celui de Baptiste Chupin - 2001 |
Clotilde
: "Et on dit que
les femmes sont bavardes ! (
) Mais avant de parler avec
Baptiste de tout ce que nous avons vu et entendu, remontant au plus
profond dans nos mémoires, nous vous remercions d'avoir choisi
cette période d'entre les deux guerres. C'est une
époque mal connue, loin des beaux clichés du
début du siècle où les hommes posaient dans
leurs beaux habits du "dimanche" et les femmes avec leurs coiffes
fraîchement repassées (
)" Baptiste
: "De nos soldats
morts pour la patrie, j'ajouterai le seul souvenir que j'aie de cette
guerre. J'avais six ans. Je revois encore le père Auguste
Jaud, soutenu par Marie, sa femme. "(...) Je revois
encore le père Auguste Jaud, soutenu par Marie, sa
femme. Gravement malade, alité depuis de longs mois,
il voulait absolument voir ses trois fils partir à la
guerre (...)" Clotilde
: "Des
misères de la Grande Guerre, il me reste ce fait marquant et
personnel qui troubla si fort l'enfant que j'étais alors. Dans
le petit salon donnant sur le parc, je revois ma mère, le
visage triste, contenant dignement un grand chagrin. C'est à
peine si l'on apercevait le mouchoir qu'elle tenait dans sa main. Du
haut de mes 9 ans, m'approchant d'elle, je lui demandai : "Maman,
pourquoi pleurez-vous ?" Association
ASPPM (Sauvegarde et Promotion du Patrimoine de
Montfaucon-Montigné) - 2001
C'est avec plaisir (si l'on peut dire, car peut-on prendre du plaisir
à l'évocation d'une guerre !) et beaucoup
d'émotion que j'ai lu votre récit sur la "Grande
Guerre".
J'ai pensé qu'en rassemblant mes souvenirs, je pourrais vous
parler de ce qui se passa par la suite... Pour m'aider, j'ai
sollicité l'aide de la "Savante Clotilde". Elle n'aime pas
qu'on l'appelle comme ça ! Mais n'empêche qu'elle est la
seule de Montfaucon à avoir eu son "bachot" en poche, chose
rare à l'époque ! Il faut dire que sa famille faisait
partie de ce que nous, à Montigné, appelions la "haute"
de Montfaucon ! Nous nous sommes donc retrouvés, il y a
quelques années, dans cet établissement pour personnes
âgées. Le destin nous réserve tant de surprises !
Pour ma part, j'ai passé toute mon existence au travail de la
terre, dans un village perdu au "fin fond" de la commune. Et
maintenant, me voici, en compagnie de la "Savante Clotilde" ! Celle
qui a parcouru le monde, vécu mille vies, prisonnière
d'un savoir inaccessible à nous autres, "pauvres bougres"
ayant quitté l'école à 12 ans. Mais je lui
laisse la parole..."
Gravement malade, alité depuis de longs mois, il voulait
absolument voir ses trois fils partir à la guerre !
"Lève-moi, avait-il dit, nos gaillards ont besoin de
nous !"
Scène poignante d'une famille rendue si pauvre par la maladie
!
Les trois garçons "gagés" étaient pourtant de
rudes travailleurs. Et Marie, leur mère, faisait des
"journées" pour subvenir aux besoins de la maison.
François et Joseph, les deux plus jeunes, riaient en disant :
"On les aura, ces sales Boches !"
Seul le fils aîné, Auguste, récemment
marié à Marcelline Bousseau, pleurait.
II savait qu'on allait leur mettre un fusil dans les mains et les
expédier en renfort à l'autre bout de la France !
Eux qui n'avaient jamais dépassé Tiffauges pour les
gages de la Saint Jean !
Le père Jaud décèdera quelques mois plus
tard.
Marie partit à St Germain et continua à faire des
"journées".
C'est là qu'on lui apprit la mort au Champ d'Honneur,
d'Auguste son fils aîné, le 12 novembre 1914, peu de
temps après sa mobilisation.
Quand le maire, Victor Grégoire, vint la prévenir
à son travail, en février 1915, du décès
de ses deux autres fils, elle poussa un grand cri, en disant :
"Non !"
Certains se rappellent encore de Marcelline, celle qu'on appelait la
"Mère Jaud".
Elle allait pliée en deux, se cachant presque, pour se
réfugier dans le souvenir des jours heureux."
Me prenant dans ses bras, elle dit : "Oncle Henri est mort... Pour
la France."