ahier de doléances

de la paroisse de Saint Léger

 

 

"A faut espérer qu' c' jeu-là finira ben tôt"

Le paysan, appuyé sur sa houe, doit porter sur son dos le prélat et le seigneur
(il peine et paye les impôts pour nourrir le clergé et les nobles)
cependant que les oiseaux et les rongeurs dévorent sa récolte.
(le paysan n'a pas le droit de chasse)
D'après une caricature du temps
(in L'Histoire Vivante, de M. et S. Chaulanges, aux éditions Delagrave - 1954)

 


 

Cahier de la paroisse de Saint Léger, fait en exécution des lettres du Roi, du 24 novembre (sic) 1789 :

1 - Les paroissiens se plaignent d’être trop chargés d’impositions, parce qu’ils sont tous de pauvres gens, qui sont en arrière de trois années qu’ils doivent à un allouant qui n’est plus en état d’avancer,

2 - Que la dite paroisse est de mauvaise nature de fonds , et doit près de la moitié de sa valeur en rente seigneuriale, relevante de la mense abbatiale du Mont-Saint-Michel, et du seigneur de Saint-Léger, et de l’abbaye de la Luzerne ; qu’on fait payer les rentes en froment suivant l’apprécis qui se fait à Granville, ou plutôt le receveur donne un si bref délai, qu’on est obligé de la payer au prix qu’il le fixe lui-même. Qu’ils ont des pigeons et des lapins qui ruinent les blés,

3 - Que ladite paroisse est enclavée de tous côtés de très mauvais chemins, qui tirent tout lieu de communiquer aux grands chemins pour avoir des engrais à la mer et sortir leur peu de denrées,

4 - Que les impositions sont trop coûteuses à répartir en six cotes, qu’il serait nécessaire que la taille, taillon et capitation ne seraient qu’une seule cote, et les vingtièmes et corvées des chemins et imposition territoriale ne seraient qu’une autre cote,

5 - Que les maisons habitables des curés sont des frais immenses dans les paroisses, qu’ils devraient être à la charge des bénéficiers, comme le surplus des maisons presbytérales,

Ce qui a été arrêté dans l’assemblée, ce 1er mars 1789.
Ce que les dits paroissiens ont signé.

E. DELAROCQUE, M. ADDE, P. LARCHEVESQUE, Pierre GODARD, C. RUEL, Jean LE FRANC, Pierre HERMANGER, Dominique COUARD, Pierre MARE, P. BOËTARD, Patrice GUERARD, N.-J. LECOUPE

Procès-verbal d’assemblée :
Date de l'assemblée : 1er mars 1989
Nombre de feux : 37
Députés : Nicolas-Jean LE COUPE, laboureur - François-Hyacinthe COUARD, laboureur

 


 

 

ahier de doléances de la paroisse

et communauté de Saint Jean des Champs

 

 

Etat ou cahier des doléances et remontrances du tiers-état du second ordre de la paroisse et communauté de Saint Jean des Champs, ressortissant du bailliage du Cotentin, séant à Coutances, contenant ce qui suit :

1 - Remontrent à Sa Majesté lesdits paroissiens, que les grandes routes ont été faites aux frais communs du tiers état seulement, et qu’il est seul chargé de leur entretien ; qu’il est juste qu’il en profite, ce qui ne peut être, les routes d’adresse (de traverse ?) ne se faisant pas, ce qui le prive des engrais de mer essentiels à la culture,

2 - Remontrent lesdits paroissiens qu’il est aggravant pour eux d’être obligés de consommer trois jours de leur temps, qui les arrachent à leurs travaux, pour se procurer un demeau de sel qui est une chose de première nécessité ; qu’il est également rigoureux d’être obligé de payer trente-un sols neuf deniers pour voiturer un tonneau de cidre, sur le prix duquel ils diminuent à l’acheteur la quatrième partie de sa vraie valeur, pour les droits et la ferme,

3 - Que la multitude des rôles pour les différents impôts coûtent beaucoup aux laboureurs, et détournent un grand nombre d’individus des travaux de leurs cultures ; un seul rôle pour tout impôt serait bien désirable,

4 - Que la paroisse est chargée de rentes seigneuriales envers l’abbaye du Mont-Saint-Michel, l’abbaye de la Luzerne, au président de Saint-Pierre, au seigneur de Saint-Léger, au seigneur de Bricqueville, au domaine, à l’hôpital d’Avranches et Granville et autres, et que nul de ces seigneurs ne leur diminuent les deniers royaux,

Que l’abbaye du Mont-Saint-Michel, qui possède au moins les deux tiers de ladite paroisse, ne paye rien à la décharge du laboureur, qu’une légère taille fondée sur des baux affaiblis par des pots-de-vin considérables, ou dénaturés par des contre-lettres ; qu’elle s’arroge le droit de faire faire les apprécis à la juridiction de Granville, et qu’il est notoire que dans tous les marchés qui sont députés à cette appréciation les grains et autres choses appréciables sont toujours à plus haut prix que dans les autres marchés, aussi fait-elle payer les grains jusqu’à quinze ou vingt sols par demeau plus qu’à l’apprécis royal. On ne peut passer sous silence que, dans la sécheresse extrême qui arriva en l’an mil sept cent quatre-vingt cinq, que Sa Majesté touchée de compassion pour le laboureur qui voyait ses bestiaux périr par la faim permit le pâturage même dans ses forêts, les gardes du Mont-Saint-Michel arrêtaient ceux que la misère forçait de mener dans leurs bois, et ne les rendaient qu’après qu’on leur avait payé l’amende,

Qu’à la vérité les autres seigneurs se règlent sur l’apprécis royal pour le prix des grains, mais la rejettent pour ce qui concerne les poules, les œufs, les chapons, etc, et les font payer au prix qu’ils veulent ; qu’ils ne diminuent les deniers royaux sur aucunes redevances. Remontrent de plus que tous ces seigneurs ont chacun leur colombier et volière, en sorte que la communauté de Saint-Jean-des-Champs compte autour d’elle huit colombiers, assis tant sur ladite paroisse que sur celles qui la joignent ; que ces colombiers fournissent une quantité prodigieuse de pigeons ; que ces colombiers n’étant fermés en aucunes saisons, ils ruinent et déprèdent tous les labours ; Que ces mêmes seigneurs permettent ou ordonnent à leurs domestiques de chasser avec nombre de chiens en toutes saisons, ce qui leur cause une douleur extrême et un tort considérable, dont ils ne peuvent que gémir en secret,

Ajoutent à ces représentations, que sur des rapports faux et calomnieux, des vindicatifs font passer à l’œil du seigneur pour braconniers ceux qu’il leur plait, et que le parti que prend ledit seigneur est de dénoncer au gouverneur de la province, qui sur le champ donne ses ordres à la maréchaussée d’emprisonner un bon laboureur pour trois mois, sans être ouï, et qui n’est coupable de ce qu’il a un fusil chez lui. Son travail demeure interrompu ; ce n’est pas assez, on lui fait encore payer une amende, et par ce moyen vexatoire et despotique, un laboureur ne peut avoir chez lui un fusil pour détruire l’oiseau qui déprède ses semences, un chien fou qui dévore son troupeau ou un voleur qui force sa maison,

 

ouverture des Etats Généraux en 1789

 

5 - Que les réparations et reconstructions des presbytères écrasent le laboureur, par les frais immenses qu’on est obligé de faire pour constater ces réparations ou reconstructions ; qu’il serait juste de charger absolument le dernier titulaire de cette dépense, même d’autoriser la communauté à dresser procès-verbal tous les dix ans au moins des réparations à faire, et obliger le titulaire à déposer une somme correspondante audit procès-verbal,

6 - Que les déports sont visiblement un abus, primo parce qu’ils mettent le troupeau sans pasteur ; secundo parce qu’ils déprèdent les fonds du presbytère ; tertio parce que l’avidité du fermier ne présente au laboureur que des sujets de contestation ; quarto enfin, parce que les évêques n’en ont pas besoin, et qu’ils peuvent en abuser au scandale de la religion. On en a vu qui ayant la nomination d’un bénéfice l’a conféré à un curé placé, et mis en place celui qui devait occuper le bénéfice du titulaire mort ; à ce moyen au lieu d’un déport il s’en est procuré deux ,

7 - Représentent encore et supplient Sa Majesté, que les individus qui sont maculés de rente hypothèques soient considérés dans les impôts qu’il plaira à Sa Majesté imposer, comme ceux qui sont maculés de rentes foncières,

8 - On ne peut s’empêcher de mettre sous les yeux de Sa Majesté qu’au marché de Granville on exige un droit de coutume qui monte ordinairement à quatre sols par charge de cheval, et qu’on est obligé d’exposer ses grains aux périls de tous les mauvais temps, sans halles ni couvertures. On supplie encore Sa Majesté d’observer que la mesure de Granville, qui est le marché des suppliants, est absolument dénaturée ; elle n’était dans son principe que de vingt-cinq pots ou deux demeaux de Saint-Pair, et maintenant elle va jusqu’à vingt-huit et trente pots, inconvénient qui fait porter les apprécis au-delà de ce qu’elle doivent aller, et qui ne vient que de ce que les officiers de police sont armateurs et ne méprisent pas les grandes mesures ; le moyen d’arrêter cette injustice est de déterminer les mesures pour le marché, d’obliger tout le monde à mesurer leurs grains, et de mettre à contravention pour le plus comme pour le moins,

9 - Remontrent encore que les procès sont éternels ; que celui qui n’a pas assez de facultés pour faire payer une contestation, ou de lumières pour résister aux chicanes qu’on lui fait, est obligé d’abandonner ses droits les plus légitimes ; les tribunaux ont grand besoin d’être réformés,

10 - Désire le tiers-état qu’il plaise à Sa Majesté n’admettre aux charges publiques que des personnes jugées capables au concours et aux mérites tant pour la science que pour les mœurs,

11 - Les tutelles, inventaires, prix et ventes, sont absolument vexatoires, et souvent la succession des pupilles n’y peut suffire. Il serait à souhaiter que les parents délibérants seraient autorisés à faire cet inventaire gratis, et que l’instrumentaire le plus proche serait admis à en faire la vente,

12 - Remontre encore le laboureur, que la mer, la capitale et le commerce rendent les domestiques et gens de bras très rares, et conséquemment très chers, ce qui prive le laboureur de bien des secours. On remédierait à cet inconvénient en distribuant des quartiers à l’infanterie à portée de le soulager ; les troupes n’en seraient que plus vigoureuses, et le laboureur plus soulagé,

13 - Supplie le tiers-état, que la noblesse, le clergé et décimateurs payent, par proportion comme le tiers-état, les impositions qu’il plaira à Sa Majesté nous envoyer pour le soulagement de ses misères, lesdites impositions étant très excessives et les fonds de très mauvaises natures,

14 - Que dans ladite paroisse il y a au moins un septième du terrain en bois, bruyères et landes, de très peu de valeur,

15 - Plaise à Sa Majesté regarder en pitié un peuple dont elle est chérie, que les cris qu’il pousse vers elle du fond de sa misère parviennent jusqu’à son trône, méritent sa compassion, et obligent des sujets soumis à redoubler leurs prières et leurs vœux pour la conservation d’un si bon monarque.

Fait et arrêté double, le dimanche premier jour de mars 1789, après lecture faite

G. MACÉ, J. DUCHESNE, M. HAMELIN, J. HERPIN, P. LAFOREST, P. RABOTIN, J-R ALLAIN, HALBOT, Pierre LEMUEY, T. CLEMENT, illisible, N. LEFEVRE, LEMONNYER, J-S FONTAINE, Jean LEMUEY, P.-P FONTAINE, Jean FONTAINE, Patrice LETOURNEUR, J-B DANIN, P. DE LA COUR, JUINIER, J. MACÉ, Jean HERPIN, P. ALLAIN.

Procès-verbal d’assemblée
Date de l'assemblée : 1er mars 1789
Président : le sieur Pierre ALLAIN HERPINIERE
Nombre de feux : 150
Députés : Jean-François HEREMBOURG-MAISONNEUVE, laboureur - Jean-François LEBACHELIER-LESNOYERS, laboureur
Signataires (24) : G. MACÉ, Pierre LEMUEY, Patrice LETOURNEUR, M. HAMELIN, LEBACHELIER, HEREMBOURG, J. HERPIN, J. CLEMENT, Jean HERPIN, P. LAFOREST, Jean FONTAINE, LEMONNIER, P. RABOTIN, N. LEFEVRE, P. ALLAIN, J-R ALLAIN, Jean LEMUEY, J. MACÉ, J. HALBOT, J-J FONTAINE, Pierre LEMUEY, J-B DUCHESNE, Jean FONTAINE, J-B DANIN.

 

Source : Cahiers de doléances du bailliage du Cotentin, les Etats Généraux de 1789 - Emile BRIDEY - Imprimerie Nationale 1907/1912

 

 

 

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