16. la rue des abriques

 

pour revoir le plan et l'itinéraire

Elle porte bien son nom puisqu'elle comptait nombre d'activités artisanales et industrielles : tannerie, brasseries... mais aussi les maisons d'habitation des patrons de ces entreprises.

L'une d'elles (n° 17) fut construite vers 1830 par le premier bourgmestre de Saint-Léger après l'indépendance de la Belgique. Nicolas Joseph Lamouche était à la fois propriétaire de la tannerie et d'une brasserie (n° 7).
Une autre (n° 9) était la demeure d'un autre brasseur, Jean-Joseph Henry, qui exerçait son métier dans les immeubles portant actuellement les n° 11 et 13.
En face se situaient les ateliers, bureaux, remises et autres bâtiments annexes. C'est la brasserie Vériter, successeur de Henry, qui resta dans la rue la dernière activité industrielle. Elle ferma ses portes en 1940.

Cet ensemble à l'architecture typique du 19e siècle a malheureusement été fortement modifié par la suite, mais quelques vestiges de façades anciennes permettent encore d'imaginer l'atmosphère de l'époque.

Le dernier immeuble de la rue est un magnifique lavoir couvert du 19e siècle qui n'est plus que très occasionnellement utilisé pour les besoins ménagers.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Denise Recht-Blanchouin, ouvrière et employée
à l'ancienne brasserie Vériter

Née le 26 février 1913 à Saint-Léger, d'un père français, Denise Recht-Blanchouin a connu l'apogée de la brasserie Vériter de Saint-Léger, puis sa lente mise en bière, après la seconde guerre. Il est vrai qu'elle a débuté son travail à 15 ans ; elle n'avait guère le choix.

Tous ces souvenirs, Denise les garde intacts et vous en parle comme s'ils dataient d'hier. Son père - dont elle ne garde que des souvenirs sinistres - était parti comme soldat à la mobilisation. En 1914, un obus lui déchira une jambe et il dut se faire amputer dans un hôpital en France. Il ne revint jamais à St-Léger, ou presque.

"Ma mère n'avait pas d'argent pour aller le voir et c'est ma cousine française qui lui rendait visite. Ensuite, elle se maria avec lui et ils eurent deux enfants" commente Denise. Ma mère qui n'avait droit à aucune allocation travailla dès lors "à la journée", dans les champs ou en faisant des lessives. Nous habitions chez notre grand-mère qui tenait un café-épicerie (...)"

 

le travail à la bouteillerie
.

(...) C'est en octobre 1928 que Denise rentra chez Vériter comme ouvrière. "On devait gagner environ 9 francs par jour mais on ne nous retenait rien, dit-elle. Il est vrai qu'il fallait peut-être seulement 10 sous pour acheter un pain."

Denise connut l'âge d'or de la brasserie, sous la direction de Paulin Vériter. Mais il mourut quelques années après et les choses changèrent sous la conduite de son fils Louis. Avec la guerre, bien du matériel fut cassé ou volé, et Louis dut ensuite tout vendre, pour cause de faillite.

Si Denise n'a guère de souvenirs de la salle de brasserie, pour n'y avoir été que rarement, elle se souvient parfaitement de l'organisation à l'embouteillage : "Il y avait dans cette salle une grande machine de 2 mètres de large et haute comme une pièce. On y plaçait les bouteilles qui descendaient dans l'eau, dans laquelle on avait ajouter du permanganate de phosphate, je crois ; elles trempaient un court moment. A la sortie, un second ouvrier les récupérait pour les replacer sur une machine à brosse qui les lavait. Elle fonctionnait déjà à l'électricité. Ensuite, une autre machine les rinçait.
Je me trouvais au bout de cette chaîne. Il y avait à proximité une lampe assez forte qui me permettait de mirer les bouteilles. Et heureusement, car parfois, malgré tout ce processus, on retrouvait de grosses limaces coincées dans le fond de la bouteille. C'était dégoûtant.
Je plaçais ensuite les bouteilles dans la soutireuse. C'était une machine assez dure. Il s'agissait bien sûr de bouteilles de 3/4, à bouchon mécanique en faïence. Une fois qu'elles étaient remplies, un 4e ouvrier les fermaient manuellement.
Du temps du père Vériter, il n'y avait pas d'étiquettes. Puis Louis s'est mis en tête qu'il en fallait. Un 5e ouvrier devait dès lors se placer au bout de la chaîne. Comme les bouteilles étaient humides, il poussait simplement les étiquettes dessus. Les caisses étaient ensuite acheminées vers la réserve."

Selon Denise, deux types de bières étaient fabriqués. La bière de table, en version blonde et aussi en brune, ainsi que du Bock, une bière blonde plus forte et plus savoureuse. Mais nous ne savons pas si cette bière s'appelait, comme le montre notre illustration, de la Sterck. Toutes ces bières étaient conditionnées en bouteilles de 3/4. Le Bock était aussi soutiré en tonneaux.

Ce ne sont pas les patrons qui brassaient. Denise se souvient d'un Léonard Bonin qui effectuait ce travail, sous la houlette d'un chef brasseur allemand, du nom de Koeninck. Le brassage se faisait tous les deux jours. Les Vériter fabriquaient aussi de la limonade. La soutireuse n'était pas la même que pour la bière ; elle était plus petite, à 3 becs : "Ils achetaient du sirop de sucre en tonneau. On mettait des rations dans chaque bouteille. Il y avait de la blanche, de la jaune et de la rouge, à base de grenadine. Quand on ne mettait pas en bouteilles, je lavais les tanks en tôle émaillée. Je rentrais par le "trou d'homme". Il y avait dans le fond une épaisse couche de levure. J'avais des gants, des bottes et une combinaison en caoutchouc. Il y faisait froid et ça puait."

 

le passage au bureau

Denise travailla ensuite au bureau, où le travail était moins rude, mais aussi moins gai, car elle travaillait seule : "Quand j'ai commencé, je me souviens qu' il y avait trois gros camions de livraison, un petit pour les déplacements proches et une charrette à cheval pour la livraison dans Saint-Léger. Les gens gardaient chez eux pas mal de casiers (en bois ou en zinc) et de bouteilles. Rien n'était cautionné. A l'époque, les bocaux de conserve étaient bien rares. Les bouteilles venaient à point ; on y mettait des myrtilles, des haricots et. de la rhubarbe coupée en petits morceaux. C'était moins difficile à sortir qu'on ne croit. Louis décida alors de numéroter tous ses casiers. Mon rôle était de noter tous ceux-ci, au départ de la brasserie et au retour des livreurs. Nous étions dans les années 30. Chaque village avait ses fiches et le camionneur notait aussi le village livré, le nom du client et le numéro des caisses déposées. C'était pareil avec les tonneaux. Les gens du village venaient parfois s'approvisionner avec une brouette. Je devais également noter et facturer."

Puis vint la guerre. Denise alla encore en 42-43 faire l'inventaire du matériel volé ou détruit. Après 45, les Vériter commandèrent encore de la bière de l'intérieur du pays, alors qu'ils faisaient encore de la limonade, puis ce fut la mise en vente des bâtiments et la fin d'une époque.

Source : Jean-Luc Bodeux in "Le Gletton, mensuel de la Gaume et d'autres collines" - n° 236 - novembre 1995

 

 

 

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au premier plan, à gauche, le lavoir couvert de Choupa - pour un agrandissement, cliquez ici

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

quelques mots gaumais

Lu dans ce même n° 236 du Gletton, ces quelques mots du patois français-lorrain de la Gaume :

  • Pôrtche : tas de fumier devant l'étable
  • Posture : statuette, objet décoratif que l'on place sur un meuble ou une cheminée
  • Pote : moue
  • Potèt : nid de poule dans un chemin
  • Potêye : quantité de pommes de terre hâtives arrachées en une fois pour les besoins journaliers du ménage
  • Potré : museau d'un animal - figure (trivial)
  • Pouché : porc - personne malpropre
  • Pouchel'rie : saleté
  • Pouchlan : cochon de lait
  • Pounasse : lit rarement fait et sale
  • Pounî : homme qui fait volontiers des travaux féminins
  • Pouy 'trie : basse-cour
  • Preunè : demander sans cesse et avec insistance
  • Pûji : puiser - (se) mouiller les pieds lorsqu'on est chaussé
  • Pwarèt : mélasse, sirop
  • Qua choûque qui fât ! comme il fait froid !
  • Rabisè : revenir très vite, surtout les vaches piquées par les taons regagnant l'étable en vitesse
  • Rabistoquè : réparer sans soin, à la hâte, un objet en mauvais état
  • Raboulè : revenir sans tarder
  • Rabrassî : embrasser
d'autres mots wallons :

 

 

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