Le
vison du Ciron est un petit animal si discret que, pendant nombre
d'années, il fut perdu de vue. Redécouvert avec
étonnement depuis une quinzaine d'années, il fait
l'objet d'études et de recherches. Sa population,
déjà très clairsemée,
décroît continuellement.
C'est un animal
nocturne qui vit dans le milieu aquatique et gîte sur des
endroits secs entourés d'eau dans les marais, étangs ou
rivières. C'est sa plus efficace protection contre son ennemi
de toujours, le renard qui lui n'aime pas se mouiller les pattes.
C'est une proie
facile car, trop confiant dans la sécurité de son
gîte, il n'a pas le réflexe de s'enfuir et de plus,
comme tous les mustélidés, il sent très
fort.
Le mâle adulte
pèse de 600 à 1 000 g et le femelle de 400 à 600
g. Dans les campagnes de piégeages, il est souvent confondu
avec le putois au pelage très voisin du sien. Sa marque
distinctive irréfutable est sa lèvre supérieure
blanche. Une belle tache blanche qui fait écrin aux narines
très foncées et lui donne un petit air amical.
Il s'identifie
très bien avec la Vallée du Ciron, discrète,
calme et bientôt protégée. Il pourrait en
être la mascotte et donner son image au service de
l'idée.
Dessin de Jean
Chevallier
extrait de Inventaire de la faune de France, Nathan-MNHN, Paris,
1992
La femelle donne
naissance à une portée de deux ou trois petits par
année. Sa durée de vie est vraisemblablement de trois
ans en moyenne. C'est donc une espèce très peu
prolifique.
Parfaitement
solitaire, le vison mâle ne rencontre la femelle que pour
l'accouplement. Par contre, il peut parcourir des distances
importantes pour la retrouver. Un vison du Ciron a pu être
suivi jusque sur la Leyre, à l'entrée du Bassin
d'Arcachon et retour.
Ce petit animal, qui
se nourrit essentiellement de grenouilles, mérite bien
d'être protégé, d'être sauvé, de
continuer à habiter notre Vallée et de peupler ainsi sa
partie mystérieuse, source d'histoires merveilleuses
destinées aux enfants que nous sommes tous restés.
Texte de
André Cochet, sur l'intervention à Bommes, en juin
2003,
de M. Fournier, vétérinaire chargé du suivi du
vison d'Europe
Le Vison
dEurope, Mustela lutreola, est une des espèces de
mammifères carnivores les plus menacées au monde.
La France possède, en commun avec lEspagne, la seule
population dEurope occidentale mais celle-ci connaît un
déclin rapide.
Sa sauvegarde constitue un des principaux enjeux de conservation du
patrimoine naturel de notre pays. En 1999, le Ministère de
lAménagement du Territoire et de lEnvironnement a
mis en uvre un plan national de restauration pour cette
espèce.
une
espèce en voie de disparition
|
Au siècle
dernier, le Vison dEurope était signalé dans la
majeure partie de lEurope à lexception de la
péninsule scandinave, des îles britanniques et des pays
méditerranéens.
Depuis, il na cessé de régresser, disparaissant
tour à tour dAllemagne, de Hongrie, de
Tchécoslovaquie, dAutriche, de Hollande, de Pologne et
dUkraine.
Actuellement, il ne subsiste que des noyaux de population
dispersés qui présentent pour la plupart des effectifs
réduits. Le plus important, estimé à environ 40
000 individus, est situé en Russie centrale et orientale.
Répartition du
Vison d'Europe :
historique en jaune
actuelle en orange
Le noyau occidental,
localisé dans le sud-ouest de la France et le nord de
lEspagne, est le plus isolé, à plus de 2 000 km
des visons les plus proches de lest de lEurope.
En France, la régression a été très
rapide. Au début du vingtième siècle, il
était signalé dans 38 départements et il semble
quil ait été relativement commun.
Dans les années 50, il ne se rencontre plus que dans la
moitié occidentale du pays, de la Bretagne aux
Pyrénées occidentales.
Dans les années 80, il nest plus signalé que sur
un peu plus du dixième du territoire national.
Répartition du
Vison d'Europe en France :
1980 en vert et jaune
1997 en jaune
De 1991 à
1997, une étude fine de sa distribution a été
menée par le groupe de travail sur la répartition du
Vison dEurope.
Les campagnes de capture réalisées dans 17
départements de la façade atlantique ont montré
que la situation du Vison dEurope en France était
particulièrement préoccupante puisque de nos jours, il
se retrouve confiné à seulement 7 départements :
la Charente, la Charente-Maritime, la Dordogne, la Gironde, le
Lot-et-Garonne, les Landes et les Pyrénées Atlantiques,
soit une régression daire de plus de 50% en moins de 20
ans.
A ce jour, aucune estimation des effectifs de la population
française ne peut être donnée. Il est toutefois
probable que le nombre dindividus se compte en centaines
plutôt quen milliers.
mais
quel est donc ce petit mustélidé
?
|
Le vison
dEurope présente une morphologie typique de
mustélidé : corps élancé, pattes courtes,
cou peu différencié, tête
légèrement aplatie, museau assez court, oreilles peu
saillantes.
On le reconnaît essentiellement à son pelage brun
"chocolat", uniforme, avec un poil de bourre gris.
Lextrémité de la queue et les pattes sont plus
sombres, presque noires. Seuls le menton et la lèvre
supérieure présentent une tache blanche.
Il peut facilement être confondu avec des putois sombres chez
qui le masque facial a totalement disparu. Le critère de
distinction le plus constant est alors la couleur jaune du poil de
bourre chez le putois.
On peut également le confondre avec le vison
dAmérique, élevé en France pour sa
fourrure depuis lentre-deux-guerres et qui sest
implanté dans de nombreuses régions à partir
dindividus échappés des élevages.
Les deux espèces ont la même couleur et la même
allure générale, mais le Vison dAmérique
est nettement plus gros. Le critère de distinction le plus
utilisé est la forme de la tâche blanche du museau qui
nest jamais présente sur la lèvre
supérieure chez le Vison dAmérique.
Comme beaucoup de
mustélidés, les visons dEurope sont des animaux
territoriaux dont les sexes vivent séparés la plus
grande partie de lannée.
Les mâles et les femelles ne se rapprochent quau moment
de laccouplement qui se déroule essentiellement en
janvier-février. La durée de la gestation varie de 35
à 72 jours, car il peut exister un phénomène
dovo-implantation différée.
Les naissances ont lieu en mai juin. Il ny a quune
portée par an, de 2 à 7 jeunes. Les jeunes sont
allaités pendant une dizaine de semaines et se séparent
de la mère à la fin de lété.
La maturité sexuelle est atteinte vers lâge de 1
an.
Le Vison
dEurope est souvent qualifié danimal
semi-aquatique car, bien quil passe la plupart de son temps sur
la terre ferme, il évolue presque exclusivement à
proximité de leau.
On le rencontre sur des petites et moyennes rivières, le long
desquelles il exploite tous les types de zones humides, y compris
dans des agro-systèmes très artificialisés.
Les milieux utilisés peuvent être regroupés en
cinq grandes catégories : les cours deau forestiers, les
boisements inondables, les marais, les prairies humides et les
ruisseaux traversant les zones agricoles.
une
espèce inféodée aux zones
humides
|
Afin de mieux
connaître le mode dutilisation de lespace et les
exigences écologiques du Vison dEurope, un programme de
suivi par radiopistage a été conduit de 1996 à
1999 dans les Landes de Gascogne.
Ce travail a permis de suivre les déplacements des animaux, de
définir les types de milieux fréquentés, de
localiser les gîtes et de récolter des excréments
pour étudier leur régime alimentaire.
Lensemble des résultats a montré que :
- le Vison
dEurope est une espèce exigeante en espace : les
domaines vitaux peuvent sétendre de 2 à plus
de 13 km de cours deau
- les animaux ne
fréquentent quexceptionnellement la pinède et
utilisent presque exclusivement les milieux inondables de fond de
vallée
- le degré
dinondation semble un critère dominant dans le choix
des habitats.
Quatre types
dhabitats ont été
préférentiellement fréquentés par les
visons au cours de leurs périodes de repos (gîte), comme
au cours de leurs phases dactivité :
- les
aulnaies-saulaies à sous-étage clair
- les
aulnaies-saulaies à grands carex
- les marais
ouverts
- les étangs
et cours deau.
gîte de Vison
d'Europe dans une touffe de carex
La majorité
des gîtes étaient situés à même le
sol, à labri dune végétation dense,
constituée le plus souvent par des grosses touffes de Carex
paniculata ou de Molinia caerulea, mais également de
ronciers.
Les autres gîtes étaient situés dans une
cavité entre les racines dun arbre, dans un terrier, sur
une souche darbre recépé
(généralement daulne), sous un tas de bois, dans
un tronc creux ou sous le plancher dune cabane.
90% des gîtes se trouvaient à moins de 5 mètres
dune zone deau libre (ruisseau, étang, marais).
Près dun tiers des gîtes était totalement
entouré deau et seulement 30% des gîtes se
trouvaient en zone totalement sèche.
Les analyses du
régime alimentaire ont montré que celui-ci est
dominé par quatre types de proies fortement liées au
milieu aquatique :
- les amphibiens,
essentiellement des grenouilles
- les
mammifères essentiellement représentés par
des rats ou des campagnols amphibies
- les oiseaux et
les ufs
- les poissons
parmi lesquels dominent les cyprinidés.
quelles
menaces pèsent sur le vison d'Europe
?
|
La régression
générale du Vison dEurope a fait lobjet de
plusieurs analyses qui sont interprétées
différemment selon les spécialistes.
A ce jour, il na pas pu être mis en évidence une
cause unique qui pourrait expliquer à elle seule le
déclin de lespèce. Il est probable que celui-ci
soit dû à la conjonction de plusieurs facteurs agissant
en synergie.
Quatre causes
principales sont généralement
évoquées.
la
destruction des
habitats
|
La destruction des
zones humides, qui sest considérablement
accélérée dans la seconde moitié du XXe
siècle, a sans aucun doute été très
défavorable au Vison dEurope.
Lla dégradation récente de nombreux milieux naturels
(pollutions, artificialisation de la végétation
)
sest par ailleurs traduite par une baisse globale de leur
capacité daccueil pour lespèce.
les
destructions directes
|
Au cours du XXe
siècle, le piégeage pour la fourrure a joué un
rôle majeur dans la régression du Vison dEurope.
Lespèce est protégée depuis 1976, mais
dans certaines régions, des animaux ont continué
à être détruits accidentellement, par
confusion.
En Bretagne par exemple, les campagnes massives de destruction de
visons dAmérique ont probablement joué un
rôle important dans la disparition du Vison dEurope.
Dans les départements où le Putois est classé
"nuisible", il existe également un risque derreur
didentification de la part des piégeurs.
Certaines infrastructures routières peuvent également
être meurtrières. Même si le nombre total de
visons victimes de collisions est difficile à estimer, tout
facteur supplémentaire de mortalité
sexerçant sur des populations fragiles peut conduire
rapidement à une situation irrémédiable.
Enfin, les campagnes dempoisonnement des rongeurs
déprédateurs constituent également une menace
bien réelle. En effet, ces rongeurs constituent des proies
potentielles du Vison dEurope et des intoxications secondaires
par consommation dindividus empoisonnées ont largement
été mises en évidence chez les carnivores.
la
compétition avec le Vison
d'Amérique
|
Le Vison
d'Amérique tend à s'étendre de plus en plus en
France et il est probable que, si rien nest fait, il colonisera
à terme la totalité des réseaux hydrographiques
encore occupés par le Vison dEurope.
Sa présence nest pas souhaitable car il occupe la
même niche écologique que le Vison dEurope et il a
un effet indirect très défavorable sur celui-ci, du
fait des dégâts quil occasionne dans les
piscicultures et les élevages agricoles.
Dès quil est présent, des campagnes de
destruction sont organisées et il y a alors un risque
important de confusion entre les deux espèces.
l'action
d'agents pathogènes
|
Depuis quelques
années émerge lidée que la chute des
effectifs de visons dEurope pourrait résulter au moins
en partie de problèmes pathologiques.
Une des hypothèses serait que le Vison dAmérique
aurait introduit un agent infectieux auquel il résisterait
lui-même relativement bien, mais qui décimerait les
populations de visons dEurope déjà
fragilisées.
La maladie aléoutienne est en particulier bien connue pour
affecter les élevages de visons dAmérique mais de
nombreuses autres pathologies peuvent également être
incriminées.
le
plan national de restauration du Vison
d'Europe
|
Face à
lurgence de la situation, le Ministère de
lAménagement du Territoire et de lEnvironnement a
mis en place un plan national de restauration, prévu pour une
période de cinq ans (1999-2003). Son ambition est non
seulement de stopper le déclin actuel, mais également
de permettre la recolonisation dau moins une partie des
territoires perdus ces dernières années.
Christine
Fournier et Pascal Fournier (GREGE)
Extrait de VISON infos n°1
Bulletin dinformation du plan national de restauration du Vison
dEurope
édité par la DIREN Aquitaine, 95, rue de la
Liberté
33 073 Bordeaux cedex
Téléphone : 05 56 93 61 00
Les
photos qui illustrent cette page sont de Pascal Fournier.
Et l'on se prend
à rêver... voir revivre dans la Vallée du Ciron
toutes ces bestioles sauvages qui donnent, par leur
découverte, tant d'agrément aux
promenades.
Source :
http://www.vallee-du-ciron.com/Documents/Nouvelles/N73.htm
Je
suis Mustil Quansa, vison d'Europe, présent dans la
Vallée du Ciron où je fus bien longtemps
ignoré, et parfois confondu avec le putois
juvénile, et piégé pour ma fourrure,
chassé de mes territoires par mon cousin le Vison
d'Amérique, envahissant, méchant,
prédateur.
Avec ma
compagne Mustelle, nous menons une vie discrète,
très peu d'humains actuels peuvent se vanter de nous
avoir vus, sauf quelques dépouilles de nos parents
écrasées sur les routes.
Nous
élevons nos petits dans nos territoires de
prédilection que sont les zones humides, marais,
tourbières, aux abords de la rivière et de
l'eau vive. Nous y trouvons notre subsistance faite de
grenouilles, vers de vases, limaces, etc. Ces territoires
tendent à se réduire par l'industrie des
hommes qui drainent, assèchent, mettent en culture,
nous les enlèvent et nous en chassent.
En
écoutant les pêcheurs discutant au bord de la
rivière, nous apprîmes que des bonnes
volontés s'intéressaient à notre sort
et voulaient nous protéger, "Natura 2000"
disaient-ils. "Natura 2000", directive destinée
à préserver les "habitats", nos lieux de vie
et nous permettre d'envisager l'avenir avec
espoir.
Avec nos
voisines, la Tortue Cystude d'Europe, la Loutre, la
Salamandre, la Libellule bleue-nuit et mille autres
espèces vivant en ces lieux, nous avons fait la
fête et vécu plus de dix années dans
cette espérance d'une vie préservée.
Las, de
nouveaux pêcheurs parlent d'une "continuité
écologique" qui se manifesterait par la destruction
de tous les barrages de la rivière, des plans d'eau
qui alimentent nos zones humides. Dans cette vallée
de sable, l'eau ne reste que si elle est
retenue. Ôtez les barrages et tout sèche
alentour.
Le
désespoir inonde notre cur. Qu'avons-nous fait
à ces humains pour qu'ils nous traitent ainsi ? Nous,
de toutes les espèces, qui faisons la vie de notre
rivière, nous sommes condamnés car nous ne
pouvons vivre sur des bords d'oueds.
Mustil et
Mustelle Quansa, au nom des sacrifiés de la
Vallée, avant de mourir, vous saluent.
pétition
à soutenir
|
https://www.stleger.info