un témoignage sur la famille d'Auguste
celui de Baptiste Chupin - 2001

 

"Je m'appelle Baptiste Chupin et je suis né le 12 juillet 1908, dans un village le long de la Moine, très éloigné de mon bourg de Montigné. J'ai donc 93 ans et réside actuellement en maison de retraite.
C'est avec plaisir (si l'on peut dire, car peut-on prendre du plaisir à l'évocation d'une guerre !) et beaucoup d'émotion que j'ai lu votre récit sur la "Grande Guerre".
J'ai pensé qu'en rassemblant mes souvenirs, je pourrais vous parler de ce qui se passa par la suite... Pour m'aider, j'ai sollicité l'aide de la "Savante Clotilde". Elle n'aime pas qu'on l'appelle comme ça ! Mais n'empêche qu'elle est la seule de Montfaucon à avoir eu son "bachot" en poche, chose rare à l'époque ! Il faut dire que sa famille faisait partie de ce que nous, à Montigné, appelions la "haute" de Montfaucon ! Nous nous sommes donc retrouvés, il y a quelques années, dans cet établissement pour personnes âgées. Le destin nous réserve tant de surprises ! Pour ma part, j'ai passé toute mon existence au travail de la terre, dans un village perdu au "fin fond" de la commune. Et maintenant, me voici, en compagnie de la "Savante Clotilde" ! Celle qui a parcouru le monde, vécu mille vies, prisonnière d'un savoir inaccessible à nous autres, "pauvres bougres" ayant quitté l'école à 12 ans. Mais je lui laisse la parole..."

 

 

 

 

Clotilde : "Et on dit que les femmes sont bavardes ! (…) Mais avant de parler avec Baptiste de tout ce que nous avons vu et entendu, remontant au plus profond dans nos mémoires, nous vous remercions d'avoir choisi cette période d'entre les deux guerres. C'est une époque mal connue, loin des beaux clichés du début du siècle où les hommes posaient dans leurs beaux habits du "dimanche" et les femmes avec leurs coiffes fraîchement repassées (…)"

Baptiste : "De nos soldats morts pour la patrie, j'ajouterai le seul souvenir que j'aie de cette guerre. J'avais six ans. Je revois encore le père Auguste Jaud, soutenu par Marie, sa femme.
Gravement malade, alité depuis de longs mois, il voulait absolument voir ses trois fils partir à la guerre !
"Lève-moi, avait-il dit, nos gaillards ont besoin de nous !"
Scène poignante d'une famille rendue si pauvre par la maladie !
Les trois garçons "gagés" étaient pourtant de rudes travailleurs. Et Marie, leur mère, faisait des "journées" pour subvenir aux besoins de la maison. François et Joseph, les deux plus jeunes, riaient en disant : "On les aura, ces sales Boches !"
Seul le fils aîné, Auguste, récemment marié à Marcelline Bousseau, pleurait.
II savait qu'on allait leur mettre un fusil dans les mains et les expédier en renfort à l'autre bout de la France !
Eux qui n'avaient jamais dépassé Tiffauges pour les gages de la Saint Jean !
Le père Jaud décèdera quelques mois plus tard.
Marie partit à St Germain et continua à faire des "journées".
C'est là qu'on lui apprit la mort au Champ d'Honneur, d'Auguste son fils aîné, le 12 novembre 1914, peu de temps après sa mobilisation.
Quand le maire, Victor Grégoire, vint la prévenir à son travail, en février 1915, du décès de ses deux autres fils, elle poussa un grand cri, en disant : "Non !"
Certains se rappellent encore de Marcelline, celle qu'on appelait la "Mère Jaud".
Elle allait pliée en deux, se cachant presque, pour se réfugier dans le souvenir des jours heureux."

 

 

 

 

Deux anciens, en route vers plus loin... Ni Auguste ni Marie.

"(...) Je revois encore le père Auguste Jaud, soutenu par Marie, sa femme. Gravement malade, alité depuis de longs mois, il voulait absolument voir ses trois fils partir à la guerre (...)"

 

 

 

Clotilde : "Des misères de la Grande Guerre, il me reste ce fait marquant et personnel qui troubla si fort l'enfant que j'étais alors. Dans le petit salon donnant sur le parc, je revois ma mère, le visage triste, contenant dignement un grand chagrin. C'est à peine si l'on apercevait le mouchoir qu'elle tenait dans sa main. Du haut de mes 9 ans, m'approchant d'elle, je lui demandai : "Maman, pourquoi pleurez-vous ?"
Me prenant dans ses bras, elle dit : "Oncle Henri est mort... Pour la France."

 

Association ASPPM (Sauvegarde et Promotion du Patrimoine de Montfaucon-Montigné) - 2001

 

 

 

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