Février 1944 à Saint Léger Vauban (2/2)

 

 

 

Témoignages

 

7 novembre 2001
Témoignage de Madame CHIROL, née Renée BRIZARD, de Ruères

Lors de la rafle du 2 février 1944, mon père, BRIZARD Marie, ma mère, BRIZARD Marthe (née ROBERT), furent arrêtés et emprisonnés à Auxerre où ils restèrent jusqu'en mai 1944.
Ensuite, déportés en Allemagne, mon père à Buchenwald, ma mère à Ravensbruck, nous sommes restés sans nouvelles d'eux jusqu'à mai 1945.
Lorsque mon père fut de retour, nous pensions tous que notre mère n'avait pu survivre aux épreuves endurées.
Puis, un beau jour de ce mois de mai, le téléphone sonna. On appelait de Paris. C'était Maman...

Le 8 février 1944, ma sœur aînée, BRIZARD Andrée (qui épousera plus tard Albert MUCHER), 24 ans, et moi, BRIZARD Renée, 18 ans et demi, avons été arrêtées à notre tour.
D'abord détenues à Saint Léger Vauban : Andrée dans la maison VALTAT occupée par les miliciens francistes de Bucard, moi dans la maison du docteur Henri CHEVILLOTTE occupée par les Allemands.
J'ai été interrogée et menacée. Ils recherchaient Armand SIMONNOT (THEO). Si je ne répondais pas, mes parents seraient fusillés... Je n'ai pas répondu.

Puis les Allemands nous amenèrent à leur prison d'Auxerre.
Ils avaient réquisitionné le car assurant le service Saint Léger-Avallon.
Avec Andrée et moi, il y avait : BRIZARD Fernand, conseiller municipal - BRIZARD Louis, son fils et NOEL Gaston (qui mourra en déportation), beau-frère de Louis BRIZARD.
Nous sommes arrivés dans la nuit, vers deux heures du matin. Il faisait très froid. Pour Andrée et moi, nous avions un tout petit lit, trois couvertures et pour notre toilette une cuvette d'eau et quelque chose qui ressemblait à une serviette.
Les Allemands parlaient de contrats à signer pour aller travailler en Allemagne.
Quelques jours plus tard, ils nous libérèrent.

Durant cette incarcération, les prisonnières essayaient de communiquer entre elles. La porte de notre cellule avait une petite ouverture ce qui permettait de s'adresser aux emprisonnées de l'autre côté du couloir.
Ainsi avions nous appris que notre mère s'y trouvait au secret.

Complément d'information (N.D.L.R.) :
Dans les archives de la Pierre qui Vire et en deux sources différentes, il est précisé que les MULLER sont suppliciés. Dans la maison VALTAT où Andrée BRIZARD est emprisonnée par les Francistes, elle est terrorisée par les cris de douleur de Madame MULLER. Sautant par la fenêtre, elle rejoint sa sœur gardée par les allemands dans la maison CHEVILLOTTE.
L'adjudant, chef du détachement, ne la renvoie pas, et décide de conduire les deux sœurs à la prison d'Auxerre. "Là, vous serez en sécurité" leur dit-il.

 

5 novembre 2001
Témoignage de Monsieur Raymond BRIZARD, du Bon Rupt

Le 1er février 1944, Armand SIMONNOT (THEO) s'était attardé à Quarré les Tombes.
Le 2 février au matin, il se réveilla plus tard que d'habitude. Avant de prendre son travail à la scierie de Marie BRIZARD, il soignait quelques bêtes. Quand il voulut vaquer aux tâches qui lui incombaient, adossé à la porte de son nouveau domicile situé de l'autre côté de la route, un soldat allemand en armes ! Au-delà, une douzaine de soldats avec capotes, casques et fusil Mauser en main, conduits par 2 civils, l'un chapeau et gabardine mastic, l'autre chapeau et gabardine bleu marine. Ils encerclent la scierie où THEO aurait du se trouver.
Celui-ci de s'habiller rapidement, de bondir par l'arrière de la maison. Saisissant une brassée de bois, minimisant sa taille, prenant l'allure d'un homme âgé, il se laisse glisser de jardin en prairie. Par Ferrière et les bois, il rejoint le groupe Vauban à la chapelle Saint Pierre, près de Saint Agnan (Nièvre).
Il y retrouve huit hommes.
Bientôt ce groupe comptera 12 hommes et quittera ce secteur le 20 février pour regagner Ravières (Côte d'Or).

 

 

 

Hommages

 

René Rimbert

Lorsque le samedi 29 octobre 1983 fut dévoilée la plaque de l'Association des Anciens Combattants de la Résistance apposée sur la maison où il vécut, l'ancienne épicerie du Montoir, que d'émotions, de recueillement, de tristesse.

Au premier rang, les deux sœurs de René RIMBERT accompagnées de leurs époux et de membres de la famille sont accueillis par Madame GARNOTEL.
Madame CHIROL, fille de Marie et Marthe BRIZARD et Madame Berthe GILBERT dévoilèrent la plaque. Après une minute de silence et un dépôt de gerbe, Monsieur Armand SIMONNOT (THEO) prit la parole et évoqua le souvenir de René RIMBERT.

D'abord envoyé à Saint Benoit sur Loire par l'Abbaye de la Pierre qui Vire - ce qui le mettait à l'abri du S.T.O. - René ne supporta pas cette solution de sauvegarde et revint au pays.

Engagé dans la résistance dès juin 1942, il fut inscrit au groupe F.T.P.F. de Saint Léger Vauban sous le matricule 6.016. Il effectua de nombreuses missions.

Après son arrestation lors de la rafle du 2 février 1944 commença un terrible calvaire. Prison d'Auxerre, prison du Cherche Midi, camp du Struthof (Alsace), déportation à Breslau en mai 1944 puis Gross Rosen en janvier 1945.

A l'évacuation du camp, début février 1945 il est dirigé en convoi et à marche forcée vers le camp de Dora. Il disparaît pendant ce transfert.

 

 

Les malheureux parents s'échangeront des courriers avec trois survivants. Tous parlent de René, leur camarade de misère disparu comme tant d'autres. L'un d'eux précise : " Le convoi fut le plus terrible que j'ai pu connaître. "

Et Armand SIMONNOT de souligner que ce jeune catholique pratiquant avait compris qu'au dessus des différentes conceptions philosophiques, religieuses, politiques, se plaçait la liberté de son pays. Né le 13 mai 1921, René RIMBERT avait 18 ans à la déclaration de la guerre 1939-1945 et pas encore 24 ans à sa disparition !

Le cortège se rendit ensuite devant la plaque d'Albert VISINAND, du maquis Camille et au monument aux morts du village pour y déposer une gerbe. Ci-dessous, titre et photo de l'Yonne Républicaine du 4 novembre 1983. Armand SIMONNOT (THEO) est le dernier, en bas à droite :

 

 

Albert Visinand

A l'issue de la cérémonie à la mémoire de René RIMBERT, Monsieur Albert VISINAND fut honoré. Qui était-il ?

Le 18 juillet 1976, il est cité dans le témoignage de "THEO" sur le maquis Vauban lors de l'inauguration de la stèle à la Chapelle Saint Pierre de Saint Agnan (canton de Montsauche, Nièvre).

"Trente camarades n'ont pu, pour des raisons de force majeure, rejoindre le maquis Vauban. Ainsi le sous-lieutenant Albert VISINAND ... coupé de l'organisation F.T.P.F., à la suite des événements du 2 février 1944 à Saint Léger Vauban et que j'ai retrouvé au maquis du Commandant Camille."

 

"En ces lieux ont hiverné de novembre 1943 à février 1944
les maquisards du Groupe Vauban F.T.P.F. de l'Yonne"

 

Entré le 1er novembre 1942 dans la résistance, au premier groupe du secteur de Saint Léger Vauban (Yonne) sous le matricule numéro 36.023.
Nommé responsable du matériel sous les ordres du Lieutenant SIMONNOT.
Missions : récupération et transports d'armes, munitions et explosifs jusqu'au 6 juin 1944, date à laquelle il reçut l'ordre de rejoindre le maquis "Camille". Il participera alors à toutes les attaques contre l'ennemi dans les régions de Crux la Ville, Dornecy, Lormes, et sera nommé sous-lieutenant au maquis.

Né le 26 avril 1899 à Dijon, il s'était engagé pour la durée de la guerre (celle de 14-18) le 6 mai 1916 à Dijon. Matricule 1623, il fut incorporé au 134e R.I. de Mâcon le 7 mai 1916 et se retrouva aux armées en septembre 1916. Fut démobilisé au 27e R.I. de Dijon le 26 septembre 1919. Médaillé de la Marne, inscrit sur le livre d'Or des soldats de Verdun, bornons-nous à sa citation du 30 octobre 1918, 52e division, Infanterie-Etat Major : "Soldat d'un courage remarquable. Le 12 octobre 1918, notamment, a participé à une reconnaissance difficile dans un ravin encore occupé par des mitrailleuses ennemies. Toujours volontaire pour les missions périlleuses".

Cet homme de courage, aux convictions laïques et républicaines qu'il affichait, marié, père d'une famille de 6 enfants et donc exempt de toute obligation militaire, fut rappelé sous les drapeaux, à sa demande, le 20.02.1940 et démobilisé le 20.08.1940.

Il n'admit pas la défaite et entra donc en résistance dès novembre 1942 ce qui l'amena, par sécurité, à abandonner ses occupations professionnelles au printemps 1943.

Son souvenir est rappelé par cette plaque apposée en août 1969 sur ce qui fut sa demeure au 29, rue de Rouvray et gravée par Emile PROUDHON, le Père ROBERT du groupe Vauban.

Comme nous l'écrit sa fille, Madame RANCHET, par courrier du 29 septembre 2001 : "Mon père était un homme très droit, très honnête, très courageux, plein de tendresse..."

 

 

Le Rat-Vougeot
N° 5 - Octobre 2002

 

La double inauguration de l'Espace Armand Simonnet

Nous avons choisi ce jour de commémoration de l'appel du 18 juin 1940 pour rendre hommage à l'un de nos résistants, Armand SIMONNOT.
En donnant son nom à cet espace sportif nouvellement créé, nous honorons et respectons sa mémoire.
Ceux qui l'ont connu se souviennent de cet homme fidèle et dévoué. Ce dévouement s'est manifesté au cours de la guerre 1939-1945. Il a été le premier franc tireur et partisan français de l'Yonne et chef du maquis Vauban.
Là, son personnage est entré dans la légende. Le Musée de la Résistance à Saint Brisson et la Maison Vauban font état de cette épopée.
Si Armand SIMONNOT était un homme modeste et en parlait peu, le lieutenant THEO restera dans notre mémoire.

Gisèle RICHARD, Maire

 

Inauguration officielle

Pourquoi avoir choisi ce 18 juin 2002 à 14 heures 30 ?
L'heure : afin que les enfants des deux classes de l'école participent à cette cérémonie.
Le jour : pour honorer le souvenir d'Armand SIMONNOT dont le comportement durant les hostilités 1939-1945 fut dans la droite ligne de l'appel du 18 juin 1940.
La plaque dévoilée par STEPHANIE et PIERRE, la minute de silence respectée, le discours du maire prononcé, une voix enfantine de s'élever : "Pourquoi on ne coupe pas le ruban ?"
L'autorisation de la Directrice libéra gamines et gamins.

Ils rêvaient de fouler la pelouse. Ils s'égayèrent en un envol de liberté, cette liberté pour laquelle Armand SIMONNOT avait tant œuvré.
Cette épopée, retracée au Musée de la Résistance de Saint Brisson, évoquée avec le maquis Vauban à l'exposition de Maison Vauban, le lieutenant THEO ne s'en targuait pas.
Tout au contraire, à l'autre bout de l'horizon où il se situait : la modestie, le silence.
Une interview de l'Yonne Républicaine de l'été 1983 le montre assis dans son jardin. Souriant, il évoque des souvenirs de joie : "Deux sous le tour de manège. .. Il y avait aussi le beau dimanche..."

Ainsi la simplicité recherchée par la municipalité respectait parfaitement ce trait dominant de modestie.
Ce qui n'excluait pas l'émotion : voir, les enfants avancer en bon ordre et prendre respectueusement place, le drapeau s'abaisser, entendre les mots du Maire...
Et, en réaction, la joie.
Bravo et merci à celui qui, demandant pourquoi on ne coupait pas le ruban, ouvrit ainsi la cage aux oiseaux survolant la pelouse vierge.

 

Inauguration sportive

Premiers ébats sportifs sur l'espace Armand SIMONNOT pour une journée foot le 24 août 2002.
Parfaite réussite récompensant l'équipe du Comité des Fêtes et qui laissera à tous les acteurs le souvenir d'une chaleureuse journée conviviale.

Dix équipes engagées honorant le football par leur joie de participer et leur sportivité.
Emergence des éléments féminins et cela dès le concours des tirs au but pour les moins de 1.50 m : Amélie, première devant Yoann, Antoine, Delphine, Camille (bambin).
Et, si les Trinquilles, de Jean-Marc, emportèrent le Prix du Fair-play, ils le doivent à l'harmonie de leur équipe mixte. En fait, ce titre honorifique fut le plus disputé, tant, et il faut le souligner, toutes les équipes furent sur ce plan au diapason.

Podium sportif :
1er - Les Touristes, de Loïc. Venant de Côte d'Or, ils avaient franchi le Vernidard.
2e - Les D.J.X. 92, de Frédéric, aux couleurs de Paris Saint Germain
3e - Les Caïds, de Maxime, aux couleurs du Rat-Vougeot, l'une des trois équipes du village.

Bravo et merci à toutes et à tous !

 

 

D'autres sites pour en savoir plus :

Sur ce même sujet, lire (entre autres) "les exactions de miliciens francistes à Saint-Léger-Vauban" sur le site de l'Association pour la Recherche sur l'Occupation et la Résistance dans l'Yonne :


l'excellent site de l'association "Mémoires Vivantes du canton de Quarré les Tombes", créée en avril 2002 :

Ne pas négliger le chapitre sur l'occupation hitlérienne et la Résistance

 

A lire aussi "La vie dans l'Allemagne Nazie - 1943-1945 - C’est là que j'étais" par Jean Edmond
Un ancien du STO se souvient - il y est question de St Léger Vauban

 

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