la bataille d'Ypres, le jour du 12 novembre 1914

 

"Arrivé le 12 novembre au matin, je pris part aux violents combats livrés à Zillebeke, Zonnebeke, Hollebeke, à l'est et au sud-est d'Ypres. Rien ne peut donner une idée du spectacle effrayant de cette bataille. Les Allemands attaquèrent avec une violence inouïe, par masses énormes d'infanterie, appuyées par une artillerie formidable. Ils subirent des pertes énormes et ne réussirent pas à rompre nos lignes. Bien mieux, sur certains points, nous avons même gagné du terrain.

Le champ de bataille était couvert de morts et de blessés, mais en quantité telle qu'on ne pouvait se déplacer sans marcher sur des corps. Nous étions absolument assommés par le bruit du canon. Devant notre seul corps d'armée, plus de 400 pièces allemandes tonnaient, auxquelles répondaient environ 200 des nôtres. C'était un grondement perpétuel. Il venait encore s'y ajouter le crépitement de la fusillade et des mitrailleuses, l'éclatement des obus, les hurlements des fractions chargeant à la baïonnette. Enfin, je n'ai jamais rien vu de semblable. La bataille de la Marne ne fut rien, paraît-il, à côté de celle-ci.

 

 

A l'issue de la bataille, le général réunit les officiers et nous dit : "Vous ne vous doutez pas de la valeur du succès que vous venez de remporter, c'est une grande victoire pour nos armes, je vous en remercie."

Il nous donna ensuite des chiffres, c'est encore ce qui parle mieux que tous les discours. Voici ce que nous avons fait :
Il y avait autour d'Ypres 14 corps d'armée allemands (750 000 hommes), contre 5 corps d'armée français (250 000 hommes). C'est dire si la poussée fut terrible et s'il nous fallut lutter pour ne pas céder. Les Allemands ont laissé 125 000 hommes sur le champ de bataille (20 000 tués et 105 000 blessés).
De notre côté, il y eut aussi des pertes sensibles. Ma compagnie a perdu 104 hommes en 20 minutes, dans une charge à la baïonnette sur des mitrailleuses. Nous nous sommes bien vengés après.
Par exemple : 2 compagnies allemandes (500 hommes) ayant chargé nos tranchées, nous les avons fauchés littéralement : 17 Allemands seulement survécurent, que nous fîmes prisonniers.

C'est à la suite de ces violents combats, le 14 novembre, que je fus nommé sous-lieutenant et qu'on me donna le commandement d'une compagnie."

 

Cité par "Le Courrier du Centre" - La France au-dessus de tout - Lettres de Combattants - 1915

 

 

  

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