de 64
ressortissants de son département - dont André Gourdin
- au motif "quaucun fait matériel
dactivité communiste na été
relevé à leur encontre depuis larrivée des
forces allemandes dans la région", envisageant la
possibilité dinterner certains dentre eux "dans
un camp de concentration français". Sa démarche ne
reçoit pas de réponse.
Le mal est probablement
déjà fait : quand elles ont procédé
à des arrestations dans lOise entre juillet et septembre
1941, les forces doccupation ne disposaient-elles pas
déjà dinformations et dappréciations
transmises par certains services de la police française ?
Nen ont-elles pas obtenu dautres par la suite ? Le
préfet craignait la fusillade. Ce sera la
déportation.
Entre fin avril et fin juin 1942,
André Gourdin est sélectionné avec plus
dun millier dotages désignés comme
communistes et une cinquantaine dotages désignés
comme juifs dont la déportation a été
décidée en représailles des actions
armées de la résistance communiste contre
larmée allemande, en application dun ordre de
Hitler.
Le 6 juillet 1942 à laube, les détenus sont
conduits à pied sous escorte allemande à la gare de
Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises.
Le train, appelé "convoi des 45000", part une fois les portes
verrouillées, à 9h30.
aquarelle
Le voyage dure deux jours et demi.
Nétant pas ravitaillés en eau, les
déportés souffrent principalement de la soif.
Le 8 juillet 1942, André Gourdin est enregistré au camp
souche dAuschwitz sous le numéro 45621.
A Birkenau, il est au Kommando de la Sablière. Dans un
état d'épuisement total, il est
"désigné pour la chambre à gaz"
témoigne Georges Gourdon, son camarade à la
Libération. Selon les archives du Revier (infirmerie
d'Auschwitz), il entre à l'hôpital d'Auschwitz le 1er
novembre 1942 et en sort le 1er janvier 1943.
Daprès son certificat de
décès établi au camp pour l'état civil
dAuschwitz, André Gourdin meurt le 24 janvier 1943, date
reprise par larrêté du 6 février 1992 paru
au J.O. du 27 mars 1992 portant apposition de la mention "Mort en
déportation" sur son acte de décès.
André Gourdin a été déclaré
"Mort pour la France". Il a reçu à titre
posthume la Croix de guerre, la Médaille militaire (16-02-60)
et la médaille de la Résistance.
Le titre de "déporté résistant" lui a
été attribué le 23 juillet 1955 "après
de très longues démarches et de nombreuses
difficultés" écrit son fils
André.
A Laigneville, une rue voisine de son
domicile porte son nom. Son nom est également inscrit sur le
monument aux morts de la commune, face à la mairie.
A Trith-Saint-Léger, son nom a été donné
à la rue où il est né et où il a
passé sa jeunesse.
Sources et liens :
retour
https://www.stleger.info